X... Marie-Paule
demeurant ... Partie civile, appelante,
comparante, assistée de Maître Y... BERNARD Marie-Alix, avocat au barreau de PARIS
LE MINISTÈRE PUBLIC
Appelant,
COMPOSITION DE LA COUR:
lors des débats et du délibéré :
Président:Monsieur THIERRY,
Conseillers:Madame LETOURNEUR-BAFFERT, Madame LESVIGNES,
Prononcé à l'audience du 01 Décembre 2005 par Madame Z..., conformément aux dispositions de l'article 485 alinéa 3 du Code de Procédure Pénale.
MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Mme FIASELLA-LE BRAZ, Avocat Général et lors du prononcé de l'arrêt
GREFFIER: en présence de M. A... lors des débats et de Mme B... lors du prononcé de l'arrêt
DÉROULEMENT DES DÉBATS:
A l'audience publique du 20 Octobre 2005, le président a constaté l'identité des prévenus comparants en personne, assistés de Me C..., la Cour déclarant le présent arrêt contradictoire et la représentation du prévenu D... Denis, non comparant, la Cour déclarant le présent arrêt contradictoire.
A cet instant, le conseil des prévenus, le conseil de la partie civile et le Ministère Public ont déposé des conclusions.
Ont été entendus :
Monsieur THIERRY, en son rapport.
KOCH E...; en son interrogatoire et ayant exposé sommairement les motifs de son appel,
F... Jean-Marie, en son interrogatoire et ayant exposé sommairement les motifs de son appel,
X... Marie-Paule, en ses explications,
Maître Y... BERNARD, en sa plaidoirie,
Madame l'avocat général, en ses réquisitions,
Maître C..., en sa plaidoirie et qui a eu la parole en dernier,
KOCH E..., qui a eu la parole en dernier, F... Jean-Marie, qui a eu la parole en dernier,
Puis, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour son arrêt être rendu à l'audience publique du 01 Décembre 2005 ;
Conformément aux prescriptions de l'article 462 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, le Président a avisé les parties présentes de la date de l'audience à laquelle l'arrêt serait rendu.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE:
LE JUGEMENT :
Le Tribunal Correctionnel de LILLE - 7EME CHAMBRE par jugement Contradictoire en date du 06 NOVEMBRE 2002, pour
RECEL DE BIEN PROVENANT DE LA VIOLATION DU SECRET DE L'INSTRUCTION, NATINF 021775
PUBLICATION DE COMMENTAIRES TENDANT À INFLUENCER LES TÉMOINS OU LES JURIDICTIONS, NATINF 001411
DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE, NATINF 000372
a relaxé D... Denis du chef de prévention suivant : "publication de commentaires - avant l'intervention de la décision j uridictionnelle définitive - tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations de témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement" (art. 434-16 du Code Pénal et art. 42-43 de la loi du 29 Juillet 1881) ;
a déclaré D... Denis coupable des autres faits qui lui sont reprochés ; l'a condamné à la peine de 5.000 euros d'amende ;
a ordonné la publication, aux frais du condamné du dispositif du présent jugement, dans "LE FIGARO" et "LIBERATION" sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser 5.000 euros ;
Pour,
COMPLICITÉ DE DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ÉCRIT; IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE. NATINF 000372
RECEL DE BIEN PROVENANT DE LA VIOLATION DU SECRET DE L'INSTRUCTION, NATINF 021775
a relaxé KOCH E... du chef de prévention suivant : "publication de commentaires - avant l'intervention de la décision juridictionnelle définitive - tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations de témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement" (art. 434-16 du Code Pénal et art. 42-43 de la loi du 29 Juillet 1881) ;
a déclaré KOCH E... coupable des autres faits qui lui sont reprochés ; l'a condamné à la peine de 5.000 euros d'amende ;
a ordonné la publication, aux frais du condamné du dispositif du présent jugement, dans "LE FIGARO" et "LIBERATION" sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser 5.000 euros ;
Pour,
COMPLICITÉ DE DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ÉCRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ELECTRONIQUE, NATINF 000372
RECEL DE BIEN PROVENANT DE LA VIOLATION DU SECRET DE L'INSTRUCTION, NATINF 021775
a relaxé F... Jean-Marie du chef de prévention suivant : "publication de commentaires - avant l'intervention de la décision juridictionnelle définitive -tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations de témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement" (art. 434-16 du Code Pénal et art. 42-43 de la loi du 29 Juillet 1881) ;
a déclaré F... Jean-Marie coupable des autres faits qui lui sont reprochés ; l'a condamné à la peine de 5.000 euros d'amende ;
a ordonné la publication, aux frais du condamné du dispositif du présent jugement, dans "LE FIGARO" et "LIBERATION" sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser 5.000 euros ;
Sur l'action civile:
a condamné solidairement KOCH E..., F... Jean-Marie et D... Denis à payer à la partie civile les sommes de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et 2.500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale
LES APPELS:
Appel a été interjeté par:
Monsieur KOCH E..., le 14 Novembre 2002 sur les dispositions pénales et civiles
Monsieur F... Jean-Marie, le 14 Novembre 2002 sur les dispositions pénales et civiles
Monsieur D... Denis, le 14 Novembre 2002 sur les dispositions pénales et civiles
M. le Procureur de la République, le 14 Novembre 2002 à titre d'appel incident Madame X... Marie-Paule, le 18 Novembre 2002 sur les dispositions civiles
LES PRÉVENTIONS:
Considérant qu'il est fait grief à D... DENIS :
- étant directeur de la publication, sur le territoire national courant octobre 2000 et en tout cas avant prescription de l'action publique, allégué ou imputé publiquement des faits portant atteinte à l'honneur ou à la connaissance de Marie-paule X..., magistrat, personne dépositaire de l'autorité publique, par écrit, en publiant dans le journal L'Express numéro 2570 un article intitulé "Scientologie : la juge jugée" commençant par les mots "L'Express révèle le contenu de la lettre de saisine adressée le 29 juin dernier par la garde des Sceaux à l'instance disciplinaire du Conseil supérieur- de la magistrature. II est accablant pour Marie-Paule X..... "et se terminant par"... Marie-Paule X... pourrait donc être dessaisie du dossier avant même de comparaître devant ses pairs de la formation disciplinaire du C.S.M." article comportant le passage suivant :
"Elle a notamment démontré son ardeur, pour ne pas dire un singulier acharnement, en enquêtant contre son collègue Albert G..., soupçonné alors qu'il était substitut à Toulon, d'avoir transmis à un journaliste un PV d'audition d'un homme d'affaires concernant des pots-de-vin versés pour un marché de cantines scolaires : alors que toute sa procédure était annulée par la Cour d'Appel de paris, en 1999, elle a remis Albert G... en examen pour violation du secret de l'instruction. "
Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 al. 1, 31 al. 1, 30 (pour la pénalité seulement), 42, 43, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881.
- étant directeur de la publication, sur le territoire national courant 2000 et en tout cas avant prescription de l'action publique, avant l'intervention de la décision juridictionnelle définitive, publié des commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations de témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement.
Faits prévus et réprimés par les articles 434-16 du code pénal et les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881;
- sur le territoire national courant 2000 et en tout cas avant prescription de l'action publique sciemment recélé des informations contenues dans la lettre en date du 29 juin 2000 du garde des Sceaux, Ministre de la Justice au Premier Président de la Cour de Cassation, Président de la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège qu'il savait provenir d'une violation du secret professionnel.
Faits prévus et réprimés par les articles 226-13, 321-1, 321-3, 321-9 et 321-10 du code pénal.
Considérant qu'il est fait grief à KOCH E... :
- de s'être, sur le territoire national courant octobre 2000 et en tout cas avant prescription de l'action publique, sciemment rendu complice, par aide et assistance, de diffamation envers Marie-paule X..., magistrat, personne dépositaire de l'autorité publique en alléguant ou imputant publiquement des faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de celle-ci, par écrit, en rédigeant dans le journal L'Express numéro 2570 un article intitulé "Scientologie : la juge jugée" commençant par les mots "L'Express révèle le contenu de la lettre de saisine adressée le 29 juin dernier par la garde des Sceaux à l'instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature. Il est accablant pour Marie-Paule X..... "et se terminant par "... Marie-Paule X... pourrait donc être dessaisie du dossier avant même de comparaître devant ses pairs de la formation disciplinaire du CSM" article comportant le passage suivant :
"Elle a notamment démontré son ardeur, pour ne pas dire un singulier acharnement; en enquêtant contre son collègue Albert G..., soupçonné alors qu'il était substitut à Toulon, d'avoir transmis à un journaliste un PV d'audition d'un homme d'affaires concernant des pots-de-vin versés pour un marché de cantines scolaires: alors que toute sa procédure était annulée par la Cour d'Appel de paris, en 1999, elle a remis Albert G... en examen pour violation du secret de l'instruction. "
Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 al.l, 31 al.l, 30 (pour la pénalité seulement), 42, 43, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881.
- d'avoir sur le territoire national courant 2000 et avant prescription de l'action publique sciemment recélé des informations contenues dans la lettre en date du 29 juin 2000 du garde des Sceaux, Ministre de la Justice au Premier Président de la Cour de Cassation, Président de la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège qu'il savait provenir d'une violation du secret professionnel.
Faits prévus et réprimés par les articles 226-13, 321-1, 321-3, 321-9 et 321-10 du code pénal.
" Considérant qu'il est fait grief à F... Jean-Marie:
- de s'être, sur le territoire national courant octobre 2000 et en tout cas avant prescription de l'action publique, sciemment rendu complice, par aide et assistance, de diffamation envers Marie-paule X..., magistrat, personne dépositaire de l'autorité publique en alléguant ou imputant publiquement des faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de celle-ci, par écrit, en rédigeant dans le journal L'Express numéro 2570 un article intitulé "Scientologie : la juge jugée" commençant par les mots "L'Express révèle le contenu de la lettre de saisine adressée le 29 juin dernier par la garde des Sceaux à l'instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature. Il est accablant pour Marie-Paule X..... " et se terminant par "... Marie-Paule X... pourrait donc être dessaisie du dossier avant même de comparaître devant ses pairs de la formation disciplinaire du C.S.M." article comportant le passage suivant :
"Elle a notamment démontré son ardeur, pour ne pas dire un singulier acharnement, en enquêtant contre son collègue Albert G..., soupçonné alors qu'il était substitut à Toulon, d'avoir transmis à un journaliste un PV d'audition d'un homme d'affaires concernant des pots-de-vin versés pour un marché de cantines scolaires : alors que toute sa procédure était annulée par la Cour d'Appel de paris, en 1999, elle a remis Albert G... en examen pour violation du secret de l'instruction. "
Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 al.l, 31 al.l, 30 (pour la pénalité seulement), 42, 43, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881.
- d'avoir sur le territoire national courant 2000 et avant prescription de l'action publique sciemment recélé des informations contenues dans la lettre en date du 29 juin 2000 du garde des Sceaux, Ministre de la Justice au Premier Président de la Cour de Cassation, Président de la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège qu'il savait provenir d'une violation du secret professionnel.
Faits prévus et réprimés par les articles 226-13, 321-1, 321-3, 321-9 et 321-10 du code pénal.
L'ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI:
Par arrêt contradictoire en date du 25 septembre 2003, la Cour d'Appel de DOUAI a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé D... Denis du chef de publication de commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations des témoins ou la décision d'une juridiction de jugement et les déclarations de culpabilité de D... Denis, KOCH E... et F... Jean-Marie des chefs de diffamation envers une personne dépositaire de l'autorité publique et de complicité, ainsi que de recel de bien provenant de la violation du secret professionnel, ainsi que sur les peines prononcées à leur encontre ;
a ordonné l'insertion de la totalité du présent arrêt dans le journal "l'express" (en mêmes lieu et place que l'article incriminé) dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif et fixe l'astreinte à 5.000 euros par numéro de retard ;
a ordonné à titre de dommages et intérêts supplémentaires, la publication aux frais des condamnés du dispositif du présent arrêt dans les journaux "le Figaro" et "Libération" sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 5.000 euros ;
a infirmé le jugement sur le montant des dommages et intérêts et condamne solidairement D... Denis, KOCH E... et F... Jean-Marie à payer à la partie civile la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
a condamné chacun des prévenus à payer à la partie civile une somme de 750 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
L'ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION:
par arrêt en date du 24 mai 2005, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'Appel de DOUAI, en date du 25 septembre 2003, et pour qu'il en soit à nouveau jugé, conformément à la loi et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de RENNES à l'audience de ce jour.
Motifs :
Dans son numéro 2570 daté de la semaine du 5 au 11 octobre 2000, l'hebdomadaire L'EXPRESS a publié en pages 42 et 43, dans la rubrique "LA SEMAINE/Société", avec la mention "EXCLUSIF", un article intitulé "Scientologie : la juge jugée".
Figure en page 42 le sous-titre suivant : "L'Express révèle le contenu de la lettre de saisine adressée le 29 juin dernier par la garde des Sceaux à l'instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature. Il est accablant pour Marie Paule X...".
L'article qui suit déclare révéler un document qualifié d' "accablant" pour Mme Marie-Paule X..., Premier Juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris, en charge d'une procédure d'information dans le cadre de laquelle étaient mis en examen dix-sept membres de l' "Eglise de la Scientologie", et expose, sur quatre colonnes, diverses informations relatives au déroulement de l'affaire : d'abord le grief, fait au magistrat, d'avoir manqué de rigueur au détriment de certaines parties civiles et au risque de faire "annuler toute la procédure pour cause de prescription", alors que Mme X... est « considérée comme l'un des meilleurs magistrats instructeurs», puis des explications que les auteurs de l'article présentent comme ayant été recueillies auprès de Mme X... elle-même, pour arriver à l'appréciation selon laquelle il serait "difficile, pourtant, d'expliquer l'attentisme de cette juge, réputée pour ne pas lâcher prise facilement", appréciation développée et illustrée dans les termes suivants : "Elle a notamment démontré son ardeur, pour ne pas dire un singulier acharnement, en enquêtant contre son collègue Albert G..., soupçonné, alors qu'il était substitut à Toulon, d'avoir transmis à un journaliste un PV d'audition d'un homme d'affaires concernant des pots-de-vin versés pour un marché de cantines scolaires : alors que toute sa procédure était annulée par la cour d'appel de Paris, en 1999, elle a remis Albert G... en examen pour violation du secret de l'instruction."
L'article se termine par l'évocation de la disparition d'une partie du dossier, de la décision par laquelle la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris avait statué sur la suspension de la prescription et des perspectives d'aboutissement d'une procédure engagée par certaines parties civiles aux fins de désignation d'un nouveau juge d'instruction.
9
Le texte est signé E... Koch et Jean-Marie F....
En page 43, sont reproduits, sous le sous-titre "La Lettre d'Elisabeth H...", des extraits du courrier désigné comme le document d'origine des informations livrées aux lecteurs du magazine.
Le 22 décembre 2000, Mme Marie-Paule X... a déposé plainte avec constitution de partie civile, auprès du doyen des Juges d'instruction du Tribunal de grande instance de PARIS, des chefs de:
- violation du secret de l'instruction,
- violation du secret professionnel,
- publication d'un acte d'accusation et d'une information relative aux travaux du CSM,
- publication de commentaire tendant à exercer des pressions,
- recel du document de saisine du CSM et complicité de violation du secret concernant ce même document,
- complicité de sa diffusion aux fins des infractions précitées,
- imputations et allégations diffamatoires à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique.
Les personnes visées étaient M. Denis D..., Directeur de la publication et Directeur de la Rédaction, auteur principal, MM. François KOCH et Jean-Marie F..., auteurs du dossier et de l'article incriminé, complices.
Par ordonnance du 9 février 2001, M. le Premier Juge d'instruction au tribunal de grande instance de PARIS, statuant sur les réquisitions du Parquet, a dit n'y avoir lieu à instruire des chefs de violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, complicité et recel de ce délit au motif qu'il résulte de la combinaison de ce texte et des articles 47 et 48 de la même loi que seul le Ministère public peut engager l'action publique pour violation de ces dispositions et qu'en l'espèce, l'action publique n'ayant pu être mise en mouvement par le Ministère public dans le délai de la prescription trimestrielle, l'action de la partie civile était irrecevable de ce chef.
, Cette même ordonnance a dit qu'il sera instruit des chefs de violation du secret professionnel, complicité, recel, publication de commentaires tendant à créer des pressions sur une juridiction, diffamation publique contre dépositaire de l'autorité publique.
Par arrêt du 4 avril 2001, la Chambre criminelle de la cour de cassation, statuant au visa des dispositions de l'article 665, alinéa 2, du Code de procédure pénale sur la requête du Procureur Général près la Cour d'appel de PARIS, a dessaisi
le Juge d'instruction du Tribunal de grande instance de PARIS et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, a renvoyé la connaissance de l'affaire au Juge d'instruction du Tribunal de grande instance de LILLE.
Dans le cadre de l'exécution de la commission rogatoire délivrée par ce magistrat le 27 juillet 2001, il a été procédé à l'audition de MM. J... et F... qui, interpellés sur l'identité de la ou des personnes leur ayant communiqué la lettre du Garde des sceaux du 29 juin 2000, ont invoqué les dispositions de l'article 109, second alinéa, du Code de procédure pénale, le premier précisant que cette lettre avait déjà été publiée par le quotidien Le Monde dans son édition des 2 et 3 juillet 2000.
Effectivement, figure en page 10 de ce journal un article citant plusieurs passages de la lettre précitée.
Son auteur, M. Erich K..., entendu le 9 janvier 2002, a invoqué lui aussi les dispositions de l'article 109 du Code de procédure pénale tout en précisant qu'il avait obtenu les informations lui ayant permis de rédiger cet article dans l'exercice normal de son activité professionnelle de journaliste.
Lors de son audition de partie civile effectuée le 4 février 2002, Mme MariePaule X... a indiqué que le 29 juin 2000, le Directeur de cabinet de la Garde des Sceaux avait organisé un point presse à l'occasion duquel il avait informé les journalistes que le ministère avait saisi le C.S.M. pour engager deux poursuites disciplinaires contre elle mais qu'elle-même n'avait reçu notification de la saisine que le 15 juillet.
Elle a indiqué également que, dans les mois suivants, alors que l'affaire connaissait une certaine résonnance médiatique dans la presse écrite, elle avait accepté de rencontrer M. J... dans son bureau au palais de justice pour discuter des sectes en général et qu'à aucun moment ce journaliste ne lui avait précisé qu'il disposait de la lettre de saisine ni qu'il envisageait de la publier, indications qu'il ne lui avait pas non plus données lorsque, juste avant la parution de l'article et conformément à ce qui avait été convenu, il lui avait téléphoné pour l'informer des propos qu'il lui attribuerait dans ce texte.
Interrogé en première comparution le 19 avril 2002, M. François J... a notamment déclaré qu'au cours de l'entretien qu'il avait eu avec Mme X..., "il avait été question des différents griefs retenus contre elle...
à propos de l'affaire de la Scientologie parisienne notamment à la suite de la lettre de la Garde des Sceaux et de l'article du Monde" et qu'avant la publication de l'article, il lui avait soumis par téléphone la citation de ses propos qu'elle avait acceptée.
Il a précisé avoir eu une copie de la lettre entre les mains pendant la courte période qui lui avait permis d'en recopier des extraits.
Il a indiqué également avoir entendu parler de la "conférence de presse" du mois de juin 2000, mais ne pas y avoir assisté personnellement.
Interrogé et mis en examen le même jour, M. Jean-Marie F... a déclaré, comme son collègue, qu'il estimait que "la lettre en question était devenue publique du fait de la parution d'un article dans le Monde trois mois avant" sans que d'ailleurs Mme L... ne dépose plainte à la suite de cette parution.
Il a déclaré également que la partie civile n'ignorait pas qu'ils avaient des éléments d'information qui concernaient directement cette lettre ; il ne pouvait affirmer qu'elle savait qu'ils avaient connaissance du document lui-même et il a reconnu qu'elle ne savait pas qu'ils allaient peut-être la publier.
Interrogé et mis en examen le 30 avril 2002, M. Denis D... a déclaré qu'il ne demandait pas à ses journalistes leurs sources mais seulement s'ils avaient bien vérifié leurs informations, qu'il n'avait pas eu l'' exemplaire de la lettre entre les mains, qu'il n'avait pas assisté à une conférence de presse du Garde des Sceaux ou de son directeur de cabinet au mois de juin 2000 et qu'il pensait avoir fait un travail d'information classique en contribuant à la transparence.
M. Christian VIGOUROUX, Conseiller d'Etat et à l'époque Directeur de cabinet du Ministre de la Justice, a été entendu en qualité de témoin le 12 juin 2002. Il a déclaré qu'à l'occasion d'une rencontre avec les journalistes comme il en organisait tous les quinze jours ou toutes les trois semaines, il avait répondu par l'affirmative à la question de l'un d'entre eux sur le point de savoir si la poursuite évoquée par la ministre devant l'Assemblée Nationale avait eu lieu, mais qu'il n'avait pas apporté de précisions complémentaires.
Il n'a fourni aucune indication précise sur les circonstances dans lesquelles la lettre de saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature avait pu se trouver en la possession des journalistes.
Par ordonnance du 26 juillet 2002, le Juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de violation du secret de l'instruction et du secret professionnel, l'information n'ayant pas permis d'identifier le ou les auteurs de ces délits.
Il a requalifié les faits reprochés aux trois prévenus sous la qualification de recel de violation du secret de l'instruction et du secret professionnel en recel de violation du secret professionnel et il a retenu les autres chefs de prévention pour renvoyer l'affaire devant le Tribunal correctionnel.
Par arrêt du 24 mai 2005, la Cour de cassation, Chambre criminelle, statuant sur les pourvois formés par MM. Denis D..., E... KOCH et Jean-Marie F..., a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 25 septembre 2003 par lequel la Cour d'appel de DOUAI, 6ème Chambre des appels correctionnels, avait statué sur les appels formés par ces trois prévenus contre le jugement rendu à leur encontre le 6 novembre 2002 par le Tribunal correctionnel de LILLE.
La cause et les parties ont été renvoyée devant la Cour d'appel de RENNES qui se trouve par conséquent saisie en application des dispositions des articles 609 et suivants du Code de procédure pénale.
*
Sur le délit de diffamation envers une personne dépositaire de l'autorité publique et la complicité de ce délit:
L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme "Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé".
L'article paru en page 42 du numéro 2570 de L'EXPRESS, dont il convient de rappeler qu'il est visé dans son intégralité - depuis son titre jusqu'au sigle CSM qui le termine- par les préventions retenues par l' ordonnance de renvoi, fait apparaître la partie civile, alors premier juge d'instruction au Tribunal de grande instance de PARIS, comme menacée d'une juste sanction de ses négligences et de son manque de rigueur dans la conduite de la procédure d'information mettant en cause certains membres de l' "Eglise de la Scientologie", carences mises en opposition avec la diligence suspecte dont elle aurait fait preuve dans une autre affaire impliquant un magistrat mis en examen pour violation du secret de l'instruction, alors même que la procédure aurait été annulée, démontrant dans cette seconde affaire, selon les rédacteurs de l'article, "son ardeur, pour ne pas dire un singulier acharnement".
Considéré dans sa structure et dans sa globalité, et appuyé par le texte figurant à la page voisine qui est constitué de passages sélectionnés rapportant les griefs contenus dans la lettre de saisine de la formation disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, l'article en question exprime ainsi une forte suspicion sur l'impartialité de Mme X... qui négligerait le traitement d'un dossier pour des raisons d'opportunité contestables tout en faisant preuve, dans un autre, d'une opiniâtreté malveillante.
En effet, si le terme d'acharnement peut parfois prendre une connotation positive lorsqu'il est employé pour caractériser le comportement d'une personne engagée dans une action difficile mais louable, il est par contre nettement péjoratif lorsqu'il désigne l'attitude délibérément adoptée par une personne envers une autre. Tel est bien le cas dans le passage litigieux où il est fait état d' "un singulier acharnement, en enquêtant contre son collègue...", ce qui signifie que Mme X... aurait manifesté, dans l'exercice de ses attributions de magistrat instructeur, une hostilité particulière à l'encontre d'une personne déterminée, état d'esprit prenant le pas, dans ce cas précis, sur la conscience qu'elle aurait dû avoir de ses obligations de diligence et d'impartialité.
La présentation ainsi opérée du comportement professionnel du magistrat visé, dont l'impartialité est clairement mise en cause, dépasse le cadre de la libre critique des décisions de justice et de l'activité judiciaire en général, ce qui constitue bien, au sens du texte précité, une imputation diffamatoire réputée, comme telle, faite avec l'intention de nuire.
Pour le motif qui vient d'être exposé, le souci légitime d'information du public sur des dossiers sensibles touchant à des questions d'intérêt public, invoqué par les prévenus pour soutenir qu'ils étaient de bonne foi, ne saurait justifier les termes employés dans l'article et sa présentation tendancieuse des méthodes de travail du magistrat.
De même, la bonne foi dont ils prétendent avoir été animés lors de la rédaction de l'article en cause ne peut se déduire du seul fait qu'ils ont publié, le 20 décembre 2001, sous le titre "Scientologie : la juge Moracchini blanchie", un article, au demeurant nettement critique, annonçant la décision par laquelle le Conseil Supérieur de la Magistrature avait décidé qu'il n'y avait pas lieu à sanction disciplinaire contre Mme X....
Ainsi, les critères de légitimité du but poursuivi et de prudence dans l'expression, dont la réunion est nécessaire pour établir la bonne foi des personnes poursuivies, font défaut.
D'autre part, le fait que d'autres organes de presse aient publié des articles critiquant l'action de Mme X... dans l'affaire LEVY, certains employant eux aussi les termes d'acharnement ou d'obstination pour qualifier cette action, ne saurait faire preuve de la bonne foi alléguée par les prévenus que les excès de leurs confrères n'autorisaient nullement à employer le même vocabulaire pour émettre les imputations diffamatoires.
Enfin, le fait que l'annulation de certains actes d'instruction ait été suivie d'une mise en examen de la personne visée ne saurait justifier un emploi en toute bonne foi des termes précités mis en opposition avec "l'attentisme" relevé dans l'affaire qui, selon le titre, faisait l'objet de l'article. Il en est de même du caractère prétendument "excessif et démesuré", selon l'appréciation des prévenus, des mesures de contrôle judiciaire imposées dans cette affaire à la personne mise en examen, et la manifestation par l'organe d'un syndicat de magistrats d'opinions semblables n'autorisait en aucun cas les prévenus, journalistes expérimentés, à s'exprimer dans les termes qui leur sont reprochés.
En conséquence, la bonne foi des prévenus n'étant pas établie, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel en ce que, faisant application des dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, il a déclaré Denis D... coupable du délit de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique et E... KOCH et Jean-Marie F... coupables de la complicité de ce délit.
Il convient de préciser que, dans l'énoncé de la prévention retenue à l'encontre de Denis D..., le mot "connaissance" doit être substitué par le mot "considération".
Sur le délit de publication, avant l'intervention de la décision juridictionnelle définitive, de commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations des témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement :
Cette infraction, prévue et réprimée par l'article 434-16 du Code pénal, n'étant retenue qu'à l'encontre de Denis D..., le prononcé de la relaxe de E... KOCH et Jean-Marie F... de ce chef de prévention est sans objet.
Il n'apparaît pas, à la lecture de l'article litigieux, qu'il tende à exercer les pressions incriminées par le texte susvisé, étant observé que les références faites au document de saisine de la formation disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature et à ses extraits sélectionnés qui figurent à la page voisine, même assortis du qualificatif d' "accablant", concernent un texte qui constitue par nature un élément à charge contre la personne faisant l'objet des poursuites disciplinaires et dont le contenu était par là-même nécessairement soumis à l'appréciation des membres de l'instance précitée.
La décision de relaxe sera par conséquent confirmée, étant précisé qu'elle ne concerne que D... Denis, KOCH E... et F... Jean-Marie n'étant pas poursuivis de ce chef.
Sur le délit de recel :
Si l'article 57 modifié de l'ordonnance no58-1270 du 22 décembre 1958 dispose en son premier alinéa que l'audience du conseil de discipline est publique - tout en réservant une possibilité d'interdiction au public de l'accès à la salle d'audience pour des exigences particulières ou dans des circonstances spéciales -, ce principe de publicité n'est étendu à aucun des autres actes du conseil de discipline des magistrats du siège et l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdit de publier aucune information relative aux travaux et délibérations du Conseil supérieur de la magistrature, à l'exception - depuis la mise en vigueur de la loi organique no 2001539 du 25 juin 2001 - des informations concernant les audiences publiques et les décisions publiques rendues en matière disciplinaire à l'encontre des magistrats. A aucun moment, et contrairement à ce qu'affirment les prévenus, la mise en oeuvre de la publicité des audiences du Conseil de discipline n'a rendu caduc l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 qui a précisément été modifié pour tenir compte de l'innovation apportée par la loi organique no 2001-539 du 25 juin 2001, mais sans que cette modification fasse disparaître le principe de l'interdiction de publication.
Il résulte donc de ces deux textes que la publicité des informations et travaux du Conseil supérieur de la magistrature est strictement limitée aux informations visées par le second, toutes autres informations ne pouvant être publiées dès lors qu'elles sont relatives aux travaux et délibérations de cette instance.
Tel est le cas de l'acte de saisine, prévu à l'article 50-1 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958, contenant dénonciation, par le garde des sceaux, ministre de la justice, des faits motivant les poursuites disciplinaires puisque c'est sur ces faits que le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation disciplinaire, est appelé à statuer.
Or, le texte figurant en page 43 de L'EXPRESS daté du 5 octobre 2000 est constitué d'un assemblage d'extraits substantiels de la lettre du 29 juin 2000 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, saisissait la formation du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège "de faits imputables à Mme Marie-Paule X..., premier juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris".
Les auteurs de l'article intitulé "Scientologie : la juge jugée", ce titre s'étalant sur les deux pages 42 et 43 du magazine, ont donc été nécessairement en possession des informations contenues dans cette lettre, et ce avant la tenue de l'audience disciplinaire de la formation compétente du Conseil Supérieur de la Magistrature, donc à une époque où sa divulgation ne pouvait trouver une justification dans la publicité des débats.
La transmission d'un tel document à des journalistes, donc dans la perspective d'une publication alors que celle-ci est interdite par la loi, constitue nécessairement la révélation d'une information à caractère secret au sens des dispositions de l'article 226-13 du Code pénal.
En effet, tout détenteur à raison de ses fonctions d'informations relatives aux travaux et délibérations du Conseil supérieur de la magistrature, et en particulier d' un document de dénonciation visé par les dispositions de l'article 50-1 de l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958, se trouve dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, d'informations dont le caractère secret résulte du statut que lui confèrent les textes précités.
Or, étant observé que la lettre de saisine de Madame le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en date du 29 juin 2000 était adressée à Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation, Président de la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, les seules institutions susceptibles de détenir ce document étaient le Ministère de la Justice, la Cour de Cassation et le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Il s'ensuit qu'en l'absence de tout élément permettant d'accréditer l'hypothèse' d'ailleurs difficilement envisageable en raison de la nature et du contenu du document, d'une divulgation accidentelle ou fortuite, et étant précisé que l'article 10 de la loi organique no 94-100 du 5 février 1994 dispose que les membres du Conseil supérieur ainsi que les personnes qui, à un titre quelconque. assistent aux délibérations sont tenus au secret professionnel, l'auteur de la transmission du document aux journalistes ne peut être qu'un magistrat ou un fonctionnaire nécessairement dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, du secret entourant ce document.
Dès lors que la provenance délictueuse des informations soumises au secret se trouve ainsi établie, il n'est pas nécessaire, pour que le recel soit caractérisé, que l'auteur de l'infraction d'origine soit identifié.
Par conséquent, la provenance du document utilisé par les deux auteurs de l'article et par le directeur de la publication du magazine L'EXPRESS était nécessairement délictueuse.
Aux termes de l'article 321-1 du Code pénal, la personne poursuivie ne peut être déclarée coupable de recel que si elle savait que la chose qu'elle détenait provenait d'un crime ou d'un délit ou si elle a bénéficié en connaissance de cause du produit d'un crime ou d'un délit.
A cet égard, les premiers Juges ont exactement relevé que le professionnalisme des trois prévenus dans le traitement des sujets de société par un travail approfondi d'investigation et les confrontations antérieures de deux d'entre eux avec la justice pénale leur conféraient une connaissance suffisante des limites légales et jurisprudentielles dont ils devaient tenir compte dans la rédaction de leurs articles.
Ils sont donc mal fondés à invoquer une prétendue imprévisibilité des restrictions légales à la liberté d'expression proclamée par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ou Convention Européenne des Droits de l'Homme), étant observé qu'avant de prendre la décision de publier des extraits d'un document de cette nature, leur expérience de journalistes aurait dû, à tout le moins, les conduire à s'assurer auprès de personnes ou d'institutions compétentes que cette publication ne se heurtait à aucune difficulté, ce qu'ils n'allèguent pas avoir fait.
En aucun cas la publication, antérieure de plusieurs mois, par le quotidien Le Monde, d'extraits du même document ne pouvait avoir pour effet de lui faire perdre son caractère confidentiel, les journalistes de ce quotidien étant tenus, au même titre que leurs confrères, des mêmes obligations de respect des règles de droit.
Enfin, si l'article 10 de la Convention précitée dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression et que ce droit comprend notamment la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques, le même texte prévoit que l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité ou l'impartialité du pouvoir judiciaire.
Dans le cas présent, si l'article litigieux pouvait s'inscrire dans le cadre d'un débat public, la publication du contenu de l'acte saisissant l'instance disciplinaire avant l'audience publique de cette instance et le prononcé de sa décision constitue incontestablement une atteinte portée à la présomption d'innocence, donc aux droits
fondamentaux de la personne visée parla poursuite, ce quine saurait être justifié par l'exercice de la liberté d'expression.
En conséquence, le délit de recel étant caractérisé dans ses trois éléments constitutifs, légal, matériel et intentionnel, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables de ce délit tel que visé à la prévention.
Sur les sanctions :
Les peines d'amende prononcées ayant été justement appréciées; dans leur nature, leur quantum et leur régime, au regard des dispositions de l'article 132-24 du Code pénal, le jugement sera confirmé de ce chef de condamnation.
Le délit prévu par le premier alinéa de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 n'étant pas visé par le troisième alinéa de l'article 32 de cette même loi, prévoyant la possibilité d'ordonner l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, il n'y a pas lieu, au vu des dispositions de l'article 131-10 du Code pénal, d'ordonner une telle mesure à titre de peine complémentaire, de sorte que le jugement sera réformé de ce chef.
Sur l'action civile :
L'atteinte portée à l'honneur et à la considération de la partie civile par les actes délictueux dont les prévenus se sont rendus coupables lui a directement causé un préjudice certain dont elle est bien fondée à demander réparation.
En effet, le grief de négligence associé à la dénégation de l'impartialité du magistrat et assorti de la publication de la lettre de saisine de l'instance disciplinaire, le tout véhiculé par un organe de presse de diffusion nationale, a porté à sa réputation professionnelle une atteinte qui s'est nécessairement répercutée dans sa vie personnelle, ce qui justifie qu'il lui soit alloué la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts.
En raison de la nature et du retentissement des conséquences des délits commis par les prévenus, il est nécessaire, pour parvenir à la réparation intégrale du préjudice, d'ajouter à cette indemnisation pécuniaire des meures de publication d'une information sur la présente décision dans le magazine L'EXPRESS et dans deux quotidiens nationaux du choix de la partie civile et selon les modalités qui vont être spécifiées au dispositif.
Compte tenu de l'équité et de la situation économique des parties condamnées, il y a lieu de condamner les prévenus à payer à la partie civile la somme de 3.000,00 € au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci à l'occasion de l'ensemble des procédures suivies en première instance et en cause d'appel.
Dispositif :
LA COUR,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de D... Denis, de KOCH E..., de F... Jean-Marie et de X... Marie-Paule,
Vu l'arrêt rendu le 24 mai 2005 par la Cour de cassation, Chambre criminelle,
Vu les articles 609 et suivants du Code de procédure pénale ;
Reçoit les appels ;
Sur l'action publique:
Confirme le jugement entrepris sur la relaxe partielle de D... Denis, sur les déclarations de culpabilité et sur les peines d'amende prononcées contre D... Denis, KOCH E... et F... Jean-Marie,
Le Président donne aux condamnés l'avis prévu à l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale ;
Le réformant pour le surplus,
Dit n'y a voir lieu à publication de la décision à titre de sanction pénale :
Sur l'action civile:
Réforme le jugement sur l'action civile et, statuant à nouveau,
Condamne solidairement Denis D..., E... KOCH et Jean-Marie F... à payer à Marie-Paule X... la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts :
Ordonne, à titre de réparation civile la publication par insertion dans le magazine hebdomadaire L'EXPRESS, en page 42, et 43 si nécessaire, du communiqué suivant dans des caractères identiques en forme et en dimension à ceux du sous-titre "Voici les principaux extraits de la lettre adressée au CSM visant MariePaule X..." figurant en page 43 du no 2570 du 5 octobre 2000, dans le délai de deux semaines à compter du prononcé du présent arrêt et sous astreinte, passé ce délai, de 1.000 E par numéro de retard :
Par arrêt du 1er décembre 2005, la Cour d'appel de Rennes, chambre des appels correctionnels, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 25 septembre 2003, a condamné Denis D..., directeur de la publication de L'EXPRESS, E... KOCH et Jean-Marie F..., journalistes à L'EXPRESS, à des peines d'amende et à des dommages et intérêts pour avoir commis les délits suivants: pour le premier, diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique; pour le second et le troisième, complicité de ce même délit ; pour les trois, recel d'information provenant d'une violation du secret professionnel.
Cette condamnation est intervenue en raison d'un article paru dans l'hebdomadaire LEXPRESS en pages 42 et 43 du numéro 2570 daté du 5 octobre 2000, intitulé "Scientologie : la juge jugée", contenant des imputations diffamatoires à l'égard de Mme Marie-Paule X..., premier Juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris, ainsi que des extraits d'un acte de saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature. "
Ordonne en outre, à titre de réparation civile, la publication du même communiqué, mais sans contrainte de forme ni de dimension de caractères, dans deux quotidiens nationaux au choix de la partie civile, aux frais des prévenus sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 1.500,00 E hors taxe ;
Condamne Denis D..., E... KOCH et Jean-Marie F... à payer à Marie-Paule X... la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au titre de l'ensemble des procédures.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 € dont sont redevables les condamnés en application des dispositions des articles 800-1 du Code de procédure pénale et 1018 A du Code général des impôts.