Huitième Chambre Prud'Hom
ARRÊT No672
R.G : 07/00845
POURVOI no04/2008 du 07/01/2008 Réf S0840067
Mme Natacha X...
C/
Société DISTEBE - PETIT PATAPON
CONTREDIT : Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Monique BOIVIN, Président,
Madame Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller,
Monsieur François PATTE, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Septembre 2007
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Madame Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 08 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.
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DEMANDERESSE au contredit de compétence :
Madame Natacha X...
...
06530 SAINT CEZAIRE SUR SIAGNE
représentée par Me Philippe GONET, Avocat au Barreau de SAINT NAZAIRE substituant à l'audience Me Olivia CHALUS, Avocat au Barreau de NICE
DEFENDERESSE au contredit de compétence :
La Société DISTEBE - PETIT PATAPON prise en la personne de ses représentants légaux
Rua Candido da Cunha no 34
4750-276 BARCELOS
PORTUGAL
représentée par Me Philippe BODIN, Avocat au Barreau de NANTES substituant à l'audience Me Marylène ROUX, Avocat au Barreau de LYON
FAITS ET PROCEDURE
Mademoiselle Natacha X... a travaillé de 2001 au 19 février 2004 comme assistante commerciale pour le compte de la Société FC CONSULTING et s'est occupée à la fois du magasin CANAVRA spécialisé dans la vente de linge de maison et du développement de la marque de vêtements pour enfants "PETIT PATAPON" appartenant à la Société Portugaise DISTEBE qui avait fait appel à FC CONSULTING comme prestataire de service.
A l'issue de son contrat de travail avec FC CONSULTING elle a continué sa mission de représentation et de développement en France de la marque PETIT PATAPON avec la Sté DISTEBE et s'est inscrite au Répertoire National des entreprises et de leurs établissements tenu par l'INSEE comme profession libérale sous l'enseigne d'un établissement dénommé "Senior Project" et s'est immatriculée auprès de l'URSSAF de Loire Atlantique.
En décembre 2004 la Société DISTEBE a mis fin définitivement à leur collaboration.
Estimant que la rupture des relations contractuelles était abusive Mademoiselle X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint Nazaire pour obtenir un rappel de salaire, des congés payés, des indemnités de rupture et des dommages-intérêts.
La Société DISTEBE a soulevé l'incompétence du Conseil de Prud'hommes de Saint Nazaire au profit du Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE au motif que Mademoiselle X... n'était pas salariée de l'entreprise.
Par jugement en date du 17 Octobre 2006 le Conseil de Prud'hommes de Saint Nazaire a fait droit à cette exception et s'est déclaré incompétent
au profit du Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE.
Mademoiselle X... a formé contredit.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mademoiselle X... conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la Cour:
- de dire qu'elle a été salariée de la Société DISTEBE et que le Conseil de Prud'hommes était bien compétent.
- de condamner la Société DISTEBE à lui verser les sommes suivantes:
* rappel de salaire et congés payés y afférents : 40 000 € + 4 000 €
* indemnité de préavis et congés payés y afférents : 15 000 € + 1 500 €
* indemnité de licenciement: 5 000 €
* dommages-intérêts : 60 000 €.
* dommages-intérêts pour préjudice moral : 20 000 €
* article 700 du N.C.P.C. : 3 000 €
- d'ordonner sous astreinte la remise des documents sociaux:
Elle fait valoir,
- que les différents correspondants de PETIT PATAPON étaient tous persuadés qu'elle était salariée de l'entreprise.
- qu'elle était responsable de l'intégralité du réseau de franchise sur la France
et que sur tous les documents publicitaires elle apparaissait comme telle.
- que depuis 2001 elle a travaillé pour le compte de DISTEBE soit par le biais de FC CONSULTING soit sous un statut de travailleur indépendant mais toujours dans les mêmes conditions.
- qu'elle a toujours reçu des instructions qui lui étaient données par mails et a été en relation permanente avec une responsable de la Sté DISTEBE même pendant les relations contractuelles avec FC CONSULTING.
- qu'elle n'avait pas d'autres clients que DISTEBE.
- que c'est la Société DISTEBE qui fixait le montant de sa rémunération et que ses factures étaient établies sans TVA.
- que c'est la Société DISTEBE qui lui a imposé de s'inscrire comme travailleur libéral.
- que l'existence d'un contrat de travail est démontrée.
- qu'il lui est dû un arriéré de salaire sur la base de 5 000 € par mois.
- qu'en l'absence de lettre de licenciement la rupture ne peut s'analyser que comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- que le préjudice qu'elle a subi est important.
La Société DISTEBE conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement au rejet des prétentions de Mademoiselle X..., sollicitant en outre une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle soutient,
- qu'en vertu de l'article L 120-3 la.1 du Code du travail il existe une présomption de non-salariat.
- que Mademoiselle X... bénéficiait d'une totale autonomie dans l'exécution de sa ? et utilisait son propre matériel et sa propre structure.
- qu'elle n'était liée par aucune clause d'exclusivité et a pu exercer son activité de consulting au profit de plusieurs clients.
- qu'elle adressait des factures d"honoraires et que l'absence de mention de la TVA s'expliquait par le fait qu'il s'agissait d'un client portugais.
- que la facturation de deux fois 1 500 € a été faite pour pouvoir bénéficier de l'aide européenne.
- que le fait qu'elle ait été interlocuteur privilégié de la Société ne peut démontrer l'existence d'un lien de subordination.
- que la preuve d'un contrat de travail n'est pas rapportée.
- qu'en toute hypothèse Mademoiselle X... a été remplie de ses droits et a cessé toute prestation à compter de juillet 2004.
- qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.
DISCUSSION
Considérant qu'en l'absence de contrat de travail écrit et de bulletins
de salaire il appartient à celui qui se prévaut de la qualité de salaire d'en rapporter la preuve et de démontrer notamment l'existence d'un lien de subordination lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de l'intéressé.
Considérant par ailleurs que selon l'article L.120-3 du Code du Travail (dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003) les personnes physiques immatriculées auprès des URSSAF sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ouvrage par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation à moins que ces personnes ne fournissent leurs prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ouvrage.
Considérant , en premier lieu, que Mademoiselle X... n'a jamais signé de contrat de travail avec la Société DISTEBE, n'a jamais reçu le moindre bulletin de salaire émis par cette dernière et s'est au contraire immatriculée auprès de l'URSSAF de Loire Atlantique comme travailleur libéral, exerçant une activité de consulting dans le cadre d'un établissement dénommé " Senior Project".
Qu'il existe donc une présomption de non-salariat à son égard et qu'il lui appartient de rapporter la preuve qui lui incombe du statut de salarié qu'elle revendique.
Considérant, en second lieu, que force est de constater au vu des pièces versées aux débats
- que c'est Mademoiselle X... qui dans un mail du 16 février 2004 a fixé elle-même les conditions de sa collaboration et adressé ses propositions qui ont été acceptées.
- qu'elle n'avait aucun objectif à réaliser, et n'était pas tenue de transmettre des comptes-rendus d'activité.
- qu'elle n'était soumise à aucune contrainte horaire, qu'elle n'avait aucune autorisation à solliciter pour s'absenter ou prendre des congés et disposait d'une totale liberté dans la gestion de son temps de travail et de son activité,
les seules contraintes qu'elle a pu être amenée à respecter étant inhérentes à toute forme de collaboration quelle qu'elle soit.
- qu'elle n'a jamais utilisé le matériel de la Société DISTEBE.
- qu'elle émettait des factures d'honoraires (l'exonération de la TVA s'expliquant par le fait que la Société DISTEBE est une société portugaise).
- qu'elle ne recevait ni ordres, ni directives dans le cadre de l'exécution de sa mission, étant précisé que les mails dont il est fait état concernaient soit l'établissement des factures sur lesquelles les parties sont tombées d'accord pour qu'elles soient regroupées et établies à l'avance afin d'obtenir une aide financière européenne, soit des traductions de phrases ou d'expressions que la Société DISTEBE demandait à Mademoiselle X..., ce qui relevait non pas de directives mais du service rendu eu égard aux compétences linguistiques de l'intéressée.
- qu'elle n'était pas tenue à aucune exclusivité à l'égard de la Société DISTEBE ce qui est confirmé par les termes de son mail du 16 février 2004
dans lequel elle informe la Société qu'étant en contact avec d'autres clients elle a besoin de s'organiser et de connaître ses disponibilités et le partage d'une facture de remboursement des frais avec un autre client ( les explications fournies à ce sujet par Mademoiselle X... consistant à dire qu'en réalité elle s'était rendue à une session de formation et n'avait pas souhaité que DISTEBE soit au courant n'étant guère convaincante.
Considérant qu'il s'ensuit que l'ensemble de ces éléments ne permettent pas de caractériser l'existence d'un lien de subordination, étant observé que le fait qu'elle ait été l'interlocuteur privilégié de DISTEBE en France, son contrat permanent et qu'elle ait figuré sur des documents publicitaires est inopérant et ne peut être de nature à établir la qualité de salariée de Mademoiselle X....
Que c'est en conséquence à juste titre que les Premiers Juges se sont déclarés incompétents au profit du Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE
Considérant que compte tenu de la disparité existant entre les facultés respectives des parties il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la Société DISTEBE.
Que Mademoiselle X... qui succombe supportera ses propres frais irrépétibles et les frais du contredit.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Déclare recevable mais mal fondé le contredit formé par Mademoiselle Natacha X....
- Confirme en conséquence le jugement entrepris.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamne Mademoiselle Natacha X... aux frais du contredit.
Le Greffier, Le Président,