2ème Chambre
ARRÊT N°304
N° RG 19/01573
N° Portalis DBVL-V-B7D-PS52
(1)
M. [T] [Z]
Mme [B] [Z]
C/
Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
SA LOGEMENT ET GESTION IMMOBILIERE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LHERMITTE
- Me LE BERRE BOIVIN
- Me CAOUS-POCREAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [B] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Hyacynthe MARECHAL, plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NANTES
SA d'HLM LOGI OUEST
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, plaidant, avocat au barreau d'ANGERS
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [Z] Constructions était titulaire d'un compte courant dans les livres de la Banque populaire Atlantique (la BPA).
Par actes sous signature privée du 22 juin 2006, M. [T] [Z], gérant de la société [Z] Constructions, et Mme [B] [Z], son épouse, se sont portés cautions de tous engagements de la société dans la limite de 108 000 euros.
Par ailleurs, dans le cadre de la réalisation d'un programme de construction de deux bâtiments à usage de logements locatifs, la société d'HLM Logi Ouest a, selon ordre de service du 8 décembre 2009, confié à la société [Z] Constructions l'exécution du lot terrassement, gros 'uvre et enduits pour un montant de 724 972,98 euros HT.
Par acte sous signature privée du 17 décembre 2009, la BPA s'est portée caution solidaire de l'entreprise pour le montant auquel elle était assujettie en application des articles 1er et 2 de la loi du 16 juillet 1971, dans la limite de 43 353,38 euros.
La réception a été prononcée le 28 mars 2001 pour le premier bâtiment et le 18 avril 2011 pour le second, avec diverses réserves.
Par jugement du 14 mars 2012, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Z] Constructions.
La BPA a déclaré le 19 avril 2012 des créances admises au passif de la société [Z] Constructions à hauteur de 2 266,49 euros au titre du solde débiteur du compte courant et de 43 353,38 euros au titre du cautionnement, selon état des créances publié au BODACC le 28 juillet 2013.
La société Logi Ouest a quant à elle déclaré le 30 avril 2012 sa créance de réparation au titre de non-façons et de malfaçons affectant les travaux réalisés dans le cadre de l'opération de construction garantie ainsi que d'une opération de construction de logements en accession à la propriété, admises à hauteur de 120 584,49 euros.
Puis, après avoir versé le 5 juillet 2013 à la société Logi Ouest une somme de 43 353,38 euros en exécution de son engagement de caution du 17 décembre 2009, la BPA, devenue depuis lors Banque populaire Grand-Ouest (BPGO), a, par acte du 29 juillet 2014, fait assigner les époux [Z] en paiement des sommes dues en exécution de leurs propres engagements de caution du 22 juin 2006 devant le tribunal de grande instance de Nantes.
Faisant valoir que la banque avait fautivement versé au maître de l'ouvrage une somme correspondant à la totalité de sa garantie alors que celle-ci ne couvrait que la levée des réserves à la réception pour un montant qui ne pouvait excéder 26 050,88 euros, les époux [Z] ont, par acte du 3 février 2015, fait assigner la société Logi Ouest en intervention forcée.
Par jugement du 5 février 2019, les premiers juges ont :
condamné les époux [Z] à payer à la BPGO les sommes de 2 266,49 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 avril 2012 et de 43 353,38 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 juillet 2014,
dit que les intérêts échus par années entières à compter du 29 juillet 2014 produiront intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,
condamné in solidum les époux [Z] aux dépens,
ordonné l'exécution provisoire des dispositions qui précèdent,
débouté les parties de leurs autres demandes.
Les époux [Z] ont relevé appel de cette décision le 7 mars 2019, pour demander à la cour de l'infirmer et de :
à titre principal, débouter la BPA de ses demandes,
à titre subsidiaire et reconventionnel, condamner la BPA au paiement de la somme de 45 619,87 euros à titre de dommages-intérêts,
à titre plus subsidiaire, dire que le montant des condamnations ne saurait excéder les sommes correspondant aux travaux de reprise des désordres faisait l'objet de réserves, soit 26 050,88 euros,
en conséquence, condamner la BPA à restituer la somme de 17 303,50 euros ou, en tous cas, la société Logi Ouest à garantir les époux [Z] des demandes de la BPA à hauteur de 17 303,50 euros,
en tout état de cause, ordonner la compensation de toutes sommes éventuellement dues entre les parties,
condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, la BPA et la société Logi Ouest au paiement d'une indemnité de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La BPGO conclut principalement au rejet des demandes des époux [Z] et à la confirmation du jugement attaqué.
