7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N° 265
R.G : N° RG 15/08628
Mme Béatrice X...
C/
Société KERAUDREN-GRAND LARGE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 JUIN 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Madame Régine CAPRA
Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS
Conseiller : Madame Véronique PUJES
GREFFIER :
Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Janvier 2018
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juin 2018 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement prévu le 18 Avril 2018 comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame Béatrice X...
[...]
Comparante en personne, assistée de Me Aurélie Y..., avocat au barreau de BREST
INTIMEE :
Société KERAUDREN-GRAND LARGE
[...]
[...]
Représentée par Me Tiphaine G... de la SELARL MAZE-CALVEZ & ASSOCIES, avocat au barreau de BREST
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir travaillé dans le cadre de contrats de remplacements depuis mars 2001, Mme Béatrice X... a été engagée à compter du 1er juin 2003 par la SA Clinique de Saint Ronan, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel (7 heures par semaine), en qualité de pharmacien gérant, coefficient 630; par avenant du 1er décembre 2003, la durée du temps partiel a été augmentée, avec cette précision que cette augmentation de durée prendrait fin lors du transfert de l'activité de la clinique de Saint-Ronan au sein de la polyclinique de Keraudren de Brest.
Suite à la fermeture de la clinique de Saint Ronan le 30 juin 2005, le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la polyclinique de Keraudren à effet au 1er juillet 2005 sur la base d'un temps partiel de 7 heures par semaine, porté à 12 heures à compter du 18 juillet 2005.
En mai 2006, la polyclinique de Keraudren a modifié les locaux de la pharmacie intérieure et déplacé l'unité de stérilisation.
Suivant contrat à durée indéterminée du 20 novembre 2006, annulant et remplaçant les contrats antérieurs, Mme X... a été embauchée à temps complet par la société polyclinique de Keraudren à compter du 28 décembre 2006 en qualité de pharmacien gérant de la pharmacie intérieure de l'établissement avec option d'activité de stérilisation des dispositifs médicaux, statut cadre, position 7, coefficient 645, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 714,95 €. Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective Unique de l'Hospitalisation Privée du 18 avril 2002. Dans le dernier état des relations entre les parties, Mme X... bénéficiait d'un coefficient de 675 et d'une rémunération mensuelle brute de base de 5 352,75 €, à laquelle s'ajoutaient un 13ème mois versé par moitié en juin et l'autre moitié en décembre, ainsi qu'une prime de vacances payée en juin.
Par lettre du 22 mai 2014, remise en main propre le lendemain, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 5 juin 2014 avec mise à pied conservatoire, avant d'être licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2014.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, elle a saisi, le 2 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Brest aux fins d'obtenir, dans le dernier état de ses demandes, la condamnation de la polyclinique de Keraudren à lui payer les sommes suivantes :
* 200 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 35 141,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 3 514,11 € pour les congés payés afférents,
* 65 508,30 € € à titre d'indemnité de licenciement,
* 3 705,45 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,
* 370,55 € pour les congés payés afférents,
* 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La salariée demandait également la remise des documents de rupture rectifiés, ainsi que l'exécution provisoire, son salaire des trois derniers mois s'élevant à 5 352,75 €.
La polyclinique de Keraudren, aujourd'hui société Keraudren Grand Large, a conclu au débouté et sollicité une indemnité de procédure.
Par jugement du 9 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Brest a dit que le licenciement pour faute grave de Mme X... était fondé, a débouté celle-ci de ses demandes, a rejeté la réclamation de l'employeur fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et a laissé les dépens à la charge des parties.
Mme X... a interjeté appel de cette décision le 29 octobre 2015.
En l'état de ses conclusions n° 2 transmises le 15 janvier 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, d'écarter les pièces adverses 11,12 et 13, et en conséquence, de :
- dire le licenciement abusif,
- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
* 200 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 35 141,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 3 514,11 € pour les congés payés afférents,
* 65 508,30 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 3 705,45 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,
* 370,55 € pour les congés payés afférents,
* 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande également la remise des documents de rupture rectifiés, de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à 5 352,75 €, et de condamner la société aux dépens.
La polyclinique demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme X... de toutes ses prétentions, et de la condamner à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles sont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, pose ainsi le motif de la mesure disciplinaire prise à l'encontre de Mme X...':
«'Nous vous informons, par la présente, que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave en raison de votre comportement.
Malgré des alertes à votre égard et la mise en place d'actions pour éviter toutes difficultés sur la santé physique et mentale de votre équipe, nous déplorons votre mode de management et vos agissements.
Ces faits et agissements de votre part à l'encontre des membres de l'équipe ne peuvent être tolérés plus longuement au sein de la société.
Ils constituent un manquement à vos obligations contractuelles et impactent la santé des personnes victimes de vos agissements.
Par ailleurs, ils font peser un risque pénal sur notre entreprise et ses représentants.
Cette attitude nous contraint donc à rompre nos relations contractuelles et à vous licencier pour faute grave'».
L'employeur reproche ainsi en substance à la salariée un mode de management et un comportement inadaptés, générateurs de stress et de mal être chez les membres de son équipe et d'un risque pénal pour l'établissement.
Retraçant les événements ayant conduit l'employeur à prendre cette décision, la lettre de licenciement remonte au mois de décembre 2010 pour conclure en rappelant le courrier du médecin du travail du 16 avril 2014, qui, aux dires de la société, a été l'élément déclencheur de la mise à pied de Mme X....
La pièce la plus ancienne du dossier correspond à une lettre adressée par Mme X... au directeur de la clinique le 10 septembre 2010, dont la description des trois faits dénoncés exclut qu'elle ait été rédigée pour les besoins de la cause, dans laquelle elle se plaint du comportement de l'une des aide-soignantes de son service, Mme Marie-Hélène Z..., qui se montrait agressive tant à son égard qu'envers deux préparatrices et s'opposait à toute discussion touchant aux horaires, le tout créant un climat pesant au sein de l'équipe et compliquant le fonctionnement du service. A cette époque, l'équipe dirigée par Mme X... se composait de quatre préparatrices et de deux aide-soignantes. L'une des deux préparatrices citées par Mme X..., à savoir Mme A..., embauchée de juillet 2009 à juillet 2011, confirme au dossier l'ambiance délétère permanente, attisée selon elle quotidiennement par deux préparatrices (Mmes Virginie Z... et Virginie B...) qui refusaient d'effectuer ce qui leur était demandé, et dit avoir été du reste rapidement mise à l'écart par celles-ci; cette même personne, qui a quitté le service fin juin 2011, a, lors de son départ, écrit à Mme X... pour la remercier de son accueil, de sa gentillesse et de son écoute, plus particulièrement lorsqu'elle s'était trouvée en difficulté avec ses collègues.
Cette situation est reprise dans le compte rendu de la réunion du CHSCT du 16 décembre 2010, qui évoque «'un problème relationnel entre la responsable de service et certains employés'», mais sans en attribuer expressément la responsabilité à Mme X....
En février 2011, la Direction a procédé à des entretiens et à une réunion de conciliation au sein du service, dont le compte rendu indiquait que la situation était due à la nouvelle répartition du travail, mal acceptée par les salariées qui s'étaient vu retirer une partie de leurs tâches, et insuffisamment expliquée par la responsable, le tout engendrant une forme de «'paranoïa'» généralisée, une incompréhension, des interprétations, une remise en question de l'autorité, et un stress commun à l'équipe et à sa dirigeante; le rédacteur a conclu à une responsabilité partagée.
Le 21 avril 2011, le médecin du travail, rappelant à la Direction lui avoir signalé des risques psycho-sociaux au sein de la pharmacie dès le mois de décembre 2010,a informé la société qu'elle se tenait à sa disposition pour le suivi de la situation suite au compte rendu précité dont elle avait eu connaissance.
La société n'indique pas quelle a été la suite donnée à ce courrier, et c'est par courriel du 11 juin 2011 que Mme X... a pris l'initiative de porter à la connaissance de l'employeur la persistance de problèmes, d'une ambiance malsaine, de critiques systématiques de ses décisions, d'affabulations, et de jalousies à l'égard de Mme A... et de Mme H... (préparatrice remplaçante), en sollicitant un rendez-vous avec le directeur opérationnel. C'est précisément à cette époque-là que Mme A... a souhaité quitter le service et a écrit à Mme X... pour la remercier du travail accompli ensemble et de la qualité de leurs relations.
C'est à nouveau Mme X... qui a adressé un courriel à l'employeur le 26 octobre 2011 en indiquant avoir été agressée verbalement par Mme Marie-Hélène Z... suite au changement d'horaire de celle-ci, changement que la société reconnaît avoir validé, et lui indiquant que si un tel comportement devait se répéter, au regard de ce qu'elle vivait depuis deux ans, elle porterait plainte, ne pouvant plus en effet supporter le ton agressif et le manque de respect dont elle était victime.
Mme H... confirme avoir constaté des critiques et des jalousies au sein de l'équipe de la part de Mmes Z... et B..., freinant, selon elle, l'optimisation et la mise en place de projets ainsi que la réponse aux demandes de la Direction (statistiques, suivi des stocks, etc). Son témoignage recouvre la totalité de sa période d'activité s'étendant jusqu'en 2014.
En décembre 2012, et dans le cadre du rapprochement des deux cliniques du groupe, et plus particulièrement de leurs unités de stérilisation, M. C..., pharmacien gérant de la clinique du Grand Large, a été nommé comme pharmacien adjoint à mi-temps au sein du service, qu'il a quitté quelques semaines plus tard; dans son attestation produite aux débats, outre le fait qu'il indique avoir apprécié l'organisation mise en place par Mme X..., il précise n'avoir constaté, de la part de celle-ci, aucun comportement relevant du harcèlement moral, aucun geste ou propos blessant; en revanche, il observe que c'est dans les suites quasi immédiates de son arrivée et de sa volonté de définir un projet de réorganisation de l'unité de stérilisation conformément aux directives données par le Directeur, que le responsable de cette unité a bénéficié d'un arrêt de travail.
Effectivement, M. D..., infirmier responsable de la stérilisation, a été placé en arrêt de travail à compter du 2 janvier 2013; cet arrêt aurait selon lui pour origine un «'burn out'», mais aucune pièce médicale n'en fait état; par ailleurs, quand bien même cela serait le cas, rien ne permet de penser que ce syndrome serait imputable au travail et en particulier à Mme X..., qui, du reste, était elle-même en arrêt depuis le 27 décembre 2012.
En juin 2013, deux mois après sa reprise, M. D... s'est plaint auprès de la Direction de ce que Mme X..., depuis la réception de nouvelles sondes autoclaves au sein du service de stérilisation, lui avait demandé de lui trouver une place pour elle dans le bureau qu'il occupait avec deux collègues et qui selon lui était déjà trop exigu, ce qu'il qualifiait de «'provocation'» et de «'déstabilisation totale'»; il relatait l'entretien qu'il avait eu avec la médecin du travail lors de sa visite de reprise le 2 avril, et rapportait le contenu des notes manuscrites que celle-ci avait selon lui rédigées à cette occasion décrivant le portrait psychologique de Mme X... pour conclure que celle-ci était «'toxique pour lui et l'équipe'»'; M. D... a maintenu ses déclarations dans un courrier adressé à la Direction le 2 juin 2014, alors que la procédure de licenciement avait été engagée, mais il apparaît, à la lecture du compte rendu établi le 1er juin 2015 par le Conseil de l'Ordre National des Médecins devant lequel Mme X... avait porté plainte, que la médecin du travail a reconnu n'avoir jamais vu celle-ci en consultation en ajoutant que les propos de M. D... n'engageaient que lui. Les doléances et déclarations de M. D... ne revêtent dans ces conditions aucun caractère probant.
Lors de son entretien d'évaluation du 24 janvier 2013, Mme X... a fait part à la Direction d'un certain nombre de difficultés en lien avec le manque de moyens humains, notamment l'absence d'un magasinier, l'absence de reconnaissance de la part de ses collègues, et la répartition du temps de travail entre les activités de pharmacie et de stérilisation.
Aucun magasinier n'a été recruté, mais Mme E... a été embauchée en juin 2013 comme pharmacien adjoint à mi-temps pour encadrer l'unité de stérilisation, et M. F... a ensuite été engagé comme préparateur.
Le 28 février 2014, Mmes Z... et B... ont adressé un courrier à la Direction en se plaignant des différences de traitement opérées par Mme X... entre elles et M. F..., qui bénéficierait d'un statut privilégié auprès de Mme X..., alors même qu'il n'effectuait pas le travail demandé et travaillait beaucoup moins qu'elles. Elles indiquaient également que Mme X... critiquait systématiquement la Direction et le bloc opératoire auprès d'intervenants extérieurs tels que le Laboratoire Akkomed, et s'interdisait de travailler en bonne harmonie avec Mme E.... Les salariées concluaient en demandant à la Direction de changer de responsable et de nommer Mme E... à ce poste. Aucun document ne vient cependant étayer les propos tenus par les intéressées.
Dans les suites de ce courrier, l'employeur, le 10 mars 2014, a adressé une mise en garde à Mme X... en observant que des conflits persistaient entre les membres de l'équipe et/ou entre eux et elle, et en ajoutant qu'il s'entretiendrait avec chacun des membres du personnel, mais qu'en attendant, il comptait sur elle pour réinstaurer un climat serein et adopter, en ce qui la concernait, une attitude responsable et positive, passant par des relations franches et directes avec les autres responsables de service et sans exposer ses états d'âme aux intervenants extérieurs, relayant ainsi les critiques faites par les préparatrices qu'il n'avait pourtant pas encore entendues dans le cadre des entretiens qu'il évoquait et dont il n'avait pas pu vérifier les dires sur ces points.
Mme E... a écrit à l'employeur le 8 avril 2014 pour faire état des relations tendues qu'elle entretenait avec Mme X..., selon elle systématiquement opposée à tout projet novateur et entretenant un conflit interne qui perdurait depuis plusieurs mois. Mme E... concluait en rappelant qu'elle souhaitait vivement s'investir dans la structure mais que le 2ème mi-temps qu'on lui proposait dans une autre structure la limitera dans son activité au sein de la clinique; le but poursuivi par Mme E... en rédigeant cette lettre peu de temps après la démarche initiée par les trois préparatrices n'étant pas dénué de toute ambiguïté, la cour ne peut pas accorder à ce courrier la valeur recherchée par l'employeur quant aux griefs exposés à l'encontre de la supérieure de cette salariée. Au surplus, Mme E..., elle-même licenciée en 2016 (pour insuffisance professionnelle, la société lui reprochant des faits en rapport notamment avec ses compétences managériales), a alors adressé à Mme X... un sms dans lequel elle l'informe de cette décision et lui indique que son licenciement (celui de Mme X...) était «'injuste'».
Le 16 avril 2014, la médecin du travail a écrit à la Direction en lui demandant de s'interroger sur ce qui générait les risques dans son établissement et plus particulièrement au sein de la pharmacie intérieure. Ce courrier, qui évoque de manière générale des risques au niveau de l'établissement, dont les compte rendus du CHSCT font état dans plusieurs services, ne comporte aucune information, s'agissant de la pharmacie, qui permet d'identifier Mme X... comme responsable des risques au sein de ce service.
Enfin, la cour observe que le courriel adressé par Mme B... au Directeur opérationnel le 20 mai 2014 ne fait que reprendre, en les réactualisant à son retour de congés, les doléances de la salariée concernant son collègue M. F..., auquel elle continue de reprocher de ne pas travailler et de bénéficier d'un traitement de faveur de la part de Mme X...; elle s'en prend également à la remplaçante, Mme H....
Si personne ne discute l'existence de relations tendues au sein de la pharmacie, pour autant, la chronologie des faits reconstituée ci-dessus, les témoignages contradictoires, sans écarter les intérêts des uns et des autres, ne permettent pas de considérer que la preuve d'une faute grave de Mme X... à l'origine de cette situation est rapportée par l'employeur.
Il s'ensuit que le licenciement de Mme X... est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé.
Sur les conséquences
- le rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire
En l'absence de faute grave, la mise à pied conservatoire à compter du 23 mai 2014 est injustifiée, de sorte que Mme X... est en droit de prétendre au paiement du salaire retenu par l'employeur; au vu des bulletins de paie versés aux débats, la société devra payer à ce titre à la salariée la somme de 3 705,45 €, outre 370,55€ pour les congés payés afférents.
- l'indemnité compensatrice de préavis
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période.
La convention collective applicable prévoyant un préavis de six mois pour les cadres supérieurs, catégorie dont relève Mme X... au regard de son coefficient, ce qui n'est pas discuté, il y a lieu d'allouer à la salariée une indemnité de 35 141,14 € déduction faite, comme demandé, des sommes versées à ce titre lors du solde de tout compte, outre 3 514,11 € pour les congés payés afférents, le tout non discuté subsidiairement par l'employeur et au surplus justifié.
- l'indemnité de licenciement
Pour les cadres comptant 5 ans d'ancienneté et plus, la convention collective prévoit que cette indemnité est égale à :
- 1/2 mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de cadre jusqu'à 5 ans ;
- 1 mois de salaire pour chacune des années suivantes dans la fonction de cadre.
Compte tenu du salaire moyen de Mme X... sur les douze derniers mois (5 352,75 €) et de son ancienneté remontant au 16 mars 2001 comme mentionné sur ses bulletins de paie, la salariée est fondée à prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 65 508,30€.
- les dommages-intérêts pour licenciement injustifié
Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme X... avait au moins deux années d'ancienneté et la société employait habituellement au moins onze salariés. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme X... peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
Mme X... avait 57 ans au moment du licenciement et comptait une ancienneté de 13 ans. Elle n'a pas retrouvé d'emploi stable depuis son licenciement en dépit des candidatures posées, et effectue des remplacements principalement pendant l'été. A l'époque du licenciement, elle subvenait au moins en partie aux besoins de son fils élève ingénieur depuis 2013 et de sa fille en formation de puéricultrice (elle reste taisante sur une éventuelle participation du père dont elle se dit divorcée). Elle justifie par ailleurs assumer des charges de prêt immobilier importantes, auxquelles ses revenus antérieurs lui permettaient de faire face, ce qui n'est plus le cas depuis son licenciement compte tenu du montant des allocations de chômage et de ses salaires de remplacement. Elle justifie par ailleurs avoir bénéficié d'un arrêt de travail de plusieurs semaines pour un syndrome anxio dépressif majeur délivré suite à la réception de sa lettre de convocation à l'entretien préalable.
Compte tenu de ces éléments, des conditions brutales dans lesquelles Mme X... a été licenciée, et de ses perspectives de retour à l'emploi, le préjudice subi par la salariée sera estimé à la somme de 85 000 €, que la société devra lui verser.
Sur la remise des documents de rupture
La société devra remettre à la salariée les documents de rupture rectifiés conformément au présent arrêt.
Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel, et devra payer à Mme X... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2 500 €.
La société doit être déboutée de cette même demande.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Brest du 9 octobre 2015 sauf en ce qu'il a débouté la polyclinique de Keraudren de sa demande d'indemnité de procédure;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme X... est sans cause réelle et sérieuse';
Condamne la société Keraudren Grand Large à payer à Mme X... les sommes suivantes':
- 3 705,45 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, outre 370,55 € pour les congés payés afférents,
- 35 141,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3 514,11 € pour les congés payés afférents,
- 65 508,30 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 85 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que la société Keraudren Grand Large devra remettre à Mme X... les documents de rupture rectifiés conformément au présent arrêt';
Ordonne le remboursement par la société Keraudren Grand Large aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois ;
Condamne la société Keraudren Grand Large à payer à Mme X... la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Keraudren Grand Large de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société Keraudren Grand Large aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame Capra, président, et Madame Morin, greffier.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT
Mme MORINMme CAPRA