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04/02/2014 | FRANCE | N°12/04725

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 04 février 2014, 12/04725


1ère Chambre





ARRÊT N°61



R.G : 12/04725













Mme [DI] [Y] épouse [A]



C/



Mme [G] [W] épouse [N]

M. [I] [R] [M] [Q]

M. [B] [L] [U] [Q]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 FEVR

IER 2014





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique ...

1ère Chambre

ARRÊT N°61

R.G : 12/04725

Mme [DI] [Y] épouse [A]

C/

Mme [G] [W] épouse [N]

M. [I] [R] [M] [Q]

M. [B] [L] [U] [Q]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 FEVRIER 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Décembre 2013

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 04 Février 2014, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

Madame [DI] [Y] épouse [A]

née le [Date naissance 4] 1932 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Yann VILLATTE de la SELAFA VILLATTE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Madame [G] [W] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1937 à [Localité 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

Assistée de la SELARL ALEXA, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [I] [R] [M] [Q]

né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

Assisté de la SELARL ALEXA, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [B] [L] [U] [Q]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

Assisté de la SELARL ALEXA, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [L] [W] est décédé le [Date décès 1] 2007 en laissant pour lui succéder ses deux filles, Madame [G] [W] épouse [N] et Madame [V] [W], ainsi que Madame [DI] [Y] épouse [A], avec laquelle il a vécu les derniers mois de sa vie et en faveur de laquelle il a testé.

Par acte du 23 Juillet 2007, Mesdames [W] ont assigné Madame [A] aux fins de voir procéder aux opérations de compte-liquidation-partage de la succession, et prononcer la nullité de l'avenant du 14 Mars 2007 au contrat Heredia+ n°4823614856 et subsidiairement de dire que les primes versées sur ce contrat seront soumises à réduction et à rapport.

Par déclaration du 26 Décembre 2007, Madame [V] [W] a renoncé à la succession de son père et ses deux fils, [I] [Q] et [B] [Q], sont intervenus volontairement à la procédure auprès de leur tante, Madame [G] [W] (ci-après dénommés les consorts [W]).

Par jugement du 15 Mars 2012, le tribunal de grande instance de Nantes a:

- ordonné l'ouverture des opérations de compte-liquidation-partage de Monsieur [L] [W] et commis pour y procéder Monsieur le président de la chambre départementale des notaires de Loire-Atlantique, avec faculté de délégation sauf à Maître [K] et à Maître [X],

- dit que l'avenant du 14 Mars 2007 au contrat Hérédia+ n'est pas nul pour cause de dol,

- constaté que les dispositions de l'article L132-13 du code des assurances sont contraires aux dispositions de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elles ne sont en conséquence pas applicables,

- ordonné la réduction des primes du contrat d'assurance vie Hérédia+ n°4823614856 pour atteinte à la réserve des héritiers,

- dit qu'il n'est pas établi que Madame [A] ait été bénéficiaire de dons manuels du défunt à hauteur de 107.000 euros sur la période du 02 Mai 2006 au [Date décès 1] 2007 et rejeté la demande de réduction à ce titre,

- condamné Madame [A] aux dépens de première instance avec droit de recouvrement pour ceux dont il avait été fait l'avance,

- condamné Madame [A] à payer aux consorts [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de ce jugement, Madame [A], par conclusions du 19 Novembre 2013, sur le fondement des dispositions des articles 815 du Code Civil, L132-19 du code des assurances, demande à la Cour qu'elle :

- infirme partiellement le jugement déféré,

- dise n'y avoir lieu à réduction des primes du contrat Hérédia+ pour atteinte à la réserve des héritiers,

- constate qu'en tout état de cause, les intérêts générés par ces primes ne peuvent faire l'objet d'une réduction, conformément aux dispositions des articles L132-13 et L132-12,

- confirme pour le solde le jugement entrepris, sauf pour les dépens et les frais irrépétibles,

- condamne solidairement les consorts [W] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamne solidairement aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Par conclusions du 14 Novembre 2013, les consorts [W] ont sollicité que la Cour, sur le fondement des dispositions des articles 414-1, 815 et suivants, 894, 901, 912, 913, 919-2, 920, 1109, 1116 du code civil, 132-12 du code des assurances, la convention européenne des droits de l'homme:

- confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux opérations de liquidation partage, à la non conformité des dispositions de l'article L132-13 du code des assurances à la convention européenne de sauvegarde des droits l'homme,

- y additant, dise que les primes versées et les intérêts capitalisés du contrat Hérédia+ devront être intégrés à l'actif successoral,

- subsidiairement, dise que l'avenant du 14 Mars 2007 est nul pour cause de dol, et à défaut dise que le contrat Hérédia est une libéralité et constitue une donation indirecte, et ordonne la réduction des primes pour atteinte à la réserve,

- subsidiairement, constate le caractère manifestement excessif de la prime unique versée le 17 Février 1996 et ordonne sa réduction en application de l'alinéa 2 de l'article L132-13 du code des assurances,

- constate que le défunt a consenti à Madame [A] des dons manuels pour 107.000 euros et ordonne la réduction du legs pour atteinte à la réserve des héritiers,

- condamne Madame [A] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les dispositions de l'article L.132-13 du Code des Assurances :

Les consorts [W], dont l'analyse a été reprise par le premier juge, soutiennent que les dispositions de l'article L132-13 du Code des Assurances sont contraires aux dispositions de l'article 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales en ce qu'elles rompent l'inégalité entre les héritiers en permettant de traiter différemment les successibles, créant ainsi une distinction discriminatoire entre eux.

Toutefois, les dispositions susvisées ne créent pas en elles-mêmes de discriminations entre héritiers non plus qu'elles ne portent atteinte au principe d'égalité, d'autant que par ailleurs les primes manifestement exagérées peuvent être réintégrées par le juge dans la succession.

En conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a déclaré que les dispositions de l'article L.132-13 du Code des Assurances ne sont pas applicables et ordonné la réduction des primes du contrat d'assurance vie Hérédia+ pour atteinte à la réserve des héritiers.

Sur la validité de l'avenant du 14 Mars 2007 :

Les consorts [W] demandent à la Cour d'annuler l'avenant du 14 Mars 2007 par lequel Monsieur [L] [W] a modifié au bénéfice de Madame [A] la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie Hérédial + souscrit auprès de la Banque CIO (contrat numéro 48 23614856).

Ils fondent leur action sur des man'uvres dolosives entreprises par celle-ci, constitutives d'une captation d'héritage.

Pour sa part, Madame [A] oppose que le défunt avait de nombreuses raisons de se plaindre de ses deux filles, qui ne s'occupaient pas de lui, et a gardé toutes ses facultés mentales jusqu'à son décès.

En premier lieu, il est incontestable au regard des attestations rédigées par Maître [K] son notaire et Madame [S] son infirmière que Monsieur [W] est resté jusqu'à la fin de ses jours en possession de ses facultés mentales.

Pour autant, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à écarter toute possibilité d'assujettissement à des suggestions dolosives.

Monsieur [W], né le [Date naissance 3] 1913, veuf depuis 1993, a été en relation constante avec Madame [DI] [A] à compter de la mi 2005 ; selon sa famille, il aurait renoué par hasard avec elle et l'aurait présentée comme son ancienne maîtresse ; selon Madame [A], qui conteste cette assertion, une amitié ancienne l'aurait lié à Monsieur [W], qui était l'employeur de son époux (décédé) et il aurait fait appel à elle lorsque sa famille se serait désintéressée de lui.

Le 14 Décembre 2006 selon testament reçu par Maître [K], Monsieur [W] a légué à Madame [DI] [A] une maison d'habitation située [Adresse 5] d'une valeur de 280.000 euros, en précisant que pour le cas où l'ensemble des legs fait par lui excéderait la quotité disponible de sa succession, les legs précédents seraient réduits à due concurrence afin de permettre l'exécution totale de celui consenti à Madame [A].

Le 14 Mars 2007, il a modifié en sa faveur la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie susvisé sur lequel figurait la somme de 762.245,08 euros à son décès.

Le 11 Mai 2007, selon testament reçu par Maître [K], il a révoqué toutes les dispositions contenues dans ses testaments des 07 et 24 Novembre 1998, dans lesquels il léguait des sommes d'argent à son frère et à sa s'ur.

Le [Date décès 1] 2007, Monsieur [W] est décédé, laissant un actif (assurances- vie comprises) d'environ 1.660.000 euros.

L'examen des pièces versées aux débats démontre qu'avant de retrouver Madame [A], Monsieur [W] entretenait des rapports de grande proximité avec ses enfants et petits-enfants, ces rapports ayant même, pour l'une de ses filles ([V]), pris la forme d'une emprise certaine.

Il est ainsi versé aux débats le protocole qu'avait fait signer Monsieur [W] à sa fille [V] en 1990 aux termes de laquelle « elle se déclare prête à engager une procédure de divorce dès la signature du présent protocole. En contrepartie, Monsieur [W] s'engage sa vie durant, à laisser la libre jouissance de la maison [Adresse 4] à sa fille à la condition que Monsieur [Q] [Z] ne vienne pas y habiter et que le divorce soit prononcé. Faute de quoi le présent engagement serait caduc et Monsieur [W] pourrait disposer de ce logement comme il le souhaite ».

Les termes surprenants de ce protocole sont confirmés par le jugement de divorce versé aux débats, aux termes duquel Madame [V] [Q] reconnaissait le grief de ne pas avoir pu faire un choix entre son père et son mari.

Ensuite, l'attestation de Madame [S], infirmière, rappelle que les deux filles de Monsieur [W] ont fait preuve d'une présence constante auprès de leur mère lors de sa maladie.

Pour les temps plus récents, Madame [G] [N] expose que jusqu'à la mi-2006, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il rencontre Madame [A], son père est venu déjeuner chez elle tous les dimanches, pour ensuite refuser ses invitations.

Cette allégation est confirmée par l'attestation de sa voisine, Madame [H], qui indique que Monsieur [W] venait très souvent chez sa fille, dans la semaine mais aussi tous les dimanches, en précisant qu'à la date de son décès, elle ne le voyait plus depuis deux ou trois ans et qu'elle croyait qu'il avait eu des ennuis de santé.

De la même façon, Monsieur [W] déjeunait depuis des années le mercredi avec sa fille [V] et avec Madame [F] (amie du couple qu'il formait avec son épouse depuis des dizaines d'années) et, quelques semaines avant son décès, a refusé de continuer ces déjeuners. Selon l'attestation de Madame [F] « à sa fin, il était complètement sous la domination de Madame [A]. Je suis une amie depuis très longtemps, au moins 60 ans. Je l'ai vu complètement changer, en particulier la dernière année de sa vie sous l'emprise de cette dame. J'ajoute que j'allais au restaurant tous les mercredis midi avec Monsieur [L] [W] et sa fille [V] jusqu'à quelques semaines avant son décès et depuis des années ».

Il déjeunait aussi tous les jeudis avec ses s'urs [D] et [JY], la première étant la tutrice de la seconde, déficiente mentale vivant en institution.

Enfin, des collègues de travail de Monsieur [C] [J], époux de l'une de ses petites-filles et exerçant la profession d'aide-soignant ont témoigné de sa présence habituelle à ses côtés (ainsi que de celle de son épouse) lorsqu'il lui arrivait d'être hospitalisé et ce, jusqu'à ce qu'il parte résider à La Réunion.

Une amie de Madame [J], résidant comme elle à La Réunion, a attesté que celle-ci lui rapportait fréquemment le contenu des conversations qu'elle tenait au téléphone avec son grand-père (ou avec le reste de sa famille) et qu'elle l'avait vu inquiète et anxieuse quand elle avait appris la gravité de son état de santé fin Mai 2007.

Dans ces conditions, les témoignages reprenant les propos tenus durant les derniers mois de sa vie (ceux passés en compagnie de Madame [A]) selon lesquels il disait être abandonné par les membres de sa famille sont à considérer avec une grande circonspection, même, si au regard de l'attestation rédigée par Monsieur [O], ses récriminations aient été plus anciennes.

Ensuite, les témoins qui attestent que Monsieur [W] se disait abandonné de ses filles lui prêtent des propos qui confirment les explications données par la famille [W], c'est-à-dire que dans son grand âge, Monsieur [W] entendait maintenir son emprise sur ses deux filles en exigeant d'elles des interventions physiques et matérielles quotidiennes, en se formalisant de leur refus sans tenir compte de leur âge ou de ses capacités financières.

Ainsi, Monsieur [E], livreur de journaux, atteste-t-il que Monsieur [W] lui disait pour se plaindre de son abandon « j'ai deux filles et je vis dans la poussière », entendant par là qu'elles auraient pu lui faire son ménage (ce que faisait néanmoins [V] qui une fois par semaine passait lui changer ses draps selon des allégations non contestées).

Monsieur [P], voisin, pour sa part atteste qu'il devait demander à un entourage étranger une aide de tous les jours et que lui-même a dû intervenir pour changer des ampoules, couper des branches et nettoyer une tuyauterie, ce que selon le témoin « sa famille  aurait dû faire ».

Madame [T] [A], fille de Madame [DI] [A], atteste aussi « que sa fille [G] à qui il avait demandé de l'aide lui avait fait savoir par l'intermédiaire de [D] [W], sa s'ur, qu'il était suffisamment riche pour prendre quelqu'un pour l'aider », cette attitude constituant selon les termes du témoin « une incurie ».

Toutefois, à l'époque à laquelle ces propos ont été tenus, sa fille [G] était âgée de 71 ans, faisait face aux ennuis de santé d'un époux de 75 ans, et sa fille [V] était, selon des affirmations non contestée, devenue quasiment invalide.

Dans ces conditions et compte tenu de la fortune et des revenus de Monsieur [W], lui proposer de prendre une femme de ménage et un jardinier quelques heures par semaine tenait du simple bon sens.

Dès lors, les propos tenus par Monsieur [W] participaient d'une appréciation erronée des devoirs que lui devaient ses filles compte tenu de leurs âges et capacités respectifs et n'étaient nullement révélateurs d'un quelconque désintérêt de leur part.

En outre, aucun des témoins ne relate de reproche fait par Monsieur [W] à sa s'ur et à son frère, qui ont pourtant eux aussi vu se détourner d'eux le défunt, qui quelques jours avant sa mort a révoqué les legs qu'il leur avait fait antérieurement.

Enfin, en l'absence de témoignage de tiers, et devant les contradictions sur ce point des affirmations des parties, la Cour est dans l'incapacité de tirer le moindre enseignement des circonstances dans lesquelles Monsieur [W] est décédé ou plus précisément, du point de savoir si sa famille était ou n'était pas à ses côtés et si elle avait été avisée de son état de santé.

Monsieur [W] a repris contact avec Madame [A] alors qu'il était âgé de 92 ans, quelques mois après avoir été victime d'une première alerte sérieuse de santé (atteinte cardiaque ou pulmonaire), qui selon tous les témoins, l'avait laissé affaibli ; les mois ayant suivi cet incident, jusqu'à son décès, ont été émaillés de nombreux alertes médicales comme en témoigne la liste des rendez-vous médicaux établie par Madame [A].

S'il est certain qu'il avait conservé ses facultés mentales, les attestations versées aux débats démontrent que comme nombre de personnes très âgées, il témoignait d'une grande rigidité de vues et que son autoritarisme naturel, notamment vis-à-vis de ses filles, s'était accentué et ne lui permettait plus d'évaluer avec équité ce qui ressortait de leurs devoirs au regard de leurs possibilités.

Dans ce contexte, la présence de Madame [DI] [A], d'abord simplement insistante puis constante, accueillant d'une oreille complaisante ses récriminations contre sa famille puis les favorisant de telle sorte que Monsieur [W] en vienne à renoncer aux plaisirs familiaux qui avaient été les siens durant des années, revêt un caractère frauduleux.

Celui-ci est confirmé par l'attitude des enfants et petits-enfants de Madame [A], qui bien que n'ayant que peu connu Monsieur [W] (celui-ci aurait été l'employeur de l'époux de Madame [A]) sont venus témoigner de la nécessité devant laquelle ils se seraient trouvés de prendre la place de ses proches défaillants pour l'accompagner à chaque instant (à l'hôpital, au garage laver sa voiture, faire ses courses '.) faisant preuve d'une affection et d'attentions surprenantes pour une personne dont ils n'avaient pas eu de nouvelles depuis des années (pour les filles de Madame [A]), ou quasiment inconnu d'eux dix-huit mois auparavant (pour son petit-fils).

Il l'est encore par la mainmise de Madame [A] sur les papiers et pièces financières de Monsieur [W], qu'elle a versées pour partie aux débats, et qui relatant les relations complexes entretenues par Monsieur [W] et ses filles durant des années, n'auraient pas dû se retrouver en sa possession : ont ainsi été produites des quittances de loyer et des comptes datant pour certains des années 1980, constituant des archives personnelles de la famille [W].

Cette constance de la présence de la famille [A], inexplicable pour plusieurs de ses membres, cette complaisance dans l'écoute de ses griefs et dans l'exploitation des regrets présents dans toute vie de famille, cette séparation progressive d'avec sa famille naturelle, qui ne pour ne pas avoir été totale n'en a pas moins été réelle, dans un contexte d'affaiblissement progressif de Monsieur [W], revêtent le caractère de man'uvres dolosives ayant déterminé la signature de l'avenant litigieux, et conduisent la Cour à prononcer son annulation.

Sur l'existence de dons manuels à hauteur de 107.000 euros en faveur de Madame [A] :

Les retraits opérés sur les comptes de Monsieur [W], pour un montant total de 107.000 euros, l'ont été par le défunt lui-même, et sans que la moindre preuve permette d'en déterminer la destination.

Dès lors, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'était pas établi que Madame [A] en ait été bénéficiaire et a rejeté la demande visant à voir ordonner à cette hauteur la réduction du legs lui ayant été consenti.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Madame [A], qui succombe dans son recours, est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros aux consorts [W] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge.

PAR CES MOTIFS :

Infirme partiellement le jugement déféré, en ce qu'il a déclaré inapplicables les dispositions de l'article L132-13 du code des assurances, dit que l'avenant du 14 Mars 2007 du contrat Hérédia+ n'est pas nul pour cause de dol et ordonné la réduction des primes de ce contrat pour atteinte à la réserve des héritiers.

Statuant à nouveau :

Déclare applicables les dispositions de l'article L132-13 du code des assurances.

Prononce la nullité de l'avenant du 14 Mars 2007 au contrat Hérédia+ n°48 23614856 instituant Madame [DI] [A] bénéficiaire du contrat.

Déclare en conséquence sans objet la demande de réduction des sommes figurant sur ce contrat.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne Madame [A] aux dépens d'appel avec droit de distraction pour ceux dont il a été fait l'avance.

Condamne Madame [A] à payer aux consorts [W] la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/04725
Date de la décision : 04/02/2014

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/04725 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-04;12.04725 ?
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