1ère Chambre
ARRÊT N°380
R.G : 11/00274
M. [Z] [J]
Mme [V] [T] épouse [J]
C/
M. [R] [K]
Mme [X] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Odile MALLET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Juillet 2011
devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 04 Octobre 2011, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTS :
Monsieur [Z] [J]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 14]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assisté de Me Henri LOISEAU, avocat
Madame [V] [T] épouse [J]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 13]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués
assistée de Me Henri LOISEAU, avocat
INTIMÉS :
Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par la SCP GAUTIER LHERMITTE, avoués
assisté de la SCP EOCHE-DUVAL, MORAND, ROUSSEAU & Associés, avocats
Madame [X] [K]
née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par la SCP GAUTIER LHERMITTE, avoués
assistée de la SCP EOCHE-DUVAL, MORAND, ROUSSEAU & Associés, avocats
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [K] ont acquis des consorts [F] par acte en date du 12 septembre 1980 une parcelle sise à [Localité 8], cadastrée section [Cadastre 16], sur laquelle est édifiée une maison d'habitation. Y était mentionné un droit au puits existant sur la parcelle voisine alors cadastrée section [Cadastre 10], propriété de Madame [S] qui avait conféré ce droit aux consorts [F], par acte du 6 juin 1969.
Le fonds servant ayant été divisé en 1987, suite à des opérations de remembrement, le terrain d'assiette du puits, désormais cadastré section [Cadastre 17] a été attribué aux époux [J].
Les époux [J] contestant l'existence d'une servitude ont refusé aux époux [K] l'accès au puits et procédé à son comblement tout en creusant un second puits et un étang.
Par jugement en date du 18 novembre 2010, le tribunal de grande instance de NANTES a :
dit que la servitude de puisage instituée au profit du fonds [K] est opposable aux époux [J] ;
condamné ceux-ci à réaliser les travaux de débouchage du puits et de mise en place d'une crépine dans le mois suivant la signification de la présente décision, sous astreinte de 10 € par jour de retard pendant six mois ;
condamné les époux [J] à laisser libre accès à leur propriété aux entreprises du choix des époux [K] afin qu'elles procèdent aux travaux permettant de raccorder la maison [K] au puits qui aurait été remis en fonctionnement dans le mois suivant la demande des époux [K] sous astreinte de 10€ par jour de retard pendant un délai de 6 mois ;
s'est réservé le pouvoir de liquider les astreintes ;
condamné les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 1 183,53 €, indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre le mois d'avril 2008 et le mois du présent jugement au titre des travaux de creusement d'une nouvelle tranchée pour nouveau raccordement au puits débouché ;
condamné les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 300 € au titre des travaux de reprise des aménagements paysagers après creusement de la nouvelle tranchée ;
condamné les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 155 €, sauf à parfaire, au titre de la surconsommation en eau potable des époux [K] depuis qu'ils ont été privés de l'usage du puits ;
condamné les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 2 860,22 € indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre le mois de mars 2010 et le mois du présent jugement au titre de la nécessité de mettre en place la pompe de relevage ;
condamné les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 932,88 € indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre le mois de mars 2010 et le mois du présent jugement au titre des travaux de reprise des aménagements paysagers et percement du muret au sud pour passage de l'évacuation de l'installation d'assainissement rénovée ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
condamné les époux [J] aux entiers dépens ;
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Monsieur et madame [J] ont interjeté appel du jugement.
POSITION DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 14 juin 2011, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, les époux [J] demandent à la cour de :
infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 18 novembre 2010 ;
constater l'inopposabilité de la servitude existante dans l'acte du 6 juin 1969 ;
dire que la responsabilité des époux [J] ne peut être engagée ;
dire les époux [K] non fondés à réclamer le coût des travaux supplémentaires sur leurs travaux d'assainissent effectués;
dire qu'il n'y avait lieu à exécution provisoire ;
condamner les époux [K] au paiement de la totalité des frais et dépens de référé que de première instance et en cause d'appel ;
les condamner à reverser l'intégralité des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ordonnée ;
débouter les intimés de leurs demandes incidentes
les condamner au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dans leurs dernières conclusions du 17 juin 2011, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, les époux [K] demandent à la cour de :
confirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté les époux [K] de leur demande de condamnation des époux [J] à leur régler le coût de mise en oeuvre d'une bâche renforcée pour la réalisation de leur nouvelle installation d'assainissement
Y ajoutant,
condamner les époux [J] à régler la somme de 350,79 € indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre le mois de juin 2008 et le mois du jugement à intervenir au titre du surcoût engendré par la présence du second puits creusé par les époux [J] dans le cadre de la réfection de l'installation d'assainissement des requérants ;
condamner les époux [J] à régler aux époux [K] la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner les époux [J] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'existence d'une servitude de puisage
Considérant qu' un puits existe sur la parcelle aujourd'hui cadastrée section [Cadastre 17], attribuée aux époux [J] à l'issue des opérations de remembrement réalisées en 1987 ;
Considérant qu'il est fait mention dans un acte de Maître [I], notaire à [Localité 15] en date du 6 juin 1969 d'un droit sur ce puits existant sur la parcelle alors cadastrée section [Cadastre 10], dont est issue la parcelle remembrée [Cadastre 17] ; que ce droit était accordé par la venderesse, Madame [S], aux époux [F], acquéreurs de la parcelle alors cadastrée section [Cadastre 11] et aujourd'hui cadastrée section [Cadastre 16] ;
Qu'ainsi, Madame [S] était à la fois propriétaire du fonds dominant ([Cadastre 10] devenu [Cadastre 17]) et du fonds servant ([Cadastre 11] devenu [Cadastre 16]) ; que la servitude a été constituée par ce titre qui a été enregistré à [Localité 6] le 12 juin 1969, une expédition devant être publiée au bureau des hypothèques de [Localité 14] ;
Que l'acte en date du 12 septembre 1980 par lequel les consorts [F] ont vendu aux époux [K] la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] mentionne le droit au puits accordé en 1969 et a été lui même publié à la conservation des hypothèques de [Localité 14] le 27 octobre 1980 ;
Considérant que si l'existence de cette servitude ne figure pas dans le procès-verbal de remembrement, en revanche cette servitude a subsisté sans modification dès lors qu'elle ne s'est pas trouvée éteinte en application de l'article 703 du code civil ;
Considérant qu'il résulte en effet des constatations de l'expert désigné par le juge des référés, monsieur [O], que le puits qui était relié à la propriété [K] par une canalisation munie d'une crépine avec arrêt automatique a été utilisé par les époux [K] jusqu'en juillet 1992 date à laquelle Monsieur [J] admet avoir coupé le réseau d'eau du puits desservant la propriété [K] puis avoir bouché le puits ;
Qu'ainsi, l'impossibilité pour les époux [K] d'user des eaux du puits est le fait de Monsieur [J] qui ne peut s'en prévaloir pour revendiquer l'extinction de la servitude ayant lui-même agi de manière illicite pour que son titulaire ne puisse plus user de son droit de puisage ;
Qu'au surplus, le réseau communal n'a desservi la propriété [K] qu'en décembre 1989, ce qui rendait indispensable, au moins jusqu'à cette date, l'usage des eaux du puits et exclut toute extinction par non -usage pendant trente ans ;
Considérant qu'enfin il n'est pas justifié que lors des opérations de remembrement, le ré-aménagement des terres ait entraîné l'extinction de la servitude de manière spécifique ;
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que la servitude de puisage était opposable aux époux [J] dont la servitude avait été régulièrement publiée ;
Sur la condamnation à réaliser des travaux de débouchage du puits et de mise en place d'une crépine
Considérant que les époux [K] ayant communiqué en appel des photographies du puits prises le 9 mai 2011 et des attestations d'artisans montrant son bon état sauf le 'contacteur manque d'eau à remplacer fils coupés', il convient de constater que la demande de réalisation des travaux de débouchage du puits est devenue sans objet, seuls ceux de la mise en place d'une crépine en état de marche demeurant à réaliser ;
Sur le coût des travaux nécessaires au rétablissement de la servitude de puisage
Considérant que le préjudice est constitué par :
- la surconsommation d'eau du réseau communal depuis juillet 1992, les époux [K] ne pouvant depuis lors utiliser le surplus que leur procurait gratuitement le droit de puisage,
- la nécessité de creuser une nouvelle tranchée depuis le puits pour passer un fourreau d'eau potable et un câble électrique à une profondeur de 0,60 mètres,
- les travaux paysagers après creusement de la nouvelle tranchée ;
Que les éléments et devis examinés par l'expert permettent de fixer le montant de ces préjudices aux sommes retenues par les premiers juges, soit 155 €, 1183,53 € indexée et 300 € ;
Sur les conséquences de la création d'un étang par les époux [J]
Considérant que la création d'un étang sur la parcelle située au nord de celle appartenant aux époux [K] et le comblement partiel d'un fossé appartenant à l'association foncière ont contraint les époux [K] de rejeter les eaux traitées de leur système d'assainissement vers le sud de leur propriété ;
Que compte tenu de la topographie des lieux cette solution nécessite la mise en oeuvre d'une pompe de relevage et la création d'une nouvelle tranchée ainsi que des travaux annexes ;
Considérant que les époux [J] ayant ainsi agi sans s'informer auprès de leurs voisins des conséquences de la création d'un étang et de ses aménagements sur leur système d'évacuation des eaux traitées situé à proximité ont commis une faute dont ils doivent réparation en raison du surcoût qu'entraîne la modification du parcours de ces eaux rendue nécessaire par le risque de contamination des eaux pluviales ;
Considérant que le coût de ces travaux a été justifié par les époux [K] qui ont communiqué à l'expert les pièces permettant de déterminer leur préjudice ; que le jugement sera confirmé sur le montant des condamnations ainsi prononcées ;
Sur les conséquences de la création d'un second puits par les époux [J]
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les époux [J] qui attribuent à l'expert leurs propres dires que ce dernier a repris à la page 7 de son rapport, Monsieur [O] a conclu que le deuxième puits qu'ils ont créé ne respectait pas la distance légale par rapport aux installations sanitaires, étant à moins de 35 mètres d'une source de contamination ;
Que la création de ce puits oblige les époux [K] pour empêcher la réalisation de ce risque de poser une bâche renforcée pour protéger l'eau de ce puits dont les époux [J] ne proposent pas la suppression ; que les époux [K] ont produit un devis de Monsieur [P] de fourniture et pose d'un géotextile en trois épaisseurs d'un montant de 350,79 € ;
Que cependant, comme l'ont justement estimé les premiers juges, une installation conforme aux règles de l'art nécessite cet équipement de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [K] de ce chef de demande ;
Sur l'article 700 et les dépens
Considérant que les époux [J] succombant en leur appel seront condamnés aux dépens ; que les époux [K] ayant dû exposer en appel des frais supplémentaires pour exposer leurs moyens de défense, les époux [J] seront condamnés à leur payer la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 18 novembre 2010 sauf en ce qu'il a condamné les époux [J] à déboucher le puits ;
Constate que cette disposition a été exécutée au vu des documents photographiques communiqués par les époux [K] en appel ;
Pour le surplus, pour la mise en place d'une crépine dit que l'astreinte prononcée par les premiers juges courra dans un délai d'un mois après la signification de cette décision pendant six mois, délai passé lequel il pourra être fait à nouveau droit ;
Dit n'y avoir lieu pour la Cour de se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ;
Condamne les époux [J] à payer aux époux [K] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [J] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.