Par acte du 5 avril 2005, la société SA COUTOT ROEHRIG interjetait appel d'un jugement rendu le 3 mars 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Rennes qui, dans le litige l'opposant à Madame Antonia X..., déclarait son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait l'employeur à lui verser des dommages et intérêts , à lui reconnaître la qualification de secrétaire adjointe de direction et à lui verser un rappel de salaire.
L'employeur maintient qu'en raison de l'absence prolongée de madame X... qui occupait le poste de secrétaire, il a été nécessaire de procéder à son remplacement . Il conteste que cette salariée ait occupé l'emploi d'assistante de direction et qu'elle ait fait l' objet d'une discrimination salariale et morale. Il conclut à l'infirmation du jugement et réclame à Madame X... la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame X... sollicite la confirmation du jugement, à titre subsidiaire elle réclame la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été développées à l'audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les débats devant l'audience du 3 octobre 2006
Considérant que devant les juridictions prud'homales selon les dispositions du code du travail, la procédure est orale et les parties au cours de l'audience des plaidoiries ne sont pas tenues aux écritures qu'elles ont pu prendre et déposer au greffe, mais sont autorisées à présenter des demandes nouvelles et à développer des moyens nouveaux au soutien de leurs prétentions , comme celui d'analyser la portée d'un arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans la mesure où le principe de contradiction a bien été respecté, ce qui a été le cas.
Considérant que la société COUTOT- ROEHRIG, qui semble ne pas avoir apprécié la plaidoirie du conseil de Madame X... , s'est cru autorisée à adresser à la Cour par
l'intermédiaire de son avocat, en cours de délibéré, une lettre en date du 17 octobre 2006, dans laquelle elle critique l'attitude de l'avocat adverse qui a remis en cause la notion d'établissement de l'agence de Rennes; or, ce problème a bien été évoqué dans les écritures de Madame X..., pages 2 et 10, puis développé lors des explications orales devant la Cour par Maître Y... qui n'a fait que répliquer à l'argumentation de Maître FUHRER qui venait de faire le commentaire d'un arrêt de la Cour de Cassation, la lettre de la société COUTOT ROEHRIG ne s'imposait pas et ne nécessite pas la réouverture des débats.
Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que le licenciement en date du 17 décembre 2003 de Madame X... ayant été prononcé en raison de la désorganisation provoquée au sein de l'agence de Rennes par son absence prolongée, les développements de l'employeur sur les éventuelles défaillances professionnelles de la salariée ne sont
d'' aucun intérêt, le seul problème que la Cour doit examiner est de vérifier qu'il était nécessaire de pourvoir définitivement à son remplacement.
Considérant qu'en plus de Monsieur A..., nommé le 3 avril 2000 directeur l'agence de Rennes , il y avait deux généalogistes, Monsieur B... et Madame C... et une secrétaire Madame D...; or, à compter du 1 septembre 2003 soit cinq mois après la prise de fonction de Monsieur A..., Madame X... a été mise en arrêt de travail sans solution de continuité jusqu'au 18 janvier 2004;
que, pendant cette absence prolongée, conformément aux dispositions de l'article L 122- 1-1du code du travail , il a été fait appel à Madame E... dans le cadre d'un contrat à durée déterminée qui a été régulièrement prolongé jusqu'au 18 janvier 2004.
Considérant qu'il ne peut être contesté que cette absence prolongée de la seule secrétaire titulaire de cette agence de généalogie , poste indispensable qui nécessite une formation spécifique et une compétence certaine , avait pour effet de faire
supporter à la société des charges supplémentaires résultant de l'embauche de Madame E... et provoquerait immédiatement la désorganisation de l'agence lorsque la remplaçante aurait décidé de quitter l'entreprise pour rechercher un emploi permanent plus stable , ce qu'elle a envisagé, en adressant le 2 décembre 2003 à la société COUTOT ROEHRIG une lettre lui indiquant qu'elle ne pouvait plus rester dans cette situation de précarité.
Considérant que, dans ces conditions, l'employeur était autorisé à engager une procédure de licenciement à l'encontre de Madame X... d'autant que ni à l'occasion de l'entretien préalable qui a été organisé le 12 décembre 2003 ni pendant les cinq jours séparant l'envoi de la lettre de licenciement en date du 17 décembre 2003 , la salariée n'a informé la société ni justifié par la production d'un certificat médical de la médecine du travail qu'elle était apte à reprendre son emploi et qu'elle entendait se présenter à l'agence le 19 janvier 2004 au terme de son congé de maladie; ce n'est que le 6 janvier 2004, soit après la notification de son licenciement qu'elle a prétendu être en mesure de reprendre son emploi, mais sans en justifier par un certificat de la médecine du travail.
Considérant que s'agissant du harcèlement moral dont elle aurait été l'objet de la part du directeur de l'agence, il convient de noter que Madame X... n'a travaillé sous les ordres de Monsieur A... que cinq mois; que, si pendant cette courte période son supérieur hiérarchique a pu lui faire quelques observations sur sa manière de travailler, en particulier le 10 juillet 2003 , il ne s'agit pas d'un harcèlement moral au sens de l'article 122-49 du code du travail, mais l'expression du pouvoir d'organisation de l'employeur qui peut donner des directives;
or rien d'objectif et de vérifiable ne permet d'imputer la pathologie dont a souffert la salariée ( un état dépressif) à ses conditions de travail et à un harcèlement, alors que cet état peut avoir une toute autre cause, d'autant qu'il s'est prolongé plus de quatre mois après la suspension du contrat de travail, cet argument ne peut être retenu pour imputer la rupture de son contrat à une faute de l'employeur.
Sur la discrimination salariale
Considérant que contrairement à ce soutient la société COUTOT ROEHRIG, Madame X... n'a pas été embauchée le 2 août 1993 par un établissement autonome du même nom sis à
Rennes, mais par la société COUTOT ROEHRIG dont le siège social est à PARIS , 21, boulevard Saint- Germain qui est son employeur, pour être affectée à l'agence de Rennes en qualité de secrétaire dactylographe , c'est donc au niveau de l'ensemble des agences qu'il convient de déterminer si la salariée a fait l'objet d'une discrimination salariale.
Considérant que l'employeur ne conteste pas que Madame X..., secrétaire de l'agence de Rennes, percevait une rémunération inférieure à celle de ses collègues des agences de ROUEN, DIJON et LE MANS et justifie cette différence par le volume de travail beaucoup plus important réalisé par les autres salariés ( + 214,61 % à Rouen, + 188,24 % à DIJON et + 389,32 % à LE MANS ), mais il n'explique pas pourquoi Madame E... lorsqu'elle a été embauchée définitivement le 19 janvier 2004 en remplacement de Madame X... , son salaire a été fixé à la somme de 1 800 euros par mois alors qu'elle effectuait les mêmes fonctions et avait la même charge de travail; il sera accordé à Madame X... pour la période non prescrite du 1 avril 1999 au 19 février 2004 un rappel de salaire de 150 euros par mois soit la somme de 7200 euros outre les congés payés soit 720 euros
Sur la qualification de secrétaire assistante de direction
Considérant que Madame X... établit que ses attributions au sein de l'agence de Rennes ont évolué et qu'il lui a été confié par le nouveau directeur Monsieur A... des tâches supplémentaires de comptabilité de vérification de la trésorerie de l'agence et l'établissement des fiches de paie; d'autre part ses collègues des deux autres agences citées plus haut, Mesdames F... et MORGANA, qui accomplissent le même travail, ont la qualité d'assistante de direction et d'assistante, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a fait droit à cette demande de requalification, peu importe que la société ne soit pas soumise à une convention collective ou à un accord d'entreprise.
Considérant que les parties seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , les dépens étant mis à la charge de l'employeur en raison de la disparité de situation entre elles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme pour partie le jugement du 3 mars 2005
Dit que le licenciement dcnt Madame X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la déboute de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Confirme les autres dispositions du jugement qui portent sur la qualification de secrétaire assistante de direction et l'existence d'une discrimination salariale
Condamne la société COUTOT ROEHRIG à verser à ces titres à Madame X... un rappel de salaire de 7200 euros et 720 euros au titre des congés payés correspondants.
Dit que la société remettra à Madame X... un bulletin de salaire conforme au dispositif de l'arrêt comportant la mention secrétaire assistante de direction et une attestation ASSEDIC rectifiée
Déboute les parties de leurs autres demandes
ROEHRIG
Met les dépens à la charge de la société COUTOT
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT