Deuxième Chambre Commerciale.
R. G : 06 / 00425
S. A. EAGLE AVIATION Me Christophe X... C / M. Franck Y... Melle Stéphanie Z... S. C. P. PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIES Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 JANVIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 20 Novembre 2007 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 15 Janvier 2008, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTS : S. A. EAGLE AVIATION Aéroport de ST NAZAIRE MONTOIR Rue Henri Gautier 44550 MONTOIR DE BRETAGNE représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Mikaela ANDERSEN, avocat Maître Christophe X... pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la Société EAGLE AVIATION désigné en vertu d'un jugement du TCOM de St nazaire du 08 / 12 / 2004 27 cours Raphaël Binet 35000 RENNES représenté par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués assisté de Me Mikaela ANDERSEN, avocat
INTIMÉS : Monsieur Franck Y...... 44500 LA BAULE représenté par la SCP BAZILLE J. J. et GENICON S., avoués assisté de Me DESCAMPS, avocat Mademoiselle Stéphanie Z......... 44500 LA BAULE ESCOUBLAC représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués assistée de Me Michel QUIMBERT, avocat S. C. P. PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIES es qualité de mandataire liquidateure de la SAS OCEAN AIRWAYS, par jugement du TCOM de Nantes du 05 / 01 / 2005 20 rue Mercoeur 44000 NANTES représentée par la SCP BAZILLE J. J. et GENICON S., avoués assistée de Me DESCAMPS, avocat
FAITS ET PROCÉDURE :
EAGLE AVIATION (ci-après EAGLE), créée en septembre 1999, est une compagnie aérienne ayant son siège à l'aéroport de Saint Nazaire qui effectue des prestations de maintenance, mise à disposition d'avions avec équipage, et, depuis avril 2002, transport de passagers. Son capital était réparti jusqu'en septembre 2004 entre la famille H... (44, 75 %), les sociétés Laval Distribution et Nicodis (22 %), EAGLE AVIATION Sharjah (24, 16 %) Mansour G... et Franck Y... (4, 54 % pour ce dernier). Il est actuellement détenu par Manuel et Catherine H..., résidents saoudiens. Manuel H... en a toujours été le président, et, depuis septembre 2002, le président directeur général. Il a, ainsi que d'autres membres de sa famille, également des intérêts dans les sociétés Air Togo, Europe Aéro Support, EAGLE AVIATION Inc (Jeddah) et EAGLE Sharjah, sociétés de droit des Iles Vierges Britanniques et des Émirats Arabes Unis, à laquelle EAGLE devait fournir un soutien logistique en France et en Europe. Elle avait pour Directeur général Franck Y..., qui, devenu le 30 septembre 2002 directeur général délégué, l'a quittée le 10 janvier 2003 pour créer en juillet 2003 sa propre compagnie aérienne, dénommée OCEAN AIRWAYS. Après dépôt de bilan le 9 décembre 2003, EAGLE a été admise au bénéfice d'un plan de redressement par jugement du tribunal de commerce de Saint Nazaire du 8 décembre 2004, dont elle honore régulièrement les échéances. Reprochant à Franck Y... des fautes de gestion pendant ses fonctions, commises dans le but de désorganiser la société, et des faits de concurrence déloyale après sa démission, à la suite notamment du débauchage de salariés occupant des postes stratégiques et du détournement d'informations privilégiées ou de procédés lui appartenant, EAGLE l'a assigné ainsi qu'OCEAN AIRWAYS devant le tribunal de commerce de Saint Nazaire auquel elle demandait leur condamnation à lui payer 5 000 000 € de dommages et intérêts. Ont également été assignées les sociétés Laval Distribution et Nicodis, ainsi que Stéphanie Z..., fille du principal actionnaire de ces dernières, et dirigeante d'une société HAM LOC, propriétaire d'un avion exploité par EAGLE, à laquelle était reproché d'avoir prêté son concours à Franck Y.... Elle détient 50 % du capital d'OCEAN AIRWAYS. OCEAN AIRWAYS est en liquidation depuis le 5 janvier 2005, Maître Delaere étant liquidateur. Par jugement du 14 décembre 2005, le tribunal de commerce de Saint Nazaire, retenant essentiellement que les griefs formulé n'étaient pas prouvés, a : - décliné sa compétence au profit du tribunal arbitral prévu dans les statuts de EAGLE en ce qui concerne les demandes contre Laval Distribution et Nicodis,- débouté EAGLE de toutes ses prétentions contre Franck Y..., Stéphanie Z... et OCEAN AIRWAYS,- condamné EAGLE et Maître X..., es qualité de commissaire à l'exécution du plan, à payer à Maître Delaere la somme de 50. 000 €, et à Franck Y... et Stéphanie Z... la somme de 20 000 € chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 5. 000 € à chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. EAGLE et Maître X... en ont relevé appel le 17 janvier 2006. Par conclusions du 15 octobre 2007, ils demandent : que la somme de 4 613 900 € soit inscrite au passif de OCEAN AIRWAYS, que soient condamnés conjointement et solidairement'ou'l'un à défaut des autres'(sic) Franck Y... et Stéphanie Z... à leur payer la même somme, que leur soit allouée la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Ils reprennent leur argumentation telle que développée devant les premiers juges (laxisme dans la gestion d'EAGLE, dépenses inconsidérées et sans intérêts pour la société, arrêt d'exploitation de l'airbus A 300 B4, débauchage de salariés, dénigrement, imitation du savoir faire). Par conclusions du 12 novembre 2007, Maître Delaere et Franck Y... demandent que : le jugement soit confirmé sur le principe du rejet des demandes d'EAGLE, les demandes formées contre Franck Y... soient déclarées irrecevables sur le fondement de l'article L. 225-251 du Code de commerce, ses fonctions ne relevant pas de ce texte,
une amende civile soit infligée à EAGLE, les dommages et intérêts soient portés à la somme de 100. 000 € et l'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile à la somme de 15 000 €,
la publication du jugement soit ordonnée. Par conclusions du 15 juin 2007, Stéphanie Z... sollicite également la confirmation, sauf à porter à la somme de 30 000 € le montant des dommages et intérêts, et à celle de 7 500 € celui de l'indemnité de procédure.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur le cadre juridique :
Il est constant que Franck Y..., administrateur de la société jusqu'au 31 décembre 2002, a été successivement directeur général, sous l'empire de la loi du 24 juillet 1966, puis directeur général délégué après mise en conformité des statuts au regard des dispositions de la loi du 15 mai 2001, à compter du 30 septembre 2002 selon procès-verbal de conseil d'administration de la même date signée de Catherine et Manuel H... et de lui même, jusqu'à sa démission à effet au 10 janvier 2003. Il doit dès lors répondre des fautes qui peuvent lui être imputées personnellement, et qui ont causé à la société un préjudice, sur le fondement de l'article 244 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article 225-251 du Code de commerce, en sa qualité d'administrateur. Cette responsabilité ne peut cependant s'apprécier concrètement indépendamment des fonctions statutaires de Manuel H..., sous la responsabilité duquel il était placé, étant observé que rien n'oblige EAGLE à rechercher la responsabilité d'autres administrateurs. Il réponds conformément à l'article 1382 du Code civil des faits se situant après sa démission de son mandat d'administrateur et de ses fonctions de directeur délégué, pour autant qu'ils soient détachables de ses fonctions de dirigeant d'OCEAN AIRWAYS. En ce qui concerne Stéphanie Z..., qui n'a jamais eu d'intérêt direct au sein de EAGLE, son père seul étant le dirigeant des deux sociétés actionnaires minoritaires d'EAGLE, et dont les fonctions qu'elle aurait exercée en qualité de'détachée'au sein d'EAGLE ne sont pas précisées, mais qui est devenue directrice générale d'OCEAN AIRWAYS, le seul fondement possible de son éventuelle responsabilité est l'article 1382 du Code civil, qui exige que soit prouvé un acte imputable à cette dernière ayant causé un dommage, ou contribué à sa réalisation, acte qui doit de surcroît être détachable de ses fonctions au sein de cette société. Enfin, à supposer qu'EAGLE et OCEAN AIRWAYS aient eu des domaines d'activité différents, ce qui n'est pas démontré puisqu'EAGLE a exploité à compter d'avril 2002 des lignes régulières, ceci n'exclut pas en soi toute possibilité d'actes de concurrence déloyale, la seconde étant recherchée pour l'utilisation indue des moyens matériels et humains de la première, ce qui est sans lien avec l'existence d'un rapport de concurrence.
Sur la matérialité des faits reprochés :
Est reproché à Franck Y... d'avoir affaibli EAGLE au profit de son projet professionnel personnel, soit la création d'OCEAN AIRWAYS, notamment en confiant les relations d'EAGLE avec son apporteur d'affaire le plus important à une personne étrangère à EAGLE, embauchée par la suite par OCEAN AIRWAYS, en arrêtant l'exploitation d'un appareil en décembre 2002 sans se préoccuper de son remplacement, et en détournant de la documentation technique appartenant à EAGLE. Sauf à vider de tout contenu le principe de liberté d'entreprise, il ne peut être reproché à Franck Y... d'avoir souhaité, alors même qu'il exerçait encore des fonctions de responsabilités au sein d'EAGLE, créer sa propre société, et d'avoir entamé une réflexion sur ce projet, dont il a pu faire part à un collaborateur. Aucun élément probant ne démontre cependant qu'il ait commencé, avant la cessation de ses fonctions chez EAGLE, à travailler véritablement à la création d'OCEAN AIWAYS, constituée plus de six mois après son départ. La salariée d'EAGLE ayant, de façon très vague, rapporté ce fait est d'ailleurs revenue sur son témoignage. Il justifie en outre de ses recherches d'emploi auprès d'autres compagnies aériennes. Sa lettre de démission comporte une offre d'assurer une transition avec le nouveau dirigeant dans le cadre d'un contrat de travail, et il ne peut lui être reproché, dans ces conditions, un départ brutal ayant mis EAGLE en difficulté. Est évoqué le contact de la société Chapman Freeborn, apporteur d'affaires à EAGLE avec Isabelle D..., laquelle n'appartenait pas au personnel d'EAGLE. Selon EAGLE, le poste de cette dernière au sein de la société EUROPE AERO SUPPORT, structure commune aux époux H... et à Franck Y..., était fictif, et elle aurait détourné les commandes destinées à EAGLE. Cependant il est constant qu'OCEAN AIRWAYS n'a eu aucune activité, et il ne peut dès lors être tiré aucune conclusion de ce fait, à le supposer avéré, en ce qui concerne un éventuel détournement d'affaires. En outre, l'intéressée étant rattachée à une autre société détenue par les parties, l'effectivité de son emploi, puis son embauche par OCEAN AIWAYS est indifférente en ce qui concerne les rapports entre EAGLE et OCEAN AIRWAYS, ou d'éventuelles dépenses injustifiées de Franck Y.... En ce qui concerne ces dernières, quatre chèques émis par Franck Y... ont été rejetés le 31 octobre 2002 pour un montant total de 11 433, 04 €, ce qui a conduit Manuel H... à régulariser ces impayés. Au regard du découvert d'EAGLE à ce moment, ce rejet n'est pas significatif en lui même, étant observé que les dépenses qu'ils avaient pour objet de régler ne sont pas contestées. Ces chèques ne sont d'ailleurs pas produits. Le montant élevé des communications téléphoniques prêté à Franck Y..., soit 4. 000 € pour le mois de décembre 2002, n'est pas excessif au regard de la nature de l'activité de la société, et de la nécessité pour l'intéressé de communiquer efficacement avec le dirigeant statutaire de l'entreprise. La tentative, infructueuse, de Franck Y... d'obtenir une rémunération plus élevée, certes par des moyens contestables, n'a généré aucun préjudice pour EAGLE. Lui sont également reprochées les anomalies comptables relevées par le commissaire au compte pour l'exercice clos le 31 mars 2003, et qui avaient déjà motivé de sa part une procédure d'alerte en janvier 2003 (courrier du 10 janvier 2003, adressé à Manuel H...). Cependant, une vérification fiscale approfondie portant sur la période allant du 1er avril 2001 au 22 septembre 2005, n'a donné lieu qu'à un redressement intéressant l'exercice clos en mars 2004, sous la direction de Manuel H.... Surtout, au regard des créances importantes détenues au 4 décembre 2002 par EAGLE sur EAGLE Jeddah (462 299 €) et Air Togo (1 994 032 €) dans lesquelles Manuel H... avait des intérêts, non contestées par EAGLE, il ne peut être considéré que la précarité de la situation de trésorerie d'EAGLE soit due à des fautes de Franck Y.... Ce fait est d'ailleurs souligné par le commissaire aux comptes, dans un rapport de septembre 2003, dans lequel il note que'de nombreuses compensations ont été réalisées entre les comptes clients-fournisseurs en particulier avec les sociétés dans lesquelles vous (Manuel H...) êtes intéressé'. La BNP, qui a notifié à EAGLE sa volonté de mettre fin à leurs relations en février 2003, a précisé par courrier du 10 février 2003 à Franck Y..., client à titre personnel, que'les responsables de la rupture ce sont d'abord le P. D. G. et les actionnaires, qui ne nous ont pas offert de visibilité...'. Il est d'ailleurs justement rappelé que le tribunal saisi de la procédure collective intéressant EAGLE n'a pas estimé utile de faire'remonter'la date de cessation des paiements avant la date retenue provisoirement, soit le 1er décembre 2003. Si Maître X... souligne enfin les carences de la précédente direction opérationnelle, en stigmatisant le manque de rigueur, de probité et de compétence de Franck Y..., ces griefs, pourtant exprimés avec fermeté, restent peu explicités, et ne permettent pas de caractériser une faute précise, alors surtout que, dans le même rapport, il relève que la phase de lancement des lignes régulières avec l'Afrique a été coûteuse pour EAGLE, les avions n'étant pas remplis et les compagnies africaines ne payant pas leurs factures. Il ne peut d'ailleurs qu'être rappelé qu'en sa qualité de directeur général, il appartenait à Manuel H..., en charge de la direction effective de l'entreprise, de contrôler son délégué, et aucune décision imputable à Franck Y... personnellement ne peut être mise en évidence sur ce point. Lui est également imputée l'adoption d'un système informatique peu sûr et coûteux. Franck Y... souligne cependant qu'un informaticien avait été recruté à cette fin, ce qui résulte en effet du contrat de travail produit. L'attestation du successeur de ce dernier, relatant les insuffisances du système mis en place, ne permet pas de les imputer personnellement à Franck Y.... Sur le recrutement et la rémunération en pure perte pendant deux mois d'un pilote incapable de satisfaire à la réglementation française, Franck Y... justifie que la lettre d'embauche de ce pilote contenait toute les précisions et réserves souhaitables sur ce point. Il résulte cependant de cette lettre que la rémunération n'était due qu'à compter du'lâcher en ligne'de ce pilote, soit à compter de la date à laquelle il aurait été en mesure d'assurer des vols, ce qui n'a jamais été le cas faute de validation de toutes les qualifications nécessaires. Or sont produits deux bulletins de salaires intéressant les mois de novembre et décembre 2002, pour un coût total employeur de 23 176, 30 €. Force est cependant de constater que ni la lettre mettant fin à l'essai de ce pilote, ni les virements correspondant aux paiements litigieux ne sont produits par EAGLE, qui ne prouve dès lors ni la faute ni surtout le préjudice qu'elle allègue. Lui est encore reproché l'arrêt d'exploitation d'un appareil appartenant à 95 % à la société Ham Loc, dirigée par Stéphanie Z..., dans des conditions contraires à l'intérêt de la société, et dans le but de favoriser OCEAN AIRWAYS. Franck Y... fait cependant valoir que deux autres appareils dont la location était moins coûteuse étaient déjà en service pour le compte d'Air Togo et Afrique Air Lines, n'étaient jamais complets, et ne donnaient pas lieu de surcroît à des paiements à bonne date des compagnies concernées, raison pour laquelle il a préconisé un arrêt temporaire, soit pendant deux mois, d'exploitation de cet appareil, loué beaucoup plus cher à EAGLE par EAGLE Sharjah. Il produit sur ce point le courrier du 16 décembre 2002 par lequel il a attiré l'attention de Manuel H... sur la nécessité d'un programme d'économie destiné à éviter le dépôt de bilan de la société, dans le cadre duquel il proposait de laisser cet avion au sol en en profitant pour le remettre aux normes prévues pour les vols 'charters'dans le cadre d'une activité qui devait démarrer en février 2003. L'irrégularité des paiements des compagnies africaines est constant, et, selon les écritures d'EAGLE elle même, cette décision a été entérinée par le conseil d'administration le 20 décembre 2002, dans l'espoir d'obtenir le soutien financier d'André Z... en une période difficile, étant en outre rappelé qu'OCEAN AIRWAYS n'a été constituée que six mois plus tard, et qu'ainsi le profit qu'elle aurait pu tirer de cette décision se conçoit difficilement. Si le coût social élevé de cette décision, soit 250 000 € au titre du licenciement du personnel correspondant, fait en effet douter du bien fondé de cette décision, force est de constater qu'elle a été entérinée par Manuel et Catherine H..., et qu'aucun élément tangible ne démontre qu'elle ait en réalité été suggérée par Franck Y... et Stéphanie Z... dans le but de permettre à Stéphanie Z... de mobiliser un capital à réinvestir dans une compagnie concurrente. L'existence d'une faute imputable à Franck Y... et à Stéphanie Z... n'est dès lors pas démontrée. En ce qui concerne le grief tiré du détournement de la documentation opérationnelle et technique d'EAGLE, et notamment l'utilisation du manuel d'exploitation de la société pour l'élaboration de celui d'OCEAN AIRWAYS, également formé contre Stéphanie Z..., le refus par EAGLE de communiquer ce manuel en son intégralité et dans sa version existant début 2003 équivaut à un refus de produire la preuve qui pourtant lui incombe. En outre, il est justement souligné par Franck Y... que la présentation des documents nécessaires à l'obtention des autorisations réglementaires doit obéir à un plan type défini par arrêté par les administrations compétentes, et que toute copie du manuel d'une compagnie est sans intérêt au regard de la spécificité de chacune. Franck Y... justifie en outre avoir eu recours aux prestations de tiers pour son établissement. Enfin, ne peut lui être reproché d'avoir utilisé l'expérience acquise auprès des diverses sociétés animées par Manuel H... entre septembre 1999 et décembre 2002 pour créer sa propre structure. Là encore, n'est démontré aucun acte ou omission fautifs de Franck Y..., ou de Stéphanie Z..., nommée directeur général d'Ocean Airways en juillet 2003. En ce qui concerne l'utilisation des codes d'accès au système JEPPSEN (permettant le calcul de plans de vol) appartenant à EAGLE au profit de OCEAN AIRWAYS pour le calcul de 56 plans de vol les 18 avril et 5 mai 2003, selon les pièces produites par EAGLE elle même, il n'existe aucun moyen technique permettant d'établir que les consultations litigieuses seraient le fait d'OCEAN AIRWAYS ou de ses dirigeants, alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que ces codes d'accès étaient connus d'un grand nombre de personnes travaillant au sein d'EAGLE. Le préjudice en résultant ne l'est pas davantage, mis à part une facture de 2 204, 79 €. En outre, sur 64 plans de vol établis, seuls 17 intéressent des vols envisagés par Ocean Airways. Ce fait ne peut dès lors être retenu. En ce qui concerne la tentative de débauchage de Guillaume de I... et Céline J... en mai 2003, demeurée infructueuse, il n'est fait état d'aucune manoeuvre particulière pouvant revêtir un caractère fautif, telles que des promesses d'avantages particuliers. Les intéressés ne font en effet état que d'une simple information relative à l'intention de Franck Y... de créer une nouvelle compagnie, et de son souhait d'obtenir leur collaboration, ce qui, en soi, ne peut constituer une faute. Il est par ailleurs reconnu que cinq salariés d'EAGLE, les consorts K..., L..., A..., B... et C..., ont quitté EAGLE entre mai et juillet 2003 et été embauchés par OCEAN AIRWAYS en juillet ou août 2003. Il est cependant établi que ces embauches ont été effectuées après annonces soit auprès de l'ANPE, soit auprès d'une revue spécialisée, sans qu'un élément quelconque établisse qu'il s'agisse d'une apparence, et que puisse être reproché à OCEAN AIRWAYS d'être entrée en pourparlers avec ces salariés avant la fin de leur préavis. Ne sont pas non plus alléguées de propositions particulièrement attractives, ni précisées les informations privilégiées qui auraient été détenues par ces salariés, peu qualifiés, et dont l'appropriation aurait pu être fautive. N'est pas davantage établie la désorganisation qui en serait résultée pour EAGLE, qui comptait à l'époque plus de 80 salariés. Dès lors ce grief ne peut non plus être retenu. En ce qui concerne l'accusation de dénigrement consistant à répandre la nouvelle de la prochaine mise en liquidation judiciaire d'EAGLE, auprès de ses salariés et partenaires, la lettre signée d'un administrateur d'Air Togo, qui doit de ce fait être reçue avec prudence, fait état d'informations données par Franck Y..., sans en préciser ni la date ni les circonstances. Est tout aussi inconsistante l'attestation de Céline J..., encore employée d'EAGLE, selon laquelle Stéphanie Z... aurait dénigré la famille H... au cours de déjeuners avec des membres du personnel d'EAGLE. Enfin, le ton polémique adopté tant par EAGLE que par Franck Y... dans leurs écritures exclut d'y voir des actes de dénigrement imputables à l'une ou l'autre des parties, étant en outre observé que ces dernières n'ont pas vocation à être connues de leurs partenaires économiques, et n'ont dès lors aucune incidence sur leur situation de concurrence. Enfin, n'est pas démontrée la rétention d'informations de nature à entraver la reprise en main d'EAGLE par Manuel H....
Sur les demandes reconventionnelles :
La mauvaise foi de l'appelante n'est pas établie, le caractère tardif de certaines productions de pièces ou d'écritures n'y suffisant pas. Par ailleurs, l'attestation d'Anthony M... du 21 mars 2007, selon laquelle au cours d'un déjeuner en mars ou avril 2003, Manuel et Antoine H... lui auraient fait part de leur volonté de'casser les pattes'de Franck Y..., contestée, ne suffit pas à démontrer que la présente instance, introduite de nombreux mois après, l'ait été dans le but de nuire. Le délai important séparant l'assignation initiale contre OCEAN AIRWAYS de l'ouverture de la procédure collective la concernant interdit par ailleurs de faire le lien entre ces deux événements. Enfin, l'erreur, même persistante, sur le bien fondé de demandes en justice ne suffit pas à caractériser une faute. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts aux intimés pour procédure abusive. La publication du présent arrêt est inopportune, et la demande à ce titre sera rejetée. En revanche, ces derniers ont droit à l'indemnisation de l'intégralité du préjudice né de l'obligation dans laquelle ils ont été placés d'avoir à se défendre en justice. Il leur sera dès lors alloué à chacun la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement sur le rejet des demandes de la société EAGLE AVIATION, L'infirmant sur les demandes de dommages et intérêts formées par les intimés, rejette ces demandes, Rejette la demande de publication du présent arrêt, Condamne la société EAGLE AVIATION aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct en ce qui concerne ceux d'appel, au profit de Maîtres Bazille et Genicon, avoués, Condamne également la société EAGLE AVIATION à payer à Maître Delaere es qualité, Franck Y... et Stéphanie Z... la somme de 5 000 € chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes.