2ème Chambre
ARRÊT N°303
N° RG 19/01342
N° Portalis DBVL-V-B7D-PSHS
SARL LM AUTOMOBILES
C/
M. [F] [T]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me DENIS
- Me GICQUEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Février 2022,
devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL LM AUTOMOBILES
[Adresse 4]
[Localité 1]/FRANCE
Représentée par Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [F] [T]
né le 20 Août 1955 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
EXPOSE DU LITIGE
Selon bon de commande du 9 avril 2016 et facture du 27 avril 2016, M. [F] [T] a, moyennant le prix de 4 450 euros, acquis auprès de la société LM Automobiles (la société LM) un véhicule d'occasion Citroën Jumper, mis en circulation en octobre 2005 et affichant un kilométrage de 194 500 Kms.
Le bon de commande prévoyait, avant la vente, outre la réalisation du contrôle technique, les travaux de vidange, de remplacement de l'embrayage et de la distribution, et, le 13 mai 2016, la société Pièces Auto a facturé à la société LM la réalisation de ces travaux.
Se plaignant en juillet 2016 de nombreuses anomalies et se prévalant d'une expertise extrajudiciaire du 11 avril 2017 concluant à l'existence de divers désordres moteurs présents lors de la vente, M. [T], après avoir mis en demeure le 15 juin 2017 la société LM de régler la somme de 2 006,23 euros correspondant au coût des réparations et la somme de 550 euros au titre des frais d'expertise, l'a, par acte du 14 février 2018, fait assigner devant le tribunal d'instance de Vannes en restitution d'une partie du prix pour vices cachés, et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 6 décembre 2018, le tribunal d'instance a :
jugé que le véhicule Citroën Jumper n° de série VF7ZBAMFB17700522, immatriculé AG 673 QR vendu par la société LM à [F] [T] est atteint d'un vice caché,
condamné la société LM à payer à [F] [T] les sommes de :
- 2 006,23 euros au titre du prix,
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 2 550 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise,
condamné la société LM aux dépens.
La société LM a relevé appel de ce jugement le 27 février 2019, et aux termes de ses dernières conclusions du 17 octobre 2019, elle demande à la cour de le réformer et de :
Statuant à nouveau et, à titre principal,
constater l'absence de preuve d'un vice caché,
débouter purement et simplement M. [F] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,
À titre subsidiaire,
débouter M. [F] [T] de sa demande indemnitaire au titre des troubles et tracas constatés,
À titre infiniment subsidiaire,
réduire à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. [T],
En tout état de cause,
débouter M. [T] du surplus de ses demandes, fins et conclusions et plus amples,
condamner M. [F] [T] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 18 juillet 2019, M. [T] demande à la cour de :
confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
débouter la société LM de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
condamner la société LM à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 janvier 2022.
EXPOSE DES MOTIFS
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Au soutien de son appel, la société LM fait valoir que les désordres invoqués lors du rapport d'expertise n'ont pas été constatés lors du contrôle technique effectué le 14 avril 2016, que l'expert n'a pas établi que ceux-ci étaient antérieurs à la vente, que ses conclusions sont subjectives, n'étant étayées par aucune démonstration technique, et que, d'autre part, les désordres se sont révélés ultérieurement à la vente et résultent probablement des interventions effectuées par l'acquéreur lui-même sur le véhicule. Elle soutient également que le véhicule n'est pas impropre à son usage et fonctionne, M. [T] ayant effectué près de 5 885 kms entre la date d'acquisition du véhicule et celle de l'expertise amiable.
M. [T] soutient quant à lui, que l'expert a indiqué que les défauts étaient présents au jour de la vente et qu'ils n'étaient pas visibles sans intervention du levage du véhicule, que la société LM ne s'est pas assuré du bon fonctionnement et du bon état du véhicule avant de lui en transférer la propriété, et que, d'autre part, il n'a pris possession du véhicule qu'après l'intervention du sous-traitant de la société LM, et que les seules interventions qu'il a faites sur le véhicule sont étrangères aux défauts constatés par l'expert.
A l'appui de ses prétentions, M. [T] produit un rapport d'expertise extrajudiciaire établi le 11 avril 2017 par M. [L], hors la présence de la société LM qui, bien qu'invitée par lettre recommandée à assister aux opérations d'expertise, ne s'est pas présentée, ni personne pour elle, ce dont il résulte qu'elle ne saurait être regardée comme ayant participé volontairement aux opérations d'expertise et accepté celui-ci comme expert.
Ce rapport d'expertise extrajudiciaire n'est certes pas dépourvu de toute force probante, mais il est cependant de principe que le juge ne peut exclusivement fonder sa décision sur celui-ci que pour autant qu'il est corroboré par d'autres éléments probatoires.
L'expert a constaté aux termes de ses investigations que :
le niveau du liquide de refroidissement est en dessous du minimum[...],
les deux pneumatiques à l'avant sont de même marque (Michelin), mais de types et sculptures différentes,
les deux amortisseurs à l'avant présentent un défaut d'étanchéité [...],
une fuite de carburant [...] en partie inférieure de la pompe haute pression [...],
une fuite [...] en sortie de boîte / pont du côté AVD, le joint d'étanchéité à lèvres n'est plus étanche,
une fuite d'huile moteur [...] (prenant) naissance au niveau du joint de culasse en partie avant et au niveau du turbo en partie arrière,
traces de fuites du liquide de refroidissement [...] au niveau du carter inférieur d'huile moteur juste en dessous de la pompe à eau [...]
S'il apparaît que le contrôle technique réalisé avant la vente le 14 avril 2016 ne mentionnait aucunement ces défauts, il n'est pas contesté cependant que les travaux facturés le 13 mai 2016 à la société LM et réalisés par l'entreprise Pièces Auto l'ont été au nom et pour le compte du vendeur et correspondaient à ceux définis dans le bon de commande, lequel mentionnait avant la vente à titre de travaux préparatoires (contrôle technique, vidange, embrayage et kit distribution), et que ces travaux, ainsi que l'a exactement analysé le premier juge, doivent donc être considérés comme avoir été effectués avant la vente du bien, étant préparatoires à la vente, dans la convention des parties.
L'expert considère à cet égard que le remplacement du kit de distribution concerne directement la fuite de carburant sur la pompe haute pression et la fuite de liquide de refroidissement, de même que le remplacement de l'embrayage est directement lié à la fuite d'huile de sortie de boîte de vitesses, en sorte que, selon l'expert, les défauts existaient ou ont pris naissance après l'intervention technique du vendeur ou de son sous-traitant, et donc avant la vente du 27 avril 2016.
Ces conclusions sont toutefois contredites par les témoignages concordants des mécaniciens de la société Pièces Auto, aux termes desquels ceux-ci attestent qu'aucune fuite n'a été constatée sur le véhicule après les réparations et essai du véhicule.
Il en résulte que la preuve de l'antériorité des défauts à la vente, après l'intervention technique du sous-traitant du vendeur, n'est pas suffisamment caractérisée.
Abstraction faite de la question de l'antériorité du vice à la vente, il n'est en tout état de cause pas démontré que les défauts qui affectent le véhicule constituent des vices cachés justifiant la mise en oeuvre de la garantie.
En effet, l'expert n'a aucunement mentionné dans son rapport que la fuite de carburant sur la pompe haute pression, la fuite de liquide de refroidissement et la fuite d'huile à la sortie de la boîte de vitesses rendaient le véhicule impropre à son usage, l'autre défaut relevé par l'expert (défaut d'étanchéité des amortisseurs) relevant quant à lui d'un phénomène normal d'usure.
Comme le souligne à juste titre l'appelante, le véhicule fonctionne et M. [T] a effectué près de 5 885 kms entre son acquisition et l'expertise amiable.
Etant rappelé que le véhicule a été vendu au prix de 4 550 euros, alors qu'il était âgé de 11 ans et présentait un kilométrage de 194 500 kms, il n'est ainsi pas démontré que les défauts relevés par l'expert résultaient bien d'un vice rédhibitoire, ou ne procédaient en tout cas pas de la vétusté ou d'un phénomène normal d'usure.
Il n'est donc pas démontré que le véhicule litigieux était atteint au moment de la vente d'un vice caché le rendant impropre à son usage ou qui en aurait à tout le moins conduit l'acquéreur à en offrir un moindre prix, en sorte qu'il n'y a pas matière à restitution d'une partie du prix de vente.
Le jugement attaqué sera donc infirmé.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société LM l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 6 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Vannes ;
Déboute M. [F] [T] de ses demandes dirigées contre la société LM Automobiles ;
Condamne M. [F] [T] à payer à la société LM Automobiles une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [F] [T] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT