1ère Chambre
ARRÊT N° 384
R.G : 10/02713
M. [I] [A]
C/
Mme [M] [A] Veuve [Z]
Mme [B] [S] veuve [A]
M. [W] [A]
M. [U] [A]
M. [G] [A]
M. [R] [A]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Odile MALLET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Juillet 2011
devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 04 Octobre 2011, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur [I] [A]
né le [Date naissance 9] 1949 à [Localité 21]
[Adresse 22]
[Localité 10]
représenté par la SCP Jean-Loup BOURGES - Luc BOURGES, avoués
assisté de Me LAYNAUD, avocat
INTIMÉS :
Madame [M] [A] Veuve [Z]
née le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 21]
[Adresse 13]
[Localité 11]
représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assistée de Me Jean-louis TELLIER, avocat
Madame [B] [S] veuve [A]
née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 20]
[Adresse 14]
[Localité 11]
représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assistée de Me Jean-louis TELLIER, avocat
Monsieur [W] [A]
né le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 20]
[Adresse 8]
[Localité 11]
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean-louis TELLIER, avocat
Monsieur [U] [A]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 20]
[Adresse 14]
[Localité 11]
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean-louis TELLIER, avocat
Monsieur [G] [A]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 20]
[Adresse 19]
[Localité 12]
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean-louis TELLIER, avocat
Monsieur [R] [A]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 20]
[Adresse 14]
[Localité 11]
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean-louis TELLIER, avocat
FAITS ET PROCÉDURE
[H] [P] [A] veuve [L] est décédée à [Localité 16] le [Date décès 7] 2001 laissant pour lui succéder ses trois neveux et nièce :
- [N] [A] depuis lors décédé et aux droits duquel viennent son épouse et des trois enfants ;
- [I] [A] ;
- [M] [A] Veuve [Z].
Le 23 mai 2005, [O] [V] [A] a fait connaître au notaire chargé des opérations de liquidation de la succession de [H] [P] [A] l'existence d'un testament établi à son profit par celle-ci et l'instituant légataire universel.
Par jugement en date du 26 mars 2010, le tribunal de grande instance de SAINT-MALO a :
prononcé la nullité du testament établi par [M] [A] le 15 mai 2001 ;
déclaré [O] [V] [A] coupable de recel successoral s'agissant des bons anonymes d'une valeur de 106 714 € et dit en conséquence qu'il ne pourra prétendre à aucune part sur ces biens ou valeurs ;
désigné Maître [J] notaire à [Localité 18] pour procéder aux opérations de partage et désigné un magistrat pour les surveiller ;
sursis à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir du tribunal correctionnel de SAINT-MALO saisi sur l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 14 mars 2007 du chef d'abus de confiance aggravé, quant à l'existence d'un recel successoral relativement à des biens de capitalisation souscrits pour une valeur de 209 700 francs et de 482 180 francs ;
débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes
débouté [O] [V] [A] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;
condamné [O] [V] [A] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître TELLIER avocat ;
condamné [O] [V] [A] à verser aux demandeurs la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage
Monsieur [O] [V] [A] a interjeté appel du jugement.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 mai 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Monsieur [O] [V] [A] demande à la cour de :
infirmer le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-MALO du 26 mars 2010 ;
débouter les consorts [A] de leurs demandes en nullité du testament et en recel successoral ;
les condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts ;
débouter les consorts [A] de toutes leurs demandes ;
les condamner au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile
Dans leurs dernières conclusions déposées le 14 juin 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, les consorts [A] demandent à la cour de :
confirmer le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-MALO du 26 mars 2010 en ce qu'il a prononcé la nullité du testament attribué à madame [L] en date du 15 mai 2001;
subsidiairement,
constater que Monsieur [O] [V] [A] a renoncé au bénéfice du legs universel ;
dire en conséquence que les consorts [A] sont habiles à faire valoir leurs droits d'héritiers dans la succession de Madame [L] ;
ordonner l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession et désigner Maître [X] successeur de Maître [J], notaire à [Localité 18] pour y procéder ;
dire que les faits dont monsieur [O] [V] [A] a été reconnu coupable par jugement du tribunal de grande instance de DAX du 12 janvier 2004 constituent le délit de recel successoral en conséquence duquel il ne peut prétendre à aucune part dans les bons anonymes d'une valeur d'achat de 106 714 € restitués au notaire en charge du règlement de la succession ;
dire, sous réserve du jugement du tribunal correctionnel de SAINT-MALO à intervenir, que les deux chèques d'un montant respectif de 209 700 Francs et 482 180 francs qui ont été utilisés par Monsieur [A] à partir du compte de Madame [L], pour souscrire, à son profit, des contrats de capitalisation auprès de la compagnie AGF Vie, constituent également un recel successoral et en conséquence duquel il ne peut prétendre à aucune part dans la somme de 105 476,42 € et que l'intéressé sera tenu de rapporter à la succession soit en nature outre les intérêts par ladite somme depuis la souscription des bons de capitalisation correspondants ;
en tout état de cause, condamner Monsieur [O] [V] [A] à payer aux demandeurs la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouter Monsieur [O] [V] [A] de toutes ses demandes
le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du testament
Considérant qu'aux termes de l'ancien article 901 du code civil, applicable à la succession de Madame [L] ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, pour faire une donation ou un testament, il faut être sain d'esprit ;
Considérant que Madame [H] [P] [L] a le 15 mai 2001 rédigé de sa main un testament au profit de son neveu [I] [A] ; que quelques jours auparavant, le 4 mai 2001, elle avait donné procuration à celui-ci sur ses comptes bancaires ;
Considérant que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en annulation du testament ; qu'ainsi la preuve doit être rapportée qu'au jour de l'acte litigieux les facultés mentales de son auteur étaient altérées et ses facultés de discernement déréglées ;
Considérant que les parties s'opposent en produisant :
- pour les consorts [A] qui contestent la validité du testament, une lettre de signalement du docteur [C] [D] adressée le 23 mai 2001 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de DAX dans laquelle ce praticien en exercice au sein de l'établissement de soins de suite où Madame [L] était hébergée depuis deux mois, s'inquiétait de la situation patrimoniale de cette personne
- pour Monsieur [O] [V] [A], qui invoque les dispositions testamentaires à son profit, un certificat du Docteur [K] en date du 5 mai 2001 dans lequel ce praticien déclare que l'état de santé de madame [L] n'altère pas ses facultés mentales ;
Considérant qu'il sera observé que le certificat du docteur [K] a été rédigé le 5 mai 2001 soit le lendemain du jour où les procurations bancaires ont été signées par madame [L] au profit de Monsieur [O] [V] [A] ; que ce certificat, communiqué par celui-ci, était en sa possession et est à mettre en corrélation avec l'obtention des procurations ;
Considérant qu'au moment où ce certificat non circonstancié a été délivré, madame [L] ne résidait plus à [Localité 15] où exerce le Docteur [K] mais à [Localité 17] ; que le docteur [K] ne précise pas qu'il ait avant de rédiger le certificat rencontré son ancienne patiente et se soit déplacé pour prendre connaissance de son état actuel ;
Considérant en revanche que le signalement effectué par le Docteur [C] [D] est circonstancié et contient une appréciation directe sur l'état de santé de madame [L] fondé sur une observation de celle-ci : ' cette patiente hospitalisée (...) Depuis le 23 mars 2001 est totalement dépendante tant pour les actes de la vie quotidienne que pour la gestion de ses affaires' ; que ce praticien exprime également son inquiétude sur une aggravation de l'état de santé de la patiente depuis huit jours qui correspond à la venue de personnes 'membres de la famille, hommes de loi et banquiers, qui semble-t-il, lui font signer différents documents' ; que cette remarque est à rapprocher de la date de rédaction du testament ;
Considérant que le signalement effectué par le docteur [C] [D] qui à ce moment, avait une connaissance exacte de la situation de Madame [L] depuis deux mois montre que cette dernière était dépendante et n'était plus en mesure de signer des actes tels que procurations et testament, ne disposant plus de facultés de discernement suffisantes pour y procéder ;
Considérant que le signalement du Docteur [C] éclaire également les circonstances dans lesquelles ces actes ont été obtenus de madame [L] qui se serait trouvée soumise à des pressions de personnes intéressées qui ne pouvaient ignorer la dégradation de l'état de santé de cette personne alors âgée de près de 88 ans et désormais visiblement dépendante ;
Considérant que Monsieur [A] ne s'est au demeurant pas prévalu du testament pendant quatre années déclarant l'avoir découvert de manière fortuite alors cependant que son épouse a attesté que ce testament lui avait été remis sous enveloppe par sa tante lors d'une visite à [Localité 17] le 17 mai 2001, qu'il avait été ensuite égaré puis retrouvé en 2002 suite à un cambriolage ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'au jour de la rédaction du testament les facultés mentales de madame [L] étaient altérées et son discernement déréglé ; que cette situation a alerté le docteur [C] [D] qui au surplus a constaté que des membres de l'entourage agissaient auprès d'elle pour lui faire signer des documents dont elle n'ait plus en mesure d'apprécier la portée ;
Considérant en conséquence que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du testament sur le fondement des dispositions de l'ancien article 901 du code civil ;
Considérant que le moyen subsidiaire tiré de la renonciation au testament se trouve dépourvu d'intérêt ;
Sur l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation partage, désigné maître [J], notaire à [Localité 18] pour y procéder et commis un magistrat du tribunal de grande instance de SAINT-MALO pour surveiller les dites opérations ;
Sur le recel successoral
Considérant que la preuve du divertissement de la somme 106 714 € par Monsieur [O] [V] [A] se trouve établie par le jugement du tribunal correctionnel de DAX en date du 12 janvier 2004, l'ayant déclaré coupable d'avoir au cours de l'année 2001 frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de [H] [P] [L], personne qu'il savait particulièrement vulnérable en raison de son âge et de sa maladie, en se faisant remettre un chèque de 700 000 francs (soit 106 714 €) qu'il avait en outre falsifié de 100 000 francs en 700 000 Francs, puis en se faisant remettre en contrepartie des bons anonymes pour ce montant ;
Considérant que si à la suite de la procédure pénale engagée contre lui, Monsieur [O] [V] [A] a remis les bons anonymes entre les mains du notaire chargé de la succession, il ne peut pour autant prétendre aucune part dans la valeur de ces bons ;
Considérant que si Monsieur [O] [V] [A] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de SAINT-MALO pour des faits commis en juin 2001 et relatifs à d'autres détournements au préjudice de la succession de Madame [L], il résulte des dernières écritures des consorts [A] qu'il n'a pas encore été jugé de ces faits ;
Considérant en conséquence que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a déclaré monsieur [O] [V] [A] coupable de recel successoral s'agissant des bons d'une valeur de 106 714 € et a sursis à statuer quant à l'existence d'un autre recel successoral relativement à des bons de capitalisation souscrits pour une valeur de 209 700 Francs et de 482 180 francs ;
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur [A]
Considérant que Monsieur [O] [V] [A] qui échoue dans toutes ses demandes et qui au surplus écrit dans ses conclusions avoir été condamné dans des 'conditions invraisemblables' dans ce qu'il qualifie d'une 'malencontreuse et ridicule affaire', déniant ainsi la réalité de ses agissements et de sa condamnation ne saurait en l'absence totale de préjudice subi par lui, réclamer des dommages-intérêts aux consorts [A] qui, confrontés aux manipulations de leur frère, n'ont fait qu'exercer et faire valoir leurs droits ;
Que le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [A] les frais supplémentaires par eux exposés dans le cadre de l'instance ; qu'il leur sera alloué en appel une indemnité de 1 500 € ; que Monsieur [O] [V] [A] sera également condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-MALO en date du 26 mars 2010 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [O] [V] [A] à payer aux consorts [A] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [O] [V] [A] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile.
LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.