Chambre de l'Expropriation
ARRÊT N° 12
N° RG 17/08451
M. C... X...
Mme D... F... Y... épouse X...
C/
Société d'Economie Mixte LOIRE ATLANTIQUE DEVELOPPEMENT - SELA (SAEM LAD-SELA LA)
Jonction des instances 17/8451 et 17/8649
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Z...
Me A...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,
Assesseur : Madame Catherine MENARDAIS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
À l'audience publique du 15 Juin 2018
devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
EN PRÉSENCE DE :
Monsieur B..., le Commissaire du Gouvernement de LOIRE ATLANTIQUE (44) représentant la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LOIRE-ATLANTIQUE SERVICE FRANCE DOMAINE
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur C... X...
né le [...] à NANTES (44)
[...]
[...]
Représenté par Me Antoine Z... de la SELARL PUBLI-JURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Madame D... F... Y... épouse X...
née le [...] à NANTES (44)
[...]
[...]
Représentée par Me Antoine Z... de la SELARL PUBLI-JURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Société d'Economie Mixte LOIRE ATLANTIQUE DEVELOPPEMENT - SELA (SAEM LAD-SELA )
[...]
Représentée par Me Pierrick A... de la E... , Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
*****
Les époux X... ont adressé à la mairie de Sainte Luce sur LOIRE trois déclarations d'intention d'aliéner, le 14 janvier 2014, portant sur :
- la parcelle [...] d'une superficie de 14 237 m² pour un prix de 711 855 €,
- la parcelle [...] d'une superficie de 1 997 m² pour un prix de 99 850 €,
- la parcelle [...] d'une superficie de 16 942 m² pour un prix de 847 100 €,
soit 50 Euros le m². Ces parcelles sont dans la zone d'aménagement concertée dite 'Maison Neuve II' à Sainte Luce sur LOIRE.
La S. E. L. A. LOIRE ATLANTIQUE Developpement (LAD), titulaire du droit de préemption, a fait savoir, le 11 mars 2014, qu'elle voulait préempter aux prix suivants:
- la parcelle [...] d'une superficie de 14 237 m² pour un prix de 170 844 €,
- la parcelle [...] d'une superficie de 1997 m² pour un prix de 23 964 €,
- la parcelle [...] d'une superficie de 16 942 m² pour un prix de 203 304 €.
Soit 12 Euros le m².
En l'absence d'accord des parties, la S. E. L. A. LOIRE ATLANTIQUE Developpement a saisi le juge de l'expropriation.
Par jugement du 12 mai 2015, le juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Nantes a tout d'abord tenu compte de la modification cadastrale faisant que la parcelle [...] est devenue [...] et que la parcelle [...] est devenue [...]. Il a fixé la date de référence au 10 décembre 2010, date à laquelle la dernière modification du plan local d'urbanisme affectant le plan de zonage de la ZAC est devenue exécutoire, a dit que les parcelles ne peuvent pas recevoir la qualification de terrain à bâtir. Le juge de l'expropriation a retenu une valeur de 15 € le mètre carré et a fixé les indemnités suivantes :
- parcelle [...] d'une superficie de 14 237 m² : 213 555 €,
- parcelle [...] d'une superficie de 1 997 m² : 29 955 €,
- parcelle [...] d'une superficie de 16 942 m² : 254 130 €.
Il a rejeté la demande d'abattement pour occupation et a condamné la S. E. L. A. LOIRE ATLANTIQUE à payer aux époux X... une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux X... ont fait appel de la décision le 25 juin 2015.
Par arrêt du 22 juillet 2016, la cour d'appel de Rennes a déclaré l'appel des époux X... irrecevable, déclaré les appels incidents irrecevables, dit n' y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné les épouxX... aux dépens.
Par arrêt du 19 octobre 2017, la Cour de cassation a, au visa des articles 748-1, 478-3 et 748-6 du Code de procédure civile et premier de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique, cassé la décision de la cour et renvoyé devant la cour de Rennes autrement composée.
La société LOIRE ATLANTIQUEDéveloppement et les époux C... X... et D... Y... épouse X... ont saisi la cour de renvoi respectivement le 22novembre 2017 (RG n° 17/8649) et le premier décembre 2017 (RG n° 17/8451).
Par conclusions du 26 mars 2018 (dossier RG n°17/8649) et du 27 mars 2018 (dossier RG n°17/8451), les époux X... demandent à la cour de :
Dossier RG 17/8451 :
Vu l'article 6§1 et l'articIe 1° du Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de I'homme,
Vu les articles L. 213-4 et R. 213-11 du code de l'urbanisme,
Vu les articles L. 13-15, L. 322-3, R. 311-10 et R. 331-26 du code de l'expropriation,
Vu l'articIe 700 du code de procédure civile,
Vu le jugement contesté,
Vu les pièces jointes,
Sur l'appel principal :
- Infirmer, à titre principal, le jugement en tant qu'il fixe la valeur des parcelles des époux X... à 497 640 €, au titre des parcelles [...] , [...] , et [...], au motif qu'il détermine la date de référence au 10 décembre 2010, en lieu et place du 13décembre 2013 ;
- Infirmer, à titre subsidiaire, le jugement, en tant qu'il fixe la valeur des parcelles des époux X... à 497 640 €, au titre des parcelles [...] , [...] , et [...], au motif qu'il rejette la qualification de terrain à bâtir, dans l'hypothèse où la cour apprécierait la date de référence au 10 décembre 2010 ;
- Infirmer à titre infiniment subsidiaire le jugement, en tant qu'il fixe la valeur des parcelles des époux X... à 497.640 €, au titre des parcelles [...] , [...] , et [...], au motif qu'il fixe l'indemnité d'expropriation à 15 €/m², dans l'hypothèse où la Cour apprécierait la date de référence au 10 décembre 2010, et qu'elle rejetterait la qualification de terrain à bâtir ;
- Fixer, en tout état de cause, le prix d'acquisition des parcelles [...] , [...] et [...] au prix de 50 € du m², soit à une somme de 1 658 800 euros, ventilée de la manière suivante :
- [...] : 14.237 m² X 50 € = 711 850 € ;
- [...] : 21.997 m² X 50 € = 99 850 € ;
- [... ] : 16.942 m² X 50 € = 847 100 €.
Sur l'appel incident de la SAEM LAD-SELA :
- Rejeter, à titre principal, l'appel incident de la SAEM LAD-SELA , comme étant irrecevable ;
- Rejeter, à titre subsidiaire, l'appel incident de la SAEM LAD-SELA , comme étant mal fondé,
Sur l'appel incident de la DGFIP de la LOIRE ATLANTIQUE :
- Prononcer un non-lieu à statuer sur l'appel incident du commissaire du gouvernement, dans l'hypothèse où ce dernier persisterait à soutenir cette demande, devant la juridiction de renvoi,
Et en tout état de cause :
- Condamner la SAEM LAD-SELA au versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAEM LAD-SELA aux entiers dépens.
Dossier RG 17/8649
Vu les articles 546 et 700 du code de procédure civile,
Vu le jugement contesté,
- Déclarer irrecevable la saisine opérée par la SAEM LAD-SELA, enregistrée sous le n°17/08649 auprès de la juridiction de renvoi ;
- Condamner la SAEM LAD-SELA au versement d'une somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'articIe 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAEM LAD-SELA aux entiers dépens.
Par conclusions du 25 mai 2018 (RG 17/ 8649) et du 31 mai 2018(dossier 17/8451), la SELA LOIRE ATLANTIQUEDéveloppement demande à la cour de :
Vu le code de l'expropriation,
Vu le code civil et le code de procédure civile
Vues les pièces versées aux débats
- prononcer la caducité de la déclaration d'appel des époux X... pour non-transmission de leurs écritures dans le délai requis ;
à titre subsidiaire :
-confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions, à l'exception de celles par lesquelles il a refusé de pratiquer un abattement pour occupation sur les parcelles cadastrées Section [...] et [...] ;
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
statuant de nouveau sur les chefs infirmés :
- juger que les parcelles cadastrées Section [...] , [...] et [...] sises à Sainte Luce sur LOIRE dans le périmètre de la ZAC Maison Neuve 2, propriété des consorts X... ne peuvent recevoir la qualification de terrains à bâtir, et doivent être évaluées en fonction de leur usage effectif ;
- fixer le prix d'aliénation des parcelles cadastrées Section [...] , [...] et [...] , comme suit:
- Parcelle cadastrée Section [...] :
Valeur retenue: 15 € / m²
Superficie totale : 16.942 m²
Superficie occupée : 1.500 m²
Abattement pour occupation commerciale : 40 %
Soit : (1.500 m² X 15 € X 0, 6) +(15 442 m² X 15 Euros ) = 245.130 €
- Parcelle cadastrée Section [...] :
Valeur retenue : 15 € / m²
superficie : 14.237 m²
Abattement pour occupation sans droit ni titre : 10 %
soit: 15 € × 14.237 m² × 0 ,9 = 192.200 €
-Parcelle cadastrée Section [...] :
Valeur retenue : 15 € / m²
superficie : 1.997 m²
Soit :15 € × 1.997 m² = 29.955 €
- condamner les époux X... à verser la somme de 5.000 € à la société LAD SELA en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les époux X... aux entiers dépens.
Par mémoire du 6 mars 2018 (dossiers 17/8451 et 17/8649), le Commissaire du gouvernement demande à la cour de :
- déclarer recevable l'appel de la partie préemptée,
- rejeter les demandes d'indemnités de la partie préemptée,
- déclarer recevable l'appel interjeté par le commissaire du gouvernement et y faire droit,
- portant le montant des indemnités dues pour les parcelles comme suit :
- parcelle [...] (16 942 m² X 15 Euros) = 245 130 Euros,
- parcelle [...] (14 236 m² X 15 Euros ) = 213 540 Euros,
- parcelle [...] (1 923 m² x 50 Euros)= 96 150 Euros.
CELA ETANT EXPOSE :
Sur la jonction des instances de renvoi :
Considérant que s'agissant de statuer en appel du même jugement, les deux instances seront jointes ;
SUR LES FINS DE NON RECEVOIR :
Sur la recevabilité de l'appel des époux X... (instance RG 17/8451) :
Considérant que la société LAD expose avoir toujours demandé à la cour de déclarer en application de l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation, caduque la déclaration d'appel des époux X..., au motif que ceux-ci visaient de nombreuses pièces dans leur mémoire dont ils ne produisaient qu'une partie, qu'il leur appartenait surtout d'adresser à la cour leurs conclusions et documents dans les trois mois de la déclaration d'appel ; que l'absence de déclaration d'appel ne peut être palliée par un mémoire ; qu'ils n' ont, à la suite de la déclaration d'appel électronique, adressé aucune conclusion et aucune pièce ;
Que la caducité ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
Considérant que les époux X... soutiennent que la société LAD est irrecevable en sa demande, dès lorsqu'elle fait elle-même un appel incident, sauf à se contredire au détriment d'autrui, qu'elle est irrecevable en sa demande également en raison de l'autorité de chose jugée par la Cour de cassation ;
Que la recevabilité de leur appel ne fait aucun doute, que la déclaration d'appel et les conclusions peuvent être présentées dans le même moment, permettant à la cour de statuer : qu'en l'espèce la cour a reçu un mémoire le 14 juin 2015 qui a précédé la déclaration d'appel électronique mais qui est suffisant pour constituer l'acte d'appel et le mémoire ultérieur, que l'intitulé donné au document du 14 juin 2015 importe peu et que la 'requête d'appel' régulièrement réceptionnée par la cour le 14 juin 2015 est parfaitement recevable, faite dans le délai pour interjeter appel ; qu'au surplus, la déclaration électronique faite dans les délais peut être complétée du mémoire reçu le 14 juin 2015 ;
Que l'irrecevabilité porterait, au regard des circonstances particulières de l'espèce, une atteinte aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
Considérant que le commissaire du Gouvernement a précisé que 'l'arrêt de la Cour de cassation ...a cassé et annulé l'arrêt du 22 juillet 2016 entre les parties par la cour d'appel de Rennes et a remis les parties dans l'état où il se trouvait avant ledit-arrêt, il ne convient pas d'y revenir' ;
Mais considérant qu' il échet de savoir si le document reçu le 14 juin 2015 au greffe de la cour peut être ou non analysé comme une déclaration d'appel et dans la négative si ce document peut ou non pallier l'absence d'envoi d'un mémoire et de pièces dans les délais après la déclaration d'appel électronique faite le 16 juin 2015 ;
Que le document adressé à la cour intitulé 'mémoire introductif' comporte l'énoncé des circonstances de fait et de la procédure, le contenu du jugement du 12mai2015, précise en page deux que 'Les époux X... font appel de ce jugement en ce qu'il fixe le prix de la préemption à 497 640 Euros', développe la critique du jugement, conclut dans un 'dispositif' en l'annulation du jugement, en la fixation des indemnités, en la condamnation de la société LAD ; que ce document donne la liste des 13 pièces communiquées dans le même temps, notamment les pièces nouvelles en appel numérotées 7 à 13, qui sont transmises dans le même temps à la cour ;
Que ce document avait été adressé à la cour en trois exemplaires dans le délai d'appel par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Considérant que ce document, quel que soit son intitulé, est une déclaration d'appel régulière, suffisante pour saisir la cour ;
Considérant alors que la discussion sur l'antériorité du mémoire par rapport à la déclaration d'appel électronique, sur l'autorité de chose jugée concernant le moyen de la caducité qui s'attacherait à la décision de la Cour de cassation, sur les circonstances de la réception de la déclaration d'appel électronique s'avère sans objet;
Sur la recevabilité de l'appel incident de la société LAD :
Considérant que les époux X... exposent que la société LAD n'a pas conclu dans le délai de deux mois de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, le délai courant à compter de la notification des écritures de l'appelant faite à l'intimé, quelle que soit la personne qui ait notifié les conclusions ; qu'elle ajoute que la société LAD se contredit et qu'elle ne justifie pas de sa qualité pour interjeter appel en l'absence d'une délégation régulière de Nantes Métropole lui permettant l'exercice régulier du droit de préemption et en l'absence d'un mandat l'autorisant à agir ;
Considérant que la société LAD expose que le point de départ du délai pour conclure est celui de la notification des conclusions de l'appelant faite par le greffier et en l'espèce, le délai a été respecté ; qu'elle est recevable à former un appel incident sans qu'il lui soit opposée une fin de non recevoir tirée de l'interdiction de se contredire, ayant toujours développé les mêmes moyens et arguments ; qu'elle indique qu' elle a, en sa qualité de concessionnaire, toutes les autorisations de la collectivité territoriale pour exercer le droit de préemption urbain, aucune obligation légale ne justifiant l'inscription dans la convention publique d'aménagement de la délégation du droit de préempter ;
Considérant que le Commissaire du gouvernement soutient que l'appel incident est recevable, les délais ayant été respectés ;
Mais considérant que selon les termes de l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation, dans la procédure d'expropriation, la notification des mémoires et conclusions est faite par le greffier, que le délai pour conclure part à compter de la date de réception qui en est faite par le destinataire ; qu'en l'espèce, les conclusions de l'intimée ont bien été faites dans le délai pour faire appel incident ;
Que la société LAD peut développer des conclusions tendant à la caducité de l'appel et également des conclusions tendant subsidiairement au mal fondé des épouxX..., s'agissant pour elle non pas de se contredire dans cette procédure mais d'organiser sa défense ;
Qu'enfin, il apparaît que la Communauté Urbaine de Nantes a maintenu en 2001 les délégations de l'exercice du droit de préemption aux sociétés d'économie mixte sur les périmètres de ZAC, puis le 17 juin 2005 Nantes Métropole a délégué le droit de préemption urbain à la SELA LAD, concessionnaire ; que celle-ci bénéficie ainsi de toutes les prérogatives lui permettant de faire respecter et exercer son droit, notamment par une action en justice devant le premier juge comme devant le juge d'appel, sans justifier d'un mandat ;
Considérant que l'appel incident est recevable ;
Sur l'irrecevabilité de la saisine opérée par la société LAD (dossier instance RG17/ 8649)
Considérant que les époux X... rappellent les dispositions de l'article 546 du Code de procédure civile, qu'ils expliquent que cette société n'a aucun intérêt à saisir la cour d'appel de renvoi puisqu'elle avait obtenu totalement gain de cause devant le juge de l'expropriation et que si la caducité de leur appel était prononcée, son appel incident ne pouvait alors aboutir, qu'elle n'était pas tenue de saisir la juridiction de renvoi et que sa saisine ne fait que 'complexifier' la procédure ;
Considérant que la société LAD expose n'avoir jamais renoncé à son droit d'appel, qu'elle avait intérêt à agir pour voir déclarer irrégulière la saisine en 2015 par les époux X... de la cour d'appel de Rennes ;
Mais considérant que la société LAD avait intérêt à saisir la cour de renvoi, dès lors qu'elle critiquait le jugement qui n'avait pas fait droit à sa demande d'abattement pour occupation, et qu'elle avait fait un appel incident régulier devant la cour dont la décision avait été cassée, sans attendre la saisine par l'appelant principal de la cour de renvoi ;
Considérant que la saisine de renvoi par la société LAD ne peut être critiquée et sa recevabilité mise en cause ;
SUR LE FOND (dossiers RG 17/8451 et RG 17/8649) :
Sur les dates :
Date de réference :
Considérant que les époux X... font valoir que le premier juge a méconnu les dispositions de articles L. 13-15 et L. 322-3 du Code de l'expropriation ainsi que l'article L. 213-4 du Code de l'Urbanisme en retenant la date du 10 décembre 2010, qu'ils rappellent que si la dernière modification d'un POS/PLU n'est pas prise en compte lorsque les règles d'utilisation de la zone (dans laquelle se trouvent les biens immeubles concernés) ne sont pas affectées par cette modification, en l'espèce, les règles d'utilisation de la zone 1AUe ont évolué à la suite de la modification du PLU le 13 décembre 2013, qu'il n' y a pas lieu de rechercher une modification substantielle; que la date de référence doit être fixée au 13 décembre 2013 ;
Considérant que la société LAD rappelle les dispositions des articles L. 231-4 du Code de l'urbanisme et L. 13-15 du Code de l'expropriation, précise que les ajustements mineurs apportés le 13 décembre 2013 ne modifient pas les caractéristiques de la zone 1AUe, qu'il convient ainsi de prendre en compte la date à laquelle la dernière modification du PLU affectant le plan de zonage de la ZAC est devenue exécutoire, soit le 10 décembre 2010 ;
Considérant que le commissaire du gouvernement expose que la date de référence à prendre en compte est celle qui a proposé des modifications de la zone 1AUe, ce qui n'a pas été l'objet de la modification du PLU en 2013 et que la dernière modification affectant la zone est intervenue le 10 décembre 2010 ; que cette dernière date, à laquelle la dernière notification du PLU touchant au périmètre de la ZAC est devenue exécutoire et opposable, doit être prise en compte ;
Mais considérant que la modification du PLU permettant la détermination de la date de référence est, au sens de l'article L. 213-4 du Code de l'urbanisme, celle qui affecte une ou plusieurs caractéristiques de la zone où sont situés les biens expropriés; qu'en l'espèce, au regard des documents qui sont versés aux débats, il peut être dit que le commissaire du gouvernement soutient justement que la modification du PLU intervenue en décembre 2013 concernait la mise en place d'un dispositif sur l'habitat, modifiait la zone UB en deux secteurs Uba et Ubb, changeait le zonage du secteur du Taillis Moreau, introduisait des dispositions de la loi Engagement National pour le Logement n° 2006-872 du 13 juillet 2006, intégrait l'avancement des études de la ZAC; que les précisions sur les voies en impasse apportés en 2013 constituent un ajustement mineur ne modifiant pas les caractéristiques de la zone ; qu'enfin, la démonstration qu'entendent faire les époux X... en s'appuyant sur la présentation du plan d'aménagement et de développement durable (PADD) de Sainte-Luce élaboré en 2007 ne peut être pertinente ;
Considérant alors que les règles d'utilisation de la zone 1aUe de la ZAC de la Maison Neuve ont été modifiées pour la dernière fois le 10 décembre 2010 ; que cette date sera reprise ; que c'est en fonction de l'usage effectif des biens à cette date que l'indemnité pourra être déterminée ;
Consistance des biens :
Considérant qu'elle est appréciée à la date du jugement ;
Valeur :
Considérant qu'en application de l'article L. 322-1 du Code de l'expropriation, les biens sont évalués à la date du jugement ;
Sur la description des parcelles :
Considérant que la ZAC de Maison Neuve a été créée sur le territoire de la commune de Sainte-Luce sur LOIRE, que dans l'emprise de cette ZAC se trouvent les parcelles des époux X... cadastrées [...] (15 350 m²), [...] (de 5 604 m²) et [...] (16 942 m²) ; que les époux X... ont entendu vendre une partie de ces parcelles : [...] (désormais [...]) pour 14 237 m², [...] (désormais [...]) pour 1 997 m² et [...] pour 16 942 m² ;
Considérant que ces parcelles sont des terrains plats de forme rectangulaire, non bâtis, donnant tous trois sur la rue [...], et, pour la parcelle [...] également sur la rue [...] ; que les parcelles [...] et [...] sont en friche ;
Considérant que l'occupation de certaines parcelles est discutée ;
Sur la qualification des parcelles :
Considérant que les époux X... ont contesté la qualification retenue par le premier juge, et rappelant les termes des articles L. 13-15 et L. 322-3 du Code de l'expropriation, estiment que leurs parcelles sont des terrains à bâtir, se trouvant dans une zone constructible, bénéficiant d'une desserte suffisante et d'un raccordement satisfaisant aux réseaux énergétiques ;
Qu'ils excipent l'inconventionnalité au regard de l'article 6 §1 de la CEDH et de l'article 1 du Premier protocole additionnel à la CEDH des termes de l'article L.322-3 du Code de l'expropriation qui oblige le juge à 'interpréter la qualité de terrain à bâtir au regard de l'ensemble de la ZAC' ; qu'en effet, cette disposition permet de ne pas tenir compte de la 'valeur intrinsèque' d'un bien et présente un caractère 'inéquitable', qu'elle porte atteinte grave et disproportionnée au droit de propriété garanti par l'article 1 du Premier Protocole additionnel et au droit au procès équitable précisé par l'article 6 de la CEDH ;
Considérant que la société LAD précise que la Cour de cassation a validé une interprétation littérale de l'article L. 322-3 du Code de l'expropriation ; qu'en revanche, la procédure d'expropriation a été jugée conventionnelle dès lorsque les expropriés sont indemnisés justement, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'elle rappelle que la ZAC est une opération d'ensemble qui exige un aménagement couteux, qui a justement pour effet de créer des terrains à bâtir ;
Qu'elle indique reconnnaître que les parcelles sont situées dans une zone constructible mais qu'elles ne bénéficient pas des réseaux et raccordements suffisants pour être qualifiés de 'terrains à bâtir', soutenant que le rapport 'approximatif' établi par l'expert amiable versé aux débats par les époux X... n'apporte pas la preuve contraire ;
Considérant que le Commissaire du gouvernement expose que les parcelles sont en zone 1AUe, soit 'un secteur naturel destiné à être ouvert à l'urbanisation en vue de recevoir des commerces, services, bureaux, artisanat, des activités légères, ainsi que des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif', par conséquent en zone constructible, mais ne sont pas desservies par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et d'assainissement de dimension adaptée, appréciée au regard de l'ensemble de la zone à aménager ; qu'en l'espèce, il ne s'agit pas de 'terrains à bâtir' et les parcelles doivent être évaluées en fonction de leur usage effectif ;
Mais considérant que les dispositions de l'article L. 322-3 du Code de l'expropriation précisent les conditions dans lesquelles une parcelle peut être un 'terrain à bâtir' ;
Qu'en l'espèce, le critère juridique n'est pas contesté par les parties au litige, que les parcelles se trouvent en zone 1 AUe, secteur constructible, tel que le décrit par le Commissaire du gouvernement ;
Que le critère matériel (conditions relatives à la desserte et aux réseaux) précisé par ce texte est discuté ;
Considérant que la conventionnalité de ce texte au regard des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde doit être examinée : qu'il apparaît que l'aménageur ne dispose pas, à la suite de la préemption, de terrains à bâtir mais de terrains qu'il va aménager en 'terrains à bâtir' et ce, pour un coût certain de sorte que ces terrains ne peuvent être évalués comme des 'terrains à bâtir' et que les conditions matérielles relatives à la qualification de 'terrain à bâtir' ne peuvent être appréciées qu'au regard de la totalité de la zone à aménager ; qu'il n'apparaît pas alors que dans l'appréciation que la loi impose de l'existence des critères matériels précis par rapport à l'ensemble de la zone, il y ait une atteinte à l'équité du procès , atteinte sur laquelle les époux X... restent vagues ; que de même, alors que la préemption a lieu dans un cadre strictement réglementé, pour une cause d'utilité publique que prévoit l'article1 du protocole additionnel et dans un cadre législatif qui respecte les droits du propriétaire, auquel il est proposé une indemnité réparant l'intégralité de son préjudice apprécié au regard des contraintes rappelées, il n'apparaît pas qu'il y ait atteinte au droit de propriété des époux X... ;
Considérant que le dimensionnement des réseaux doit être adapté à l'ensemble de la zone ; que la preuve en incombe aux époux X... qui versent aux débat un rapport de 'Dynamiques Foncières', expert amiable : qu'en faisant référence pour sa démonstration à des documents postérieurs à la date de référence 'via des déclarations d'intention de commencement de travaux (DICT) de 2016" pour connaître les dimensionnements des canalisations desservant les terrains, sur des plans non datés (plan du reseau de distribution d'eau potable) ou sur des plans postérieurs à la date de référence (plans des eaux usées et pluviales, des réseaux de fibres optiques, des réseaux d'électricité Enedis, et de gaz GRDF), l'expert ne propose pas un rapport pertinent ; que les époux X... ne rapportent pas la preuve du dimensionnement adapté des réseaux par rapport à la zone à aménager ;
Considérant que les parcelles préemptées ne peuvent recevoir la qualification de 'terrains à bâtir' ; qu' il n' y a pas lieu de dire, comme le précise le Commissaire du gouvernement pour la parcelle [...] et comme le demandent les époux X... pour toutes les parcelles, que celles-ci sont en situation privilégiée, n'ayant pas plus les unes que les autres, notamment la parcelle [...] , un avantage particulier à faire valoir dans cette zone à aménager dans son ensemble ;
Sur la valeur :
Considérant que les époux X... exposent que le prix des trois terrains qui présentent les mêmes caractéristiques géographiques et géologiques, doit être évalué de la même manière ; qu'ils font état d'un compromis de vente du 17 mars 2010 selon lequel un terrain a été vendu 50 Euros le m² et estiment ce terme de comparaison (TC) pertinent ; qu'ils soulignent que dans son appel incident, le Commissaire du gouvernement propose que la valeur au m² de la parcelle [...] soit fixée à 50 Euros;
Considérant que la société LAD fait valoir que les époux X... ne peuvent prendre comme TC la vente d' un terrain à bâtir, que l'évaluation du premier juge est satisfaisante et que l'appel incident du Commissaire du gouvernement sur la valeur de la parcelle [...] au motif qu'elle aurait une situation privilégiée n'est pas fondé ;
Considérant que le Commissaire du gouvernement expose que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 28 mai 2010 avait fixé le prix au m² à 12 Euros, que l'augmentation de 25 % par le premier juge peut néanmoins être retenue pour les parcelles [...] et [...] ; que la parcelle [...] doit être considérée comme en situation 'hautement privilégiée' dans la mesure où elle a une voie d'accès, divers réseaux à proximité de sorte que le prix de 50 Euros le m² correspond à la valeur du marché ;
Mais considérant que doivent être retenus que les seuls termes de comparaison relatifs à des ventes de terres agricoles ; que dès lors, les termes de comparaison que produisent les époux X... concernant des terrains à bâtir manifestement aménagés par la SELA avant leur vente (pièce 11 : vente SELA à G... Lease, Norbail-Immobilier, Finamur, pièce 12 : vente SELA à SCI Pasthieric, pièce 13 : vente SELA à la SCI Artaud frères Investissements, vente SELA à la SCI Vicalex, vente SEAL à SCI JALERO LIMITED) ne sont pas pertinents et ne seront pas retenus ;
Que selon courrier du 26 février 2014, le Directeur régional des Finances publiques des Pays de LOIRE et du département de LOIRE ATLANTIQUE a exposé que la valeur vénale peut être fixée sur la base de 12 Euros le m² et que cette évaluation correspond à la valeur vénale actuelle ; que la dynamique de construction sur le secteur peut justifier la fixation d'un prix de 15 Euros le m² ; que la SELA et le commissaire du gouvernement ne le critiquent pas ; que ce prix sera retenu par la cour ;
Sur l'abattement
Considérant que la société LAD expose que les parcelles [...] et [...] étaient occupées lors du transport sur les lieux, ce qui justifie un abattement a minima de 10 %, qu'il ne lui appartient pas de prouver l'existence de l'occupation ; que celle-ci est effective pour la parcelle [...] puisque les époux X... font état d'une ordonnance d'expulsion à leur profit en date du 13 mai 2015 qu'ils ne versent cependant pas aux débats ;
Considérant que les époux X... font valoir que la preuve que la parcelle [...] est occupée n'est pas faite par la société LAD et que l'occupation sans droit ni titre ne peut leur être imputée alors qu'ils ont obtenu restitution de la parcelle il y a peu de temps, que l'occupant de la parcelle [...] , la société Paleoss a été condamnée à quitter les lieux selon l'ordonnance du juge des référés du 13 mai 2015 et qu'aucun coût ne sera supporté par la société LAD compte tenu de leur diligence ;
Considérant que le Commissaire du gouvernement expose que la preuve n'est pas faite de l'existence du bail commercial sur les parcelles [...] et [...] ; que dès lors, l'abattement n'est pas justifié ;
Mais considérant que les époux X... précisent dans leurs écritures 'Les époux X... sont propriétaires, sur le territoire de la commue de Sainte-Luce-sur-LOIRE, de parcelles comprenant une maison à usage d'habitation et un bâtiment faisant l'objet d'un bail commercial cadastrées [...] [...][...][...] et [...] et [...]" ;
Qu'il apparaît que, sans inverser la charge de la preuve, il appartient à la société LAD de justifier que les terrains [...] et [...] étaient occupés au jour où le premier juge a statué ;
Que l'occupation n'est pas contestée pour la parcelle [...] , peu important l'existence ou non d'un titre que les parties discutent ;
Qu'il apparaît également que la parcelle [...] était occupée et ce, postérieurement à la restitution qui leur a été faite de la propriété de cette parcelle à la suite de l'arrêt de cette cour du 27 septembre 2013 ; que les époux X... précisent d'ailleurs dans leurs écritures, sans toutefois le justifier, avoir obtenu du juge des référés de Nantes le 13 mai 2015 une ordonnance d'expulsion de la société Paleoss ;
Considérant qu'il y a lieu à abattement de 10 % pour chacune des deux parcelles;
Considérant que le prix des parcelles est ainsi fixé :
Parcelle [...] : (16 942 m² X 15 Euros /m² X 0, 90) = 228 717 Euros ;
Parcelle [...] : (1 997 m² X 15 Euros /m²) = 29 955 Euros ;
Parcelle [...] : 14 237 m² X 15 Euros /m² X 0, 90 = 192 200 Euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Ordonne la jonction des instances 17/8451 et 17/8649 ;
Déclare recevables les appels principal et incident ;
Déclare la saisine de la cour de renvoi par la SELA LAD régulière et recevable;
Infirme sur le quantum de l'indemnité due pour la parcelle [...] et la parcelle[...] ;
Statuant à nouveau,
Fixe l'indemnité relative à la parcelle [...] due par la SAEM LAD-SELA aux époux X... à la somme de 228 717 Euros ;
Fixe l'indemnité relative à la parcelle [...] due par la société SAEM LAD-SELA aux époux X... à la somme de 192 200 Euros ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Dit n' y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles ;
Condamne les époux X... d'une part et la SAEM LAD-SELA SELA d'autre part à supporter la moitié des dépens de cette procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT