1.FAITS ET PROCÉDURE
Le 24 octobre 2003 Monsieur Philippe X... et son épouse, Madame Dominique Y..., résidant ensemble à Clayes, lieu-dit "Le haut Plessix", se sont portés acquéreurs de trois parcelles de terre situées dans ce lieu-dit, cadastrées section A no 21, 22 et 598, d'une contenance totale de 1 ha 9 a 35 ca.
Le 19 janvier 2004 la S.B.A.F.E.R. avisa Maître Z..., notaire à Romillé, de son intention d'exercer son droit de préemption sur les parcelles appartenant à Monsieur A... devant être vendues aux époux X.... Le 22 janvier 2004 elle en avisa les époux X....
Le 10 février 2004 les époux X... informèrent la S.B.A.F.E.R.de ce qu'ils se portaient candidats à la rétrocession.
Le 24 mai 2004 la S.B.A.F.E.R. proposa aux époux X... de leur attribuer une partie des immeubles préemptés, à savoir les parcelles A 22 et 598 pour 44 a 35 ca.
Par acte du 15 juillet 2004 les époux X... assignèrent la S.B.A.F.E.R. en annulation de la décision de préemption et le 2 août 2005 ils assignèrent les époux Jean-Claude B... en déclaration de jugement commun.
En l'état de cette assignation la S.B.A.F.E.R. différa la rétrocession, au profit des époux X..., des parcelles A 22 et 598.
Par jugement du 18 avril 2006 le Tribunal de grande instance de Rennes:
annula la décision de préemption prise par la S.B.A.F.E.R. au visa du compromis de vente consenti par Monsieur Louis A... au profit des époux X... et portant sur les parcelles cadastrées section A no 21, 22 et 598 de la commune de Clayes, lieu-dit "Le haut Plessix" représentant une surface totale de 1 ha 9 a 35 ca,
4
déclara le jugement commun aux époux B...,
4
débouta les parties de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamna la S.B.A.F.E.R. aux dépens. La S.B.A.F.E.R. forma appel de ce jugement.
-2-
POSITION DES PARTIES
* LA S.B.A.F.E.R.
Dans ses dernières conclusions en date du 6 septembre 2006 la S.B.A.F.E.R. demande à la Cour :
de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et réformer le jugement,
qde débouter les époux X... de toutes leurs demandes,
de dire et juger régulière et valable la décision de préemption exercée par la S.B.A.F.E.R. sur les biens mis en vente par Monsieur A..., à savoir l'immeuble cadastré commune de Clayes, parcelles A 21, 22 et 598,
qen conséquence de l'abus de droit des époux X... de les condamner à verser à la S.B.A.F.E.R. une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts,
qde condamner les époux X... aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* LES ÉPOUX X...
Dans leurs dernières écritures en date du 26 février 2007 les époux X... demandent à la Cour :
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
q
de débouter la S.B.A.F.E.R. et les époux B... de toutes leurs demandes,
de condamner la S.B.A.F.E.R. aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* LES ÉPOUX B...
Dans leurs dernières conclusions en date du 17 janvier 2007 les époux B... demandent à la Cour :
de réformer le jugement de déclarer irrecevable l'assignation en déclaration de jugement commun qui leur a été délivrée le 2 août 2005,
1=1subsidiairement de débouter les époux X... de toutes leurs
demandes,
de condamner les époux X..., ou à défaut la S.B.A.F.E.R. à leur payer la somme de 2500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
q
de condamner les mêmes aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE PRÉEMPTION ET DE RÉTROCESSION
Les articles L 143-1 et 2 du code rural instituent au profit des sociétés d'aménagement foncier et d' établissement rural un droit de préemption aux fins de rétrocession. L'exercice de ce droit a pour objet de répondre à des objectifs prévus par la loi d'orientation agricole et énumérés à l'article L 143-2 du code rural.
L'article L 143-3 du code rural prévoit qu'à peine de nullité la société d'aménagement et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs objectifs visés à l'article L 143-2.
Il appartient au juge saisi d'une demande en annulation d'une décision de préemption de vérifier si la décision critiquée est motivée d'une manière réelle et concrète permettant de vérifier la réalité de l'objectif allégué, sans toutefois se prononcer sur son opportunité, un tel pouvoir ne relevant pas du juge judiciaire.
Dans le cas présent les époux X... concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la décision de préemption en soutenant que la S.B.A.F.E.R. n'a pas suffisamment motivé sa décision, qu'elle a commis un détournement de pouvoir en exerçant son droit au profit d'un attributaire déterminé et qu'elle a préempté en méconnaissance des objectifs légaux qui lui sont assignés.
"Dans un secteur où la demande est forte, où la concurrence entre agriculteurs et non agriculteurs existe et où les besoins en aménagement foncier sont importants et peuvent difficilement être satisfaits, une intervention de la S.A.FE.R. devrait permettre de conforter des exploitations voisines ayant leurs terres contiguës ou très proches, de superficie moyenne, l'une par exemple de 78 hectares.
En disposant de terres supplémentaires, ces exploitations pourraient également sécuriser leur plan d'épandage et compenser des pertes de surface qu'elles pourraient subir du fait de prélèvement de collectivités pour la création de zones d'activités.
Ces orientations ne peuvent être considérées comme définitives, d'autres candidatures étant susceptibles de se manifester après l'accomplissement des formalités réglementaires de publicité avant rétrocession prévues à l'article R 142-3 du code rural".
Il ressort d'une simple lecture de la décision de préemption que celle-ci contient une motivation et que cette motivation répond aux objectifs prévus à l'article L 143-2 du code rural.
En effet cette motivation repose sur des considérations liées aux caractéristiques du bien préempté et sur des éléments résultant d'une étude environnementale. Elle évoque les difficultés spécifiques à la zone concernée à raison, à la fois d'une forte spéculation foncière et des besoins des exploitations agricoles. Elle suggère quelles sont les exploitations susceptibles de bénéficier de son intervention, sous réserve des candidatures pouvant se manifester lors de l'attribution ultérieure. Une telle motivation, en ce qu'elle est fondée sur des données concrètes rappelant la consistance et la situation du bien litigieux, permet de vérifier la réalité des objectifs poursuivis et répond aux exigences de la loi.
Par ailleurs les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que la S.B.A.F.E.R. aurait commis un détournement de pouvoir en n'exerçant son droit de préemption qu'au seul profit des époux B... alors que cette société, tout en fournissant des données concrètes sur les exploitants susceptibles de bénéficier de sa décision pour répondre aux exigences de la loi, n'avait pas procédé à la rétrocession, rappelait que les orientations envisagées n' étaient pas définitives et que d'autres candidatures étaient susceptibles de se manifester. Bien plus, aucune volonté de "pré-rétrocession" au profit des époux B... ne saurait être reprochée à la S.B.A.F.E.R. alors qu'au contraire, elle proposa aux époux X... l'attribution d'une partie des parcelles préemptées.
• En conséquence la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a annulé la décision de préemption.
La preuve n'étant pas rapportée que le droit d'agir en justice des époux X... ait dégénéré en abus, la S.B.A.F.E.R. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
* SUR L'APPEL EN CAUSE DES ÉPOUX B...
Si la décision de rétrocession en faveur des époux B... n'a pas été menée à son terme, le projet de rétrocession élaboré le 24 février 2004 les désignait nommément comme attributaires des parcelles préemptées.
C'est donc à juste titre que les époux X... ont appelé les époux B..., qui étaient intéressés au litige, en déclaration de jugement commun.
* SUR LES DÉPENS
Les dépens seront supportés par les époux X... qui succombent en cause d'appel.
Les époux X... seront déboutés de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnés à payer, à ce titre, une somme de 1500 € tant à la S.B.A.F.E.R. qu'aux époux B....
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en date du 18 avril 2006 rendu par le Tribunal de grande instance de Rennes.
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur Philippe X... et Madame Dominique Y... épouse X... de leur demande en annulation de la décision de préemption prise par la S.B.A.F.E.R. portant sur les parcelles situées commune de Clayes, lieu-dit "Le haut Plessix", cadastrées section A no 21, 22 et 598.
Déboute la S.B.A.F.E.R. de sa demande de dommages et intérêts. Déclare le présent arrêt commun aux époux Jean-Claude B....
Déboute les époux X... de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne les époux X... à payer tant à la S.B.A.F.E.R. qu'aux époux B... une somme de mille cinq cents euros ( 1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne les époux X... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT