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27/11/2018 | FRANCE | N°18/01640

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 27 novembre 2018, 18/01640


1ère Chambre





ARRÊT N°470/2018



N° RG 18/01640 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVSS













SA BOULANGER



C/



Société PARIS-GESTION



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, ente...

1ère Chambre

ARRÊT N°470/2018

N° RG 18/01640 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVSS

SA BOULANGER

C/

Société PARIS-GESTION

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Octobre 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Novembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION :

SA BOULANGER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Gilles GRARDEL, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION :

Société PARIS-GESTION, SNC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie JAVAUX de la SELARL ASEVEN, avocat au barreau de NANTES

La SNC Paris-Gestion est titulaire d'un bail commercial consenti par la SCI [Adresse 3], portant sur un ensemble immobilier situé à [Adresse 2], comprenant notamment la galerie marchande Paridis. En vertu de ce bail, la société Paris Gestion dispose de la possibilité de donner en sous-location, à titre commercial, tous les locaux dépendant dudit ensemble immobilier.

Par acte sous seing privé du 27 juillet 1994, la Société Paris-Gestion, avec l'accord de la SCI [Adresse 3], a donné en sous-location à la Société « Ets Boulanger Frères SA » et à la Société « SNC Boulanger », aux droits desquelles vient aujourd'hui la SA Boulanger, un local à usage commercial d'une superficie d'environ 2.400 m² au sein du Centre Commercial Paridis, en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce. La sous-location a été consentie pour douze années à compter du 27 mars 1995. Ce contrat a été renouvelé par congé avec offre de renouvellement de bail signé le 25 septembre 2006, à l'initiative de la société Paris-Gestion. Une nouvelle période de douze ans a été initiée à compter du 27 mars 2007.

Au mois de décembre 2009, la Société Boulanger a allégué que les charges communes qui lui auraient été demandées ne tiendraient « pas compte du forfait [contractuel] ». Elle a donc soutenu qu'il existait une erreur dans les modalités d'appel de charges émanant de son contractant.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 7 décembre 2010, la Société Boulanger a fait assigner la Société Paris-Gestion devant le tribunal de grande instance de Nantes, sur le fondement des articles 1134 et 1376 du code civil et au visa du contrat de sous-location du 27 juillet 1994 et de son avenant du 23 avril 1995, aux fins de voir principalement condamner la société Paris Gestion à payer à la société Boulanger la somme de 269.732 € TTC au titre du trop perçu des charges.

Par jugement du 20 février 2014, le tribunal de grande instance de Nantes a :

-débouté la société Boulanger de l'ensemble de ses demandes,

-débouté la société Paris-Gestion de ses demandes reconventionnelles en paiement,

-condamné la société Boulanger aux dépens,

-condamné la société Boulanger à payer à la société Paris-gestion la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

la Société Boulanger a interjeté appel de cette décision .

Par un arrêt du 2 novembre 2016, la cour d'appel de Rennes a :

-infirmé le jugement déféré,

-statuant à nouveau, condamné la SNC Paris-Gestion à payer à la SA Boulanger une provision de 200 000 € au titre d'un trop perçu des charges communes et une provision de 200 000 € au titre du remboursement de la taxe foncière,

-condamné la SNC Paris-Gestion aux dépens de première instance et d'appeler à payer à la SA Boulanger une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société Paris-Gestion a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 1er février 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 2 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée. La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel aux motifs que:

*la cour d'appel a violé les dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 en retenant, pour accueillir la demande de la Sa Boulanger au titre des charges commune d'une part, qu'aux termes de l'article 29.1.1 du contrat de sous location, les parties sont convenues de mettre à la charge du preneur pour toute la durée du bail un forfait annuel, variable chaque année selon l'évolution du montant du budget du centre commercial, l'augmentation de ce forfait étant plafonné à 2,5% et égale à l'augmentation du budget du centre si celle-ci est inférieure à ce pourcentage. D'autre part, que la société Boulanger a chiffré année par année, le trop versé, en application de ces principes.

Et ce alors que la cour d'appel a constaté qu'aucun justificatif n'était produit par les parties.

*en condamnant la SNC Paris-Gestion au paiement d'une provision au titre des taxes foncières en retenant que l'article 30 du contrat de sous-location stipule que le sous-locataire devra acquitter tous les impôts et taxes relatifs au locaux sous-loués et que l'article 29-1 énonce que les impôts fonciers, qui constituent des charges communes, sont inclus dans le forfait prévu à l'article 29-1-1, de sorte que la société Boulanger n'a pas à supporter le règlement de taxes foncières en sus du montant forfaitaire dérogatoire relative aux charges communes; sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la taxe foncière afférente aux parties privatives, différente de la taxe foncière afférente aux quotes-parts de parties communes, seule intégrée dans les charges communes, n'était pas à la charge du sous-locataire en vertu de l'article 30 du contrat de sous-location, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 de code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Par déclaration du 6 mars 2018, la Société Boulanger a saisi la cour d'appel de Rennes désignée comme juridiction de renvoi.

Vu les conclusions du 1er octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la société Boulanger qui demande à la cour de :

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 20 février 2014 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

-condamner la société Paris-Gestion à payer à la société Boulanger la somme de 317 690,09 € TTC au titre du trop-perçu des charges des années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, outre les intérêts légaux dus à compter de la signification de l'exploit introductif d'instance,

-condamner la société Paris-Gestion à payer à la société Boulanger la somme de 610 875.35 € TTC au titre du trop-perçu des charges des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, outre les intérêts légaux dus à compter de la signification de l'exploit introductif d'instance,

-condamner la société Paris-Gestion à payer à la société Boulanger la somme de 405 348.07 € TTC correspondant au remboursement des sommes versées au titre de la taxe foncière des exercices de l'année 2007 à l'année 2017 incluse, outre les intérêts légaux dus à compter de la signification de l'exploit introductif d'instance,

-dire irrecevables les demandes de la société Paris-Gestion s'agissant des exercices 2011 et 2012 au vu de la prescription quinquennale,

-débouter la société Paris-Gestion de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-ordonner la compensation des créances réciproques en tant que besoin,

-condamner en outre la société Paris-Gestion à verser à la société Boulanger une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-la condamner aux dépens.

Vu les conclusions du 1er octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la société Paris-Gestion qui demande à la cour de :

-débouter la Société Boulanger de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

-constater que la Société Boulanger a toujours réglé et règle aujourd'hui encore le montant des charges communes facturées, et qu'elle n'a jamais contesté, entre le 27 juillet 1994 et le mois de décembre 2009, l'application ainsi faite de la clause 29.1.1 du contrat de sous-location,

-dire qu'aux termes de l'article 29.1.1 du contrat de sous-location, les parties sont convenues que le montant forfaitaire annuel des charges communes sera modifié chaque année selon l'évolution du montant du budget du centre commercial et qu'ainsi, lorsque le budget du centre commercial de l'année N est supérieur au montant du budget de l'année N-1 pour une fraction inférieure ou égale à 10 %, l'augmentation du forfait n'est prévue qu'à concurrence d'une augmentation de 2,5 % majorée de l'évolution de l'indice INSEE National de la construction entre les deux années considérées,

-constater que la taxe foncière est, selon les stipulations tant du contrat de sous-location que du règlement intérieur du centre commercial, récupérable sur le preneur ;

En conséquence,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Boulanger de l'ensemble de ses demandes,

Sur l'appel incident,

-dire que par une stricte application de la clause 29.1.1 1°) du contrat de sous-location, la société Boulanger est redevable, au titre des charges communes pour la période de 2005 à 2010, d'un montant de 93.830,44 € HT, outre intérêts à valoir sur cette somme à compter du 3 octobre 2011, date des écritures de la Société Paris-gestion en ce sens,

-condamner par suite la société Boulanger à verser à la société Paris-Gestion la somme de 112.596,59 € TTC avec intérêts à compter du 3 octobre 2011,

-dire que par une stricte application de la clause 29.1.1 1°) du contrat de sous-location, la société Boulanger est redevable, au titre des charges communes pour la période de 2011 à 2017, d'un montant de 362.976 € HT,

-condamner par suite la société Boulanger à verser à la société Paris-Gestion la somme de 435 571,20 € TTC ;

-si par extraordinaire, la cour jugeait que l'évolution du forfait est plafonnée à 2,5 % mais qu'elle est égale à l'augmentation du budget si celle-ci est inférieure à 2,5 %, dire que par une stricte application de la clause 29.1.1 1°) du contrat de sous-location, la Société Boulanger est redevable, au titre des charges communes pour la période de 2005 à 2010, d'un montant de 58.139,38 € HT, outre intérêts à valoir sur cette somme à compter du 3 octobre 2011, date des écritures de la société Paris-gestion en ce sens ;

-condamner par suite la société Boulanger à verser à la société Paris-Gestion la somme de 69.767,26 € TTC avec intérêts à compter du 3 octobre 2011,

-si par extraordinaire, la Cour jugeait que l'évolution du forfait est plafonnée à 2,5 % mais qu'elle est égale à l'augmentation du budget si celle-ci est inférieure à 2,5 %, dire que par une stricte application de la clause 29.1.1 1°) du contrat de sous-location, la Société Boulanger est redevable, au titre des charges communes pour la période de 2011 à 2017, d'un montant de 277 264,37 € HT,

-condamner par suite la société Boulanger à verser à la société Paris-Gestion la somme de 332.717,24 € TTC,

En tout état de cause,

-condamner la Société Boulanger à verser à la société Paris-Gestion la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Société Boulanger au paiement des dépens de 1ère instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Me Virginie Javaux, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, comprenant en particulier le coût des commandements délivrés.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur l'interprétation de la clause 1°) de l'article 29.1.1 du contrat:

Il résulte des dispositions de l'article 1156 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 que l'on doit, dans les conventions rechercher qu'elle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Aux termes de l'article 1162 du même code : « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. »

Aux termes de l'article 29.1 du contrat de sous location, qui n'a pas été modifié par l'avenant du 27 juillet 1994 : « Le sous- locataire devra rembourser au locataire principal sa quote part imputée au locataire principal dans toutes les charges communes de l'ensemble immobilier dont dépend le centre commercial. Cette quote part sera calculée au prorata de la surface des locaux, objet des présentes, par rapport à la surface globale des locaux privatifs loués dont le locataire principal est titulaire dans le Centre Commercial. »

Aux termes de l'article 29.1.1 issu de l'avenant du 27 juillet 1994 :

« Par dérogation aux stipulations de l 'article 29.1 §I et §2, les parties sont convenues :

-que la quote part des charges communes énumérées ci-avant, afférente au local objet des présentes est fixée pour toute la durée du bail à un montant forfaitaire annuel de 584 600 francs hors taxes sur la valeur ajoutée.

-que ledit montant forfaitaire sera modifié comme prévu ci-après.

-que pour le cas où, à l 'issue de la liquidation annuelle des charges de fonctionnement et de travaux, le montant du budget de l'année N pour l'ensemble du centre commercial est :

1°)supérieur au montant du budget de l'année N-1 dudit centre, pour une fraction inférieure ou égale à 10 % du budget de ladite année, le forfait sera augmenté jusqu'à concurrence d'une augmentation de 2,5 % majoré de l'indice INSEE National de la construction entre les deux années considérées.

2°)supérieur au montant du budget de l'année N-1 dudit centre, pour une fraction supérieure à 10 % du budget de ladite année, le forfait sera augmenté dans la même proportion déduction faite de la fraction comprise entre 2,5% majorée de l'indice INSEE National de la construction et 10 %.

Il est ici précisé pour l'application du dispositif figurant dans les deux paragraphes précédents,

-que l'année N correspond à une année civile complète d' exploitation.

-que si le bailleur a accepté, à titre exceptionnel, la fixation d'un montant forfaitaire de charges communes pour le local objet des présentes c'est en raison de la personnalité même du preneur. »

La société Boulanger soutient que la disposition contestée doit être interprétée en ce que pour une augmentation du budget inférieure ou égale à 10% l'augmentation de la quote part des charges communes est calculée au prorata de l'augmentation du budget, sans pouvoir excéder le plafond de 2,5%, majoré de l'indice INSEE National de la construction entre les deux années considérées. Il ne ressort pas des éléments de procédure, que la société Boulanger a eu antérieurement à ses dernières écritures, une position procédurale qui lui interdirait de faire valoir cette interprétation.

La société Paris-Gestion soutient que la disposition contestée doit s'entendre en ce que pour une augmentation du budget inférieure ou égale à 10% l'augmentation de la quote part des charges communes est de 2,5%. Elle fait valoir que la société Boulanger n'a jamais contesté cette interprétation avant l'année 2009. Toutefois, dès lors que le bailleur n'a pas toujours retenu cette interprétation à l'occasion des appels de fonds, ainsi qu'il résulte de ses propres calculs, présentés au soutien de sa demande de rappel de charges, l'absence de contestation de la part du preneur, antérieurement à l'année 2009 ne vient pas corroborer les prétentions du bailleur.

La société Paris-Gestion se prévaut encore d'un document produit par société Boulanger, intitulé « annexe 1 », non daté, sur lequel le sous-locataire a calculé le montant de ses charges des années 2004 à 2008 selon l'interprétation de la clause invoquée par son bailleur. Ce document ni daté ni signé, et dont on ne sait de quoi il est l'annexe, n'est pas à lui seul suffisant pour rapporter la preuve de ce que leur commune intention était d'appliquer une quote part de 2,5% à toute augmentation du budget inférieure ou égale à 10%.

Ainsi la disposition contestée doit être interprétée en faveur du preneur, en ce que pour une augmentation du budget inférieure ou égale à 10% l'augmentation de la quote part des charges communes est calculée au prorata de l'augmentation du budget, sans pouvoir excéder le plafond de 2,5%, majoré de l'indice INSEE National de la construction entre les deux années considérées.

Sur le trop perçu des charges :

Sur les charges dues au titre des années 2005 à 2010:

Il résulte des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile que chaque partie supporte la charge de la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention.

La société Boulanger demande un trop perçu au titre des charges versées pour les années 2006 à 2010. La société Paris Gestion, aux termes de son appel incident, demande le paiement d'un rappel de charges pour les années 2005 à 2010.

La société Paris Gestion produit les tableaux du montant des charges globales des années 2005 à 2010. Selon ces tableaux, réalisés par ces soins, elle a supporté les charges globales suivantes:

2005 : 1 014 238,83 €

2006: 1 034 656,54 €

2007: 1 058 176,07 €

2008: 1 087 668,35 €

2009: 1 114 002,75 €

2010: 1 159 654, 19 €

La société Boulanger conteste la force probante de ces tableaux et fait valoir que son bailleur « n'a jamais communiqué le moindre justificatif des charges visées au budget du centre ».

Il appartient à la société Paris Gestion de rapporter la preuve des faits qu'elle invoque, et les tableaux qu'elle a elle même réalisés ne rapportent la preuve que des paiements qu'elle a demandé à son sous-locataire sans être à eux seuls suffisants pour rapporter la preuve des charges alléguées et de leur paiement. La circonstance que la société Boulanger n'ait pas contesté avant l'année 2009 le montant des charges versées ne dispense pas le bailleur, dès lors qu'une contestation est élevée de rapporter la preuve qui lui incombe, des charges réellement supportées.

Par voie de conséquence, à défaut de preuve du paiement des charges versées à son bailleur par la société Paris-Gestion et des augmentations alléguées du budget, il doit être appliqué à la société Boulanger le forfait prévu à l'article 29.1.1 du contrat. Celui-ci est de 584 600 HT sur la valeur ajoutée, soit en euros : 89 121,70 € HT.

La société Boulanger ne présente aucune demande au titre de l'année 2005. Les sommes qu'elle a versées sont constantes pour les années 2006, 2008, 2009 et 2010.

Pour l'année 2007, la société Paris Gestion prétend avoir reçu la somme de 138 535,04 €. Son « édition du réalisé 2007 » fait apparaître qu'elle a demandé cette somme à son sous-locataire.

La société Boulanger prétend avoir versé la somme de 139 096,47 €. Elle produit son relevé comptable qui ne fait pas apparaître la somme qu'elle invoque et une attestation de l'un de ses commissaires aux comptes. Il ressort de cette attestation que la concordance entre la somme de 8 783 176,45 € alléguée par la société Boulanger en règlement des factures de loyers et de charges locatives de 2006 au 31 août 2018, avec les livres comptables ayant servi à l'établissement des états financiers des exercices clos aux 31 décembre des années 2006 à 2017 et la période du 1er janvier au 31 août 2018 a été vérifiée. Toutefois, cette attestation et le document qui l'accompagne, qui est une succession de chiffres sans équivalence avec les montants allégués par la société Boulanger, ne font pas davantage ressortir qu'au titre de l'année 2007, le sous-locataire a versé à son bailleur la somme de 139 096,47 € au titre de sa quote-part des charges communes.

Il convient en conséquence de retenir que la société Boulanger a versé respectivement les sommes suivantes pour les années 2006 à 2010: 137 094,08 €; 138 535,04 €; 141 005,79 €; 144 947,52 €; 148 206,38 €. Total : 709 788,81 € HT.

Elle aurait dû verser pour ces années la somme de 445 608,50 € HT (89 121,70 € €x5).

Il en résulte un trop versé de 264 180,31 € HT. Les charges étant soumises à la TVA, il convient d'ajouter celle-ci, au taux alors applicable de 19,6%.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Boulanger de sa demande et la société Paris-Gestion sera condamnée à payer la somme de 315 959,65 €. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date de signification de l'acte introductif d'instance.

Il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Paris-Gestion de sa demande de rappel de charges.

Sur les charges dues au titre des années 2011 à 2017 :

La société Boulanger demande au titre de ces exercices le remboursement d'un trop versé. Dans son appel incident, la société Paris Gestion demande le paiement d'un rappel de charges.

*Sur l'irrecevabilité de la demande de rappel de charges pour les exercices 2011 et 2012:

L'action en paiement de charges locatives dues en application d'un bail commercial se prescrit par cinq ans. La demande en répétition de l'indu au titre des années 2011 à 2017 présentée par la société Boulanger n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription de la demande en paiement présentée reconventionnellement par la partie en défense.

Dans ses conclusions devant le premier juge, antérieures à l'ordonnance de clôture du 15 octobre 2013, la société Paris Gestion n'a présenté aucune demande de rappel de charges pour les années 2011 et 2012. Elle n'a pas davantage présenté une telle demande devant la cour dans ses conclusions du 12 novembre 2014, se bornant à demander le paiement d'un rappel de charges pour les années 2005 à 2010. Ce n'est que dans ses conclusions du 27 septembre 2018 que la société Paris Gestion présente pour la première fois une demande en paiement au titre des exercices 2011 et 2012. Ainsi, cette demande est irrecevable par l'effet de l'écoulement du délai de prescription.

*Sur l'existence d'un trop versé:

La société Paris Gestion ne produit que les tableaux réalisés par ses soins, et les appels de charges, insuffisants à rapporter la preuve des charges alléguées et de leur paiement. Il doit en conséquence être appliqué le forfait de 89 121,70 € HT.

Il ressort des appels de charges adressés par le bailleur à la société Boulanger, qu'au titre de la quote part des charges communes, il a été demandé les sommes hors taxe suivantes:

Années: Provisions

2011-----------------145 433,86 €

2012-----------------148 326,46 €

2013-----------------156 601,77 €

2014-----------------155 453,26 €

2015-----------------159 609,98 €

2016----------------158 828,32 €

2017----------------62 2015,46 €

Total--------------1 086 469,11 € TTC.

La société Boulanger ne justifie pas d'avoir réglé davantage.

Il convient en conséquence de calculer ainsi le trop versé hors taxe, année par année :

Années: sommes versées : forfait HT: trop versé HT : TVA: trop versé TTC:

2011---------145 433,86 €---------89 121,70 €----56 312,16 €------19,6%---------74 745,81

2012---------148 326,46 €---------89 121,70 €-----59 204,76 €------19,6%--------70 808,89 €

2013--------156 601,77 €---------89 121,70 €-------67 480,07 €-----19,6%--------80 706,16 €

2014--------155 453,26 €--------89 121,70 €-------66 331,56€-------20%-----------79 597,87 €

2015--------159 609,98 €-------89 121,70 €-------70 488,28 €--------20%----------84 585,93 €

2016-------158 828,32 €------- 89 121,70 €-------69 706,62 €--------20%---------83 647,94 €

2017-------162 215,46 €---------89 121,70 €----------73 093,76 €-----20%---------87 712,51 €

Total du trop versé-----------------------------------------------------------------------561 805,11 € TTC

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Boulanger de sa demande et la société Paris-Gestion sera condamnée au paiement de la somme de 561 805,11 € outre intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2018, date de sa demande par conclusions valant mise en demeure.

Par voie de conséquence, la société Paris Gestion sera déboutée de sa demande en paiement de rappel de charge.

Sur la taxe foncière:

La taxe foncière est un impôt dont le redevable légal est le propriétaire du local. Toutefois, par disposition contractuelle, la charge peut en être reportée sur le locataire.

En l'espèce, la société Paris-Gestion, locataire, ne peut reporter sur le sous-locataire, le paiement de taxe foncière dont elle a supporté la charge, que dans la mesure où les dispositions contractuelles prévoit cette possibilité.

Aux termes de l'article 30 du contrat de sous location : « Le sous-locataire devra acquitter tous les impôts, taxes relatifs aux locaux sous-loués (contribution mobilière, taxe professionnelle, etc..) ainsi que les charges de ville, de police, de voirie, de manière que le locataire principal ne puisse être aucunement recherché à ce sujet. Il devra justifier, à toute réquisition du locataire principal, notamment en fin de contrat, de la mise à jour de sa situation. »

Il résulte de ces dispositions que le sous-locataire doit être à jour des paiements d'impôts qu'il verse directement aux services fiscaux. Dès lors, il ne peut être utilement invoqué par la société Paris Gestion pour demander à son sous locataire le remboursement d'une taxe qui ne fait l'objet que d'un report de charge.

Il résulte des dispositions de l'article 29.1 du contrat que les charges communes comprennent « les impôts fonciers et taxes annexes »

Le règlement intérieur du centre commercial, qui a valeur contractuelle ainsi qu'il est précisé en page 5 du contrat, prévoit en son article 5 intitulé « Charges communes du centre commercial » une liste des charges communes, au nombre desquelles « les impôts fonciers et les taxes connexes grevant les parties communes et ceux grevant les parties privatives tant que le service des contributions directes ne les aura pas répartis entre les divers propriétaires ou ayants droits et les commerçants ».

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une quote part de la taxe foncière supportée par la société Paris Gestion est récupérable par celle-ci sur la société Boulanger au titre de la quote part des charges communes. Il ressort des « éditions du réalisé » établies par la société Paris Gestion pour les années 2007 à 2010, et des appels de fonds envoyés pour les années suivantes, que c'est ainsi que la société Paris Gestion a procédé.

La société Boulanger allègue avoir versé la somme de 504 348,07 € au titre de la taxe foncière des exercices des années 2007 à 2017 mais ne justifie d'aucune somme versée au titre de la taxe foncière, distinctement des provisions qu'elle a versées au titre des charges communes. Il en résulte que dès lors qu'elle prospère en sa demande de remboursement du trop versé au titre des charges communes, ce remboursement inclut le trop versé de taxe foncière par rapport au paiement du à ce titre. Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande distincte au titre de la taxe foncière.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a:

Débouté la société Boulanger de sa demande de remboursement de trop perçu au titre des charges communes;

Condamné la société Boulanger à payer à la société Paris Gestion la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles;

Statuant à nouveau, et y ajoutant pour la période qui n'avait pas été comprise dans les demandes présentées devant le premier juge:

Condamne la société Paris Gestion à restituer à la société Boulanger :

*la somme de 315 959,65 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'acte introductif d'instance au titre des provisions sur charges communes versées pour les années 2006 à 2010;

*la somme de 561 805,11 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2018 au titre des provisions sur charges communes versées pour les années 2011 à 2017;

Déboute la société Boulanger du surplus de ses demandes au titre du remboursement des provisions versées sur les charges communes;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions;

Y ajoutant;

Dit que la clause 1°) de l'article 29.1.1 du contrat doit être interprétée en ce que pour une augmentation du budget inférieure ou égale à 10% l'augmentation de la quote part des charges communes est calculée au prorata de l'augmentation du budget, sans pouvoir excéder le plafond de 2,5%, majoré de l'indice INSEE National de la construction entre les deux années considérées.

Déclare irrecevable la demande de la société Paris-Gestion en paiement d'un rappel de charges au titre des années 2011 et 2012;

Déboute la société Paris-Gestion du surplus de sa demande en paiement rappel de charges;

Dit que la taxe foncière est récupérable par le bailleur sur le preneur au titre des charges communes;

Condamne la société Paris-Gestion à payer à la société Boulanger la somme de 6 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Déboute la société Paris-Gestion de sa demande au titre des frais irrépétibles;

Condamne la société Paris-Gestion aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/01640
Date de la décision : 27/11/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/01640 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-27;18.01640 ?
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