DEFERE
8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°115
R.G : N° RG 18/00534 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OR7B
M. F... W...
C/
-SA ENGIE ENERGIE SERVICES - ENGIE COFELY
-Etablissement COFELY CENTRE OUEST (CO)/K...
Déféré : infirmation de l'OCME n°173 du 14/12/2018
Caducité de la D.A
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MARS 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
GREFFIER :
Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et Monsieur Philippe RENAULT, lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Février 2019
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mars 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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DEMANDERESSE au déféré et intimée :
La SA ENGIE ENERGIE SERVICES - ENGIE COFELY agissant par ses représentants légaux et ayant son siège
[...]
prise en son Etablissement :
COFELY CENTRE OUEST (CO)/ K...
[...]
[...]
représentée par Me Kattalin MENUGE substituant à l'audience Me Elodie STIERLEN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Avocats au Barreau de RENNES
DEFENDEUR au déféré et intimé :
Monsieur F... W...
né le [...] à NEUSTADT ANDER WEINSTRASSE (Allemagne)
demeurant [...]
[...]
représenté par Me Pierre-thomas CHEVREUIL substituant à l'audience Me Erwan BARICHARD, Avocats au Barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE :
Par jugement du 21 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Nantes a notamment dit que le licenciement de Monsieur F... W... était justifié par une faute grave mais a condamné la société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CENTRE OUEST / établissement secondaire de Coueron) à lui payer, d'une part, une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation en matière de santé et de sécurité, et, d'autre part, une somme de 950 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 janvier 2018, Monsieur W... a interjeté appel de cette décision.
Le 5 février 2018, un conseiller de la mise en état a été désigné.
Le 19 avril 2018, Monsieur W... a déposé ses conclusions au greffe et les a notifiées à la Selarl [...] qui était l'avocat de l'employeur en première instance.
La société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CO / K...) a constitué avocat en la personne de la Selarl [...] le 17 juillet 2018.
L'intimé a conclu au fond le 19 juillet 2018.
Entre temps et par conclusions d'incident du 18 juillet 2018, la société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CO / K...) a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande aux fins que la déclaration d'appel de Monsieur W... soit déclarée caduque faute pour l'appelant de lui avoir signifié ses conclusions dans le mois suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
Monsieur W... s'est, par conclusions d'incident du 9 octobre 2018, opposé à cette demande, soutenant que le greffe n'ayant pas délivré l'avis prévu par l'article 902, il ignorait que l'intimé n'avait pas constitué avocat, ce d'autant que la Selarl [...] à laquelle ses conclusions au fond ont notifiées le 19 avril 2018, n'a pas protesté en les recevant.
Par ordonnance du 14 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande tendant à la caducité de la déclaration d'appel de Monsieur W..., l'avis de l'article 902 ne lui ayant pas été adressé et le délai de l'article 911 n'ayant donc pas commencé à courir.
Le 27 décembre 2018, la société ENGIE ENERGIE SERVICES a déféré cette ordonnance à la cour à laquelle elle demande de l'infirmer et de prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
Elle soutient que Monsieur W..., ayant interjeté appel le 19 janvier 2018, ne lui a pas fait signifier ses conclusions dans les délais des articles 908 et 911 du code de procédure civile alors qu'elle n'a constitué avocat que bien après le terme de ces délais, le 17 juillet 2018.
Elle rappelle que l'absence d'avis délivré par le greffe n'est pas de nature à justifier la défaillance de l'appelant.
Elle ajoute que la force majeure n'est pas constituée puisque le RPVA permet sans difficulté à l'appelant de vérifier si l'intimé a constitué avocat.
Dans ses dernières écritures (30 janvier 2019) Monsieur W... demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de mise en état,
- constater que le greffe de la cour d'appel n'a pas émis d'avis de non constitution d'avocat de l'intimé,
- constater la notification à la cour, à la Selarl [...] des conclusions de l'appelant dans le délai légal de trois mois,
- constater la notification à la cour et à Me BARICHARD des conclusions de l'intimé dans le délai légal de trois mois,
- en déduire que l'absence de signification par l'appelant a été causée par le manquement de la cour à son obligation d'émettre un avis, lequel est constitutif d'un cas de force majeure,
- relever que l'absence de signification ne crée pas en l'espèce ni de grief à l'intimé, ni une atteinte au principe de contradiction des droits de la défense,
- en conséquence, rejeter la demande de caducité formée par l'intimé et confirmer la décision de mise en état,
- condamner la société GDF SUEZ ENERGIE SERVICES et COFELY CO / K... à lui payer une somme de 1200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que, la cour ne l'ayant pas avisé de l'absence de constitution d'avocat de l'intimée, les délais pour faire signifier la déclaration d'appel et ses conclusions prévus par les articles 902, 908 et 911 du code de procédure civile n'ont pas commencé à courir.
Il rappelle qu'il a notifié aux avocats de son adversaire ses conclusions dans le délai de trois mois et observe que ce dernier a normalement pu préparer sa défense comme en attestent les conclusions de 26 pages déposées deux jours après la constitution de son avocat, qu'avec malice il attendu le 18 juillet pour soulever un incident tendant à la caducité de l'appel.
Il invoque également l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
SUR CE :
L'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. L'article 911 al 1er prévoit que «'sous les sanctions prévues aux articles... 908, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat'».
En l'occurrence, si Monsieur W... a bien conclu au fond dans le délai de l'article 908 (en l'espèce le 19 avril 2018), il n'a pas signifié ses écritures dans le mois qui a suivi à son adversaire lequel n'avait pas constitué avocat.
Pour échapper à la caducité de sa déclaration d'appel, Monsieur W... ne peut utilement se prévaloir de la notification de ses conclusions effectuée le 19 avril 2018 à l'avocat de la société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CO / K...) en première instance puisque celui-ci ne s'était pas constitué devant la cour ni du fait que le greffe ne lui ait pas adressé l'avis prévu par l'article 902 lequel est sans effet sur les délais donnés à l'appelant pour déposer et signifier ses conclusions.
L'absence de cet avis ne peut non plus constituer un cas de force majeure puisque, d'une part, Monsieur W... n'avait été destinataire d'aucune constitution d'avocat au nom de son adversaire ce qui lui permettait de supposer que tel était le cas et qu'il devait en tirer toute conséquence, et que, d'autre part, une simple consultation du RPVA lui aurait permis de constater que la société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CO / K...) n'avait effectivement pas constitué avocat.
La circonstance, également soutenue, que l'intimé qui a normalement pu préparer sa défense, n'a subi aucun grief, est indifférente puisque le prononcé de la caducité n'en suppose pas la démonstration (Cass. Civ.2, 28 septembre 2017, n° 16-23151).
Enfin, les dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile et les délais qu'ils prévoient n'apportent pas une restriction disproportionnée à l'accès effectif au juge d'appel et ne sont donc pas contraire à l'article 6'§ 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour peu que l'appelant conclut et signifie ses écritures dans les délais parfaitement clairs prévus par ces textes dont l'objectif est d'assurer la célérité et l'effectivité de la procédure d'appel.
Il s'ensuit que la déclaration d'appel de Monsieur W... doit être déclarée caduque faute pour lui d'avoir signifié ses écritures au fond à l'intimé dans le délai de l'article 911.
L'ordonnance déférés sera donc infirmée.
Partie succombante, Monsieur W... sera condamné aux dépens et devra verser à son adversaire une somme de 1200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement :
Vu les articles 908, 911 et 902 du code de procédure civile, 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Infirmons l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 décembre 2018.
Statuant à nouveau :
Déclarons caduque la déclaration d'appel de Monsieur W... en date du 19 janvier 2018.
Condamnons Monsieur W... aux dépens.
Le condamnons à verser à la société ENGIE ENERGIE SERVICES (ENGIE ' COFELY CO / K...) une somme de 1200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,