1ère Chambre
ARRÊT N° 469/2015
R.G : 14/06327
Mme [S] [R]
C/
Mme [X] [R]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport
GREFFIER :
Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Novembre 2015
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [S] [R]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Non représentée
INTIMÉE :
Madame [X] [R]
née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [I] [T] veuve [R] est décédée le [Date décès 1] 2010 à [Localité 2] en laissant pour lui succéder ses deux filles, Madame [X] [R] et Madame [S] [R].
Me [K], notaire à [Localité 3], chargé de liquider la succession, a dressé un procès-verbal de difficultés le 22 mars 2012.
Par acte du 28 juin 2012, Mme [X] [R] a assigné Mme [S] [R] afin de voir homologuer le projet de partage de Me [K], juger nulle la clause d'inaliénabilité insérée dans le testament de la défunte concernant le bien situé à [Localité 4] et subsidiairement, autoriser la demanderesse à disposer de ce bien et l'autoriser à en régulariser la vente pour le compte de l'indivision.
Par jugement du 25 mars 2014 rendu en l'absence de Mme [S] [R], le tribunal de grande instance de Vannes a :
jugé nulle et de nul effet la clause d'inaliénabilité contenue dans le testament olographe de Madame [T] en date du 20 octobre 2013 concernant le bien immobilier situé au [Localité 4],
autorisé Mme [X] [R] à procéder à la vente de ce bien moyennant un prix net vendeur minimum de 750.000 euros,
jugé que Mme [S] [R] doit rapporter à la succession les dons et avantages reçus par elle et au besoin, l'a condamnée à verser entre les mains du notaire, les donations de différentes sommes d'argent entre 1994 et 2004 pour des montants de 165.904 euros, et une dette de 3.090,11 euros due à la succession justifiée par un courrier de l'UDAF du 25 août 2010,
débouté Mme [X] [R] de sa demande au titre du recel successoral,
jugé que Mme [S] [R] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité d'occupation mensuelle de 680 euros à compter du [Date décès 1] 2010 pour le bien situé Er Dilost à [Localité 2], jusqu'au 13 août 2012,
débouté Mme [X] [R] de sa demande relative à la prise en charge de l'ensemble des pénalités, frais et intérêts dus à l'administration fiscale au titre du retard du paiement des droits de succession,
ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession, désigné Me [K] pour y procéder et un magistrat pour les surveiller,
homologué le projet de partage établi par Me [K] annexé au procès verbal de difficultés du 22 mars 2012 en ce qu'il n'est pas contraire à la présente décision,
dit que Me [K] devra réaliser :
les opérations d'inventaire des biens de la succession, même en l'absence de l'une ou l'autre des héritières après les avoir convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception,
les formalités de publicité du partage et du jugement,
condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire,
condamné Mme [S] [R] aux dépens avec droit de distraction.
Appelante de ce jugement, Mme [S] [R], par conclusions du 29 décembre 2014, a demandé que la Cour :
infirme le jugement déféré en ce qu'il n'a pas statué sur les sommes devant être rapportées à la succession par Mme [X] [R] et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
le confirme pour le solde,
condamne Madame [X] [R] à rapporter à la succession la somme de 125.000 francs (19.506,13 euros) et celle de 200.000 francs (30.489,80 euros) avec intérêts de retard,
dise que Mme [X] [R] perdra tout droit sur ces sommes,
dise que la restitution des sommes devra figurer à l'actif de la succession,
fasse courir les intérêts sur les sommes recelées à compter de leur appropriation injustifiée c'est-à-dire à compter du jour de l'ouverture de la succession,
enjoigne à Mme [X] [R] de produire le dernier bilan de la SCI TRANSIM à défaut de communication spontanée,
condamne Mme [X] [R] à payer à Mme [S] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de loi sur l'aide juridictionnelle,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Par conclusions du 27 février 2015, Madame [X] [R] a demandé que la Cour :
déclare irrecevables les demandes de l'appelante, comme nouvelles en appel,
lui donne acte de ce qu'elle renonce au bénéfice de la clause d'inaliénabilité du bien du Cap d'Ail et lui attribue préférentiellement ce bien évalué à 600.000 euros,
dise qu'elle sera redevable d'une soulte de 300.000 euros à Mme [S] [R] qui se compensera avec les sommes dont l'appelante est elle-même redevable envers elle,
au besoin, ordonne une mesure d'instruction,
subsidiairement, à défaut d'attribution préférentielle, confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause d'inaliénabilité et l'autorise à vendre le bien pour un prix minimal de 550.000 euros,
l'autorise à passer seule tous les actes nécessaires pour mettre en place une gestion durable des bois et forêts indivis au sens de l'article L8 du code forestier, pour exploiter la forêt, bénéficier de l'avantage fiscal et maintenir la valeur forestière,
l'autorise à procéder à l'ouverture du coffre en présence du notaire chargé de la succession ou en présence de tout huissier de justice qu'il plaira à la Cour de désigner,
en tout état de cause déboute Mme [S] [R] de ses demandes,
la condamne au paiement de la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Par avis du 22 mai 2015, les parties ont été avisées de ce que l'affaire serait plaidée le 03 novembre 2015, avec clôture de l'instruction au 20 octobre 2015.
Par courrier du 07 octobre 2015, Madame [S] [R], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, a avisé le conseiller de la mise en état de ce qu'elle avait demandé la désignation d'un nouvel avocat, n'étant pas satisfaite de Me [E], qui la représentait jusqu'alors. Il lui a été répondu que l'audience de plaidoirie était maintenue et la clôture repoussée à la date de l'audience.
Par courrier du 27 octobre 2015, Madame [S] [R] a récusé Me [E] et demandé le report de l'audience de plaidoiries « à une date à convenir avec le nouvel avocat », qui toutefois, n'était ni choisi ni désigné à cette date.
Parallèlement, Me [E], qui avait déposé de nouvelles conclusions le 29 octobre 2015, a écrit à la Cour pour indiquer que Madame [S] [R] avait mis un terme à son mandat.
Madame [X] [R] s'est opposée au renvoi de l'affaire, la demande s'inscrivant dans une longue suite de man'uvres dilatoires visant à retarder l'issue de l'affaire.
La Cour a retenu le dossier à l'audience du 03 Novembre 2015, considérant que la demande de renvoi n'était justifiée par aucun motif sérieux : outre le fait que Madame [S] [R] n'allègue d'aucun reproche précis contre Me [E], une man'uvre identique avait déjà été réalisée devant le premier juge, devant lequel Madame [S] [R] s'était cette fois constituée postérieurement à la clôture des débats, tandis que les opérations de partage amiable ont été émaillées de demande de changement de notaire et d'accusations portées contre les uns et les autres ; or, compte tenu de l'importance des droits de successions impayés et des biens à gérer, le dossier revêt un caractère urgent et son issue ne peut être différée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure :
Les conséquences de la 'récusation' de Me [E] par Madame [S] [R] sont que cette dernière est considérée comme n'étant pas représentée devant la cour tandis que les conclusions du 30 octobre 2015 de Madame [X] [R] doivent être déclarées irrecevables puisque, postérieures à la 'récusation', elles n'ont pas été signifiées à Madame [S] [R].
Au fond :
L'appel de Madame [S] [R] n'est plus soutenu.
Madame [X] [R] soumet trois nouvelles prétentions à la Cour : une demande d'attribution préférentielle du bien de Cap d'Ail, une demande visant à être autorisée à procéder à l'ouverture d'un coffre-fort et une demande visant à être autorisée à gérer elle-même, pour le compte de l'indivision, les forêts dépendant de la succession. Ces demandes, relatives à des biens dépendant de la succession, sont accessoires à celles présentées devant le premier juge et sont de ce fait recevables.
Celles-ci seront examinées conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile qui prescrit que si le défendeur ne comparaît pas, le juge fait droit à la demande dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'immeuble du Cap d'Ail :
Madame [X] [R] ne peut prétendre à aucune des qualités envisagées par les dispositions des articles 831 et suivants du code civil et sa demande d'attribution préférentielle est par conséquent rejetée, le jugement étant confirmé en ce que, à sa demande, il a déclaré nulle et de nul effet la clause d'inaliénabilité contenue dans le testament et autorisé la vente du bien.
S'agissant du prix de la mise en vente, le jugement déféré avait ordonné l'exécution provisoire, et Madame [X] [R], qui avait été autorisée, pour le compte de la succession, à mettre en vente le bien à un prix de 750.000 euros, ne justifie pas du succès de ses démarches : aucun mandat de vente, aucun rapport de visite du bien n'est versé aux débats et la seule attestation d'un expert immobilier intervenant unilatéralement, même s'il a la qualité d'expert judiciaire, est insuffisante à justifier d'une baisse de prix. Le prix de vente minimal est donc maintenu à 750.000 euros, et en cas de difficulté, il appartiendra à Madame [X] [R] de solliciter l'autorisation, auprès de magistrat chargé de surveiller les opérations de compte liquidation et partage, de procéder à sa licitation par voie d'enchères, seule procédure susceptible d'aboutir au juste prix du bien.
Le coffre-fort :
L'ouverture du coffre-fort n'est que l'un des aspects de la mission confiée par le premier juge au notaire en ce qu'il a dit qu'il devra réaliser les opérations d'inventaire des biens de la succession même en l'absence de l'une ou l'autre des héritières après les avoir convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il est donc précisé que cette mission permet à Me [K] de procéder à l'ouverture du coffre détenue par la défunte à la banque Société Générale, dans les conditions prévues par le premier juge.
La gestion des forêts :
Il dépend de la succession plusieurs forêts qui nécessitent d'être valorisées et entretenues. Madame [X] [R] avait dans cette perspective, pris contact avec la société Arborea afin que celle-ci expertise les forêts et lui fasse part de ses conseils pour les gérer conformément au code des bonnes pratiques sylvicoles (permettant non seulement de gérer les forêts de façon durable mais aussi d'obtenir différents avantages fiscaux).
Il résulte d'un courrier versé aux débats que Madame [S] [R], dès qu'elle en a eu connaissance, s'est immédiatement opposée auprès de la société Arborea à toute intervention, la menaçant de poursuite.
Il est aussi justifié que pour autant, aucune démarche n'est jamais entreprise par Madame [S] [R] pour trouver une solution aux nombreux problèmes de gestion posés par les biens en indivision, le dossier de Madame [X] [R] étant émaillé de nombreuses convocations tentées par le notaire, auxquelles Madame [S] [R] ne défère jamais.
Une telle attitude est de nature à mettre en péril les intérêts de l'indivision, et compte tenu de l'urgence qu'il y a à mettre en valeur ces parcelles forestières en déshérence depuis plusieurs années, Madame [X] [R] en est désignée administrateur jusqu'à l'issue des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Madame [I] [R] dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 815-16 du code civil avec pour mission :
de gérer les parcelles conformément aux dispositions des articles L 124-1 et suivants du nouveau code forestier (garanties de gestion durable), et si nécessaire, de donner pour ce faire mandat à une société spécialisée dans la gestion sylvicole,
de rendre compte de sa gestion en l'étude de Me [K], les éventuels bénéfices nets étant reversés au compte d'administration de l'étude pour être distribués dans le cadre du partage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Madame [S] [R], qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel et paiera à Madame [X] [R] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Ecarte des débats les conclusions déposées le 30 octobre 2015 par Madame [X] [R].
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
Y ajoutant :
Précise que la mission d'inventaire confiée à Me [K], notaire à [Localité 3], comprend celle de procéder à l'ouverture du coffre détenu par Madame [I] [R] auprès de l'agence Ile Verte de la Société Générale, [Adresse 3], en présence ou en l'absence des héritières qui devront avoir été convoquées à cette opération par courrier recommandé avec accusé de réception ou acte extra-judiciaire.
Autorise Madame [X] [R] à gérer seule, pour le compte de l'indivision successorale et jusqu'à l'issue des opérations de compte liquidation et partage de ladite succession, l'ensemble des parcelles forestières dépendant de la succession de Madame [I] [R], à charge pour elle :
de gérer les parcelles conformément aux dispositions des articles L 124-1 et suivants du nouveau code forestier (garanties de gestion durable), et si nécessaire, de donner pour ce faire mandat à une société spécialisée dans la gestion sylvicole,
de rendre compte de sa gestion en l'étude de Me [K], les éventuels bénéfices nets étant reversés au compte d'administration de l'étude pour être distribués dans le cadre du partage.
Condamne Madame [S] [R] aux dépens d'appel.
Condamne Madame [S] [R] à payer à Madame [X] [R] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT