FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte en date du 3 août 1996 au rapport de Maître X..., notaire à Redon, les consorts Y... vendirent à Monsieur Yann Z... et à son épouse, Madame Françoise A..., une propriété située ... et rue du Moulinet, cadastrée section AL nº l, 4 et 7.
La parcelle AL nº 7 est à usage de venelle.
Monsieur Frank B..., dont la propriété jouxte ce passage, ayant posé un portail au bout de cette venelle, les époux Z... saisirent le juge des référés, lequel par ordonnance du 19 juin 2002, donna acte à Monsieur Franck B... de son engagement de remettre deux clefs du portail aux époux Z... et, à défaut, le condamna à ce faire sous peine d'astreinte.
Par acte du 17 octobre 2002 Monsieur Frank B..., Madame Véronique B... épouse C... et Mademoiselle Madeleine B... formèrent contre Monsieur Yann Z..., Madame Françoise A... épouse Z... et Monsieur Gilles Z... une action en revendication à l'effet de voir dire et juger qu'ils sont propriétaires de la parcelle située à Redon, cadastrée section AL nº 7 en nature de jardin, dénommée " Le jardin des venelles", située entre les rues Franklin, du Moulinet et Fleurimont.
Par acte du 25 février 2003 les consorts Z... appelèrent à la cause Maître X..., notaire à Redon, rédacteur de l'acte par lequel la propriété de la parcelle litigieuse leur avait été transférée le 3 août 1996.
Par jugement du 11 avril 20051e Tribunal de grande instance de Rennes:
déclara les consorts B... recevables en leur action en revendication,
dit qu'ils détenaient des droits indivis sur la parcelle cadastrée à Redon, section AL nº 7 débouchant sur la rue Franklin,
dit que la mention portée sur l'acte de propriété des époux Z..., en date du 3 août 1996, leur attribuant ladite parcelle AL nº 7 devra être rectifiée avec publication à la Conservation des hypothèques, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
condamna les époux Z... à restituer à Monsieur Frank B... les clés du portail qui leur ont été remises en vertu de l'ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Rennes du 19 juin 2002, et ce, sous astreinte de 20 € par jour de retard passé un délai de deux jours à compter de la signification du jugement,
condamna les consorts Z... à verser aux consorts B... une indemnité de 3500 € au titre de leurs frais irrépétibles,
condamna Maître X... à garantir les époux Z... des condamnations pour frais irrépétibles et dépens intervenus dans le cadre de l'instance principale,
le condamna à verser aux époux Z... une somme de 3500€ en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamna Maître X... aux dépens de l'appel en garantie.
Les consorts Z... formèrent appel de ce jugement. POSITION DES PARTIES
* LES CONSORTS Z...
Dans leurs dernières conclusions en date du 7 novembre 2006 les consorts Z... demandent à la Cour:
de les recevoir en leur appel,
de constater que Madame veuve Y... et ses héritiers se sont comportés en légitimes propriétaires de la parcelle AL nº 7 entre 1965 et 1996, soit pendant plus de trente ans,
de constater que Madame Ernestine B... n'a acquis aucun droit en 1920 de ses vendeurs, Messieurs D..., sur la parcelle AL nº 7 et n'a pu en transmettre à ses héritiers,
en conséquence de réformer le jugement en toutes ses dispositions,
de dire et juger que les époux Z... ont pu régulièrement acquérir des ayants-droits de Madame veuve Y... la pleine et entière propriété de la parcelle AL nº7 au regard des règles gouvernant la prescription trentenaire,
de débouter les consorts B... de leurs demandes,
à titre subsidiaire et avant dire droit d'ordonner une expertise,
à défaut de dire et juger que les consorts Z... bénéficient d'un droit de passage sur la parcelle AL nº 7 commun avec les époux GUIHAIRE et Monsieur Frank B...,
en tout état de cause d'enjoindre à Monsieur B... de remettre la parcelle AL nº7 dans son état antérieur et de laisser libre accès de manière à ce que les consorts Z... puissent gagner la rue Franklin sans entrave, et ce, sous astreinte de 500 € par infraction constatée,
de condamner Maître X... à garantir les consorts Z... de toutes sommes pouvant être mises à leur charge en principal, frais et intérêts,
de condamner Maître X... à leur payer une somme de 7500 € à titre de dommages et intérêts,
de condamner les consorts B..., et à défaut Maître X..., aux dépens et au paiement d'une somme de 4500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* LES CONSORTS B...
Dans leurs dernières écritures en date du 1" décembre 2006 les consorts B... demandent à la Cour:
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
de condamner les consorts Z... à leur payer une somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts,
à titre subsidiaire de dire que les consorts HEU7,E peuvent prescrire la parcelle litigieuse,
de débouter les consorts Z... de toutes leurs demandes et rejeter des débats la pièce nº 10 communiquée le 9 novembre 2006,
à titre plus subsidiaire, de dire que Maître X... a commis une faute en ne mentionnant pas, sur l'attestation de propriété immobilière du 26 janvier 1996 la parcelle AL nº 7 comme constituant une ruelle mitoyenne et en n'alertant pas les héritiers de Monsieur B... quant aux difficultés d'interprétation des titres de propriété; de condamner Maître X... au paiement d'une somme de 40.000 € en réparation du préjudice subi,
de condamner les consorts Z..., ou le cas échéant Maître X..., aux dépens et au paiement d'une somme de 7500:E en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* MAÎTRE X...
Dans ses dernières conclusions en date du 24 février 2006 Maître X... demande à la Cour:
de réformer le jugement,
de dire et juger que la parcelle AL nº 7 appartient indivisément aux consorts Z..., aux consorts E... et à Monsieur Frank B...,
de débouter les consorts Z... et les consorts B... de toutes leurs demandes dirigées contre Maître X...,
de les condamner in solidum aux dépens et au paiement d'une somme de 2000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* SUR LA DEMANDE DE REJET DE PIÈCE
Les consorts B... demandent à voir rejeter des débats la pièce nº 10 communiquée par les consorts Z... le 9 novembre 2006.
L'ordonnance de clôture étant en date du 19 décembre 2006, ce qui a permis aux consorts B... de disposer d'un délai suffisant pour en prendre connaissance et présenter leurs éventuelles observations, il ne sera pas fait droit à cette demande.
* SUR LA PROPRIÉTÉ DE LA PARCELLE AL N* 7
L'acte le plus ancien dans lequel est référencée la parcelle AL nº 7 est l'acte du 27 juin 1881 emportant vente par Monsieur F... à Monsieur Florentin D... d'une propriété joignant du levant la rue des venelles, du midi E... et "une petite ruelle de servitude ", du couchant CHAUVIÈRE.
Un acte de donation-partage D... du 28 décembre 1894 attribua:
à Anna D... ( article 2, 8eme lot) : une maison située rue Franklin, au Nord VALENTIN, mur mitoyen, au levant la rue Franklin, au midi passage commun avec E..., CHAUVIÈRE, au couchant cette dernière, mur mitoyen,
à Berthe D... ( article 4, 7eme lot) : une parcelle de jardin joignant au Nord la rue du Moulinet, au levant héritiers DEBRAY, VALENTIN, CHAUVIÈRE, au midi E..., cette parcelle étant délimitée par les points figurant au plan J.K.D.G.H. ; droit de passage commun avec CHAUVIÈRE et E....
Les consorts B... viennent aux droits d'Anna D... et les consorts Z... aux droits de Berthe D....
La chaîne des titres de propriété des consorts B... fait ensuite apparaître les dévolutions suivantes :
vente d'Anna D... à ses frères, Henri et Léon D..., du 18 février 1919 : jardin et cour, au midi un passage commun avec E... et CHAUVIÈRE,
adjudication du 31 mars 1920 par Henri et Léon D... à Madame H... veuve B... : une propriété en bordure de la rue Franklin joignant du midi par une ruelle mitoyenne avec Léon et Henri D..., BENOIT, E....
La chaîne des titre des propriétés des consorts Z... fait apparaître les dévolutions suivantes :
vente de Berthe D... à ses frères, Henri et Léon D..., du 8 juin 1914 de la parcelle à usage de jardin joignant au Nord la rue du Moulinet, au Sud E... ; cet acte ne fait aucune mention de la venelle litigieuse,
vente par Henri et Léon D... à Monsieur I... du 7 avril 1931 du jardin situé rue du Moulinet cadastré D nº 48p joignant au Nord la rue du Moulinet, au midi E..., au levant BENOIT ; cet acte ne contient aucune mention afférente au passage commun,
vente par les consorts I... à Madame Y... du 23 mai 1952 de la parcelle à usage de jardin située à Redon, rue du Moulinet, cadastrée section D nº48p ne contenant pas davantage de mention de la venelle,
vente des héritiers Y... aux époux Z... du 3 août 1996 de la propriété située rue du Moulinet cadastrée section AL nº 1, 4 et 7, cette dernière parcelle étant la venelle litigieuse ; cet acte mentionne sous la rubrique " rappel de servitude" que de tous temps les parcelles cadastrées section AL n º 5, 6, 8 et 197 ont été desservies par le chemin cadastré section AL nº 7 présentement vendu et que les acquéreurs déclarent avoir été informés de cette servitude bien avant ce jour et s'engagent à laisser ledit passage à cet usage.
Il est indéniable qu'il existe des difficultés d'interprétation des différents titres et des distorsions entre eux. Il y a également divergences quant à la qualification du chemin puisque sont successivement utilisés les termes de servitude, de droit de passage, de passage commun et de passage mitoyen.
Il est acquis que les fonds des parties proviennent de la division d'un fonds unique qui a été partagé en 1894.
Lors de ce partage le lot attribué à Anna D..., auteur des consorts B..., incluait un passage commun avec deux autres propriétaires, E... et CHAUVIÈRE, tandis que Berthe D..., auteur des consorts Z..., se voyait attribuer un droit de passage commun avec CHAUVIÉRE et E....
Rien ne permet de considérer qu'à l'issue de ce partage, Anna D... s'était vu attribuer un droit de propriété sur ce chemin et Berthe D... un simple droit de passage, étant rappelé que le titre de leur auteur commun parlait de "ruelle de servitude".
En effet si le rédacteur de l'acte parle dans un cas de "passage commun", dans un autre de "droit de passage commun", au w du plan annexé à l'acte sur lequel figure 1e chemin avec la mention "passage commun D..., CHAUVIÈRE et E...", et au vu de la destination de ce chemin qui présente une utilité pour le desservice de toutes les parcelles comprises entre les rues du Moulinet et de la rue Franklin, il se déduit que ce chemin était en indivision forcée entre tous les riverains.
Lors de la vente sur adjudication intervenue le 31 mars 1920 au profit de Madame B..., le descriptif des biens vendus mentionne que la propriété joint du midi par une ruelle mitoyenne avec Léon et Henri D... et E.... Il en résulte que les frères D... conservèrent leurs droits sur le chemin alors qu'ils ne demeuraient propriétaires que de la parcelle qui leur avait été vendue par Berthe D... aux termes d'un acte du 8 juin 1914 ne comprenant pas la venelle dans le descriptif des biens vendus.
Les titres successifs des auteurs des parties ainsi que ceux des propriétaires riverains ne sont pas concordants puisque les ventes consenties à Monsieur I... et Madame Y... n'incluent pas de droit sur le chemin; or le 3 août 1996 Madame Y... vendit la parcelle AL nº 7 aux époux Z..., étant précisé que le 31 janvier 1985, après le décès de Madame Y..., Maître J..., notaire à Guipry, avait dressé une attestation de propriété déclarant qu'elle était propriétaire de la parcelle AL nº 7.
L'examen des titres des propriétaires riverains fait également apparaître un certain nombre de contradictions.
Si l'acte de partage BENOIT/K... publié le 26 juillet 1965 mentionne que la parcelle AL nº 8 joint au couchant Y... sans aucune référence avec une venelle qui appartiendrait à cette dernière, l'acte publié 1e 26 janvier 1966 emportant vente par Madame K... aux époux L..., de la parcelle cadastrée section AL n'8, mentionne "avec droit de servitude de passage sur la parcelle AL n º 7 appartenant à Madame Y..." . Cette mention est rappelée dans l'acte des 23 et 24 décembre 1998 aux termes desquelles Monsieur Frank B... acheta la parcelle AL nº 8.
L'attestation de propriété publiée le 15 juin 1966 à la suite du décès de Monsieur E... précise que son fonds jouxte au Nord une venelle " avec droits qui peuvent être attachés à ce petit chemin", définition particulièrement peu explicite sur la nature de ces droits.
Il se déduit de l'ensemble de ces titres que le chemin litigieux, dont le statut juridique n'a jamais été clairement défini parles titres, est destiné au service commun des différentes propriétés riveraines, est attaché aux fonds qu'il dessert, leur est nécessaire, et constitue une indivision forcée perpétuelle.
Il appartient donc indivisément aux consorts Z..., B... et E....
Dès lors, aucune des parties ne saurait en avoir prescrit l'assiette.
En conséquence, et sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevables les consorts B... en leur demande tendant à se voir déclarer propriétaires de droits indivis sur le chemin litigieux, en ce qu'elle a débouté les consorts Z... de leur demande tendant à se voir déclarer propriétaires exclusifs dudit chemin et en ce qu'elle a ordonné la rectification de la mention portée sur l'acte de propriété des époux Z... leur attribuant à titre privatif la propriété de la parcelle AL nº7.
* SUR LA DEMANDE DE REMISE DE CLEFS
La parcelle AL nº 7 à usage de chemin étant une indivision forcée et perpétuelle au service des fonds qu'il dessert, la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a condamné les consorts Z... à restituer les clefs du portail implanté par Monsieur B... et ce dernier sera tenu de laisser libre accès sur ce chemin aux consorts Z....
Le régime de l'indivision forcée autorisant chaque propriétaire à apporter sans autorisation et dans son intérêt personnel, des modifications à l'état des lieux, les consorts Z... seront déboutés de leur demande tendant à voir condamner Monsieur B... à supprimer le portail qu'il a fait installer à l'entrée du chemin pour se prémunir contre les cambriolages.
* SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS
La décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a débouté les consorts B... de leur demande de dommages et intérêts.
En effet, dès lors que leur titre leur attribuait la pleine propriété de la parcelle AL nº 7, les consorts Z... ne sauraient avoir engagé leur responsabilité en usant de cette parcelle en qualité de propriétaires.
* SUR L'ACTION DIRIGÉE CONTRE 1VIAITRE X...
Le notaire, tenu à l'égard de son client d'un devoir de conseil, de loyauté, de prudence et de diligence, doit s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes auxquels il porte son concours. Il doit notamment vérifier la qualité de propriétaire du vendeur à l'acte de vente qu'il établit et ne saurait se borner à reprendre d'un acte antérieur une origine de propriété qui se révèle erronée.
Dans le cas présent seule l'attestation après décès dressée le 31 janvier 1985 par Maître J..., notaire à Guipry, attribuait à Madame Y... la pleine propriété de la parcelle AL nº7 alors que les actes antérieurs ne comportaient pas cette parcelle.
En omettant de remonter la chaîne des titres successifs de transferts de propriété, ce qui lui aurait permis de constater que la venderesse ne détenait aucun droit exclusif de propriété sur le bien vendu, et en limitant ses investigations à l'attestation après décès laquelle ne vaut pas titre, Maître X... a failli à ses obligations à l'égard des consorts Z... et a engagé sa responsabilité.
Toutefois le préjudice subi par les consorts Z... est limité aux troubles et tracas engendrés par la présente instance dès lors qu'ils continuent à bénéficier, en qualité de propriétaires indivis, de la venelle litigieuse.
En réparation de ces troubles et tracas, Maître X... sera condamné à leur payer la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts.
La Cour ayant reconnu aux consorts B... un droit indivis sur la parcelle AL nº 7, il n'y a pas lieu de statuer sur leur demande subsidiaire en dommages et intérêts dirigée à l'encontre de Maître X....
* SUR LES DÉPENS
Les entiers dépens seront supportés par Maître X....
Les consorts Z... seront condamnés à payer aux consorts B... une somme de 1500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et Maître X... sera condamné à payer aux consorts Z... une somme de 1500 € à ce titre et à les garantir de la condamnation prononcée à leur encontre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Dit n'y avoir lieu de rejeter des débats 1a pièce nº 10 communiquée par les consorts Z....
Confirme le jugement en date du 11 avril 2005 rendu par le Tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions sauf celle relative à la remise des clefs du portail.
Statuant à nouveau,
Constate que la parcelle située à Redon, cadastrée section AL nº 7 est la propriété indivise des consorts Z..., B... et E....
En conséquence, déboute les consorts B... de leur demande en restitution des clefs du portail installé à l'entrée de la parcelle AL nº 7,
Y ajoutant,
Déboute les consorts Z... de leur demande de remise de la parcelle AL nº 7 en son état antérieur.
Condamne Maître X... à payer aux consorts Z... une somme de mille cinq cents euros ( 1500,00 €) à titre de dommages et intérêts.
Condamne les consorts Z... à payer aux consorts B... une somme de mille cinq cents euros (1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.
Condamne Maître X... à garantir les consorts Z... de la condamnation pour frais irrépétibles prononcée à leur encontre et à leur payer une somme de mille cinq cents euros (1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne Maître X... aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT