COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 AVRIL 2014
6ème Chambre B
ARRÊT No 266
R. G : 12/ 05286
M. Yann X...
C/
Mme Gaëlle Y...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 20 Février 2014 devant Monsieur Pierre FONTAINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 15 Avril 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
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APPELANT :
Monsieur Yann X... né le 14 Mars 1965 à NANTES (44000)... 29000 QUIMPER
Représenté par Me Céline EON, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉE :
Madame Gaëlle Y... née le 10 Août 1969 à SAINT MALO (35400)... 29000 QUIMPER
Représentée par Me Régine LE GOFF de la SELARL BGLG, avocat au barreau de QUIMPER
EXPOSE DU LITIGE ET OBJET DU RECOURS
De l'union de Mme Y... et de M. X... sont issus trois enfants :
- Juliette née le 27 février 1998,
- Maud née le 23 mars 2001,
- Jeanne née le 26 février 2003.
Par jugement du 26 septembre 2006, le tribunal de grande instance de QUIMPER a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...- Y..., fixant dans le cadre d'un exercice conjoint de l'autorité parentale, en alternance, la résidence des enfants au domicile de chacun des parents, du vendredi au vendredi, à charge pour les parents d'emmener les enfants sur leurs lieux de scolarité.
Il était également convenu que les vacances seraient organisées par libre accord entre les parties et, s'agissant des frais d'entretien et d'éducation, que les parents assumeraient pour leurs trois enfants la charge de :
- la cantine,
- la garderie scolaire,
- les frais de centre aéré du mercredi.
Mme Gaëlle Y..., la mère, percevant les prestations familiales pour les trois enfants, toute dépense supérieure au montant des sommes allouées est partagée à hauteur égale par les deux parents et M. Yann X..., le père, versant une contribution mensuelle et complémentaire à l'entretien et l'éducation des enfants d'un montant fixé à 18 ¿ par enfant, soit 54 ¿ pour les trois enfants.
Mme Y... a, par requête du 11 janvier 2011, saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de QUIMPER d'une demande de modification des mesures relatives au statut des enfants mineurs.
Depuis cette date, Juliette, Maud et Jeanne résident au domicile maternel.
Suivant jugement du 20 avril 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de QUIMPER a :
- ordonné un examen médico-psychologique et commis pour y procéder le Docteur A...,
- dans l'attente de l'issue de la mesure, fixé la résidence des enfants au domicile de la mère, dit que le père exercera un droit de visite simple, sans droit d'hébergement, deux après-midi par mois au sein ou à partir de la structure Espace Famille, fixé à 200 ¿ par mois et par enfant le montant de la contribution due pour l'entretien et l'éducation des enfants.
Le Dr. A... a déposé son rapport le 5 novembre 2011.
Par jugement du 4 juin 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de QUIMPER a :
- fixé la résidence des enfants au domicile de la mère,
- dit que le père pourra rencontrer ses enfants une demi journée tous les 15 jours dans le cadre et à partir de la structure Espace Famille,
- fixé la contribution mensuelle à l'entretien et l'éducation des enfants mineurs à la somme de 300 € par mois et par enfant, soit 900 € au total.
M. X... a interjeté appel de ce jugement le 1er août 2012.
Par conclusions du 31 mai 2013, il a demandé à la Cour, par voie de réformation de la décision entreprise, de :
- maintenir la résidence des trois enfants mineurs au domicile de la mère,
- lui accorder un droit de visite à son domicile sur ses trois enfants mineures les premier, troisième et cinquième samedis de chaque mois de 14h à 18h, ceci pendant une durée de deux mois à compter de l'arrêt rendu,
- à l'issue de cette période, lui accorder un droit de visite et d'hébergement sur ses trois enfants mineures, qui s'exercera les première, troisième et cinquième fins de semaine de chaque mois, du samedi 14h au dimanche 19h, en précisant que ces modalités devront s'appliquer durant les vacances scolaires, à charge pour le père d'aller chercher les enfants au domicile de la mère et de les y ramener,
- fixer la contribution de M. X... à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 200 € par mois et par enfant, soit au total la somme de 600 € par mois,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions du 28 mai 2013, Mme Y... a demandé à la Cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de :
- dire que les droits de visite s'exerceront en lieu neutre en présence d'un tiers pour Maud et Jeanne,
- dire que les droits de visite du père pour Juliette seront libres,
- dire n'y avoir lieu à mesure de contre-expertise,
- à titre subsidiaire, de dire et juger que les droits de visite et d'hébergement tels que proposés par le père ne pourront concerner que les périodes hors vacances scolaires,
- débouter M. X... de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner M. X... au paiement d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Melle Juliette X... a sollicité, par l'intermédiaire de son avocat, son audition par la Cour.
Suivant un arrêt du 17 septembre 2013 auquel il est référé pour un exposé complet de la procédure, la Cour a :
- révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état,
- et vu les articles 338-2 et suivants du code civil :
- dit qu'il sera procédé par M. FONTAINE, Conseiller, à l'audition de la mineure Juliette X..., le 9 octobre 2013 à 11h30.
Cette audition a eu lieu à la date prévue, et le compte rendu qui en a été fait a été communiqué aux parties.
Par conclusions du 28 octobre 2013, M. X... a demandé :
- de maintenir la résidence des trois enfants mineurs au domicile maternel,
- de réformer pour le surplus la décision entreprise,
- de lui accorder un droit de visite à son domicile pour ses enfants les premier, troisième et cinquième samedis de chaque mois, de 14h à 18h, ceci pendant une durée de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir,
- de dire qu'à l'issue de cette période, il verra et hébergera ses enfants les première, troisième et cinquième fins de semaine de chaque mois, du samedi à 14h au dimanche à 19h, y compris pendant les vacances scolaires, à charge pour lui d'aller chercher les enfants au domicile maternel et de les y ramener,
- de fixer à 600 € (200 € x 3) par mois sa contribution à l'entretien et l'éducation des enfants.
Par conclusions du 29 octobre 2013, Mme Y... a demandé :
- de confirmer le jugement déféré,
- y ajoutant,
- de dire que les droits de visite s'exerceront en lieu neutre en présence d'un tiers pour Maud et Jeanne,
- de dire que le droit de visite du père pour Juliette sera libre,
- de dire qu'il n'y a pas lieu à contre-expertise,
- à titre subsidiaire, de dire que les droits de visite et d'hébergement, tels que proposés par M. X... ne pourront concerner que les périodes hors vacances scolaires,
- de condamner M. X... au paiement d'une indemnité de 1 000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est référé aux dernières écritures des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 janvier 2014.
SUR CE
La résidence des enfants qui a été alternée en vertu de la convention homologuée par le jugement de divorce de 2006 a été fixée chez la mère en 2011, selon le jugement du 20 avril de la même année ayant ordonné un examen médico-psychologique confié au Docteur A..., et accordé au père un simple droit de visite en lieu neutre, renouvelé aux termes du jugement dont appel.
En effet, la situation a évolué défavorablement en raison d'un mal-être des enfants en relation avec la personnalité et le comportement de M. X....
Le Docteur A... a relevé dans son rapport dressé le 5 novembre 2011, après des entretiens au cours desquels chaque membre de la famille a pu s'exprimer en liberté et d'une manière complète, et après avoir recueilli des informations auprès de tiers que les enfants sont en grande difficulté du fait de méthodes éducatives brutales et inappropriées de la part de leur père, restant dans le déni des reproches qui lui sont adressés, ce qui rend préférable le maintien de rencontres en lieu neutre.
Les fillettes ont relaté avec précision ce qu'elles ont subi et, ni leurs propos, ni leur anxiété consécutive aux scènes vécues par elle n'apparaissent être le fruit d'une invention ou d'une manipulation quelconque, à supposer même qu'aucun certificat médical et qu'aucune plainte pénale ne soient produits.
La présence dans la salle d'attente du nouveau compagnon de Mme Y... lors du rendez-vous d'expertise, n'a pu avoir aucune influence sur l'expert, expérimenté.
Dans le cadre de la fixation du statut de l'enfant Gabriel né en 2007 des relations de M. X... avec Mme C..., le psychiatre désigné par le juge aux affaires familiales de QUIMPER a dressé un rapport d'examen médico-psychologique du 6 octobre 2011.
Le Docteur D... a noté que M. X... ne présente pas de pathologie psychiatrique de nature à l'empêcher d'exercer son autorité parentale, qu'il bénéficie de droits de visite et d'hébergement qui semblent se dérouler sans problèmes et pouvant donc être maintenus.
Toutefois, le praticien a relevé chez le sujet une souffrance dépressive manifeste qui est une réaction à la séparation d'avec ses filles, à la mise en place d'un simple droit de visite en lieu neutre, à la rupture avec Mme C... et au handicap de son fils GABRIEL, autiste, sachant que de son côté le Docteur A..., a pointé la psychorigidité du père.
La divergence des avis émis par les professionnels sur les solutions à adopter n'affaiblit pas pour autant les conclusions du Docteur A..., les histoires familiales n'étant pas les mêmes, eu égard en outre, à la particularité liée à l'autisme de Gabriel.
Aucune demande de contre-expertise n'est mentionnée dans le dispositif des conclusions de l'appelant ; l'intimée s'y oppose de manière surabondante.
Les visites en lieu neutre se sont déroulées à intervalles réguliers à compter du 29 juin 2011, mais ont été suspendues à partir du 28 novembre 2012, en raison du mal-être des enfants (cf. un courrier du 30 novembre 2012 adressé aux parents par la coordinatrice de l'espace de rencontre). Le père n'a pas repris contact avec les responsables du lieu neutre.
Il ressort de l'audition de Juliette, que celle-ci ne veut pas retourner chez lui, ni le revoir pour le moment, car elle en a encore peur, qu'il est indifférent à son égard, qu'il lui a envoyé des cartes postales qu'elle a estimées sans intérêt.
M. X... fait observer qu'il n'a nullement l'intention d'oublier ses filles qui lui manquent, qu'il ne peut se manifester à leur égard que par des courriers, que s'il lui est arrivé de croiser Juliette en ville, celle-ci a changé de direction ou a détourné les yeux.
Il invoque un syndrome d'aliénation parentale, dont rien n'indique qu'il soit constitué par suite du comportement de la mère.
Il n'est pas démontré que Mme Y... donne à lire à ses filles les écritures de la procédure ou les pièces les accompagnant.
Si Juliette utilise le patronyme de sa mère sur un réseau social d'Internet, on ne peut en déduire son intention d'effacer sa filiation en dehors de l'expression d'une adolescente blessée affectivement.
Toutefois, il est constant que malgré ses maladresses, le père est attaché à ses enfants et est soucieux de leur santé (cf. des attestations de Mme E..., de Mme F..., de M. G..., de M. H..., et des courriers de 2010 relatifs à des consultations par des médecins spécialisés).
Il importe que pour la construction harmonieuse de leur personnalité, les jeunes filles renouent des contacts avec M. X... de manière progressive, sans risque d'un blocage relationnel définitif avec l'aînée, dont les sentiments à prendre en compte, au vu de son âge, sont incompatibles avec une règlementation des visites chez son père.
Par suite, il convient, d'une part, de confirmer sur la résidence habituelle de la fratrie non contestée et, d'autre part, de substituer, par voie d'infirmation partielle, au droit de visite en lieu neutre, un droit de visite et d'hébergement organisé comme précisé au dispositif ci-après, prenant notamment en considération l'utilité pour le bien être des enfants de partir en villégiature.
Sur la pension alimentaire, les besoins de ces dernières sont ceux habituels de jeunes fille de leur âge, scolarisés.
Il est établi que les situations respectives des parents sont les suivantes, au mois :
Mme Y...
- revenu net :......................................... environ 1 500/ 1 600 €,
- prestations familiales :........................ 444 €,
- charges partagées avec un tiers ayant un emploi rémunéré :............................ celles de la vie courante, loyer de 800 ¿ et échéance de prêt de 300 €(jusqu'au 25 mars 2013),
M. X..., médecin :
- revenu net en 2011 :........................... 3 464 €,
- revenu net en 2012 :........................... 3 322 €,
- charges fixes principales autres que courantes :
- loyer :.................................... 730 €,
- emprunts :............................. 293, 71 €,
plus 311, 50 € (véhicule)
- pension alimentaire pour l'enfant Gabriel :.............. 570 €.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la contribution paternelle fixée pour l'entretien et l'éducation de Juliette, Maud et Jeanne est adaptée aux situations en présence : la confirmation s'impose de ce chef.
Etant donné le caractère familial de l'affaire, les dépens de première instance garderont le sort qui en a été décidé, tandis qu'en appel, chacune des parties supportera ceux qu'elle a exposés, sans application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport à l'audience ;
Vu l'arrêt du 17 septembre 2013 ;
Confirme le jugement du 4 juin 2012, sauf en ce qui concerne le droit de visite accordé à M. X... sur ses enfants ;
Infirme de ce chef ;
Statuant à nouveau ;
Dit que M. X... exercera à l'égard de l'enfant Juliette un droit d'accueil à déterminer librement, en accord avec la mère, en fonction de l'intérêt de l'enfant et des sentiments exprimés par celle-ci, compte tenu de son âge ;
Dit que, sauf autres modalités convenues à l'amiable, le père bénéficiera à l'égard de ses filles Maud et Jeanne :
- pendant trois mois à compter du présent arrêt, d'un droit de visite à son domicile, les premier, troisième et éventuellement cinquième samedis de chaque mois, de 14h à 18h,
- à l'issue de cette période d'un droit de visite et d'hébergement les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois, du samedi à 14h au dimanche à 18h,
à charge pour lui d'aller chercher les enfants au domicile de la mère et de les y ramener ;
Dit que ce droit pourra être suspendu dans la limite de cinq samedis et dimanches par année civile si les enfants doivent s'absenter en période de vacances scolaires, auquel cas Mme Y... devra en prévenir M. X... au moins un mois à l'avance, par tout moyen.
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel, sans application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.