FAITS ET PROCÉDURE
La S.A.R.L. Comexpert, société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, inscrite au tableau de l'ordre des experts comptables de la compagnie régionale des commissaires aux comptes, a pour associés Messieurs Bernard X..., titulaire de 497 parts, Christian Y..., Jean Z... et Walter A..., chacun titulaire d'une part. Monsieur A... n'est pas expert comptable.
Seul Monsieur X... exerce son activité professionnelle au sein de la société Comexpert, Monsieur Y... exerçant la sienne au sein de la société Fidu Bretagne.
Dans le courant de l'année 2001 Monsieur Y..., qui désirait cesser son activité professionnelle, s'engagea à vendre les parts qu'il détenait dans la société Fidu Bretagne à Monsieur X.... Il demanda par ailleurs sa radiation de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes avec effet au 30 juin 2002.
Le 10 septembre 2002 Monsieur Y... céda ses parts à un tiers. A la suite de cette cession un important contentieux opposa Messieurs X... et LE CREN, tant devant les juridictions civiles que pénales.
Le 26 mars 20021a Compagnie régionale des commissaires aux comptes avisa la société Comexpert que, du fait de la radiation de Monsieur Y..., elle ne remplissait plus les conditions prévues à l'article L 225-218 du code du commerce selon lesquelles les 3/4 du capital doivent être détenus par des commissaires aux comptes et les 3/4 des associés doivent être des commissaires aux comptes, et risquait d'être radiée du tableau.
Par courrier du 25 septembre 2002 Monsieur B..., rappelant à Monsieur Y... les dispositions de l'article 11 des statuts de la société Comexpert, l'invita à céder sa part à Monsieur C... qui avait été agréé à cet effet par les autres associés.
Monsieur Y... n'ayant pas régularisé la situation, par acte du ler avril 20031a société Comexpert saisit le Tribunal aux fins de voir constater que Monsieur Y... était exclu, en sa qualité d'associé, de la société Comexpert depuis sa radiation de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes et d'entendre dire et juger que sa part sera rachetée par la société Comexpert au prix de 794 €.
Par jugement du 25 octobre 2005 le Tribunal de grande instance de Rennes:
constata que par application de l'article 11 des statuts de la S.A.R.L. Comexpert, Monsieur Christian Y... était tenu de céder sa part dans la dite société avant le 31 décembre "2001 ", et qu'il n'avait pas respecté cette obligation,
dit que le jugement vaudra acte de cession de la part sociale numérotée 117 de Monsieur Christian Y... au profit de la S.A.R.L. Comexpert au prix de 1000 €,
ordonna l'exécution provisoire du jugement,
condamna Monsieur Y... aux dépens et au paiement d'une somme de 1500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Y... forma appel de ce jugement.
POSITION DES PARTIES
* MONSIEUR Y...
Dans ses dernières conclusions en date du 28 février 2007 Monsieur Y... demande à la Cour:
de surseoir à statuer dans l'attente du sort de l'instance pénale engagée par Monsieur Y... dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile du 28 juin 2005,
au fond, d'infirmer le jugement et débouter la société Comexpert de toutes ses demandes,
de donner acte à Monsieur Y... de son accord pour répondre à toute convocation régulière de l'assemblée générale de la société Comexpert pour traiter selon les procédures prévues par les statuts la question de la perte de la qualité d'associé, par cession volontaire ou exclusion, et de son accord pour saisir sans délai la Compagnie régionale des commissaires aux comptes en cas de désaccord sur le prix
de condamner la société Comexpert à lui payer une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
de juger de l'opportunité d'une amende civile contre la société Comexpert,
de condamner la société Comexpert aux dépens et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* LA SOCIÉTÉ COMEXPERT
Dans ses dernières écritures en date du 13 mars 2007 la société Comexpert demande à la Cour:
de rejeter la demande de sursis à statuer,
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
de condamner Monsieur Y... à lui payer une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
de le condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
En cours de délibéré, en application de l'article 445 du nouveau code de procédure civile, la Cour invita les parties à présenter leurs éventuelles observations sur l'application à la cause de l'article 1843-4 du code civil.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* SUR LE SURSIS À STATUER
Aux termes de l'article 312 du nouveau code de procédure civile si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs ou complices de faux, il est sursis au jugement civil jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal, à moins que le principal puisse être jugé sans tenir compte de la pièce arguée de faux.
Dans le cas présent Monsieur Y... demande à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ouverte à la suite de sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 28 juin 2005 à l'encontre de Monsieur X... pour faux et usage de faux.
La pièce arguée de faux dans le cadre de cette plainte pénale est la décision du 25 septembre 2002 validant l'exclusion de Monsieur Y... de la société Comexpert.
Toutefois, devant la Cour, la société Comexpert se limite à conclure à la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la vente forcée de la part sociale détenue par Monsieur Y... par suite de sa radiation de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, conformément à l'article 11 des statuts, et ce, afin qu'elle puisse se mettre en conformité avec les dispositions de l'article L 822-9 du code de commerce.
Dès lors seule l'effectivité de la radiation de Monsieur Y... de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, radiation qui n'est pas discutée, devra être prise en compte pour trancher le litige et le débat relatif à l'authenticité du document du 25 septembre 2002 argué de faux y est étranger.
En conséquence la suite qui sera donnée par la juridiction pénale à la plainte pour faux et usage de faux sera sans influence sur la solution à apporter au présent litige et les longs développements présentés sur ce point par Monsieur Y... dans ses écritures sont inopérants.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande de sursis à statuer.
* SUR LA CESSION DE LA PART SOCIALE DE MONSIEUR Y...
Aux termes de l'article 11 des statuts de la société Comexpert Le professionnel associé radié du Tableau des experts comptables ou de la liste des commissaires aux comptes cesse d'exercer toute activité professionnelle au nom de la société à compter du jour oÿ la décision prononçant la radiation est définitive. Il dispose d'un délai de six mois à compter du même jour, pour céder tout ou partie de ses parts afin que soit maintenues les quotités fixées à l'article 7 pour la participation des professionnels. Il peut exiger que le rachatporte sur la totalité de ses parts et ce rachat total peut lui être imposé par l'unanimité des autres associés.
Il est acquis aux débats que Monsieur Y... a, sur sa demande, été radié de la liste des commissaires aux comptes avec effet au 30 juin 2002.
En application de l'article 11 des statuts et dès lors qu'après cette radiation seuls deux associés sur quatre demeuraient inscrits sur la liste des commissaires aux comptes et que le quota légal des 3/4 au moins d'associés commissaires aux comptes n'était plus respecté, Monsieur Y... devait céder sa part, au plus tard le 30 décembre 2002, soit à un commissaire aux comptes soit à la société
Comexpert à charge pour elle de trouver une solution pour régulariser sa composition.
Monsieur Y... n'ayant pris aucune disposition pour céder sa part ni présenté aucun cessionnaire aux autres associés dans le délai de six mois à compter de sa radiation, c'est à juste titre que le Tribunal, estimant inopérante la discussion relative à la validité du document daté du 25 septembre 2002, a constaté que Monsieur Y... était tenu de céder sa part avant le 31 décembre 2002, et non le 31 décembre 2001 comme mentionné au dispositif du jugement par suite d'une erreur purement matérielle, et a décidé que le jugement vaudrait vente forcée de sa part sociale à la société Comexpert.
* SUR LA VALEUR DE LA PART SOCIALE
L'article 11 des statuts de la société Comexpert dispose : Le prix est, en cas de contestation, déterminé conformément aux dispositions de l'article 18434 du code civil.
Aux termes de l'article 1843-4 du code civil dans tous les cas oÿ sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.
Après avoir conclu dans ses écritures à la confirmation du jugement ayant fixé la valeur de la part sociale détenue par Monsieur Y... à la somme de 1000 €, la société Comexpert admet, dans une note en délibéré, qu'il convient d'appliquer les dispositions de l'article 1843-4 du code civil.
Monsieur Y... déclare souhaiter un arbitrage par la Compagnie régionale des commissaires aux comptes ainsi que prévu à l'article 35 des statuts de la société.
L'article 3 5 des statuts prévoyant une tentative d'arbitrage avant tout recours contentieux ne saurait trouver à s'appliquer, à ce stade de la procédure, dès lors que les tribunaux se trouvent d'ores et déjà saisis.
En l'absence d'accord des parties, il sera désigné, aux frais avancés par Monsieur Y... et à défaut par la société Comexpert, un expert conformément aux articles 11 des statuts et 1843-4 du code civil, avec mission de fixer, selon les modalités librement déterminées par ses soins, la valeur de la part sociale détenue par Monsieur Y... à la date la plus proche possible du remboursement effectif de la dite part.
* SUR LA DEMANDE DE DONNER ACTE
Monsieur Y... demande à la Cour de lui donner acte de son accord pour répondre à toute convocation régulière de l'assemblée générale de la société Comexpert pour traiter selon les procédures prévues par les statuts la question de la perte de sa qualité d'associé, par cession volontaire ou exclusion et de son accordpour saisir sans délai la Compagnie régionale des commissaires aux comptes en cas de désaccord des parties.
Cette demande de donner acte ne contenant aucune prétention sur laquelle il est demandé au juge se statuer, elle s'avère être sans objet.
* SUR LES DEMANDES DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Chacune des parties demande à voir condamner l'adversaire à lui payer une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La preuve n'étant pas rapportée que le droit des parties d'agir en justice ait dégénéré en abus, chacune d'elles sera déboutée de sa demande.
* SUR L'AMENDE CIVILE
Aux termes de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3000 €.
Monsieur Y... demande à la Cour de statuer sur l'opportunité de fixer une amende civile à la charge de la société Comexpert.
Monsieur Y... sera débouté de ce chef de demande dès lors que la société Comexpert triomphe en cause d'appel, ce qui exclut qu'elle ait agi de manière abusive ou dilatoire.
* SUR LES DÉPENS
Les dépens seront supportés par Monsieur Y... qui succombe en son appel, à l'exception des frais de l'expertise qui seront supportés pour moitié par chacune des parties.
Monsieur Y... sera débouté de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné à payer, à ce titre, une somme de 1500 € somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue qui sera donnée à la plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux déposée par Monsieur Christian Y... à l'encontre de Monsieur X....
Confirme le jugement rendu le 25 octobre 2005 par le Tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions sauf celle relative au prix de cession de la part sociale détenue par Monsieur Christian Y... dans le capital de la S.A.R.L. Comexpert.
Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement du 25 octobre 2005 et dit qu'il convient de lire dans son dispositif :
"Constate que par application de l'article 11 des statuts de la S.A.R.L. Comexpert Christian LE CREN était tenu de céder sa part dans la dite société avant le 31 décembre 2002"
aux lieu et place de :
"Constate que par application de l'article 11 des statuts de la S.A.R.L. Comexpert Christian LE CREN était tenu de céder sa part dans la dite société avant le 31 décembre 2001 ".
Statuant à nouveau,
Dit que la valeur de la part sociale de Monsieur Y... dans la S.A.R.L. Comexpert sera déterminée conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil.
A cette fin, désigne :
Monsieur Bernard D...
...
CS 76308
35063 Rennes cedex $0299863131
avec mission :
de se faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et entendre les parties,
d'évaluer, selon des modalités librement déterminées par ses soins, la valeur de la part sociale détenue par Monsieur Y... dans le capital de la S.A.R.L. Comexpert à la date la plus proche possible de son remboursement effectif.
Dit que l'expert accomplira sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées et la conduira conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du nouveau code de procédure civile.
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour d'appel de Rennes, l ère chambre A, dans le délai de quatre mois à compter du jour de la consignation.
Dit que Monsieur Y..., et à défaut la société Comexpert, seront tenus de consigner une provision de mille euros (1000,00 €) à valoir sur la rémunération de l'expert au greffe de la Cour d'appel dans le délai d'un mois à compter de ce jour.
Dit que, par les soins du greffe, avis de la consignation sera donné à l'expert.
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera caduque.
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance.
Désigne Madame MALLET, conseiller, pour assurer le suivi des opérations d'expertise et, en cas d'empêchement, tout autre magistrat de la le` chambre A de la Cour d'appel de Rennes.
Dit qu'il appartiendra à l'expert de solliciter les prorogations et les compléments de provision utiles à la bonne exécution de sa mission.
Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 17 octobre 2007 par application de l'article 153 du nouveau code de procédure civile.
Déclare sans objet la demande de "donner acte" présentée par Monsieur Y....
Déboute chacune des parties de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Déboute Monsieur Y... de sa demande tendant à voir condamner la S.A.R.L. Comexpert au paiement d'une amende civile.
Déboute Monsieur Y... de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne Monsieur Y... à payer à la S.A.R.L. Comexpert une somme de mille cinq cents euros (1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.
Condamne Monsieur Y... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, et ce, à l'exclusion des frais de l'expertise qui seront supportés par moitié entre les parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT