Première Chambre B
ARRÊT N°107
R.G : 09/08140
Société ARCOA SA
C/
M. [B] [R]
Société MERSEA SARL
Confirme l'ordonnance de mise en état - Renvoie devant le TGI NANTES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 FEVRIER 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Françoise SIMONNOT, Président,
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Janvier 2011
devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Février 2011 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
Société ARCOA SA
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me Pierre-Louis DE LA FOREST DIVONNE, avocat
DEFENDEURS AU CONTREDIT :
Monsieur [B] [R]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués
assisté de la SCPA CALVAR & ASSOCIES, avocats
Société MERSEA SARL
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués
assisté de la SCPA CALVAR & ASSOCIES, avocats
En juin 2007, la société Arcoa a engagé avec monsieur [R] une négociation sur la cession des droits détenus par la filiale Sencha d'Arcoa sur le navire First Episode dans le cadre d'un contrat de crédit bail conclu avec la société ING lease ;
Le 19 juillet 2007, monsieur [R] a pris en location le navire pour la période du 27 juillet au 10 août 2007 dans le cadre d'un contrat d'affrètement conclu avec les sociétés Arcoa et Sencha, le coût de l'affrètement de 89 250 € ne devant pas être facturé si la cession envisagée du navire devait intervenir ;
Le 26 juillet 2007, les parties ont signé un contrat portant cession des droits de la société Sencha sur le crédit-bail afférent au navire First Episode au profit de la société Mersea, moyennant paiement de la somme de 417.077 € et le transfert de la propriété de la vedette MOCHI SONIC 19 appartenant à monsieur et madame [R] ;
Le 10 décembre 2007, monsieur [R] et la société Mersea ont dénoncé à la société Sencha l'apparition de fuites de gas-oil sur le ballast à carburant central du navire et d'infiltrations d'eau dans les aménagements ;
Le 1er avril 2008, la société Sencha a fait assigner monsieur [R] en paiement de la somme de 71 400 € au titre du solde dû sur l'affrètement du navire First Episode ;
Le 8 octobre 2008, monsieur [R] et la société Mersea ont fait assigner la société Arcoa, qui avait absorbé sa filiale Sencha, en paiement de diverses sommes notamment au titre du remboursement de l'acompte versé au titre de l'affrètement du navire du 27 juillet au 10 août 2007 et des réparations des désordres constatés sur le bateau ;
Par ordonnance du 5 novembre 2009, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes a :
- ordonné la jonction entre les deux dossiers suivis sous les numéros de rôle 09/1203 et 09/1204 sous le seul numéro 09/1203 ;
- rejeté dès lors l'exception d'incompétence ;
- condamné la société Arcoa aux dépens de l'incident ;
- dit que chacune des parties conserverait la charge des frais irrépétibles par elle exposés ;
La société Arcoa a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 17 décembre 2010, a demandé à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes ;
- de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
- subsidiairement, de se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris ;
- plus subsidiairement, de débouter la société Mersea et M. [R] de leur demande de jonction ;
- en toute hypothèse, de condamner la société Mersea et M. [R] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, ceux d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par conclusions du 25 juin 2010, la société Mersea et M. [B] [R] ont demandé à la cour :
- de juger la société Arcoa irrecevable et mal fondée à en sa demande d'infirmation d'une mesure d'administration judiciaire de jonction d'instance ;
- de confirmer en conséquence l'ordonnance du juge de la mise en état ;
- de débouter la société Arcoa de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, de 'juger que l'assignation du 18 juillet 2008 constitue une intervention forcée de la société Arcoa et une intervention volontaire dans l'instance principale de la société Mersea apparaissant fondée à faire valoir ses droits dans le litige qui oppose monsieur [R] à la société Arcoa' ;
- de débouter la société Arcoa de son exception d'incompétence ;
- en tout état de cause, de condamner la société Arcoa à leur payer la somme de 10 000 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE,
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE
Considérant que, le 20 janvier 2011, il a été demandé aux parties de bien vouloir faire connaître à la cour, par note en délibéré avant le 4 février 2011, leurs éventuelles observations sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité, au regard des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile, de l'exception d'incompétence par laquelle le demandeur à l'exception a sollicité que l'affaire soit portée devant deux juridictions différentes : le tribunal de commerce de Paris et le tribunal de grande instance de Paris ;
Que, par note en délibéré du 27 janvier 2011, la société Mersea et M. [B] [R] ont fait valoir :
- que c'était la société Sencha qui avait décidé de la compétence du tribunal de grande instance de Nantes et que la société Arcoa ne pouvait contester la saisine qui avait été faite par la société aux droits de laquelle elle se trouvait ;
- que l'article 333 du code de procédure civile dispose que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence ;
Que, par note en délibéré du 31 janvier 2011, la société Arcoa a indiqué que, pour satisfaire aux dispositions de l'article 75 du code de procédure civile, elle abandonnait sa demande principale et sollicitait de la cour de réformer la décision prononcée par le magistrat chargé de la mise en état sur le fondement des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile ; qu'elle demandait donc que le tribunal de grande instance de Nantes soit déclaré incompétent au profit au profit du tribunal de grande instance de Paris, tribunal dans le ressort duquel se trouve son siège social ;
Considérant qu'aux termes de l'article 75 du code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas la juridiction devant laquelle elle demande que l'affaire soit portée ;
Que cette règle interdit, hors le cas où il existe une option de compétence, que le demandeur à l'exception se dispense de faire un choix en opérant une désignation principale accompagnée d'une désignation subsidiaire ;
Considérant que la société Arcoa, demanderesse originaire à l'exception d'incompétence et également demanderesse à cette exception devant la cour, expose qu'elle a sollicité la désignation principale du tribunal de commerce de Paris et celle, subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris ;
Mais considérant que, si les conclusions de la société Arcoa devant la cour portent expressément désignation du tribunal de commerce de Paris à titre principal et désignation subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris, il reste que, contrairement à ce que laissent entendre ces conclusions, le déclinatoire de compétence lui-même figurant dans les conclusions de la société Arcoa du 10 décembre 2008 ne sollicite la désignation que du seul tribunal de commerce de Paris ;
Qu'en effet ces conclusions se bornent à ajouter que 'en toute hypothèse, le tribunal de grande instance de Nantes ne saurait être considéré comme territorialement compétent en vertu des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile, la société ARCOA ayant son siège socia1 à Paris' , sans revendiquer expressément la désignation à titre subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris ;
Que le déclinatoire de compétence satisfaisant aux prescription de l'article 45 du code de procédure civile, il convient de déclarer la société Arcoa recevable en son exception d'incompétence ;
SUR LA JONCTION DES INSTANCES ET LA DÉTERMINATION DE LA JURIDICTION COMPÉTENTE
Considérant qu'aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ;
Que selon l'article 368, les décisions de jonction ou disjonction d'instance sont des mesures d'administration judiciaire ;
Qu'il en résulte que la mesure de jonction d'instance que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes avait la faculté de prendre à tout moment n'est susceptible d'aucun recours ;
Considérant en outre que M. [R] et la société Mersea invoquent les dispositions de l'article 325 du code de procédure civile qui suppose que soit reconnue la connexité entre les demandes ;
Considérant que les demandes de la société Sencha, aux droits de laquelle se trouve la société Arcoa, contre monsieur [R] et celles de monsieur [R] et la société Mersea contre la société Arcoa sont connexes ;
Qu'en effet, comme l'a relevé le premier juge, l'instance initiale engagée par la société Sencha contre [B] [R] tendant à sa condamnation à payer le coût de l'affrètement du navire est étroitement liée à l'instance engagée par Monsieur [R] et la société Mersea contre la société Arcoa fondée sur l'application du contrat de cession de crédit-bail, puisque Monsieur [R] invoque l'engagement pris par la société Sencha de le dispenser du règlement de l'affrètement du navire en cas de cession à son profit du contrat de crédit-bail et que les parties elles-mêmes ont envisagé antérieurement que puisse intervenir une compensation entre leurs créances réciproques ;
Considérant que, si l'article 10 du contrat de cession de crédit-bail porte une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris, il reste que M. [R], non commerçant, et son épouse, également non commerçante, sont signataires du contrat de crédit-bail, de sorte que, par application de l'article 48 du code de procédure civile et dès lors que toutes les parties n'ont pas contracté en qualité de commerçant, la clause attributive de compétence doit être réputée non écrite à l'égard de tous ;
Considérant par ailleurs qu'en raison de demandes connexes entre plusieurs parties, les unes obligées civilement, les autres, obligées commercialement, seul peut être compétent le tribunal de grande instance en raison de sa compétence générale, nonobstant la clause attributive de compétence mentionnée ;
Que toujours en raison de la connexité des instances ayant conduit à leur jonction, il convient de retenir la compétence du tribunal de grande instance de Nantes, régulièrement saisi au regard des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile par la première assignation délivrée dans cette affaire, ce, à la requête de la société Arcoa ;
Que l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes doit être intégralement confirmée ;
PAR CES MOTIFS
La cour
Déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Arcoa ;
Confirme l'ordonnance de mise en état en toutes ses dispositions ;
Renvoie l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nantes qui en connaîtra au fond ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société Arcoa à payer à la société Mersea et M. [B] [R] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT