2ème Chambre
ARRÊT N° 315
N° RG 19/01599 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTAR
(2)
M. Eric [G]
C/
M. Eric [N]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Eric DEMIDOFF
-Me Sylvain CROGUENNEC
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mai 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe
****
APPELANT :
Monsieur Eric [G]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Benoît DE CADENET , Plaidant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉ :
Monsieur Eric [N]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Sylvain CROGUENNEC de la SELARL BELLEIN-CROGUENNEC-GASSIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
2
EXPOSÉ DU LITIGE :
Se prévalant d'un acte emportant reconnaissance de dette en date du 9 septembre 2011, M. Eric [N] a fait assigner M. Eric [G] devant le Tribunal de Grande Instance de Brest.
Par jugement en date du 20 février 2019, le Tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire a :
- Condamné M. [G] à payer à M. [N] la somme de 55 698 euros ;
- Condamné M. [G] à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné M. [G] aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
M. [G] a formé appel du jugement et par dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2021 il demande de :
- Réformer le Jugement entrepris
- Dire et juger l'action et les demandes de M. [N] irrecevables et prescrites,
Subsidiairement
- Constater et/ou prononcer la caducité de l'acte du 9 septembre 2011,
- Dire et juger en tout état de cause les demandes de M. [N] irrecevables et/ou infondées,
- Débouter en conséquence M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause :
- Condamner M. Eric [N] au paiement d'une somme de 3 300 euros à M. Eric [G] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner le même aux entiers dépens d'appel et de 1ère instance
Par dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2019, M. [N] demande de :
- Confirmer en tous points le jugement entrepris ;
A titre subsidiaire
- Constater que M. [G] a prélevé à son profit sur la société ERGE une somme totale de 51 299 euros ;
- Constater que M. [G] s'est engagé à rembourser à M. Éric [N] toutes sommes qu'il aurait perçues sur lesdites sociétés au titre des prélèvements personnels effectués sur ces mêmes sociétés, dans le cas où il n'aurait pas remboursé la somme de 55 698 euros ;
Condamner en conséquence M. Éric [G] à verser à M. [N] la somme de 51 299 euros ;
En tout état de cause
- Condamner M. [G] à verser à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner le même aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 21 mai 2019, le premier président de la cour d'appel a autorisé M. [G] à consigner le montant des causes du jugement du 20 février 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription :
M. [G] soulève la prescription de l'action de M. [N].
Par application de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq années à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par application de l'article 2241 la demande en justice interrompt le délai de prescription.
En l'espèce, l'acte revendiqué comme emportant reconnaissance de dette est en date du 9 septembre 2011. Le délai de prescription courant à compter du lendemain 10 septembre 2011 zéro heure expirait en conséquence le 9 septembre 2016 à minuit.
M. [N] a assigné M. [G] devant le tribunal de Brest par acte délivré le 9 septembre 2016. Cette assignation qui n'a pas été frappée de caducité a formé dès la date de sa délivrance une demande en justice au sens de l'article 2241 sus-visé de sorte qu'ayant été délivrée avant l'expiration du délai de prescription celui-ci a été régulièrement interrompu.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen de prescription.
Sur la nature de l'acte :
M. [G] fait grief au premier juge d'avoir retenu que l'acte du 9 septembre 2011 est une reconnaissance de dette au sens de l'article 1326 du code civil soutenant que cet acte emporte des obligations réciproques.
L'acte établi entre les parties le 9 septembre 2011 est intitulé 'reconnaissance de dette.'
Au terme de cet acte, il est indiqué que :
'M. [G] le débiteur, reconnaît devoir légitimement à M. Eric [N], le créancier, la somme de 55 698 euros correspondant à la moitié des apports et frais nécessaires à la création des sociétés : SARL Nomad's Cook, SARL New Concept Nomad, SARL Erge toutes trois domiciliées (...).
M. Eric [G] a bénéficié en contrepartie et par l'intermédiaire de la SARL 5 R Invest domiciliée (...), dont la gérance est assurée par son épouse Mme [L] [G] de cinquante pour cents des parts de la société New Concept Nomad et trois cent soixante parts de la société Nomad's Cook.
M. Eric [N] s'engage également à rétrocéder cinquante pour cent des parts de la société Erge détenues à cent pour cent par la société Teoni dont il assure la gérance, à la SARL 5 R Invest dès qu'il aura perçu la somme de 55 698 euros , dette objet des présentes. (...)'
Au regard des énonciations de cet acte, c'est à bon droit que M. [G] soutient qu'il crée des obligations réciproques. En effet si M. [G] se reconnaît débiteur de la somme de 55 698 euros correspondant à la moitié des apports des trois sociétés en ce compris la SARL Erge, M. [N] s'engage en contrepartie à la cession de 50 % des parts de la société Erge au profit de [G].
Il apparaît ainsi que la cession des parts de la société Erge constitue la cause de l'engagement de paiement de M. [G].
Il est constant que postérieurement la société Erge a été placée en liquidation judiciaire et que la procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif de sorte que les parts sociales ont perdu toute valeur.
S'il ressort de l'acte du 9 septembre 2011 l'accord des parties sur la chose et le prix, il sera relevé qu'il était prévu que la cession n'interviendrait qu'après réception du paiement de la somme de 55 698 euros.
Il apparaît ainsi que de convention expresse, les parties ont entendu retarder le transfert de la propriété à la date du paiement effectif de sorte qu'en l'absence convention contraire le vendeur a conservé la charge des risques.
Au regard de la perte totale de valeur des parts cédées dont il n'est pas établi qu'elle puisse être imputée à faute à M. [G], M. [N] ne saurait prétendre au paiement des sommes convenues faute de pouvoir céder les parts de la société Erge ainsi qu'il en avait pris l'engagement.
M. [N] sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 55 698 euros et le jugement sera infirmé à ce titre.
Subsidiairement, M. [N] sollicite le paiement de la somme de 51 299 euros.
Il fait valoir que l'acte du 9 septembre 2011 prévoit que M. [G] s'engage à rembourser à M. [N] toutes sommes qu'il aurait perçues sur lesdites sociétés au titre des prélèvements personnels effectués sur ces mêmes sociétés, dans le cas où il n'aurait pas remboursé la somme de 55 698 euros.
Il fait valoir que M. [G] a procédé à des prélèvements à son profit pour un total de 28 549 euros ainsi qu'un total de 22 750 euros prélevé au titre de remboursements de frais qu'il n'a pu justifier.
M. [G] soulève l'irrecevabilité de cette demande en ce qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Brest qui l'a débouté de sa constitution de partie civile.
M. [N] fait valoir à bon droit sur ce point que si la relaxe dont a bénéficié M. [G] des poursuites pour abus de bien sociaux est exclusive de réclamations au titre de sommes détournées elle ne saurait faire échec à l'application de cette clause conventionnelle qui ne concerne que les prélèvements licites.
A l'appui de ses demandes M. [N] produit un tableau détaillant sa réclamation auquel est joint une demande de recherche de chèques formulée par les époux [G] ainsi qu'un procès verbal d'enquête.
Suivant les termes de la clause dont M. [N] réclame l'exécution il était prévu que le montant de la réclamation serait fondée sur la base d'un état comptable.
Or il apparaît en l'espèce que l'auteur du tableau produit aux débats n'est pas précisé, M. [G] n'étant pas démenti lorsqu'il affirme qu'il a été dressé par M. [N] lui-même. M. [G] fait valoir à juste titre qu'il n'est pas établi de lien entre la totalité des chèques objets de la demande de recherche et le litige existant avec M. [N] faute d'indication du tiré.
Il ressort par ailleurs des motivations du jugement du tribunal correctionnel que s'il a été fait grief à M. [G] d'avoir émis et encaissé sur son compte personnel six chèques pour un total de 17 150 euros tirés sur le compte de la société Erge, le tribunal l'a néanmoins relaxé des chefs de la poursuite en retenant que M. [G] justifiait avoir avec son épouse payé de nombreuses fournitures pour le compte de la société pour des sommes au moins égales celles reçues.
Il apparaît ainsi que M. [G] a procédé à des avances pour le compte des sociétés dont le remboursement ne saurait être retenu à titre de prélèvements personnels au sens de la clause figurant à l'acte.
En considération de l'ensemble de ces éléments, M. [N] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'obligation à restitution et il sera débouté de ses demandes.
M. [N] succombant en ses demandes, sera condamné au dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 février 2019 par le tribunal de grande instance de Brest.
Statuant à nouveau,
Déboute M. Eric [N] de toutes ses demandes.
Condamne M. Eric [N] à payer à M. Eric [G] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. Eric [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT