Sixième Chambre R.G : 03/05665 Mme X...
Y... épouse Z...
A.../ M. Joseph Z...
B... partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRKT DU 10 MARS 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller, Madame Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Madame Agnès C..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : En chambre du Conseil du 04 Janvier 2005 devant Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRET : Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président,à l'audience publique du 10 Mars 2005, date indiquée à l'issue des débats. [**][**]
APPELANTE : Madame X...
Y... épouse Z... née le 14 Aoft 1953 à TEILLAY (35620) 3 rue du Porche 35410 CHATEAUGIRON représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Isabelle ALEXANDRE, avocat Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2003/07657 du 10/11/2003 INTIMÉ :
Monsieur Joseph Z... né le 04 Janvier 1950 B CHAUMERE (35113) La Lande en Chaumeré 35113 DOMAGNE représenté par la SCP CASTRES COLLEU PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués assisté de Me GOBBE, avocat EXPOSE DU LITIGE
Joseph Z... et X...
Y... se sont mariés le 12 octobre 1973 B Teillay, sans contrat préalable.
Six enfants sont nés de leur union : -Cathy, née le 8 avril 1976,
-Carole, née le 22 février 1978, -Jacques, né le 20 janvier 1980, -Benoit, né le 22 avril 1984, -Florent, né le 20 mai 1986, -Elodie, née le 27 février 1988.
Le 27 mai 1999, Monsieur Joseph Z... a saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce.
Après ordonnance de non conciliation du 30 septembre 1999, le divorce des époux Z... a été prononcé par jugement du 7 février 2002 ayant ordonné, avant dire droit sur les conséquences, une expertise comptable.
Par jugement du 24 juillet 2003, le Tribunal de Grande Instance de Rennes a statué sur les mesures encore en litige et notamment a :- condamné Madame X...
Z... à verser à Monsieur Joseph Z... la somme de 42.000 ä à titre de dommages et intérêts, 40.000 en application de l'article 266 du Code Civil et 2.000 en application de l'article 1382 du même code ; - condamné Monsieur Joseph Z... à verser à Madame X...
Z... la somme de 22.000 ä au titre de l'indemnité exceptionnelle en application de l'article 280-1 du mLme code.
Madame X...
Z... née Y... a déclaré appel de ce jugement le 4 septembre 2003.
Madame demande à la cour de réformer la décision quant aux dommages et intérêts alloués à son conjoint en application des articles 266 et 1382 du Code Civil, le préjudice moral n'étant pas mLme invoqué et le préjudice matériel allégué étant une conséquence de la liquidation de la communauté et non du divorce.
Elle sollicite la confirmation quant au principe d'une indemnité d'exceptionnelle dureté de l'article 280-1 du même code en sa faveur mais sollicite 45.735 ä de ce chef, faisant valoir qu'elle a travaillé de nombreuses années sur l'exploitation agricole et a élevé
les six enfants communs.
Monsieur demande à la cour : - de confirmer le jugement sur les 40.000 ä alloués au titre de l'article 266 du Code Civil, la dissolution du mariage entraînant pour lui un préjudice important de par la liquidation inéluctable de la communauté et l'obligation pour lui de solliciter l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole moyennant une soulte. Cette soulte devant, selon l'expertise, être de 121.959,21 ä (800.000 francs) et ses possibilités d'endettement étant limitées, le préjudice matériel résultant de la dissolution du mariage est, selon documents comptables, de 40.000 ä. - de confirmer le jugement sur les 2.000 ä alloués au titre de l'article 1382 du Code Civil en réparation du préjudice causé par le départ de l'épouse, le laissant avec l'exploitation agricole et cinq des six enfants. - d'infirmer le jugement quant à l'indemnité d'exceptionnelle dureté, Madame D... étant remplie de ses droits de par la valeur de l'exploitation agricole, l'expert ayant considéré qu'une telle indemnité ne devait pas être retenue pour le calcul de la soulte.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées : - le 10 mars 2004 pour Madame X...
Z... née Y... ; - le 8 septembre 20074 pour Monsieur Joseph Z..., appelant incident. L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2004. DISCUSSION 1° Sur les dommages et intérLts :
Les époux Z..., exploitants agricoles ont eu six enfants durant une vie commune de 25 ans. Madame X...
Z... née Y... a quitté le domicile conjugal avec la plus jeune des enfants et a laissé son époux, l'abandonnant sur l'exploitation. Ce faisant elle lui a causé un préjudice justement réparé par la somme de 2.000 ä à titre de
dommages et intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef. [**][*
Aux termes de l'ancien article 266 du Code Civil, quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint.
Le préjudice invoqué doit donc résulter de la dissolution du mariage. En l'espèce, le divorce entraînera la liquidation du régime matrimonial et alors pour Monsieur Z..., âgé de 55 ans, des difficultés quant à sa profession, soit qu'il l'abandonne, soit qu'il s'endette pour payer la soulte, contrepartie d'une attribution préférentielle de l'exploitation agricole et de la maison d'habitation qui est dite indissociable de celle-ci.
Le préjudice réparable est celui résultant de l'obligation de faire ce choix, et non celui dont il est demandé réparation à hauteur de 40.000 ä en fonction de calculs sur les possibilités d'endettement de l'exploitation, et qui résulte de l'option qui sera prise lors de la liquidation de la communauté.
Cette perturbation dans la vie professionnelle, tenant compte de ce que Monsieur Z... est très attaché à son activité d'agriculteur et aurait des difficultés évidentes de réinsertion professionnelle, sera réparée par la somme de 15.000euros à titre de dommages et intérêts. Madame X...
Y... sera donc condamnée B payer 17.000 ä à titre de dommages et intérêts à Monsieur Joseph Z... *][**] 2° Sur l'indemnité exceptionnelle et, subsidiairement, sur la prestation compensatoire :
Aux termes de l'article 280-1du Code Civil, l'époux aux torts exclusifs de qui le divorce est prononcé peut obtenir à titre
exceptionnelle une indemnité si, compte tenu de la durée de la vie commune et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux, il apparaît manifestement contraire à l'équité de lui refuser toute compensation pécuniaire à la suite du divorce.
En l'espèce, si la vie commune a durée 25 ans et s'il a été élevé six enfants en participant à l'activité de l'exploitation agricole, il est constant que l'essentiel des fruits de ce labeur a été capitalisé dans ladite exploitation et que Madame X...
Z... née Y... en recevra sa juste part.
La situation n'apparaît donc pas inéquitable et Madame X...
Z... née Y... sera déboutée de ce chef. ***
Monsieur Z... sollicite subsidiairement une prestation compensatoire dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à ses prétentions au titre de l'article 266 du Code civil et oj il serait nécessaire de liquider l'exploitation agricole.
Outre qu'il s'agit là d'une simple éventualité, il résulte des articles 270 et 271 du même code que la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les condi-tions de vie respectives des époux. Selon les pièces versées aux débats, les éléments suivants peuvent être pris en compte :
Le mariage a duré 29 ans, les époux sont âgés Monsieur de 55 ans et Madame de 51 ans et le couple a eu six enfants dont cinq actuellement majeurs.
Il est admis qu'une somme mensuelle de 1.500 ä était prélevée sur l'exploitation agricole pour la subsistance d'une famille de huit personnes et Madame déclare avoir des revenus salariaux de 750 ä par mois, ce qui serait également ceux d'un ouvrier agricole.
Par ailleurs, l'actif du patrimoine du couple, composé de l'exploitation agricole et de la maison d'habitation sera dans cette
hypothèse vendu et partagé.
Aucun problème de droit à retraite n'étant allégué, chacun des ex-époux se retrouvera dans une situation identique quant à ses conditions de vie et il n'y a pas lieu à prestation compensatoire. ***
Chaque partie succombant partiellement en ses prétention et compte tenu de la nature patrimoniale du litige, chaque partie conservera les frais compris dans les dépens qu'elle a engagés dans la présente procédure.
DECISION PAR CES MOTIFS
La cour,
- Reçoit les appels, principal et incident, réguliers en les formes ; - Réforme le jugement déféré en ce qui concerne les dommages-intérêts et l'indemnité exceptionnelle et, statuant à nouveau de ces chefs :
- Condamne Madame X...
Y... à payer B Monsieur Joseph Z... la somme de DIX-SEPT MILLE EUROS (17.000 ä) B titre de dommages et intérêts;
- Déboute Madame X...
- Déboute Madame X...
Y... de sa demande d'indemnité exceptionnelle ;
-Déboute Monsieur Joseph Z... de sa demande de prestation compensatoire ;
-Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions ;
-Dit que chaque partie supportera les frais compris dans les dépens qu'elle a engagés dans la présente procédure, dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile et aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,