EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Lors d'une vente aux enchères organisée à QUIMPER le 7 Décembre 2002 par Maître GUERPILLON BERGERON, commissaire priseur, avec le concours de M X..., expert, la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD a acquis un tableau d'Ernest Y..., intitulé "Soir de Pardon dans la baie d'AUDIERNE , appartenant à M Z..., pour le prix de 6 000 € hors frais.
Exposant que ce tableau, dont M X... lui avait indiqué qu'il était en très bon état, présentait au dos des taches ou décolorations sur environ 70 % de sa surface, ce qui était vraisemblablement du à un traitement à la cire destiné à empêcher des décollements, et que la peinture elle-même avait subi d'importantes restaurations, la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD a obtenu la désignation de M A... en qualité d'expert par ordonnance de référé du 18 Juillet 2003.
Au vu de son rapport, déposé le 27 Février 2004, elle a assigné M Z..., Maître GUERPILLON BERGERON et M X... devant le Tribunal de Grande Instance de QUIMPER pour obtenir la nullité de la vente et leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 8 920,72 €.
Par jugement du 18 Octobre 2005, elle a été déboutée de ses prétentions et condamnée à payer à Maître GUERPILLON BERGERON et à M X... 500 € chacun en remboursement de leurs frais irrépétibles.
La galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, maintenant qu'elle a été trompée sur les qualités substantielles du tableau et se prévalant notamment d'une expertise amiable diligentée par Mme B..., expert près la Cour d'Appel de PARIS en date du 12 Mai 2004, elle sollicite l'annulation de la vente pour erreur, ou subsidiairement sa résolution pour défaut de conformité, et demande la condamnation in solidum de M Z..., Maître GUERPILLON BERGERON et M X... à lui payer 8 920,72 € correspondant au prix de vente augmenté des frais, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation. A titre infiniment subsidiaire, elle reproche à Maître GUERPILLON BERGERON et à M X... d'avoir commis une faute professionnelle et conclut à leur condamnation à lui payer la même somme A défaut et pour le cas où la Cour ne s'estimerait pas suffisamment informée, elle conclut à l'instauration d'une contre expertise aux frais des intimés. Elle réclame 10 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.
Maître Guerpillon Bergeron fait valoir que les actions en annulation et résolution de vente ne peuvent être dirigées qu'à l'encontre du vendeur et soulève leur irrecevabilité en ce qu'elles sont dirigées à son encontre. Subsidiairement, elle conteste que l'appelante ait été victime d'une erreur et ajoute que le rapport de Mme B... lui est inopposable. Elle nie avoir commis une faute, en observant qu'il ne lui en est du reste reproché aucune, et ajoute qu'au demeurant aucun préjudice n'est démontré. A titre subsidiaire, elle demande la garantie de M X... et réclame 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M X... sollicite également la confirmation du jugement, sauf à se voir allouer 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles. Comme Maître GUERPILLON BERGERON, il soutient que les actions en nullité ou résolution de vente ne peuvent être engagées qu'à l'encontre du vendeur et conteste en toute hypothèse que ces actions puissent prospérer au fond. Il estime que l'avis qu'il a donné était conforme à la réalité dès lors que s'il existe des restaurations, elles ne dénaturent pas l'oeuvre. Il ajoute qu'aucun préjudice n'est démontré et qu'en réalité ce sont les dégradations qui se sont produites après la vente, en cours de transport, qui expliquent que l'appelante ne veuille pas la conserver. Subsidiairement, il conclut au rejet de l'appel en garantie formé par celle-ci en faisant valoir qu' elle ne peut se voir exonérer de toute responsabilité, en sa qualité de professionnelle de l'art, et qu'elle ne critique pas l'avis qu'il a donné sur la qualité de l'oeuvre.
Assigné à personne le 6 Juillet 2006, M Z... n'a pas constitué
avoué.
L'ordonnance de clôture est en date du 25 Juin 2007. DISCUSSION
Attendu que par conclusions déposées le 25 Juin 2007, M X... sollicite que soit écartée des débats la demande de contre expertise formée par la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD dans ses écritures signifiées le 18 Juin 2007, veille de l'ordonnance de clôture, pour violation du contradictoire ;
Attendu cependant, que suite à la signification de ces écritures, la clôture prévue initialement pour le 19 Juin 2007, a été reportée à la demande de Maître GUERPILLON BERGERON au 25 Juin 2007 ;
Attendu qu'à supposer que M X... n'ait pas été prévenu de ce report, il n'établit pas qu'il n'ait pas eu le temps de répondre, dans les heures qui suivaient , à une demande de contre expertise ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions de l'appelante en date du 18 Juin 2007 ; qu'il y sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ainsi qu'à celles de M X...
en date du 29 Mai 2007 et de Maître GUERPILLON BERGERON en date du 27 Avril 2007 ;
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Attendu qu' au soutien de ses demandes, la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD fait essentiellement valoir que n'ayant pu se déplacer pour examiner le tableau avant la vente, elle avait demandé par courrier électronique du 6 Décembre 2002 un descriptif précis de son état de conservation et qu'il lui avait été répondu par M X... le même jour qu'il était en très bon état, nettoyé et présenté dans un cadre moderne mais de bonne qualité, ce qui n'était pas le cas ainsi que le démontre sans ambiguïté l'expertise amiable à laquelle elle a fait procéder par Mme B... ;
Attendu que ce rapport amiable a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties ; que dès lors, il n'y a pas lieu de le déclarer inopposable aux intimés ;
Attendu que l'expert judiciaire indique que le tableau est sur sa toile d'origine, avec un cadre neuf et qu'il a subi un léger nettoyage par allégement du vernis ; qu'il relève que le peintre n'ayant pas préparé sa toile de façon très minutieuse, le vernis appliqué après l'opération d'allégement par le restaurateur était passé à travers la toile, ce qui explique que le dos de celle-ci soit taché ou décoloré ; que par ailleurs, il note qu' un examen minutieux à la lampe de WOOD met en évidence un certain nombre de repeints ; que toutefois, il conclut que les restaurations ne dénaturent pas le tableau et qu'il n'existe pas de préjudice patrimonial ou financier ;
Attendu que l'expert amiable indique quant à elle que le verso du tableau présente deux sortes de tâches, correspondant à des matières ajoutées lors des opérations de restauration, les tâches sombres étant le produit de l'imprégnation d'huile, de colle animale et d'un pigment noir, les plus claires étant dues à un refixage à la cire paraffine, aussi par imprégnation ; qu'il ajoute, s'agissant du recto, que la surface de la pellicule picturale présente un écrasement prononcé, résultat d'un repassage appuyé, qu'il existe une légère usure générale de la couche picturale produite par un nettoyage et que la photographie sous ultraviolet met en évidence l'importance des repeints ; qu'il affirme que le tableau a subi d'importantes restaurations intervenues en deux temps et que le repassage a uniformisé les épaisseurs de la matière laissée par le pinceau de l'artiste, modifiant de ce fait sa lecture ; qu'il signale que les imprégnations d'huile demeurent dangereuses pour la conservation de l'oeuvre parce qu'elles entraînent une détérioration progressive des fibres de la toile ; qu'il en conclut que l'on ne peut affirmer que ce tableau est en "very good condition " ;
Attendu, en droit, que Maître GUERPILLON BERGERON et M X..., qui ne sont pas les vendeurs du tableau, ne peuvent être poursuivis en annulation ou résolution de vente ;
Attendu que le courrier électronique de la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD est ainsi libellé : "Please send a condition report on the painting Soir le Pardon by Léon Saunier" ;
Attendu que ce seul élément ne saurait suffire à démontrer qu'elle avait fait de l'état du tableau une qualité substantielle, puisque d'une part, contrairement à ce qu'elle indique, elle n'avait pas exigé un descriptif "précis" des éventuelles restaurations et, d'autre part, que cette demande peut s'expliquer simplement par son souhait d'évaluer de manière un peu plus précise que selon la photographie figurant au catalogue de la vente une oeuvre qu'elle n'avait pas vue avant de porter les enchères ;
Attendu par ailleurs que le tableau livré est bien le tableau acquis ; que dès lors, les demandes en annulation de vente et résolution de vente dirigées contre le vendeur ne peuvent prospérer ;
Attendu que le catalogue de la vente établi par Maître GUERPILLON BERGERON ne comporte aucune indication sur l'état du tableau de sorte qu'aucune faute ne peut lui être personnellement reprochée ;
Attendu que si l'on peut admettre, ainsi que l'a fait le Tribunal, qu'interrogé sur l'état du tableau, M X... aurait du s'abstenir d'indiquer qu'il était en très bon état et a engagé ainsi sa responsabilité délictuelle, la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD n'apporte pas plus devant la Cour qu'elle ne l'avait fait en première instance, la démonstration d'un lien de causalité et d'un préjudice, se bornant à affirmer que le seul fait de se retrouver avec une oeuvre dont elle ne voulait pas caractérise celui-ci ;
Attendu en effet, d'une part, que même si elle se décrit comme une galerie spécialisée dans les oeuvres de très bonne facture et en bon état de conservation, il n'est pas certain qu'avisée de l'état exact du tableau, elle n'aurait pas porté d'enchères ; que d'autre part, aucun élément n'établit que le tableau ne lui ait pas été adjugé à son juste prix compte tenu de son état comme le considère l'expert judiciaire et ne le dément pas le rapport amiable, muet sur la question ;
Attendu que sur ce fondement encore, elle a été déboutée à bon droit de sa demande ce qui rend sans objet l'appel en garantie diligenté par M X... ;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de M X... ; qu'en revanche, la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD sera condamnée à payer de ce chef 1 000 € à Maître GUERPILLON BERGERON en remboursement des frais d'instance et d'appel ;
PAR CES MOTIIFS
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les dernières conclusions de la galerie d'art MILMO PENNY FINE ARTLTD,
Confirme le jugement, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Déboute M X... de sa demande de ce chef,
Condamne la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD à payer à Maître GUERPILLON BERGERON 1 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles d'instance et d'appel,
Ajoutant,
Rejette la demande en résolution de vente,
Condamne la galerie d'art MILMO PENNY FINE ART LTD aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés par la SCP GAUTIER-L'HERMITTE ET par la SCP D'ABOVILLE - DE MONCUIT SAINT HILAIRE-LE CALLONNEC conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER.-LE PRESIDENT.-