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07/02/2017 | FRANCE | N°15/07265

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 février 2017, 15/07265


1ère Chambre





ARRÊT N°76/2017



R.G : 15/07265













SA SAFER BRETAGNE



C/



Mme [Z] [F]

















Expertise















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2017





COMPOSITION DE L

A COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport



GREFFIER :



Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Décembre 20...

1ère Chambre

ARRÊT N°76/2017

R.G : 15/07265

SA SAFER BRETAGNE

C/

Mme [Z] [F]

Expertise

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2016

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 07 Février 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA SAFER BRETAGNE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Bertrand FAURE de la SELARL JURIS'ARMOR, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉE :

Mme [Z] [F]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (29)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Daniel PRIGENT, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Le 16 novembre 2005, à l'audience des criées du tribunal de grande instance de Quimper, Mme [Z] [F] a été déclarée adjudicataire des biens immobiliers appartenant à M. [E], soit 48 parcelles de terre pour une surface de 71 ha 71 a 61 ca, et deux maisons d'habitation cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 4], lieudit [Localité 5].

Elle en a payé le prix, soit 196.000 euros, le 05 décembre 2005.

L'achat était destiné à reconstituer l'unité de son exploitation agricole, située à [Localité 6] sur des parcelles jouxtant la commune de [Localité 4], qui avait été scindée en deux par une voie de circulation.

Par délibérations des 06 et 15 décembre 2005, les communes de [Localité 4] et de [Localité 7] ont décidé d'acquérir les biens.

Le 16 décembre 2005, la SBAFER a signifié au greffe du tribunal de grande instance de Quimper qu'elle entendait exercer son droit de préemption afin de réaliser les objectifs suivants :

Agrandissement et amélioration de la répartition parcellaire,

Réalisation des projets de mise en valeur des paysages et de protection de l'environnement approuvés par l'Etat ou les collectivités locales.

Mme [F] a formulé des recours gracieux en annulation des délibérations devant chaque commune, puis, devant leur silence, a saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation des délibérations.

Parallèlement et par acte du 07 juin 2006, elle a assigné la SBAFER devant le tribunal de grande instance de Quimper afin que la décision de préemption soit mise à néant.

Par jugement du 03 juin 2008, le tribunal de grande instance de Quimper a déclaré ses prétentions recevables et sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions administratives, avec radiation et réinscription à l'initiative de la partie la plus diligente.

Par arrêt du 14 mars 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel et rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2005.

Par acte du 17 avril 2015, Mme [F] a fait assigner la SBAFER devant le tribunal de grande instance de Quimper afin de voir dire irrégulière la décision de préemption du 16 décembre 2005, prononcer son annulation, ordonner la libération immédiate des terres et désigner un expert pour chiffrer son préjudice, consécutifs à l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exploiter les terres qui lui avaient été adjugées.

Par jugement du 28 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Quimper a :

déclaré irrégulière et annulé la décision de préemption litigieuse,

ordonné la libération des terres dans un délai de trois mois et sous astreinte ensuite,

débouté Mme [F] de sa demande d'expertise,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la SAFER au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SAFER aux dépens.

Appelante de ce jugement, la SAFER, par conclusions du 04 novembre 2016, a demandé que la Cour :

infirme le jugement déféré,

déboute Mme [F] de ses demandes,

la condamne au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens.

Par conclusions du 17 novembre 2016, Mme [F] a sollicité que la Cour :

déclare l'appel irrecevable à défaut d'acquittement du droit de timbre,

au fond confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne son préjudice et statuant à nouveau sur ce point :

condamne la SAFER à lui payer la somme de 1.111.140 euros au titre du préjudice consécutif à l'incapacité d'exploiter les terres irrégulièrement préemptées,

subsidiairement, ordonne une expertise,

condamne la SAFER au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la procédure de préemption :

En vertu des dispositions de l'article L143-3 du code rural et de la pêche

maritime dans sa version en vigueur à la date de la préemption litigieuse « A peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis aux articles précédents et la porter à la connaissance des intéressés ».

Selon les dispositions de l'article R143-6 du même code, cette décision ainsi motivée est notifiée à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date de la réception de la notification faite au notaire.

En cas d'adjudication le délai court à compter de la signification du droit de préemption au greffe du tribunal où s'est tenue l'audience d'adjudication.

En l'espèce, cette signification est datée du 16 décembre 2005 et aucun courrier conforme aux dispositions précitées n'a été adressé à Mme [F].

La SAFER ne conteste pas cet état de fait mais soutient que cette irrégularité n'a causé aucun grief à Mme [F] dans la mesure où le 04 janvier 2006 cette dernière lui a adressé une candidature à la rétrocession des terres.

Toutefois, la nullité prévue par les dispositions susvisées est une nullité de fond ce dont il résulte que l'irrégularité invoquée vicie la procédure sans que celui qui l'invoque n'ait à invoquer de grief.

Par conséquent, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a annulé la décision de préemption.

Sur les conséquences de l'annulation :

La délivrance à la SAFER d'une grosse de jugement portant adjudication des terres à son bénéfice n'a jamais été que la conséquence de la signification de la décision de préempter qu'elle avait adressée au greffe de la juridiction.

Dès lors, l'annulation de la décision de préemption rend caduc ce jugement sans qu'il soit nécessaire d'en poursuivre l'annulation.

D'autre part, Mme [F] avait demandé devant le premier juge la libération des terres, dont il n'est pas soutenu qu'elles aient été rétrocédées ni même données à bail rural, la publication le 28 juin 2006 par l'intimée de son assignation du 07 juin 2006 ayant interdit tout cession d'un droit réel sur ces biens.

Par conséquent, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a ordonné la libération des terres sous astreinte.

Sur le préjudice subi par Mme [F] :

Celle-ci ne peut jouir des biens acquis depuis désormais onze ans, alors même que le prix qu'elle avait payé, soit 196.000 euros, est toujours consigné au greffe au tribunal de grande instance de Quimper.

La SAFER est malvenue de lui imputer la longueur de la procédure dans la mesure où l'examen du jugement rendu le 03 juin 2008 démontre que c'est à sa demande qu'avait été ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive devant être rendue par les juridictions administratives.

Ensuite, Mme [F] démontre par les copies des accusés de réception de ses courriers et par les réponses lui ayant été adressées :

avoir présenté le 06 décembre 2005 une demande d'autorisation d'exploiter à la commission de contrôle des structures agricoles, laquelle dans sa commission du 18 janvier 2006 a déclaré la demande sans objet compte tenu de la préemption exercée par la SAFER, renvoyant Mme [F] à demander la rétrocession des terres,

avoir formé une demande de rétrocession dès le 05 janvier 2006 auprès de la SAFER.

Il en résulte que l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exploiter les terres ne lui est imputable à aucun titre.

L'existence d'un préjudice est certain, ne serait-ce que celui de l'immobilisation sans contrepartie de la somme de 196.000 euros et Mme [F] a produit une expertise unilatérale réalisée par M. [H], expert agronome par ailleurs expert judiciaire, qui l'a évalué à la somme de 1.111.140 euros.

Mme [F] a décrit très précisément son projet d'utilisation des terres adjugées dans la demande de rétrocession qu'elle a adressée à la SAFER le 06 janvier 2006 et qui devait être celui adressé un mois auparavant à la commission de contrôle des structures.

En l'absence de péremption :

soit la commission de contrôle lui aurait donné l'autorisation d'exploiter et doivent dans cette hypothèse être calculés les gains qui en seraient résulté,

soit la commission de contrôle ne lui aurait pas donné cette autorisation et Mme [F] aurait dû mettre en valeur ses terres selon d'autres modalités, par exemple en les donnant à bail, percevant ainsi un autre type de gain.

Dans les deux cas de figure, les calculs sont complexes et doivent être réalisés contradictoirement, sachant au surplus que compte tenu du rôle de la commission des structures le préjudice résultant de l'impossibilité d'exploiter personnellement les terres ne peut s'analyser que comme une perte de chance.

Il convient donc de surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice, d'ordonner une expertise et de confier à l'expert la mission de calculer les deux types de gains décrits ci-dessus de la date de l'adjudication à la date de la libération effective des terres mais aussi d'examiner le projet décrit par Mme [F] dans son courrier du 06 janvier 2006 en expliquant de manière concrète à la Cour dans quelle mesure il pouvait ou ne pouvait pas s'intégrer dans les critères décisionnels que retenait à l'époque la commission des structures compétente sur le secteur et en proposant, en le motivant, un pourcentage de chance que ce projet ait été accepté si la préemption n'avait pas eu lieu.

Mme [F] ayant la charge de la preuve de la démonstration du principe et du quantum de son préjudice, la consignation des honoraires de l'expert est mise à sa charge.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé la décision de péremption et ordonné sous astreinte la libération des terres et bâtiments.

L'infirme en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande d'expertise.

Statuant à nouveau :

Sursoit à statuer sur l'évaluation du préjudice subi par Mme [F] en raison de la mise en 'uvre d'une procédure irrégulière de préemption.

Ordonne une expertise et désigne à cet effet Monsieur [J] [R], Prigent Associés, [Adresse 3], avec pour mission de :

1 se faire remettre tous documents utiles, et se rendre sur les lieux après y avoir convoqué les parties,

2 examiner le projet d'exploitation décrit par Mme [F] dans la demande de rétrocession adressée le 05 janvier 2006 à la Commission de contrôle des structures et expliquer de manière concrète à la cour dans quelle mesure il pouvait ou ne pouvait pas s'intégrer dans les critères décisionnels que retenait à l'époque la commission des structures compétente sur le secteur ;

3 proposer en le motivant, un pourcentage de chance que ce projet ait été accepté si la préemption n'avait pas eu lieu,

4 calculer au regard de ce projet le gain net qu'auraient pu rapporter les biens acquis à Mme [F] si l'autorisation d'exploiter lui avait été accordée, de la date d'adjudication à la date de libération effective des terres,

5 dire comment à défaut d'autorisation d'exploiter Mme [F] aurait pu mettre en valeur les biens acquis et calculer dans cette hypothèse les gains nets qui lui auraient été procurés de la date d'adjudication à la date de libération des terres,

6 fournir à la juridiction tous éléments jugés utiles à la solution du litige.

Fixe à la somme de 6.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que Mme [Z] [F] devra consigner au moyen d'un chèque émis à l'ordre du régisseur de la Cour d'Appel de Rennes dans un délai d'un mois à compter de ce jour, soit pour le 7 mars 2017 au plus tard, faute de quoi la désigna­tion de l'expert sera caduque.

Dit que l'expert commencera ses opérations après avis de la consignation qui lui sera adressé par le greffe,

Dit qu'à l'issue de la première réunion des parties ou au plus tard de la deuxième réunion, l'expert communiquera aux parties, s'il y a lieu un état prévisionnel détaillé de l'ensemble de ses frais et honoraires et, en cas d'insuffisance de la provision allouée, demandera la consignation d'une provision supplémentaire;

Dit que l'expert dressera un rapport de ses opérations qui sera déposé au greffe de ce tribunal en double exemplaire dans un délai de cinq mois à compter de l'avis de consignation ; qu'il aura, au préalable, transmis un pré-rapport aux parties et leur aura laissé un délai suffisant pour présenter leurs observations sous formes de dires auxquels l'expert sera tenu de répondre dans son rapport définitif.

Dit que lors du dépôt de son rapport, accompagné de sa demande de rémunération, l'expert devra adresser un exemplaire de celle-ci aux parties par le moyen de son choix permettant d'en établir la date de réception.

Dit que les parties pourront s'il y a lieu adresser à l'expert et au magistrat chargé du contrôle des opérations leurs observations écrites sur la demande de rémunération faite par l'expert, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la copie de la demande de rémunération.

Désigne Mme JEORGER LE GAC ou, en cas d'empêchement, tout magistrat de cette chambre, pour contrôler les opérations d'expertise et, en cas d'empêchement de l'expert, procéder d'office à son remplacement.

Renvoie l'affaire à l'audience du 25 septembre 2017 à 14 heures pour vérification de l'état d'avancement des opérations d'expertise.

Réserve les frais irrépétibles et les dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/07265
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/07265 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;15.07265 ?
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