Première Chambre B
ARRÊT No
R.G : 06/01224
BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE -B.P.A.-
C/
Mme Monique X... épouse Y...
S.A. DE BOURSE PORTZAMPARC
M. Michel Y...
Me Jean-Denis Z...
Infirme la décision déférée
POURVOI NoK0810943 du 24/01/2008 (Nos réf CA RENNES : pourvoi no7/2008 B1)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Monique BOIVIN, Président,
Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
GREFFIER :
Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Avril 2007 devant Mme Rosine NIVELLE, entendue en son rapport à l'audience, siégeant en qualité de magistrat rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 22 Novembre 2007.
****
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE : B.P.A.- Société Coopérative de banque populaire, dont le siège était situé précédemment, 14 boulevard Winston Churchill à NANTES (44040), et actuellement,
1 rue Françoise Sagan
44800 ST HERBLAIN
représentée par la SCP BAZILLE J.J. & GENICON S., avoués
assistée de Me EOCHE C..., avocat
INTIMÉS :
Madame Monique Y... née X...
...
84210 PERNES LES FONTAINES
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me D..., avocat
Société de BOURSE PORTZAMPARC S.A.
13 rue de la Brasserie
44186 NANTES CEDEX 4
représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assistée de Me E..., avocat
Monsieur Michel Y...
...
84210 PERNES LES FONTAINES
représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de Me F..., avocat
Maître Jean-Denis Z..., mandataire liquidateur, ès qualités de liquidateur de Monsieur Michel Y...
...
67380 LINGOLSHEIM
représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de Me F..., avocat
EXPOSE DES FAITS-PROCÉDURE-OBJET DU RECOURS
Les époux Y... ont ouvert, auprès de la société de bourse S.A. PORTZAMPARC, divers comptes titres dont un compte joint no223 869 05 03 le 9 avril 1996 ; le même jour ils régularisaient un mandat de gestion sur ce compte ainsi que sur le compte individuel dont Michel Y... était titulaire ;
Ce compte joint, ainsi que deux autres comptes de Michel Y... ont fait l'objet d'un nantissement au profit de la Banque Populaire Bretagne Atlantique en garantie d'un prêt (crédit relais du 20 juillet au 31 décembre 1998) accordé à la Société Electronique Grand Public dont Michel Y... était le dirigeant ;
Par courrier en date du 14 juin 2001 la Banque Populaire Bretagne Atlantique a ordonné à la S.A. PORTZAMPARC de procéder à la vente des titres existants sur les comptes nantis et notamment sur le compte no223 869 05 03 ;
A la réception de ce courrier la S.A. PORTZAMPARC a procédé à la vente des titres, le produit de la vente étant transféré sur le compte de la société E.G.P. ouvert dans les livres de la Banque Populaire Bretagne Atlantique ;
Contestant la validité du nantissement consenti sur ce compte joint, Monique X... épouse Y... a fait assigner, par exploit du 22 octobre 2003, devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes la Banque Populaire Bretagne Atlantique, la S.A. PORTZAMPARC et son mari Michel Y... représenté par le liquidateur ;
Par jugement en date du 16 novembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de Nantes a notamment:
- dit que les engagements de caution et les constitutions de gage souscrits en garantie de ces engagements au profit de la Banque Populaire Bretagne Atlantique par Michel Y... sont inopposables à Monique X... épouse Y... en ce qu'ils portent sur des biens composant la société d'acquêts existant entre les deux époux ;
- dit que la Banque Populaire Bretagne Atlantique devra restituer à la société d'acquêts existant entre les époux Michel et Monique Y... la totalité des sommes qui lui ont été versées par la S.A. PORTZAMPARC au titre de la réalisation des gages que lui avait consentis Michel Y... et portant sur tous titres ou valeurs qu'elle détenait pour le compte de l'un ou l'autre des époux ou pour les deux ;
Et, avant dire droit sur le montant des sommes à restituer, a fait injonction sous astreinte à la S.A. PORTZAMPARC de verser aux débats tous éléments accompagnés de tous justificatifs sur les comptes ouverts sur ses livres au nom de Michel Y... ou de Monique X... épouse Y... ou en leur nom conjoint et de fournir toutes indications utiles et nécessaires concernant le solde de ces comptes et le montant des virements effectués au profit de la B.P.B.A.;
Par déclaration en date du 22 février 2006 la Banque Populaire Atlantique (anciennement Banque Populaire Bretagne Atlantique) a interjeté appel de cette décision ;
Elle demande à la Cour aux termes de ses conclusions récapitulatives du 18 décembre 2006 de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE devait restituer à la société d'acquêts existant entre les époux Y... la totalité des sommes qui lui ont été versées par la S.A. PORTZAMPARC au titre de la réalisation des gages que Michel Y... lui avait consentis;
De condamner Monique X... épouse Y... d'une part et Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y... d'autre part à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Dans ses écritures en date du 19 décembre 2006 la S.A. PORTZAMPARC demande à la Cour :
- de lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à justice quant au bien fondé des prétentions de Monique X... épouse Y... et de la Banque Populaire Atlantique ;
- de lui décerner acte de ce qu'elle produit aux débats les éléments justificatifs demandés par le jugement du 16 novembre 2005;
- de condamner Monique X... épouse Y..., la Banque Populaire Atlantique et Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y..., ou l'un à défaut de l'autre à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Monique X... épouse Y..., aux termes de ses écritures en date du 9 février 2007 demande à la Cour, de déclarer irrecevable ou en tout cas mal fondé l'appel de la Banque Populaire Atlantique ;
De confirmer en conséquence l'ensemble des dispositions du jugement déféré ;
De débouter la Banque Populaire Atlantique et la S.A. PORTZAMPARC de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner chacune à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y... et Michel Y..., dans leurs écritures en date du 30 octobre 2006 demandent à la Cour de déclarer l'appel formé par la Banque Populaire Atlantique totalement mal fondé ;
De confirmer le dit jugement en toutes ses dispositions;
De constater que le Tribunal de Grande Instance de Nantes n'a pas épuisé sa saisine et de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes pour qu'il soit statué sur le mérite des conclusions réservées ;
En tout état de cause de condamner la Banque Populaire Atlantique en tous les frais et dépens d'appel outre au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux conclusions régulièrement déposées par les parties ;
MOTIFS DE LA COUR
Considérant que le jugement rendu le 16 novembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Nantes tranchant pour partie au moins le principal, l'appel est recevable ;
Sur le fond
Considérant qu'au soutien de son recours la Banque Populaire Atlantique fait valoir que les époux Y... ont volontairement dissimulé la réalité de leur régime matrimonial initial ainsi que les modifications qui y ont été apportées le 7 mai 1997 ;
Que par ailleurs elle estime qu'en application des articles 1421 et 222 du Code Civil chacun des époux pouvait disposer librement des valeurs mobilières entrant dans la société d'acquêts ;
Considérant que Monique X... épouse Y... soutient au contraire que dans la mesure où elle-même n'avait pas donné son consentement express au nantissement, son mari ne pouvait pas, seul, donner les valeurs mobilières en gage à la banque ;
Considérant que Michel Y... et Monique X... se sont mariés le 29 septembre 1990 sous le régime de la séparation de biens suivant contrat de mariage du 7 septembre précédent avec adjonction d'une société d'acquêts ; que ce régime a été modifié par acte notarié homologué le 19 août 1997 par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg ;
Que Michel Y... a été déclaré en liquidation judiciaire à titre personnel par arrêt de la Cour d'appel de Colmar en date du 1er juillet 2003 ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le 9 avril 1996 les époux Y... ont signé avec la société de bourse de PORTZAMPARC une convention de compte avec demande d'ouverture d'un compte joint no223 869 05 03 ;
Qu'au chapitre 1 et au paragraphe "situation de famille" ils ont déclarés être mariés sous le régime de la séparation de biens sans autre précision alors que la rubrique "REGIME MATRIMONIAL" prévoyait trois cas : C. communauté, S. séparation, A. autre à préciser ;
Considérant que suivant acte reçu par Maître G..., notaire à Bischeim en date du 7 mai 1997, les époux Y... ont modifié le contenu de la société d'acquêts accolée à leur régime matrimonial ;
Que ce changement de régime matrimonial a été homologué par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg le 19 août 1997 et fait l'objet d'une publication dans les AFFICHES le 5 septembre 1997; que la mention a été portée en marge de l'acte de mariage des époux Y... le 23 septembre 2007 de telle sorte qu'en vertu des dispositions de l'article 1397 du Code Civil dans son ancienne rédaction cette modification est devenue opposable au tiers le 1er janvier 1998 ;
Considérant que ces éléments résultent d'une attestation établie par Maître G... le 20 mai 2003 ; qu'il n'est pas démontré que les renseignements fournis dans cette attestation soient faux ;
Considérant ainsi que la modification apportée par les époux Y... à leur régime matrimonial est bien opposable à la Banque Populaire Atlantique qui avait la possibilité de leur demander toutes explications qu'elle jugeait nécessaires ;
Considérant que les époux mariés sous le régime de la séparation de biens avec adjonction d'une société d'acquêts se trouvent soumis aux règles de la communauté pour les biens dépendant de la société d'acquêts (et aux règles de la séparation de biens pour leurs biens personnels) ;
Considérant que la société d'acquêts d'origine était composée des meubles meublants et objets mobiliers acquis par les époux ou par l'un d'eux ;
Qu'aux termes de la modification apportée à leur régime matrimonial, la société d'acquêts existant entre les époux Y... est composée de "toutes sommes d'argent, toutes liquidités, tous placements tels que comptes-courant, comptes à terme, comptes-épargne, plan épargne, PEA, placements en assurance-vie, placements en actions et obligations et ce quelle que soit la provenance de ces fonds, le libellé du compte au nom de l'un ou l'autre époux étant indifférent ; cette liste étant énumérative et non limitative" ;
Considérant qu'il résulte de l'article 1415 du Code Civil régissant les régimes de communauté que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt à moins que ceux-ci n'ait été contractés avec le consentement express de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ;
Considérant en l'espèce que Michel Y... a consenti le 15 juillet 1998 à la Banque Populaire Atlantique un nantissement sur ses comptes personnels ainsi que sur le compte joint no223 869 05 03 ;
Considérant qu'un nantissement, qui est une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers (en l'espèce la société dirigée par Michel Y...), n'est pas un engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors assimilable à un cautionnement ; que l'article 1415 du Code Civil n'est donc pas applicable à un nantissement de valeurs mobilières données en garantie de la dette d'un tiers comme c'est le cas en l'espèce ;
Considérant par ailleurs qu'aux termes de la convention de compte du 9 avril 1996 qui fait la loi des parties, il était précisé au chapitre II qu'il s'agissait d'un compte joint avec solidarité active entre les époux et que "Toutes opérations pourront être effectuées sur instruction de l'un ou l'autre d'entre nous et nous engageront solidairement" ;
Qu'à la page 6 du contrat, signée au bas par les deux époux il est encore précisé : "article 9 : En cas de pluralité de titulaires, s'agissant d'un compte joint, en vertu de la solidarité active, chacun des co-titulaires est autorisé à disposer de l'avoir en compte" ;
Considérant qu'il convient en conséquence, réformant la décision critiquée, de débouter Monique X... épouse Y... de sa demande, dirigée contre la Banque Populaire Atlantique, de restitution des sommes qui lui ont été versées par la S.A. PORTZAMPARC au titre de la réalisation des gages que Michel Y... lui avait consentis ;
Considérant que la communication de pièces ordonnée par le Tribunal est dès lors devenue sans objet ;
Considérant en ce qui concerne Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y..., qu'il sera fait observer que lorsqu'il a donné en gage les titres détenus par la S.A. PORTZAMPARC, Michel Y... était in bonis ; que d'autre part à aucun moment la Banque Populaire Atlantique n'a fait état auprès de la liquidation d'une créance privilégiée;
Que ses demandes à l'encontre de la Banque Populaire Atlantique sont en conséquence sans objet ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la Banque Populaire Atlantique et de la S.A. PORTZAMPARC les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner Monique X... épouse Y... et Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y... à leur payer à chacune la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant que succombant en appel Monique X... épouse Y... supportera les dépens de première instance et d'appel ;
DÉCISION
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirmant la décision déférée,
Déboute Monique X... épouse Y... de sa demande, dirigée contre la Banque Populaire Atlantique, de restitution des sommes qui lui ont été versées par la S.A. PORTZAMPARC au titre de la réalisation des gages que Michel Y... lui avait consentis,
Condamne Monique X... épouse Y... et Jean-Denis Z... ès qualités de liquidateur de Michel Y... à payer chacun à la Banque Populaire Atlantique et à la S.A. PORTZAMPARC la somme de 1000 euros chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Monique X... épouse Y... aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,