1ère Chambre
ARRÊT N°455/2020
N° RG 19/00391 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PO5D
M. R... J...
C/
M. A... U...
Mme K... Q... épouse U...
SCI ALCESTE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2020
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Octobre 2020 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur R... J...
né le [...] à ROANNE (42300)
[...]
[...]
Représenté par Me Jean-Maurice CHAUVIN de la SELARL CHAUVIN JEAN-MAURICE, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur A... U...
né le [...] à VITRE
[...]
[...]
Représenté par Me Ronan BLANQUET, avocat au barreau de RENNES
Madame K... Q... épouse U...
née le [...] à VITRE
[...]
[...]
Représentée par Me Ronan BLANQUET, avocat au barreau de RENNES
La SCI ALCESTE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [...]
[...]
Représentée par Me Ronan BLANQUET, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Le 5 avril 2016, les époux A... U... et K... Q... ont acquis des consorts N... la parcelle [...] (maison et terrain), située [...] , à [...].
Le 2 novembre 2016, la SCI Alceste, dont les époux U... sont associés, a acquis des consorts N... la parcelle contigüe, cadastrée section [...] (terrain à bâtir), située [...] , à [...].
Le 8 novembre 2017, M. R... J... a acquis, de M. Q... Y..., la parcelle contigüe à ces deux parcelles, cadastrée section [...] (maison et terrain), située [...] .
A la demande des consorts N... et des époux U..., la société BGM, géomètres-experts, avait réalisé un plan de bornage entre les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], au contradictoire des propriétaires concernés, les consorts N..., M. E... H..., M. Q... Y..., les copropriétaires de l'immeuble situé [...] et les époux U.... Un procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limites daté du 23 décembre 2015 a été signé par les propriétaires.
Le 11 mai 2017, un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle [...] a été accordé aux époux U..., qui ont commencé les travaux en 2018.
M. J... s'est plaint de la destruction partielle d'un cabanon sur sa parcelle et de la clôture en ciment séparative des propriétés.
Le 28 juin 2018, il a assigné les époux U... et la SCI Alceste en bornage devant le tribunal d'instance de Rennes.
Par jugement du 6 décembre 2018, le tribunal d'instance a :
- déclaré irrecevable l'action en bornage de M. J... au motif que la limite séparative a été expressément définie par un procès-verbal de bornage du 23décembre 2015 et un plan, en accord entre les parties ou leurs auteurs,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- condamné M. J... aux dépens et à payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux défendeurs.
M. J... a fait appel le 18 janvier 2019 de l'ensemble des chefs du jugement.
Le 12 février 2019, les époux U... et la SCI Alceste ont assigné M. J... devant le tribunal de grande instance de Rennes afin qu'il soit condamné à enlever son véhicule de l'emprise de la parcelle [...] , telle qu'elle a été délimitée par le procès-verbal de bornage du 23 décembre 2015, et à retirer des tôles installées sur la clôture.
Par jugement du 8 avril 2019, le tribunal a :
- ordonné à M. J... d'enlever son véhicule et les tôles,
- avant dire droit, sur la revendication de propriété de M. J..., ordonné une expertise confiée à M. C... L..., avec la mission de fournir au tribunal tous éléments lui permettant d'apprécier la revendication d'une bande de terre de 45 cms environ le long de la délimitation fixée par le cabinet BGM.
Par ordonnance du 2 mai 2019 du juge de la mise en état, M. L... a été remplacé par M. G... D..., géomètre expert. L'expert a déposé son rapport le 17 juin 2020.
Dans le cadre de la présente procédure, M. J... expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 21 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Il demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- déclarer son action en bornage recevable,
- ordonner le bornage entre les parcelles [...] , d'une part, et [...] et [...], avec répartition de la provision sur frais par moitié entre les parties,
- débouter les intimés de toutes leurs demandes.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de surseoir à statuer sur sa demande de bornage dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Rennes, sur le fond, après le dépôt du rapport d'expertise de M. D....
Il demande à la cour de condamner les époux U... et la SCI Alceste solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux U... et la SCI Alceste exposent leur moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 21 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement,
- dire que le procès-verbal de bornage établi par la société BGM est régulier et qu'ils pourront faire poser les bornes par le géomètre de leur choix,
- rejeter la requête de M. J... et le débouter de toutes ses demandes.
A titre subsidiaire, s'il est fait droit à la demande de bornage de M. J..., ils demandent à la cour de dire qu'il paiera seul les provisions et les frais de bornage.
Ils demandent à la cour de condamner M. J... aux dépens et à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur l'irrecevabilité de la demande de bornage judiciaire
M. J... soutient que sa demande de bornage est recevable car d'une part, le procès-verbal de bornage du 23 décembre 2015 ne lui est pas opposable et d'autre part, aucune borne n'a été posée en exécution de ce procès-verbal.
Le premier juge a justement retenu que le procès-verbal de bornage du 23décembre 2015 était opposable à M. J....
En effet, si trois exemplaires du procès-verbal numérotés de 1 à 3 ont été versés à la procédure, dont deux sont datés du 23 décembre 2015 et un est daté du 23 décembre 2016, ils comportent en les rassemblant les paraphes et la signature des sept propriétaires et du représentant des copropriétaires concernés par le bornage ainsi que la signature du géomètre expert.
Ces trois exemplaires sont rédigés dans les mêmes termes et sont strictement identiques les uns avec les autres. La seule différence entre ces exemplaires résulte de la signature des parties au bornage.
Ils ont tous été signés par les parties au bornage, à l'exception des exemplaires n°s 1 et 2 qui n'ont pas été signés par M. Y..., qui n'a signé que l'exemplaire n°3, et de l'exemplaire n°3 qui n'a pas été signé par le représentant des copropriétaires et par M. H..., de telle sorte que le premier juge a pu en déduire que toutes les parties n'étaient pas présentes ensemble lors de la signature des procès-verbaux et que ceux-ci ont circulé pour réceptionner les signatures.
Pour autant, cette particularité n'a pas de conséquence sur la régularité du procès-verbal, signé, dans les mêmes termes, par toutes les parties concernées par le bornage.
M. J... soutient que le procès-verbal signé par M. Y... ne lui est pas opposable, parce qu'il a été signé le 23 décembre 2016, alors que M. Y... avait délivré à M. J..., locataire, un congé aux fins de vente, que M. J... a accepté l'offre d'acquisition le 27 avril 2016, qu'à compter de cette date la vente était parfaite et que M. Y... ne pouvait alors plus signer un procès-verbal de bornage comme propriétaire.
Comme le premier juge, la cour relève que le procès-verbal n°3 daté du 23décembre 2016, qui a été signé par M. Q... Y..., comporte une erreur matérielle.
Ce fait ressort du plan de bornage et de reconnaissance des limites, annexé aux trois procès-verbaux et signé par les propriétaires des parcelles concernées, qui porte la date du 23 décembre 2015. Il ressort également de ce que les trois procès-verbaux mentionnent que la visite des lieux a été faite le 21 décembre 2015 et d'un échange de courriel des 31 août et 1er septembre 2016 entre M.Y... et le notaire chargé de la vente Y... J... portant sur le procès-verbal de bornage.
Le chiffre 6 de la date 2016, qui manifestement avait été portée par erreur sur les trois exemplaires du procès-verbal, a été corrigé de façon manuscrite sur les exemplaires n°s 1 et 2 mais n'a pas été corrigé, de toute évidence, sur l'exemplaire n°3 signé par M. Y....
Enfin, les trois exemplaires du procès-verbal ont été annexés à l'acte authentique du 2 novembre 2016, portant cession de la parcelle [...] à la SCI Alceste, acte publié le 30 novembre 2016, avant donc la date du 12décembre 2016.
L'ensemble de ces faits démontrent que la date du 23 décembre 2016 sur l'exemplaire du procès-verbal signé par M. Y... est erronée et que la véritable date est celle du 23 décembre 2015.
Le procès-verbal de bornage du 23 décembre 2015 a donc bien été signé par M. Y..., auteur de M. J... et est opposable à celui-ci, peu important qu'il n'ait pas été joint à son acte d'acquisition du 8 novembre 2017.
Par ailleurs il n'est ni soutenu, ni démontré que le procès-verbal de bornage n'est pas valide. Sa signature donne une valeur contractuelle au bornage qui ne pourra pas être remise en cause par les propriétaires concernés.
Contrairement à ce que soutient M. J... dans ses conclusions, le tribunal d'instance n'a pas jugé que le bornage valait titre de propriété mais a jugé que le procès-verbal de bornage du 23 décembre 2015 valait titre de bornage ou de délimitation, dans le sens où le procès-verbal de bornage accepté par les parties et à partir duquel les bornes peuvent être implantées ne peut plus être remis en cause.
En effet le bornage, comme l'action en bornage, a seulement pour effet de fixer les limites entre les fonds et ne vaut pas titre de propriété.
Le procès-verbal stipule en page 5 que les parties acceptent que la matérialisation des repères nouveaux soit effectuée postérieurement à la signature du procès-verbal. Il n'est pas contesté qu'aucune borne n'a été posée par le géomètre expert en application de son procès-verbal.
Même si les bornes n'ont pas été posées sur le terrain, dès lors que l'accord des parties sur la délimitation de leurs propriétés respectives a été recueilli, qu'un procès-verbal de bornage a été régulièrement dressé et qu'il leur est opposable, toute demande de bornage judiciaire postérieure est irrecevable.
L'article 11 du procès-verbal le rappelle aux signataires : «'Il est rappelé que le procès-verbal de bornage dressé par un géomètre expert et signé par toutes les parties, fixe pour l'avenir les limites des propriétés et vaut titre. Le procès-verbal de bornage fait foi entre les signataires mais aussi entre les acquéreurs et les successeurs qui sont de droit subrogés dans les actions par leurs auteurs. Aucun nouveau bornage ne peut être réalisé, dès lors que le plan et le procès-verbal antérieurs ayant reçu le consentement des parties permettent de reconstituer sans ambiguïté la position de la limite.'».
En conséquence, le jugement sera confirmé pour avoir déclaré irrecevable la demande de bornage judiciaire de M. J....
2) Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer
La demande de bornage étant irrecevable, la demande de M. J... de sursis à statuer sur sa demande de bornage dans l'attente d'une décision du tribunal judiciaire de Rennes sur son action en revendication de propriété est sans objet.
3) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement qui a mis les dépens et une indemnité à la charge de M. J..., partie perdante, sera confirmé.
Partie perdante en appel, M. J... sera condamné aux dépens et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des époux U... et de la SCIAlceste les frais qu'ils ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Dit que la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Rennes est sans objet,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. R... J... aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE