4ème Chambre
ARRÊT N°173
N° RG 20/04331 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-Q47T
HR / JV
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTS :
Monsieur [H] [J]
né le 29 Avril 1955 à ANETZ (44150)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Arnaud FRON de la SELARL PFB AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
Madame [F] [K]
née le 06 Mars 1956 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Arnaud FRON de la SELARL PFB AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A. SMA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
C.S. 71201
[Localité 4]
Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.E.L.A.R.L. CABINET MICHEL LUCAS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Mathieu BARON de la SELARL GUEGUEN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique en date du 10 juin 2011, M. [H] [J] et Mme [F] [K] (les consorts [J]) ont acquis de la société Savane Nature une maison d'habitation en bois massif située à [Adresse 7] moyennant le prix de 460 000 euros.
Ayant constaté des infiltrations, les consorts [J] ont fait assigner la société Savane Nature devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'expertise par acte d'huissier en date du 29 février 2012.
Le 18 avril 2012, la société Savane Nature a attrait à la cause la société Sagena, assureur de la société ABCDY aujourd'hui liquidée, qui a construit la maison.
L'expertise a été ordonnée le 7 juin 2012.
La société Savane Nature a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 30 janvier 2013, la clôture des opérations de liquidation ayant été prononcée le 16 avril 2012 avec effet au 29 février 2012.
Les opérations d'expertise ont été étendues à la société de droit finlandais Kontiotuote Oy et à la société Cabinet Michel Lucas, architecte, les 20 juin 2013 et 4 septembre 2014.
M. [D] [N] a déposé son rapport le 10 avril 2017.
Par actes d'huissier en date des 21 et 28 novembre 2017, les consorts [J] ont fait assigner les sociétés SMA venant aux droits de Sagena et Cabinet Michel Lucas devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Par un jugement en date du 23 juillet 2020, le tribunal judiciaire a déclaré irrecevables leurs demandes à l'encontre de la société SMA en raison de la forclusion, les a déboutée de leurs demandes à l'encontre de la société Cabinet Michel Lucas en l'absence de preuve de l'existence d'un contrat avec la société Savane Nature et les a condamnés aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
M. [J] et Mme [K] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 10 septembre 2020.
L'instruction a été clôturée le 30 novembre 2021.
Par une note en cours de délibéré, à la demande de la cour, le conseil de la société Cabinet Michel Lucas a indiqué que la plainte pour faux et usage de faux avait été classée sans suite par le parquet de [Localité 8] le 15 mars 2017.
Par un arrêt en date du 10 février 2022, la cour a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des consorts [J] à l'encontre de la société SMA en raison de la forclusion, avant-dire droit sur les autres demandes, a ordonné la réouverture des débats à l'audience du jeudi 3 mars 2022 à 14 heures en invitant les parties à présenter leurs observations sur la fin de non recevoir soulevée d'office prise de la forclusion de l'action des consorts [J] à l'encontre de la société Cabinet Michel Lucas et réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 23 février 2022, la société SMA a demandé à la cour de lui décerner acte de ce qu'elle s'en rapportait à justice sur la forclusion. Elle a demandé la condamnation des consorts [J] à lui payer 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens.
Par conclusions du 1er mars 2022, M. [J] et Mme [K] demandent à la cour de :
- juger que le délai de forclusion n'est pas opposable au Cabinet Michel Lucas,
- déclarer recevables leurs demandes,
- dire que le Cabinet Michel Lucas a manqué à son obligation de conseil,
- le condamner à leur payer la somme de 990 759,42 euros à titre de dommages-intérêts, à savoir:
- valeur vénale de l'habitation et de ses équipements : 781 070 euros ;
- frais de remise en état du terrain et du jardin : 96 809,42 euros ;
- frais de déménagement : 3 480 euros ;
- frais de déconstruction : 59 400 euros ;
- perte de jouissance : 50 000 euros ;
- le condamner à payer les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise ;
- le condamner à leur payer la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance, en ce compris les frais d'expertise taxés à la somme de 17 374,78 euros.
Par conclusions du 2 mars 2022, la société Cabinet Michel Lucas a demandé à la cour de :
- à titre liminaire, prononcer l'irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées le 1er mars 2022 par les consorts [J],
- à titre principal, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes,
- à titre subsidiaire, déclarer les consorts [J] irrecevables en leurs demandes en raison de la forclusion,
- en toute hypothèse, condamner M. et Mme [J] ou tout succombant à lui payer la somme de 7 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance.
MOTIFS
L'ordonnance de clôture n'ayant pas été révoquée, les parties n'avaient pas la possibilité de formuler de nouvelles prétentions. Les écritures qu'elles ont déposé après la réouverture des débats ne seront prises en compte qu'en ce qu'elles répondent au moyen soulevé par la cour.
Les consorts [J] déclarent produire de nouvelles pièces faisant apparaître que Michel Lucas a créé six autres sociétés entre 2002 et 2018 dont ils ont extrait les signatures apposées sur les statuts ou leurs modifications pour démontrer leur similarité avec celle figurant sur les plans de leur maison. Ils en déduisent que la forclusion n'est pas applicable mais la prescription de l'article 2224 du code civil pour manquement au devoir de conseil sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en qualité de tiers puisqu'il dément être intervenu.
Force est de constater que les appelants poursuivent la société Cabinet Michel Lucas pour avoir signé les plans du permis de construire, c'est à dire en qualité de constructeur.
Devant la cour, comme en première instance, ils ont invoqué l'article 1792 du code civil.
L'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et non l'article 1240 puisque la position du défendeur est indifférente pour la qualification de l'action, est un moyen nouveau à l'appui de leurs prétentions qui aurait dû être présenté avant la clôture.
Quoi qu'il en soit, les dispositions de l'article 1792-4-1 du code civil s'appliquant quel que soit le fondement de l'action, la garantie décennale ou la responsabilité contractuelle de droit commun, ils disposaient d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux pour agir à l'encontre de l'architecte.
Le procès-verbal de réception avait été signé le 2 juin 2006. Les consorts [J] ne justifient d'aucun acte interruptif avant le 28 novembre 2017, l'assignation délivrée le 25 juin 2014 aux fins d'extension des opérations d'expertise l'ayant été à l'initiative de la société SMA. Leur action est donc forclose.
Il y a lieu de déclarer leurs demandes irrecevables par voie d'infirmation.
Les appelants sont condamnés aux dépens d'appel.
Les intimées sont déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement :
Vu l'arrêt en date du 10 février 2022,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [H] [J] et Mme [F] [K] de leurs demandes contre la société Cabinet Michel Lucas,
Statuant à nouveau,
DECLARE irrecevables les demandes de M. [H] [J] et Mme [F] [K] à l'encontre de la société Cabinet Michel Lucas,
CONFIRME les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société SMA et la société Cabinet [H] Lucas de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE M. [H] [J] et Mme [F] [K] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,