1ère Chambre
ARRÊT N° 283/2018
N° RG 16/04088
Mme Ginette X... épouse Y...
M. Jean Y...
C/
M. Anthony Z...
Mme Stéphanie A... divorcée Z...
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Avril 2018 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame Ginette X... épouse Y...
née le [...] à LESBOIS (53)
261, La Thébaudière
[...]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocate au barreau de RENNES
Représentée par Me Marc-Samuel LEBEL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur Jean Y...
né le [...] [...]
Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocate au barreau de RENNES
Représenté par Me Marc-Samuel LEBEL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur Anthony Z...
né le [...] à NANTES
[...]
Représenté par Me Béatrice B..., avocat au barreau de NANTES
Madame Stéphanie A... divorcée Z...
née le [...] à Nantes
[...]
Représentée par Me Béatrice B..., avocat au barreau de NANTES
Par acte du 10 août 2012, Monsieur et Madame Z... ont vendu à Monsieur Y... et Madame X... épouse Y... une maison d'habitation située sur la commune de Le Loroux Bottereau.
Constatant des problèmes d'électricité, Monsieur Y... et Madame X... ont saisi le juge des référés qui a fait droit à leur demande d'expertise judiciaire. Monsieur C... a déposé son rapport le 22 août 2013.
Par acte du 29 novembre 2013, Monsieur et Madame Y... ont assigné Monsieur et Madame Z... devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement d'indemnités réparatrices du coût des travaux.
Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de Nantes a:
-débouté Monsieur Y... et Madame X... de l'intégralité de leurs demandes;
-condamné in solidum Madame X... et Monsieur Y... à payer à Madame A... et Monsieur Z... la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
-mis les dépens y compris les frais d'expertise judiciaire et de référés in solidum à la charge des demandeurs qui succombent.
Madame X... et Monsieur Y..., ci après dénommés les consorts X...evavasseur, ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 mai 2016.
Par ordonnance du 16 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions des consorts Z...evavasseur irrecevables.
Vu les conclusions du 25 août 2016, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments des consorts X...erra qui demandent à la cour de:
-infirmer la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Nantes le 12 mai 2016 n°14/00066 en son intégralité.
-condamner Monsieur et Madame Anthony Z... à payer à Monsieur et Madame Y... la somme de 13.674,00 € HT soit 14.631,18 € TTC avec une TVA à 7 %, sauf à parfaire au regard d'une TVA à un taux supérieur ainsi qu'au paiement de la somme de 6.314,33 € TTC pour les travaux de maçonnerie, facture WANSARD, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.164,79 € TTC pour les travaux de peinture (facture Société OSMOSE).
-condamner Monsieur et Madame Anthony Z... au paiement de la somme de 1.000 € en réparation du trouble de jouissance ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil pour résistance dolosive et abusive constitutive d'un préjudice distinct.
-condamner Monsieur et Madame Anthony Z... au paiement des dépens des procédures à savoir du constat d'huissier 350,14 €, des frais d'assignation référé pour 62,58 €, des frais de transmission des procès-verbaux d'Huissier à l'expert judiciaire pour 119,60 €, des frais de réalisation du devis sollicité par l'expert judiciaire pour 95,68 €, timbres fiscaux pour le référé pour 35,00 €, des frais d'expertise judiciaire pour 1.974,42 €.
-condamner Monsieur et Madame Z... au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-débouter Monsieur et Madame Z... de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
-condamner Monsieur et Madame Z... aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 Du Code de Procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 3 avril 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Aux termes de l'article 1641 du code civil : «Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.»
Lorsque l'acte de vente comprend une clause d'exclusion de la garantie, comme c'est le cas en l'espèce, la garantie n'est due que si le vendeur avait connaissance du vice lors de la vente.
Sur l'existence de vice cachés:
L'expert judiciaire a relevé une série de défauts et non conformités électriques dans l'ensemble de l'habitation. Il a noté pour les défauts les plus graves:
-dans le salon salle à manger, les fils ont un problème de serrage entraînant des arcs électriques lorsqu'un récepteur est sous tension, problème susceptible de générer un incendie au niveau de la prise électrique.
-sur le tableau électrique, la cablette du circuit de terre générale servant à assurer la protection des personnes avec les dispositifs adéquats dans le tableau électrique n'est pas raccordée. L'expert précise que Monsieur et Madame Y... ont été inondés et que toute cette zone a été refaite. Seul reste le tableau électrique d'origine qui a cependant été remanié.
-dans le bureau, les circuits éclairage et prises sont mélangés, les sections de fils sont hétérogènes. Ceci entraîne un risque de surchauffe et la fonte de l'isolant, la création d'arc électrique et d'électrocution.
-dans la suite parentale, l'alimentation en électricité est reprise depuis celle du four de la cuisine située en dessous de la chambre. Les circuits éclairages et prises de la chambre se retrouvent mélangés avec le four. Ceci entraîne un danger de surchauffe et d'incendie consécutif.
-sur les différents circuits de distribution, il y a énormément de piquages ce qui accroît le risque de surchauffe et d'électrocution par défaut de raccordement à la terre des points terminaux.
Ces différents défauts qui entraînent un risque réel de feu et d'électrocution (p.13 du rapport d'expertise) rendent le bien impropre à sa destination.
En ce qui concerne l'antériorité des vices par rapport à la vente, Monsieur C... a noté que:
-dans l'acte de vente, la société Bossard a émis un rapport de contrôle électrique vierge.
-les acquéreurs ont entamé des travaux afin de transformer la maison à leur goût.
-cette maison a entièrement été rénovée au fil du temps par Monsieur Z... qui l'a affirmé à l'expert. Monsieur C... ajoute «et ce, sans compétence particulière en électricité»
-au vu de l'ensemble des éléments repérés sur site et visibles sur les photos et la vidéo de l'huissier de justice, il paraît peu probable que les nouveaux acquéreurs aient réalisé l'ensemble des malfaçons électriques de cette maison.
Il ressort des observations de l'expert que le tableau électrique a été remanié après l'entrée dans les lieux des consorts Y...ouquet. De plus, les acquéreurs ont fait établir, dès le 20 septembre 2012, un diagnostic par la société CEDIA. Cette société a relevé un certain nombre d'anomalies mais ne fait pas état du tableau. Ainsi, la preuve n'est pas rapportée que le défaut affectant ce tableau est antérieur à la vente.
Pour ce qui est des autres vices relevés, les acquéreurs avaient pris possession des lieux le 10 août, le constat d'huissier a été réalisé dès le 2 octobre 2012 et le diagnostic CEDIA réalisé dès le 20 septembre, ce qui exclut que les non conformités relevées, importantes en nombre, aient été le fait des consorts Y... /X.... L'antériorité des vices par rapport à la vente est ainsi établie.
En ce qui concerne le caractère caché des vices, Monsieur C... relève que les acquéreurs ne possèdent pas de compétences spécifiques dans le domaine électrique, et que si certains défauts étaient visibles sans démontage des cloisons, une grande partie des défaillances était cachée dans les murs. De plus, le diagnostic électrique ne faisait état d'aucune défaillance, ce qui n'a pu alerter les acquéreurs. Le caractère caché des vices pour l'acquéreur est corroboré par le diagnostic CEDIA qui conclut que l'installation semble correcte en apparence, mais qu'il existe de nombreux défauts découverts lors de démontages ou déplacements de parois.
Il résulte de tout ceci que le bien vendu était affecté de vices cachés pour les consorts X...evavasseur.
Sur la connaissance du vice par les vendeurs:
Monsieur C..., à plusieurs reprise dans son rapport, a précisé que les époux Z... n'avaient pas de compétence particulière en matière électrique.
Dans un dire du 31 juillet 2013, le conseil de Monsieur et Madame Z... a écrit à l'expert :«Mes clients ne vous ont jamais indiqué avoir «refait l'installation électrique» durant le temps de leur possession de la maison. Monsieur Z... vous a précisé lors de l'expertise avoir modifié certaines prises de courant ou luminaires, en reprenant sur l'existant et ne pas avoir touché à l'installation électrique à proprement parler.»
Monsieur C..., en page 18 de son rapport, a répondu à ce dire : «Je confirme avoir posé la question à Monsieur Z... devant la totalité des personnes convoquées sur la réfection de l'installation électrique par lui-même. Ce dernier m'a confirmé cela, pas pour l'intégralité car il reste toujours des réseaux existants et je m'en suis aperçu ne serait ce que par l'existence de câbles d'une ancienne norme datant d'avant l'acquisition du logement par les époux Z.... La précision indiquant que seules certaines prises de courant et luminaires ont été transformés ou ajoutés. Cela ne remet pas en cause le fait que lorsque l'on veut modifier une installation électrique, on prend toujours en compte l'amont et l'aval des installations concernées par les modifications ou autres. Si on ne respecte pas cela, on détériore la chaîne des protections.»
Dès lors que Monsieur Z... est intervenu personnellement sur l'installation électrique pour l'étendre et la modifier, il a entendu se donner la qualification qui lui confère les compétences suffisantes pour apprécier les conséquences de son intervention. Il en résulte qu'il avait connaissance des vices et non conformités affectant les réseaux et la reprise d'alimentation dans la suite parentale. Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu l'application de la clause d'exonération de garantie des vices cachés incluse dans l'acte de vente.
Sur le préjudice:
Il résulte des dispositions de l'article 1645 du code civil que l'acquéreur qui subit un préjudice du fait d'un vice caché, connu du vendeur, dispose d'une action en dommages et intérêts qui n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire.
L'indemnisation est celle qui permettra aux consorts X...evavasseur de jouir d'un bien exempt de vice.
Sur les travaux de reprise:
Monsieur C... a examiné les deux devis qui lui ont été remis par les consorts X...evavasseur, les époux Z... ne lui ayant pas fourni de devis. Il estime que «Vu l'état de l'installation et plus particulièrement de la distribution, (') il faut reprendre intégralement les réseaux. En effet, les circuits étant tous mélangés, nous ne pouvons pas faire autrement que de refaire à neuf l'ensemble des alimentations.»
Sur la base des devis produit, l'expert a évalué le coût des travaux à la somme de 14 631,18 € TTC avec une TVA au taux de 7%. Après actualisation du taux de TVA à 10%, ce coût est de 15 041,40 € TTC. Il sera fait droit à la demande des consorts X...evavasseur sur ce point.
Les consorts X...evavasseur demandent en outre le paiement d'une somme de 6 314,33 € au titre des travaux de maçonnerie et d'une somme de 3164,79€ au titre des travaux de peinture. Ces devis n'ont pas été soumis à l'expert qui n'a pas dans son évaluation retenu la nécessité d'autres travaux que la stricte remise aux normes de l'installation électrique. Dans un dire du 26 juillet 2013, le conseil des consorts X...evavasseur a indiqué que les travaux envisagés par les acquéreurs ne prévoyaient pas de percement des murs et que ceux-ci n'ont eu lieu qu'en raison des défauts de l'installation électrique.
Toutefois, il ressort du rapport CEDIA comme des constatation de l'expert, que les travaux entrepris par les consorts X...evavasseur ont permis de mettre à jour les vices. Les acquéreurs ne démontrent pas que la réfection de l'installation électrique soit la cause des travaux de maçonnerie et de peinture dont ils demandent le paiement. Ils seront déboutés de ce chefs de demande.
Sur le préjudice de jouissance:
Les travaux importants de réfection vont entraîner pour les consorts X...evavasseur une moindre jouissance de leur bien pendant la durée des travaux dont l'expert a évalué la durée à deux mois. Ils en seront indemnisés à hauteur de 1000€
Sur le préjudice moral:
Les consorts X...evavasseur ont subi une procédure longue et coûteuse. Alors que les vices résultaient de l'intervention de Monsieur Z... sur l'installation électrique, les vendeurs ont laissé sans réponse la proposition de transaction qui leur a été faite le 4 octobre 2013 à l'issue du rapport d'expertise. Cette légèreté blâmable sera indemnisée à hauteur de 2 000 €.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau;
Dit que la chose vendue est affectée de vices cachés;
Dit que la connaissance du vice par les vendeurs fait obstacle à l'application de la clause d'exonération de garantie;
Condamne Monsieur Anthony Z... et Madame Stéphanie A... épouse Z... à payer à Monsieur Jean Y... et Madame Ginette X... épouse Y... les sommes de:
*15 041,40 € TTC au titre de la reprise de l'installation électrique;
*1 000 € au titre du préjudice de jouissance;
*2 000 € au titre du préjudice moral.
*5 000 € au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne Monsieur Anthony Z... et Madame Stéphanie A... épouse Z... au paiement de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'assignation en référé et le coût de l'expertise de Monsieur C..., mais ne comprennent pas le coût du constat d'huissier et celui de transmission des procès verbaux par l'huissier à l'expert judiciaire et à chacun des avocats.
LE GREFFIERLE PRESIDENT