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13/05/2022 | FRANCE | N°17/02183

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 13 mai 2022, 17/02183


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°237



N° RG 17/02183 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-NZYR













SARL EUROPEAN SOFT



C/



M. [I] [P]

















Confirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022
>



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 20 J...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°237

N° RG 17/02183 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-NZYR

SARL EUROPEAN SOFT

C/

M. [I] [P]

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Janvier 2022

En présence de Madame [J] [V], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SARL EUROPEAN SOFT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

4 rue de Devon

44240 LA CHAPPELLE SUR ERDRE

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Bruno ROPARS de la SCPA ACR, Avocat plaidant du Barreau d'ANGERS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [I] [P]

né le 13 Juin 1979 à QUIMPER (29)

demeurant 5 Rue de Baiersdorf

35740 PACE

Représenté par Me Catherine PENEAU, Avocat au Barreau de NANTES

M. [I] [P] a été embauché en contrat à durée déterminée par la SARL EUROPEAN SOFT le 6 novembre 2006 en qualité de webmaster, la relation de travail étant régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs. Le contrat s'est poursuivi à durée indéterminée à compter du 6 mai 2007.

Par courrier du 29 septembre 2014, la SARL EUROPEAN SOFT a notifié à M. [P] une mise à pied à titre conservatoire

Par courrier du 1er octobre 2014, la SARL EUROPEAN SOFT a convoqué M. [P] à un premier entretien préalable à son éventuel licenciement, tenu le 9 octobre 2014.

Par courrier du 16 octobre 2014, l'employeur a convoqué M. [P] à un second entretien préalable fixé au 25 octobre 2014.

Le 30 octobre 2014, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Le 21 janvier 2016, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de dire que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour est saisie d'un appel formé le 24 mars 2017 par la SARL EUROPEAN SOFT à l'encontre du jugement du 9 mars 2017, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement intervenu à l'encontre de M. [P] est dénué de cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SARL EUROPEAN SOFT à verser à M. [P] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal, outre la capitalisation :

- 12.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.057,60 € brut à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,

- 305,76 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.639,16 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 563,92 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.745,37 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' Condamné la SARL EUROPEAN SOFT à verser à M. [P] la somme de 1.000 € net sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la SARL EUROPEAN SOFT de sa demande formulée à titre reconventionnel,

' Fixé le salaire moyen mensuel de référence à la somme de 2.819,58 € brut,

' Ordonné l'exécution provisoire en totalité des sommes allouées,

' Condamné la SARL EUROPEAN SOFT aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, suivant lesquelles la SARL EUROPEAN SOFT demande à la cour de :

' Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

' Juger que le licenciement de M. [P] est justifié par une faute grave et le débouter de l'intégralité des demandes salariales et indemnitaires qui en sont le corollaire,

' Le condamner à payer à la SARL EUROPEAN SOFT la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 octobre 2017, suivant lesquelles M. [P] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [P] dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la SARL EUROPEAN SOFT à lui verser différentes sommes,

' Pour le surplus le réformer sur le montant des dommages-intérêts alloués,

Statuant à nouveau sur ce point,

' Condamner la SARL EUROPEAN SOFT à verser à M. [P] une somme de 30.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 janvier 2022.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture de la relation de travail

Pour infirmation à ce titre, la SARL EUROPEAN SOFT soutient le bien-fondé du licenciement pour faute grave de M. [P] en ce qu'il est fondé sur quatre griefs :

- des menaces et acte d'insubordination vis-à-vis de M. [R],

- des dénigrements et propos déplacés,

- divers abus répétés de retards et de temps de pause,

- des propos suicidaires manifestement utilisés de façon abusive.

Pour confirmation, M. [P] soutient le caractère non fondé des reproches contenus dans la lettre de licenciement et considère en tout état de cause que la mesure prise à son encontre doit être considérée comme étant disproportionnée à la faute.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s'ils retiennent qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère fautif.

En l'espèce, les faits reprochés à la salariée selon la lettre de licenciement datée du 30 octobre 2014 (pièce n°10 du salarié) sont les suivants :

'Au cours des dernières semaines, nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.

1 - Malgré nos nombreux rappels à l'ordre et les entretiens que nous avons pu avoir en août et septembre dernier, vous continuez d'arriver très régulièrement en retard sans justification valable.

Nous constatons en outre que vous ne cessez d'abandonner votre poste de travail sans raison au cours de la journée.

A cela s'ajoute que vous abusez des temps de pause et passer un temps non négligeable en conversation téléphonique sur votre mobile pendant les heures de travail.

Nous avons découvert au mois de septembre l'étendue de l'usage abusif que vous pouviez faire de votre téléphone et déplorons en conséquence la répétition de votre comportement.

Cette attitude de désintéressement de votre mission de travail se ressent très fortement sur la qualité de votre prestation dans la mesure où vous pouvez également passer de longs moments d'inactivité devant votre écran ou à préférer des occupations personnelles.

Nous avons pu constater à ce titre courant septembre que pendant vos heures de travail, vous vous occupiez de l'organisation de votre site internet personnel de football.

Ce comportement, est particulièrement préjudiciable à notre entreprise.

2. Vous continuez de tenir des propos suicidaires auprès de notre Responsable administrative, Madame [F] [G], et notamment par téléphone le 2 septembre dernier.

Nous avions été contraints d'alerter la médecine du travail de cette situation et nous vous avions demandé de faire le nécessaire pour que cela ne se reproduise pas dans la mesure où vos (sic.) propos ont particulièrement affecté Madame [G].

Vous n'en avez cependant pas tenu compte et avez réitéré vos propos au cours d'une réunion avec votre employeur, Monsieur [G], et en présence de Monsieur [R], votre supérieur hiérarchique.

3. Vos collègues de travail nous ont fait part des propos dénigrants que vous tenez envers votre employeur et les membres de la Direction.

Votre comportement occasionne une dégradation de l'ambiance de travail.

Le 11 septembre 2014 à 15h25, vous avez usé à l'égard de votre employeur d'une attitude irrespectueuse n'acceptant pas que la remarque qui vous était faite alors que vous aviez quitté votre poste de travail pendant vos horaires pendant plus de 25 minutes.

Ce comportement désinvolte et réfractaire s'est poursuivi le même jour dans la mesure où vous avez une nouvelle fois largement dépassé votre temps de pause.

Le vendredi 26 septembre 2014, vous avez fait preuve d'un comportement inadmissible à l'encontre de votre supérieur hiérarchique Monsieur [R], usant de menaces à peine voilées et refusant d'obtempérer.

Ce comportement, est ici encore particulièrement préjudiciable à notre entreprise.

Ces quatre griefs qui mettent en cause le bon fonctionnement de l'entreprise, pris ensemble ou isolément pour chacun d'eux, constituent une faute grave.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave'.

Sur le grief relatif aux retards réguliers sans justification valable, aux abus de pauses et du téléphone et l'organisation d'un site internet personnel de football, l'employeur produit :

- l'attestation non datée du supérieur hiérarchique, M. [R], lequel atteste (pièce n°2): 'J'ai aussi remarqué chez lui une certaine lenteur d'exécution, rejetant le plus possible les demandes de développement au motif qu 'elles (étaient) impossible ou trop compliquées, sans réelle justification. La plupart des personnes ayant du travailler avec M. [P] se plaignaient de ce comportement. Les choses se sont empirées après le 01/01/14 alors que M. [P] rencontrait des problèmes personnels. Ces problèmes ont dégradés fortement son travail ainsi que ses relations avec l'équipe. Etant donné la nature de ces problèmes, nous étions indulgents (sic.) face (sic.) aux dérives (retards, propos déplacés, beaucoup de temps passé sur son téléphone'.

- des attestations de collègues de travail :

* Mme [A] (pièce n°1) qui précise le 23 septembre 2016 : 'j'allais déposer mon repas au frigo comme d'habitude vers 11 h et c'est à ce moment-là que je le voyais souvent en salle de pause en train de passer des coups de fils. (...) il prenait des pauses de plus de 30 min (...).

Lorsque je mangeais le midi en salle de pause, j'ai vu [I] plusieurs fois arrivé après 14 h et comme, j 'étais là, en train de manger, il allait à l'extérieur de l'entreprise ou de la réserve pour passer ses coups de fils personnels. Comme je travaillais en horaires décalés par rapport à l'équipe informatique, ce n'était sûrement pas l'heure de sa pause déjeuner.

A plusieurs reprises, je me suis rendue en salle informatique pour des bugs et lorsque je lui en parlais, alors qu'il était devant son PC, il ne répondait pas. Il restait inerte. (...). Son corps était là, mais visiblement son esprit ailleurs. ».

* de Mme [Z] (pièce n°3) relatant, dans son attestation non datée, qu'il 'faisait partie de l'équipe informatique et il était très souvent à venir discuter dans mon bureau et à me raconter ses problèmes notamment ses déboires avec sa femme. Il disait être malheureux. Je (sic.) l'ai entendu une fois dans les toilettes en train de pleurer et se disputer, avec elle je suppose. J'ai aussi aperçu (sic.) [I] à deux reprises s'enfermer dans sa voiture pour téléphoner au moins une demi-heure chaque fois. Il arrivait régulièrement en retard aussi bien le matin que l'après-midi (...)

Lorsque je me rendais à l'imprimante se trouvant face au poste de [I], je le voyais naviguer sur des sites de rencontres ou écrire des textos depuis son téléphone portable, il ne semblait franchement pas impliqué dans son travail. L 'équipe informatique se plaignait beaucoup de son attitude. (...) Une autre fois, je n'ai pas pu m'empêcher de me plaindre à ma direction car lorsque je me suis rendue au service informatique, je l'ai carrément vu regarder un match de foot sur son ordinateur, ce qui m'a complètement exaspérée'.

* de M. [S] (pièce n°4) indiquant le 5 octobre 2016 : 'il n'arrivait plus à se motiver et son travail s'en ressentait, il arrivait très souvent en retard, il passait beaucoup de temps tête baissée sur son téléphone mobile pendant les heures de travail et quittait son poste en dehors des pauses pendant plusieurs minutes'.

* de M. [B] (pièce n°5) précisant dans son attestation non datée : 'J'ai pu entendre à de multiples reprises de longues conversations téléphoniques émises par M [I] [P], alors qu'il se trouvait à l'extérieur du bâtiment, à proximité immédiate du bureau que j'occupais. Bien que n'ayant aucune volonté d'écouter ses (sic.) conversations, les cris d'énervement et les hurlements de M. [I] [P] m'obligeaient à entendre le contenu de ces échanges. Son interlocutrice était à chaque fois sa conjointe et ces appels téléphoniques avaient lieu indifféremment sur les heures de pause ou de travail'.

La SARL EUROPEAN SOFT verse également aux débats :

- un feuillet relatif à l'exploitation d'un sous dossier wanp\www\notes provenant d'un poste informatique qu'elle attribue à M. [P] (pièce n°9) ;

- des échanges de 9 courriels entre M. [P] et sa femme au cours de la période du 2 juin 2014 au 4 août 2014 relatifs à la rupture du couple, lesquels ont été rédigés suivant l'horodatage de l'envoi soit durant l'heure du déjeuner ou après 19 heures, un seul ayant été rédigé à 17 heures 45 (pièces n°10 à 17) ;

- un listing manuscrit de date et d'heures entre avril et septembre 2014, établi par la conjointe de M. [P], qui correspondrait à des SMS envoyés par ce dernier à sa conjointe (pièces n°18/1 et 18/2).

De son côté, M. [P] argue du caractère tardif des attestations de ses anciens collègues et surtout qu'il n'a jamais eu de rappel à l'ordre ni d'entretien à quelque moment que ce soit avant l'engagement de la procédure de licenciement. Enfin, il indique que son employeur tolérait cette situation et produit à cet égard les conclusions de l'employeur en première instance lequel indiquait en page 6 : 'Il affichait une désespérance terrible. Messieurs [D] et [O] [G] l'ont pris en pitié et l'ont soutenu autant qu'ils le pouvaient. (...) C'est dans ce contexte bien particulier que pour le bien être psychologique de Monsieur [P], la société a fait le choix de fermer les yeux sur ses dérives professionnelles, notamment ses absences d'implication et de motivation, ainsi que sa lenteur au travail' (pièce n°24 de l'employé).

Il résulte des éléments produits qui sont non datés ou rédigés deux ans après la rupture du contrat de travail ou qui émane de l'ex-femme de M. [P] que le grief n'est pas établi d'autant plus que l'employeur qui connaissait la situation de son salarié reconnaît avoir été indulgent à son égard. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que si l'employeur a toléré durant une période des agissements qu'il considérait comme fautifs, il ne pouvait le licencier pour les mêmes motifs, 'sans l'avoir a minima rappelé à l'ordre auparavant'.

Le grief ne sera pas retenu.

Sur le grief relatif au fait de tenir des propos suicidaires auprès de la Responsable administrative, Mme [G] le 2 septembre 2014, l'employeur produit les témoignages de deux collègues de travail :

- Mme [A] atteste de manière indirecte le 23 septembre 2016 (pièce n°1) , soit deux ans après les faits,' (...) j'ai eu la confirmation par mes collègues, qu'effectivement c'étaient ses parents qui étaient venus à l'entreprise et que visiblement [I] disait vouloir se suicider' ;

- M. [S] atteste le 5 octobre 2016 (pièce n°4) : 'il racontait qu'il voulait se suicider'.

Ce témoignage indirect de Mme [A] et l'affirmation succincte de M. [S] sont insuffisants à caractériser le grief reproché à M. [P] le 2 septembre 2014.

Sur le grief relatif aux propos dénigrants tenu envers l'employeur et les membres de la Direction, la lettre de licenciement fait état uniquement d'une attitude irrespectueuse le 11 septembre 2014 à 15 h 25 à l'égard de l'employeur.

A cet égard, l'employeur verse 1'attestation de M. [S] lequel relate à la fin de celle-ci 'Au mois de septembre 2014, alors qu'il avait quitté son poste depuis près de vingt minutes, M [D] [G] lui en a fait, devant nous, la remarque. [I] s'est alors écrié : 'J'étais aux toilettes, alors on ne plus chier dans cette entreprise. ' ».

M. [P] ne produit à ce sujet aucun élément.

Néanmoins, il ne peut être considéré que cette unique attestation, rédigée deux ans après les faits, serait suffisante pour établir ce grief, de telle sorte qu'un doute sérieux subsiste pour le moins, quant à la réalité et la gravité des faits imputables à M. [P] pour justifier son licenciement dans les circonstances rapportées. Ce doute doit bénéficier au salarié, d'autant plus en l'absence d'antécédent disciplinaire au cours de ses années de présence auprès de M. [G].

Sur le grief du 26 septembre 2014, relatif à l'usage de menaces et de refus d'obtempérer à l'égard du supérieur hiérarchique M. [R], la SARL EUROPEAN SOFT fait état du témoignage de M. [R] lequel indique :

' Au mois de septembre / octobre 2014, Monsieur [G] s'est inquiété des propos de M. [P], soutenant les personnes impliquées dans le piratage de Logis neuf après les avoir rencontrées. Lors de cet événement, j'ai choisi de ne plus soutenir M. [P]. Après le départ de M. [G] de notre bureau, M. [P] s'est dressé à moi, me tenant pour responsable des conséquences de ses actes.

Il s'est alors exprimé sur un ton particulier, m'indiquant de "bien profiter de ma famille'.

Au regard de la situation très tendue entre lui et moi, convaincu de la nature perverse et vengeresse de M. [P], ces propos me sont apparus comme une menace déguisée de représailles envers ma famille.

Ceux-ci m'ont profondément choqué et inquiété.

Je lui ai donc demandé de sortir du bureau à plusieurs reprises, ce qu'il a refusé, m'indiquant qu'il faisait ce qu'il voulait.

J'ai du rendre compte de la situation à M. [G] qui a alors décidé de sa mise à pied conservatoire.

Mon inquiétude par rapport à ses menaces m'a d'ailleurs conduit à en faire part à la gendarmerie de mon domicile, afin de m'assurer de la mise en sécurité de ma famille'.

Nonobstant la légitime inquiétude de M. [R], dans le contexte rapporté, son témoignage doit être pris avec prudence dès lors qu'il se déclare victime des faits mais surtout qu'il ressort de sa attestation que cette 'menace déguisée' est un ressenti dès lors qu'il indique 'ces propos me sont apparus comme une menace'.

Il convient de faire observer que le salarié n'avait encore jamais été sanctionné ni même rappelé à l'ordre pour des menaces ou refus d'obtempérer à un ordre. Au surplus, il est difficile de reprocher à M. [P] un refus d'obtempérer de quitter le bureau de M. [R] dès lors que l'un et l'autre travaillaient dans le même open space. Il s'agit donc d'un fait ponctuel qui ne saurait en conséquence revêtir la gravité que nécessite la reconnaissance d'une faute grave.

Ce grief ne saurait être retenu.

Au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, les faits ainsi rapportés ne sont donc pas d'une gravité suffisante pour avoir rendu impossible le maintien de M. [P] au sein de la SARL EUROPEAN SOFT et ne caractérisent en conséquence ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement, une telle sanction étant disproportionnée alors que l'employeur disposait d'autres moyens d'action y compris dans le cadre disciplinaire.

Il y a lieu par ailleurs de souligner que les autres éléments rapportés par l'employeur, hors du périmètre circonscrit par les termes de la lettre de licenciement sont sans influence sur l'appréciation de la gravité du manquement imputé au salarié.

Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

***

Sur les conséquences financières de la rupture

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, en sa version applicable au litige, que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Ces dispositions sont applicables en raison de l'ancienneté de M. [P] de l'effectif de l'employeur ayant moins de onze salariés.

Agé de 35 ans à la date de rupture du contrat, M. [P] verse aux débats (pièce n°13) une attestation de Pôle Emploi, faisant état de son indemnisation du 1er décembre 2015 au 1er septembre 2016 ainsi que son inscription qualité d'auto-entrepreneur depuis septembre 2016 pour développer une activité de webmaster (pièce n°14).

Au vu de ces éléments d'appréciation, compte tenu de la perte d'une ancienneté de 7 ans et 11 mois ainsi que des conséquences matérielles et morales de la rupture à son égard dans les circonstances rapportées, il conviendra d'allouer à M. [P] une somme de 12.000€ net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur le quantum de cette condamnation.

Sur les frais irrépétibles

La société intimée, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre. Il sera observée que M. [P] ne formule pas en appel de demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris ;

et y ajoutant,

DÉBOUTE la SARL EUROPEAN SOFT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL EUROPEAN SOFT aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 17/02183
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;17.02183 ?
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