Subsidiairement, elle demande à la cour de :
condamner la société Logi Ouest à rembourser à la BPGO le trop-perçu au titre du cautionnement bancaire, 'soit 4 510,73 euros et 17 303,50 euros',
condamner solidairement les époux [Z] à payer à la BPGO la somme de 26 050,08 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation des époux [Z], ou subsidiairement de la société Logi Ouest, au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Logi Ouest conclut également à titre principal à la confirmation du jugement attaqué.
Subsidiairement, elle demande à la cour de débouter les époux [Z] et la BPGO de leurs demandes formées à son encontre et réclame en toute hypothèse la condamnation in solidum des époux [Z] ou de tout succombant au paiement d'une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les époux [Z] le 4 décembre 2019, pour la BPGO le 4 septembre 2019 et pour la société Logi Ouest le 4 décembre 2019, l'ordonnance de clôture ayant été prononcée le 13 janvier 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le contrat par lequel les époux [Z] se sont portés cautions solidaires de la société [Z] Constructions au profit de la BPGO, qui s'était elle-même portée caution du même débiteur au profit de la société Logi Ouest, est, en ce qui concerne la garantie due au titre de l'opération de construction, un sous-cautionnement.
Il en résulte que, si les époux [Z] ne garantissent pas la dette de la société [Z] Constructions envers la société Logi Ouest, ils garantissent néanmoins la dette de remboursement de la société [Z] Constructions envers la BPGO dès lors que celle-ci a payé la société Logi Ouest en honorant son engagement de caution.
Par conséquent, si, comme le font valoir les époux [Z], la déclaration de créance du créancier principal, qui n'est titulaire d'aucun droit contre la sous-caution qu'il aurait pu transmettre par voie de subrogation, ne peut profiter à la caution lorsqu'elle exerce son recours contre la sous-caution, de sorte que la décision d'admission de cette créance n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de la sous-caution, il doit être en l'espèce souligné que la BPGO a également régularisé une déclaration de créance pour son propre compte, ce qu'elle était autorisée à faire même avant d'avoir payé en application de l'article 2309, 2° du code civil.
Or, cette créance de remboursement de la BPGO, dûment déclarée le 19 avril 2012 au passif de la liquidation judiciaire de la société [Z] Constructions, a été admise par le juge-commissaire et portée à l'état des créances publié au BODACC le 28 juillet 2013.
Il en résulte que cette décision d'admission a autorité de chose jugée à l'égard des époux [Z] qui se sont portés cautions solidaires de la société [Z] Constructions envers la BPGO et n'ont exercé aucun recours, dans le délai de l'article R. 624-8 du code de commerce, contre la décision d'admission de cette créance de remboursement de 43 353,38 euros, outre 2 266,49 euros au titre du solde débiteur du compte courant.
Dès lors, les époux [Z] ne sont pas fondés à contester le montant de la créance de remboursement de la BPGO à leur égard, de sorte que le jugement attaqué, qui les a à juste titre condamnés au paiement de ces sommes de 43 353,38 euros et de 2 266,49 euros, sera confirmé.
Cependant, devant la cour, les époux [Z] demandent subsidiairement la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts et la compensation des créances réciproques des parties, en lui faisant grief d'avoir réglé à la société Logi Ouest le montant total de son engagement de caution, sans vérifier le montant exact du coût de la levée de réserves auquel la garantie était limitée et qui n'était que de 26 050,58 euros.
Il est à cet égard de principe que, si la sous-caution, qui garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur principal et non la créance du créancier à l'égard de ce débiteur, ne peut se prévaloir des exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal à l'égard de ce créancier, elle est en revanche fondée à rechercher la responsabilité de la caution pour avoir fautivement omis d'invoquer lesdites exceptions.
Cette action, dont l'objet et la cause diffèrent de la déclaration de la créance de remboursement de la BPGO, n'est pas atteinte par l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de cette créance par le juge-commissaire.
À cet égard, la banque s'est, par acte sous signature privée du 17 décembre 2009, portée caution solidaire de la société [Z] Constructions 'pour le montant auquel elle était assujettie en application des articles 1er et 2 de la loi du 16 juillet 1971", dans la limite de 43 353,38 euros.
Il résulte en outre de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1971 que le paiement des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés peut être amputé d'une retenue égale au plus à 5 % de leur montant pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage, celle-ci pouvant toutefois ne pas être pratiquée si l'entrepreneur fournit, pour un montant égal, une caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier, et il ressort de l'article 2 qu'à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, la caution est libérée si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur.
Or, la réception des travaux réalisés par la société [Z] Construction a été prononcée les 28 mars et 18 avril 2011 avec diverses réserves, et, par courrier recommandé du 9 mars 2012, la société Logi Ouest a notifié à la BPA son opposition à la levée du cautionnement en lui communiquant les procès-verbaux de réception.
Il s'en évince que la créance garantie par le cautionnement de la BPGO, telle que mobilisée par la société Logi Ouest, était limitée aux risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat et ayant donné lieu à des réserves à la réception.
Or, la banque a, sans avoir reçu la moindre réclamation chiffrée du maître de l'ouvrage, versé à celui-ci le montant total de son engagement de caution de 43 353,38 euros, sans s'assurer que le coût de levée des réserves atteignait au moins ce montant.
Pourtant, la société Logi Ouest admet elle-même n'avoir exposé, pour faire reprendre par des entreprises tierces les ouvrages réalisés par la société [Z] Construction au titre du programme de construction des logements à usage locatif, qu'une somme de 38 842,65 euros TTC, la circonstance que sa déclaration de créance totale, incluant les reprises afférentes au programme de construction de logements destinés à l'accession à la propriété, non concerné par l'engagement de caution de la BPGO, ait été régularisée pour une somme totale de 120 584,49 euros HT étant inopérante.
En outre, ainsi que les époux [Z] le font pertinemment observer :
il a été facturé des travaux de réfection de l'étanchéité pour 2 612,06 euros alors qu'aucun défaut d'étanchéité n'a été mentionné aux procès-verbaux de réception,
il a été facturé des travaux de création de pissettes pour 2 583,36 euros alors que ce défaut d'ouvrage n'a pas été mentionné aux procès-verbaux de réception,
il a été facturé des travaux de réfection des peintures des plafonds et murs des sous-terrasses pour 3 696 euros alors qu'aucun défaut en rapport n'a été mentionné aux procès-verbaux de réception,
il a été facturé des travaux de reprise des ,naissances EP et des boîtes à eau au droit des terrasses accessibles pour 3 901,15 euros (1 921,15 + 1 980) alors qu'aucun défaut en rapport n'a été mentionné aux procès-verbaux de réception.
Il s'en déduit que le coût des travaux de levée des réserves du programme de construction des deux bâtiments à usage locatif n'était que de 26 050,88 euros, si bien que la BPGO a réglé à tort une somme de 17 303,30 euros (43 353,38 - 26 050,88).
La BPGO sera donc condamnée au paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts et la compensation des créances réciproques des parties sera ordonnée, le jugement attaqué étant complété en ce sens.
La banque sollicite par ailleurs la condamnation de la société Logi Ouest au remboursement de cette somme sur le fondement de la répétition de l'indu, tandis cette dernière, arguant de ce que la BPGO serait à l'origine de ce trop-perçu sans qu'elle ait elle-même commis la moindre faute, conclut au rejet de cette demande en application de l'article 1302-3 du code civil.
Ces dispositions, issues de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, ne sont pas applicables à la cause, mais il était auparavant de principe que, peuvent être déduits de la somme répétée les dommages-intérêts dus par celui qui a payé en réparation du préjudice causé à celui qui a reçu le paiement, lorsque celui-ci procède d'une faute.
Cependant, la société Logi Ouest ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant du versement indu de la somme de 17 303,30 euros et, de surcroît, si la banque a payé imprudemment et sans provocation de sa part le montant total de son engagement de caution sans vérifier ce qui était exactement dû au titre de la garantie mobilisée, le maître de l'ouvrage ne pouvait ignorer que cette garantie ne couvrait que les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat et ayant donné lieu à des réserves à la réception, et qu'il encaissait donc une somme supérieure à ce qui était réellement dû.
La société Logi Ouest sera par conséquent condamnée à restituer à la BPGO la totalité de l'indu de 17 303,30 euros.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [Z] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile seront en toute équité rejetées.
Enfin, la BPGO, qui succombe partiellement en cause d'appel, supportera seule les dépens de second degré.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 5 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes ;
Y additant,
Condamne la Banque populaire Grand-Ouest à payer aux époux [Z] la somme de 17 303,30 euros à titre de dommages-intérêts ;
Ordonne la compensation des créances réciproques de la Banque populaire Grand-Ouest et des époux [Z] ;
Condamne la société Logi Ouest à rembourser à la Banque populaire Grand-Ouest la somme de 17 303,30 euros ;
Condamne la Banque populaire Grand-Ouest à payer aux époux [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Banque populaire Grand-Ouest aux dépens d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui l'ont sollicité ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT