6ème Chambre B
ARRÊT No 854
R. G : 11/ 07167
Mme Claudine X... épouse Y...
C/
M. Etienne Y...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 30 Octobre 2013 devant Monsieur Pierre FONTAINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 10 Décembre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
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APPELANTE :
Madame Claudine X... épouse Y... née le 08 Août 1949 à PARIS (75015) ...35200 RENNES
Représentée la SCP DEPASSE/ SINQUIN/ DAUGAN/ QUESNEL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES Représentée par la SCP SCP COLLEU/ LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur Etienne Y... né le 23 Août 1956 à QUIMPER (29000) ... 35200 RENNES
Représenté par la SCP SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représenté par Me Christine JARNIGON-GRETEAU, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE ET OBJET DU RECOURS
M. Y... et Mme X... se sont mariés le 4 juillet 1981, sans contrat préalable avant d'adopter le régime de la séparation de biens, ce qui a été homologué par un jugement du 14 juin 1990.
De leur union est née Emmanuelle le 6 avril 1982.
Sur la requête en divorce de M. Y..., une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 18 février 2010.
Le 1er octobre 2010, Mme X... a assigné son mari en divorce, sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.
Suivant une décision du 22 septembre 2011, le juge aux affaires familiales de RENNES a :
- prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
- ordonné les formalités de publication à l'Etat-civil, conformément à la loi,
- ordonné le partage et la liquidation des intérêts patrimoniaux,
- dit que la date des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens est fixée au 1er février 2011,
- condamné M. Y... à verser à son épouse un capital de 17 000 ¿ à titre de prestation compensatoire,
- rejeté les autres prétentions des parties,
- condamné Mme X... aux dépens.
L'épouse a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 7 mai 2013, le conseiller de la mise en état a dit qu'il n'a pas lieu de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel et a joint les dépens de l'incident au fond.
Par conclusions du 1er octobre 2013, elle a demandé :
- de réformer en partie le jugement déféré,
- de condamner son mari à lui payer la somme de 1 845, 60 ¿ en remboursement de sommes prêtées et celle de 1 180 ¿ correspondant à la moitié des travaux de la fermette,
- de le condamner à lui payer une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 90 000 ¿ et de dire qu'il devra assumer les droits d'enregistrement,
- de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 ¿, par application de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).
Par conclusions du 19 septembre 2013, l'intimé a demandé :
- de débouter son épouse de ses réclamations,
- de dire qu'aucun des époux ne versera à l'autre une prestation compensatoire,
- de fixer au 1er février 2001 la date des effets du divorce,
- de condamner Mme X... au paiement d'une indemnité de 2 000 ¿, par application de l'article 700 du CPC.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est référé aux dernières écritures des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 octobre 2013.
SUR CE
Il résulte des articles 270 et suivants du code civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture en mariage crée dans les conditions de vie respectives, que cette prestation, qui prend en principe la forme d'un capital, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, d'après les critères énumérés à l'article 271.
En l'espèce, il est établi que l'épouse, âgée de 64 ans, est invalide à 80 % depuis de nombreuses années, que ses revenus mensuels nets sont, au titre de pensions de retraite (750 ¿) et d'une majoration pour tierce personne de l'ordre de 1 900 ¿ ; que ses charges autres que celles de la vie courante sont d'environ 1 400 ¿ (loyer résiduel, auxiliaire de vie, téléalarme, portage de repas, assurances, frais médicaux non remboursés, Internet.
Elle indique en ce qui concerne sa prétendue activité professionnelle, que des virements sur son compte bancaire correspondent à des ventes de de " DVD " et de " CD ", qu'une société, dans le cadre de laquelle elle aurait effectué des opérations de commerce à l'étranger, a été mise en liquidation au mois de novembre 2008, sans plus d'informations à ce sujet.
Il ressort de la page d'accueil d'un site spécialisé sur Internet, avec mise à jour le 28 janvier 2012, qu'elle exerce à titre personnel une activité de location de logements, en étant inscrite au registre du commerce et des sociétés.
Elle soutient que ces données ne correspondent pas à la réalité.
Les avis fiscaux qu'elle produit, certes non réactualisés, ne mentionnent que des revenus fonciers nets de 1 217 ¿ pour 2009.
Il n'est pas démontré qu'elle possède actuellement un capital immobilier frugifère.
En 2011, elle a revendu au prix de 45 000 ¿ (attestation de vente du 25 janvier 2011), un mobile-home qui a été loué par elle du 10 juillet 2010 au 3 octobre 2010 (cf. une attestation de M. Z... du 7 juillet 2010), le prix ayant servi à rembourser par anticipation, à hauteur de 40 692 ¿ un emprunt contracté par elle pour l'acquisition du bien (cf. un décompte du Crédit Mutuel de Bretagne).
Elle a un ami-M. A...- qu'elle a accueilli chez elle à plusieurs reprises entre le 28 novembre 2011 et le 10 janvier 2012 et entre le 29 octobre 2012 et le 9 novembre 2012.
Les constatations faites à cet égard par un détective privé et le fait que l'ami s'est porté caution de l'épouse pour un prêt ne suffisent pas pour en déduire un concubinage impliquant un partage de charges, vu au surplus l'attestation circonstanciée de M. A... du 25 septembre 2013.
M. Y..., âgé de 57 ans, exercera la profession de technicien supérieur du ministère de la défense.
Il justifie d'un traitement net mensuel de 3 256 ¿, de revenus locatifs minimes et des charges principales incompressibles suivantes, au mois :
- impôts :........................................................ 524 ¿,
- copropriété :................................................. 349 ¿,
- emprunts immobiliers :........................... 766, 58 ¿, jusqu'au 2019, et 242, 82 ¿ jusqu'au en 2014.
D'après une évaluation, le montant prévisible de sa retraite sera de 1 573 ¿ par mois.
L'acte de liquidation-partage de la communauté a été signé le 22 juin 2005.
Un appartement et un parking situés à RENNES ont été attribués au mari pour 130 000 ¿ et un appartement sis à DAX à l'épouse pour 48 500 ¿, que celle-ci a vendu le 11 juin 2009 au prix de 54 630 ¿ (cf. une lettre du notaire du 16 juin 2009).
La valeur actuelle des biens reçus par le mari n'est pas indiquée.
M. Y... a consenti à décharger son épouse de la soulte de 19 875 ¿ due par elle, l'acte du 22 juin 2005 mentionnant que cette décharge constitue une donation acceptée par la bénéficiaire, laquelle prétend en vain et, à défaut de tout élément de preuve, qu'elle serait la contrepartie de l'encaissement par son conjoint seul, de loyers et de la vente par lui seul d'un immeuble commun.
Par ailleurs, il est constant qu'en 1992 les époux ont acquis en indivision pour 200 000 F (30 489 ¿) une fermette sise à PLONEIS (Finistère), le mari en ayant la pleine propriété pour la moitié et la femme en étant usufruitière pour l'autre moitié donnée par elle en nue-propriété à sa fille Emmanuelle, un proche bénéficiant de la jouissance à vie des locaux.
Aux dires de M. Y..., la valeur du bien est de 90 000 ¿, dont 18 000 ¿ au profit de son épouse.
Celui-ci a été victime d'un accident de la circulation en 1978, à la suite duquel il a été indemnisé à hauteur de 419 866, 45 F ((64 000 ¿), suivant une décision de justice du 20 novembre 1985, dont 88 000 F (13 415 ¿) au titre du préjudice personnel entrant dans ses biens propres.
L'obtention de ces sommes a permis au couple, au moins en partie, d'enrichir son patrimoine, ne serait-ce que par l'acquisition d'un bien immobilier à BETTON en 1986 et d'un " camping-car " la même année au prix de 200 000 F-30 489 ¿- ce qu'admet Mme X....
Concernant l'épargne personnelle, l'épouse justifie de 28 960 ¿ au 11 janvier 2011 (24 486 ¿ au 6 avril 2011), et le mari d'environ 2 700 ¿ en 2009.
Le mariage a duré 32 ans et la vie commune à peine 20 ans, alors qu'il est constant que la cohabitation et la collaboration ont cessé au mois de février 2001, et non pas 2011 comme il est indiqué par erreur dans le jugement, en quoi la date des effets patrimoniaux du divorce dans les rapports entre époux sera rectifiée.
Le couple a élevé un enfant devenu indépendant financièrement.
Au regard de l'ensemble des éléments portés à la connaissance de la cour, la rupture de l'union crée au détriment de la femme une disparité dans les conditions de vie respectives devant être compensée par une prestation sous la forme d'un capital de 17 000 ¿.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il sera ajouté que le débiteur de la prestation compensatoire supportera les droits d'enregistrement y afférents conformément à l'article 1248 du code civil.
Sur les créances qu'elle allègue à l'égard de M. Y..., Mme X... affirme que celui-ci lui est redevable, d'une part, d'une somme de 1 845, 60 ¿ correspondant à un achat par elle de matériaux pour des travaux dans l'appartement dont il est propriétaire et, d'autre part, d'une somme de 1 180 ¿ égale à la moitié du coût de travaux effectués dans la fermette en indivision de PLONEIS.
Aux termes de l'article 267- dernier alinéa du code civil, le juge du divorce ne doit statuer sur des désaccords d'ordre patrimonial que si le projet de liquidation établi par le notaire contient des informations suffisantes.
En l'espèce, cette condition est inopposable, en l'absence de désignation d'un notaire.
L'épouse ne rapporte la preuve par aucun moyen de ce qu'elle aurait avancé à son mari, la somme de 1 845, 60 ¿, la reconnaissance de dette dont elle se prévaut n'étant du reste pas produite.
En revanche, il résulte d'une facture d'un maçon du 16 février 2011, d'un courrier de l'artisan du 21 février 2011, d'une facture d'achat et de pose de matériaux du 19 novembre 2010 et d'un chèque du 2 novembre 2010 fait par Mme X..., que cette dernière a déboursé un montant de 1 955, 07 ¿ pour des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, à l'aide de ses deniers personnels, le paiement au-delà n'étant pas justifié.
Par suite, il convient en infirmant pour partie la décision déférée, de lui allouer une indemnité par application de l'article 815-13 du code civil, laquelle sera fixée à 977, 53 ¿, à la charge de M. Y..., coïndivisaire, ayant intérêt à la conservation du bien.
Le reste des demandes relatives à la liquidation des intérêts patrimoniaux sera rejeté, comme étant mal fondé.
Etant donné la cause du divorce, les dépens de première instance garderont le sort qui en a été décidé.
Vu la solution du litige devant la Cour, chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport à l'audience ;
Infirme en partie le jugement du 22 septembre 2011 ;
Statuant à nouveau ;
Fixe au 1er février 2001, la date des effets du divorce dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens ;
Condamne M. Y... à payer à Mme X... une somme de 977, 53 ¿ à titre d'indemnité pour les travaux de conservation de l'indivision ;
Confirme pour le surplus ;
Y ajoutant ;
Dit que le débiteur de la prestation compensatoire assumera les droits d'enregistrement y afférents ;
Rejette le surplus des demandes ;
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel, sans application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,