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03/07/2020 | FRANCE | N°18/04664

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 juillet 2020, 18/04664


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°228



N° RG 18/04664 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-O7X6













M. [S] [K]



C/



SA TAPIS SAINT MACLOU

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUI

LLET 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



En chambre du Consei...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°228

N° RG 18/04664 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-O7X6

M. [S] [K]

C/

SA TAPIS SAINT MACLOU

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JUILLET 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

En chambre du Conseil sanitaire du 05 Juin 2020 en application de l'article 6 alinéa 3 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Juillet 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [S] [K]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 11] (Nord)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

ayant Me Axel DE VILLARTAY de la SCP VIA AVOCATS, Avocat du Barreau de RENNES, pour postulant et représenté par Me Claire COLINET substituant à l'audience Me Emmanuel HUMEAU, Avocats plaidants du Barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉE :

La SA TAPIS SAINT MACLOU prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe BODIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES

et par Me Arnaud THIERRY substituant à l'audience Me Romain THIESSET, Avocats plaidants du Barreau de LILLE

M. [S] [K] a été embauché par la SA TAPIS SAINT MACLOU le 31 mars 2014, avec reprise d'ancienneté acquise au sein de la société WELDOM, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Directeur régional, statut cadre, groupe 7, niveau 1 et percevait dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective du négoce de l'ameublement, un salaire composé d'une partie fixe de 5.500 € brut et d'une partie variable individuelle pouvant aller jusqu'à 30% (19.800 €), 80% de la part variable (15.840 €) étant garantis la première année.

Le 11 juillet 2016, M. [K] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire assortie d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 21 juillet 2016, avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 25 juillet 2016.

Le 15 septembre 2016, M. [K] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de faire juger son licenciement abusif et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre de la SA TAPIS SAINT MACLOU :

- 10.545,36 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22.597,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.259,20 € au titre des congés payés afférents,

- 2.824,98 € au titre de la mise à pied conservatoire,

- 282,50 € au titre des congés payés afférents,

- 97.921,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 22.597,20 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et frustratoire,

- 7.231,10 € au titre de rappel de salaire au titre d cela prime annuelle du mois de décembre,

- 723,11 € au titre des congés payés afférents,

- 6.327,22 € au titre de rappel de salaire au titre de la prime annuelle du mois d'avril,

- 632,72 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Exécution provisoire.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 11 juillet 2018 par M. [S] [K] contre le jugement du 14 juin 2018, notifié le 19 juin 2018, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, débouté la SA TAPIS SAINT MACLOU de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné M. [K] aux entiers dépens.

Vu l'avis fixant la clôture de la procédure au 19 mai 2020 et l'audience de plaidoiries au 5 juin 2020,

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 23 mars 2020 par lesquelles M. [K] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

' Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Dire que les conditions de rupture de son contrat de travail sont vexatoires et frustatoires,

' Constater que la SA TAPIS SAINT MACLOU ne lui a pas versé sa prime annuelle,

' Condamner la SA TAPIS SAINT MACLOU à lui verser :

- 10.545,36 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22.597,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.259,20 € au titre des congés payés afférents,

- 2.824,98 € au titre de la mise à pied conservatoire,

- 282,50 € au titre des congés payés afférents,

- 97.921,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 22.597,20 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et frustratoire,

- 7.231,10 € au titre de rappel de salaire au titre de la prime annuelle du mois de décembre,

- 723,11 € au titre des congés payés afférents,

- 6.327,22 € au titre de rappel de salaire au titre de la prime annuelle du mois d'avril,

- 632,72 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner la SA TAPIS SAINT MACLOU à rembourser à Pôle Emploi les indemnités versées,

' Condamner la SA TAPIS SAINT MACLOU à lui remettre les documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir,

' Condamner la SA TAPIS SAINT MACLOU aux entiers dépens de l'instance.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 18 mai 2020 par lesquelles la SA TAPIS SAINT MACLOU demande à la cour de :

' Confirmer le licenciement pour faute grave de M. [K],

' Confirmer le jugement,

' Débouté M. [K] de l'intégralité des demandes relatives au licenciement et de rappel de salaire,

A titre subsidiaire,

' Constater que M. [K] ne produit aucun élément de nature à établir la réalité comme l'importance de son préjudice,

' Limiter par conséquent le montant des dommages et intérêts qui seraient alloués à une somme représentant 6 mois de salaire,

En tout hypothèse,

' Débouter M. [K] de sa demande relative à l'indemnisation du caractère prétendument vexatoire de son licenciement,

' Condamner M. [K] au paiement d'un indemnité d'un montant de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture :

Pour infirmation et pour absence de cause réelle et sérieuse, M. [S] [K] fait essentiellement plaider que les faits qui lui sont imputés, tels que retenus par les premiers juges, figurent sur la liste des frais par région (pièce 26) dont l'employeur avait déjà connaissance au 28 juin 2016, que chaque note de frais était contresignée par son supérieur, de sorte que l'employeur qui l'a licencié le 25 juillet 2016, ne peut donc prétendre avoir découvert ces faits à la faveur d'un contrôle ponctuel, que par conséquent mis à part les frais de parking de 3 €, les manquements qui lui sont imputés étaient prescrits.

M. [S] [K] ajoute que l'employeur ne produit aucun élément concernant la pizza à 13,80 €, les frais de parking dont une partie est prescrite, qu'il est soutenu que la charte était connue par lui, sans qu'il soit démontré qu'il avait connaissance de la note informative invoquée qui avait été communiquée en 2013 alors qu'il n'était pas dans la société. S'agissant des frais essence, il était admis qu'il puisse utiliser le véhicule à des fins personnelles dans rayon de 50 km, que les pleins d'essence effectués à trois reprises le vendredi et le lundi, l'ont été à 9h le vendredi et le lundi à 18 h15, qu'aucune pièce n'est produite concernant les fausses notes de frais à hauteur de 151 €, qu'en réalité il a fait l'objet d'un licenciement économique déguisé, que le nombre de directeurs de région aujourd'hui réduit à 7, avait déjà été ramené à 10 à son départ 10 régions même s'il a effectivement été remplacé.

Pour confirmation et rejet de l'exception tirée de la prescription, la SA SAINT MACLOU soutient que les nouveaux faits commis par le salarié ont réactivé les faits plus anciens de même nature, qu'en effet, un seul fait de même nature permet de retenir les autres faits, que la contre signature par le supérieur hiérarchique des notes de frais est indifférente et n'exclut pas qu'elles puissent être contrôlées , en vérifiant sur la base de la comparaison entre les relevés et les notes, que le salarié ne peut prétendre qu'il n'avait pas connaissance des règles applicables, que l'engagement d'une procédure ne doit pas être nécessaire pour rappeler qu'il n'y a pas à se soustraire aux règles applicables, en usant de manoeuvre, notamment concernant la nuit d'hôtel à 10 km de chez lui pour deux personnes en 2014 en faisant rectifier la facture par le retrait de la mention de "Madame", la modification de la date mais sans faire modifier le montant y compris s'agissant les deux taxes de séjour.

L'employeur entend également relever les manoeuvres concernant le remboursement des frais de parking déjà réglés par la carte de la société et la distorsion entre le kilométrage parcouru avec le véhicule et le nombre de litres de carburant achetés, la règle relative aux déplacements privés autorisés dans un rayon de 50 km excluant la prise en charge du carburant.

En ce qui concerne le licenciement économique déguisé allégué, la SA SAINT MACLOU rétorque que l'intéressé qui a été remplacé quasi immédiatement, ne peut se prévaloir de la modification du nombre de régions trois ans plus tard.

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ; l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

'Comme nous vous l'avons rappelé lors de cet entretien préalable, vous avez une parfaite connaissance des règles et procédures applicables au sein de l'entreprise s'agissant des frais professionnels et de remboursement.

Ce que vous n'avez pas contesté.

En effet, nous avions déjà eu l'occasion de vous les rappeler au début de l'année 2015, vous mettant à cette occasion en demeure de les respecter lorsque vous aviez indûment demandé le remboursement de frais d'hôtellerie qui n'avaient pas un caractère professionnel.

Nous vous rappelons effectivement que, au mois de décembre 2014, vous aviez tenté de vous faire rembourser une facture d'hôtel au nom de Madame, Monsieur [K], pour une nuitée du vendredi 5 décembre au samedi 6 décembre 2014, à l'hôtel Saint James de [Localité 7], à 35 km au sud de [Localité 13], alors que votre périmètre de responsabilités s'arrête à [Localité 13] et que vous habitez à [Localité 5], à 22 km au sud de [Localité 13].

Cette facture d'hôtel comportait 2 taxes de séjour, indiquant le séjour de 2 personnes.

Vous aviez donc cherché à vous faire rembourser une nuit d'hôtel pour 2 personnes à 15 km de votre domicile, un vendredi soir.

L'assistante de réseau s'en était étonnée auprès de vous et vous lui aviez indiqué à l'époque qu'il s'agissait d'une erreur de l'hôtel et que vous alliez produire une nouvelle facture.

Celle-ci vous avait relancé mais vous n'aviez pas pu produire de nouvelle facture.

Vous nous aviez alors demandé finalement de ne pas prendre en compte celle-ci dans votre remboursement de note de frais.

Quelques jours plus tard, vous aviez pourtant produit de nouveau une facture d'un hôtel Ibis à [Localité 14], à 36 km de votre domicile, pour une nuitée du mercredi 17 au jeudi 18 décembre au soir, au prétexte d'éviter les bouchons lors de vos déplacements.

C'est dans ce contexte que votre responsable hiérarchique, [L] [D], vous avait donc alerté expressément, le 20 janvier 2015, lors d'une réunion des directeurs régionaux sur la connaissance de ces faits et attiré votre attention sur la régularité et le bon respect des procédures.

En dépit de cette sérieuse alerte de votre manager, nous avons constaté à l'occasion de la revue semestrielle des frais, fin juin 2016, de nouveaux faits en lien avec les demandes de remboursements indus de frais.

En premier lieu, il apparaît que vous vous êtes fait rembourser, le 4 avril 2016, une pizza pour 13,80 € à 19 heures 34 au lieu de votre domicile à [Localité 5], et donc sans lien avec une quelconque contrainte professionnelle.

Vous nous avez expliqué lors de l'entretien qu'il vous arrivait exceptionnellement de mettre sur vos notes de frais un repas du soir, notamment lorsque vous aviez eu une longue journée de travail et que vous n'aviez pas pu déjeuner le midi.

Nous comprenons donc de votre explication qu'il ne s'agissait pas d'une erreur mais d'un choix assumé de votre part de faire supporter à l'entreprise des frais indus le soir, prétendument en compensation de frais non-engagés le midi.

Surtout, nous avons découvert que vous vous faites régulièrement rembourser par notes de frais des frais déjà payés par la société à l'aide de la carte TOTAL mise à votre disposition et qui permet en effet d'effectuer certains paiements qui sont directement facturés à la société (frais d'essence dans le réseau TOTAL, péages, parkings, ...).

Précisément, nous avons à ce jour relevé 31 remboursements abusifs sur la période courant du 3 avril 2015 au 3 juin 2016, pour un montant total de 461,70 € correspondant à des frais de parking dont vous avez demandé le remboursement alors qu'ils avaient déjà été pris en charge directement par la société.

Lors de l'entretien, vous nous avez expliqué avoir créé un compte bancaire spécifique afin de gérer vos frais professionnels à part de votre "compte joint personnel", et qu'à l'occasion de la création de ce compte, vous auriez utilisé une nouvelle carte bancaire afin de payer des frais de parking.

Pour votre part, il s'agit donc d'erreurs non-intentionnelles.

Au vu de vos explications, nous ne pouvons toutefois que constater que celles-ci ne nous permettent aucunement d'expliquer vos 31 remboursements sur notes de frais pour des frais de parking déjà payés par la société par l'intermédiaire de votre carte TOTAL et non avec votre carte de paiement personnelle.

Par ailleurs, il est important de préciser que nous n'avons pas constaté ce type de demande de remboursement avant le 3 avril 2015, alors que vous étiez déjà en possession de la carte TOTAL puisque vous avez été embauché depuis le 31 mars 2014 et que vous l'utilisiez conformément aux règles applicables.

Vous aviez donc en réalité une parfaite connaissance du fonctionnement de cette carte.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que conclure que cette man'uvre est intentionnelle et répétée.

Enfin, nous avons également découvert des anomalies concernant vos frais de carburant qui excèdent largement votre consommation professionnelle.

Pour exemple, nous avons constaté entre le 24 février 2016 et le 4 mars 2016, 4 opérations à la pompe pour un total de 124,08 litres, alors que vous n'avez parcouru que 407 km entre la première opération à la pompe et la quatrième, alors que votre voiture ne dispose que d'un réservoir de 71 litres.

Sur ce point, vous ne nous avez fourni aucune explication satisfaisante.

Nous constatons également 3 opérations à la pompe, les 18, 19 et 20 avril 2016, pour un total de 140,26 litres, alors que vous n'avez parcouru que 574 km entre la première opération à la pompe et la troisième.

Vous nous avez expliqué être en déplacement à [Localité 6] le 18 avril pour un entretien préalable, puis le 18 avril au soir en dîner professionnel à [Localité 9], le 19 avril à [Localité 12] et le 20 avril avec le directeur expansion sur [Localité 13] et [Localité 10].

Or, ces explications ne nous ont pas convaincus.

En effet, le repas du 18 avril au soir avec 5 personnes s'est tenu à [Localité 7], à 15 km de votre domicile, et qu'un plein a été fait le même jour à 18 heures 18 pour 50,22 litres.

Nous constatons que vous refaites un plein dès le lendemain matin à 9 heures 20, pour 47,51 litres, à [Localité 15], à 121 km de votre domicile sur le trajet aller en direction de [Localité 12].

Par ailleurs, sur la même période étudiée, nous avons constaté pas moins de 12 opérations à la pompe le vendredi soir, et pour 5 d'entre elles suivies d'une nouvelle opération dès le lundi suivant, vous permettant ainsi de rouler le week-end aux frais de l'entreprise.

Vous avez pourtant été parfaitement informé sur la conduite à tenir quant aux frais d'essence engagés à titre privé, dont vous avez fait supporter les frais à l'entreprise.

En effet, l'article 8 de votre contrat de travail stipule : « Monsieur [S] [K] est autorisé à utiliser son véhicule à des fins personnelles, étant entendu que les frais d'essence engagés dans le cadre de cette utilisation à titre privé ne seront en aucun cas pris en charge par l'entreprise, conformément à la charte d'utilisation de véhicule dûment signée ».

Cette charte vous a été envoyée par courrier le 9 septembre 2015.

Vous comprendrez dans ces conditions que vos explications ne nous ont pas convaincus.

Nous considérons que ces agissements frauduleux sont en totale inadéquation avec votre fonction de directeur régional.

Pour ces raisons, nous avons décidé de poursuivre la procédure et de rompre immédiatement votre contrat de travail.

En ce qui concerne la prescription, il n'est pas discuté que le dernier manquement imputé à M. [S] [K] concerne la demande de remboursement d'une somme de 3 € correspondant au règlement de l'occupation d'une place de stationnement du vendredi 3 juin 2016 qui n'étant pas prescrite, permet de réexaminer les faits de même nature antérieurs à cette période, dans la même limite temporelle et ainsi de suite, à la condition qu'ils soient établis, étant relevé que l'employeur ne produit aucune pièce établissant la réalité de la revue semestrielle des frais de fin juin 2016 dont il se prévaut, au cours de laquelle auraient été découverts de nouveaux faits en lien avec des demandes de remboursement indus de frais.

Ceci étant, si l'employeur produit effectivement des tableaux des consommations de carburant, de frais de stationnement et de péage, ainsi que le justificatif de l'achat d'une pizza le 4 avril 2016 (pièce 16) et les factures de deux nuits d'hôtel du 5 décembre 2014 (pièce 12) et du 17 décembre 2014 (pièce 14), il ne produit aucun autre document établissant la réalité des demandes de remboursement de frais correspondant à des sommes exposées par la société qui permettrait à la cour d'apprécier le bien fondé des manquements imputés à M. [S] [K] .

La demande de remboursement indu pour le stationnement du 3 juin 2016 n'étant pas discutée, elle permet à l'employeur de reprocher à M. [S] [K] la demande de remboursement relative à la pizza acquise à 19h34 le 4 avril 2016 qui de ce fait n'est pas prescrite.

La justification de M. [S] [K] selon laquelle il n'aurait pas été en mesure de prendre son déjeuner, n'étant pas sérieuse, le manquement imputé à l'intéressé est établi.

En revanche, le détail des pleins de carburant produit par l'employeur (pièce 19), ne met en évidence que deux concommittances entre deux pleins de carburant un vendredi et un lundi (le 29 janvier 2016 à 9h12et le 1er février 2016 à 18h 48 ; le vendredi 1er avril 2016 à 18h17 et le lundi 4 avril 2016 à 15h58), portant pour le premier sur un complément de plein de 41 litres pour 218 km parcourus et pour le second de 23,83 litres pour 573 km parcourus, sans que ces rapports soient en eux mêmes significatifs, puisque dépendants d'autres facteurs tels que la nature et des conditions de la conduite (urbain, voies rapides, fluides ou non) et les quantités antérieurement présentes dans le véhicule.

A cet égard, le grief relatif aux pleins des 18 et 20 avril 2016 également imputé au salarié à raison de la distorsion entre les quantités acquises et le kilométrage parcouru, fait abstraction du plein de 3,14 litres réalisé le 7 avril 2016 et de la même manière, la présentation par l'employeur des pleins réalisés entre le 24 février 2016 et le 4 mars 2016 pour un total de 93,04 litres pour 407 km fait abstraction du rapport entre les faibles quantités acquises les 22 février 2016 (28,49 litres) et 11 mars 2016 (24,21 litres) au regard des distances parcourues (472 km pour le 22 février ; 479 km pour le 11 mars) et ne peut donc être retenue de manière isolée pour caractériser le grief imputé à faute au salarié.

Dans ces conditions, ni le grief relatif à l'usage abusif du véhicule à des fins personnelles, ni celui d'une consommation de carburant sans rapport avec ses déplacements professionnels ne sont établis, étant relevé qu'il n'est justifié par l'employeur ni de la communication au salarié, ni de la signature par ce dernier de la charte d'utilisation du véhicule à laquelle renvoie l'article 8 de son contrat de travail, que ladite charte produite par le salarié, ne subordonne l'utilisation du véhicule de fonction pour les déplacements privés à l'achat du carburant par le salarié, qu'au delà de 50 km de son domicile.

Il résulte de ce qui précède que ne peuvent donc être imputés à faute au salarié que les manquements relatifs au remboursement des frais de stationnement de 3 € et d'achat d'une pizza pour un montant de 13,80 €.

En l'absence d'antécédent disciplinaire et en l'absence de production de la mise en garde de janvier 2015 alléguée, la sanction infligée au salarié auquel il est vainement reproché les demandes de remboursement de nuitées d'hôtel à proximité de son domicile dix neuf mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, par l'employeur qui disposait d'une hiérarchie de sanctions adaptées, apparaît disproportionnée, de sorte que le licenciement intervenu dans ces circonstances est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement étant réformé de ce chef.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [S] [K] âgé de 49 ans avait lors de la rupture, une ancienneté de 2 ans et 4 mois, outre la reprise d'ancienneté de 5ans pour le calcul des indemnités contenues dans la promesse d'embauche et a perçu 44.580, 73 € au cours des six derniers mois d'emploi.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte de l'ancienneté précitée ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l'égard de l'intéressé qui ne justifie pas de sa situation à la suite du licenciement, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, aux indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, en tenant compte de l'ancienneté reprise à ce titre, pour les sommes non autrement contestées.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

A l'appui de la prétention formulée à ce titre, M. [S] [K] fait non seulement valoir qu'il a été licencié de manière injuste dans la mesure où le secteur sur lequel il intervenait a réalisé un chiffre d'affaires conséquent pour lequel il a été félicité mais également pour les circonstances et conditions dans lesquelles son supérieur lui a annoncé que la société entendait s'en séparer.

La SA SAINT MACLOU réfute l'argumentation du salarié, arguant de ce qu'il résulte des écritures de l'intéressé qu'il a été reçu dans le bureau du Directeur de l'Ibis de [Localité 8] et non dans un cagibi occupé par des produits d'entretien et d'hygiène.

En l'espèce, l'impact de l'annonce qui lui a été faite à l'issue de l'inauguration des locaux de l'hôtel Ibis où il séjournait à la suite de la réalisation qu'il avait pilotée, ne peut être négligé même abstraction faite des circonstances matérielles décrites par l'intéressé.

Le préjudice résultant de l'annonce par son supérieur, de la volonté de son employeur de vouloir s'en séparer pour perte de confiance à l'issue de l'inauguration précitée, distinct du préjudice moral précédemment indemnisé, doit être évalué à la somme de 5.000 €, la décision entreprise étant réformée de ce chef.

Sur le rappel de prime :

Pour infirmation et condamnation de son employeur à lui verser la prime de 8%, M. soutient qu'en application de l'article 5 du contrat de travail, il peut prétendre au paiement de cette prime d'un montant égale à 8% du montant du salaire annuel en "cas de réalisation du ou des objectifs qualitatifs fixés par le Directeur de réseau", qu'aucune disposition issue du contrat de travail ou de la convention collective applicable ne subordonne le versement de cette rémunération variable à la présence du salarié dans l'entreprise en décembre.

L'employeur rétorque des primes qui auraient dû lui être versées au mois de décembre et au mois d'avril, conformément aux dispositions de son contrat de travail mais que comme il le rappelle elles sont versées au mois de décembre et au mois d'avril de chaque année, ce qui suppose la présence du salarié concerné dans l'entreprise sur les mois considérés.

En l'espèce le salarié revendique le paiement de la prime de 8% qui est payée en fin d'année, toutefois, s'agissant d'une prime déterminée au regard d'objectifs qualitatifs et calculée sur le pourcentage du salaire annuel, le salarié qui n'était plus dans l'entreprise à la fin de l'année, ne peut y prétendre.

De la même manière, n'étant plus dans la société en avril 2017, il ne peut réclamer le versement de la prime de 7% versée au titre de l'atteinte des indicateurs de productivité fixé par le Directeur de réseau.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise de ce chef et de débouter M. [S] [K] des demandes formulées à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous ;

Sur le remboursement ASSEDIC :

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

DECLARE le licenciement de M. [S] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA TAPIS SAINT MACLOU à verser à M. [S] [K] :

- 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.545,36 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22.597,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.259,20 € au titre des congés payés afférents,

- 2.824,98 € au titre de la mise à pied conservatoire,

- 282,50 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

CONDAMNE la SA TAPIS SAINT MACLOU à remettre à M. [S] [K] les documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

CONFIRME la décision entreprise pour le surplus,

et y ajoutant

CONDAMNE la SA SAINT MACLOU à payer à M. [S] [K] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA SAINT MACLOU de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la SA SAINT MACLOU à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [S] [K] dans les limites des six mois de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SA TAPIS SAINT MACLOU aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/04664
Date de la décision : 03/07/2020

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°18/04664 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-03;18.04664 ?
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