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01/06/2022 | FRANCE | N°19/02372

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 juin 2022, 19/02372


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/02372 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PVWN













CPAM DE LA NIEVRE



C/



SPIE OUEST-CENTRE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/02372 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PVWN

CPAM DE LA NIEVRE

C/

SPIE OUEST-CENTRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mars 2022

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement fixé au 4 mai 2022, date indiquée à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 31 Janvier 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA NIEVRE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [G] [J] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

LA Société SPIE OUEST-CENTRE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Sophie TREVET, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 7 décembre 2015, M. [L] [C], se déclarant salarié de la société SPIE Centre-Ouest, en qualité de chef de chantier, a établi une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour « rupture coiffe épaules D et G », sur la base d'un certificat médical initial du 4 novembre 2015 établi par le docteur [K] mentionnant « tendinite des deux épaules ».

S'agissant de l'épaule gauche, la maladie a été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre (la caisse).

Par lettre du 10 août 2017, la caisse a notifié à M. [C] que la consolidation de son état a été fixée au 28 février 2017, date du certificat médical final.

Le 23 octobre 2017, la caisse a notifié à la société SPIE Ouest-Centre (la société) sa décision de fixer à 12 % le taux d'incapacité permanente partielle, sur la base des conclusions médicales suivantes : 'diminution d'amplitude de 20°, antépulsion et abduction respectivement de 110° et 110° de l'épaule gauche chez un gaucher. Séquelle de la maladie professionnelle avec amyotrophie du biceps.'

Contestant cette décision, par lettre adressée le 22 décembre 2017, la société a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Nantes, lequel, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes, par jugement du 31 janvier 2019, a :

- déclaré recevable en la forme le recours de la société ;

- rejeté la demande formulée en inopposabilité ;

- infirmé la décision de la caisse ;

- dit que les séquelles présentées par M. [C] le 28 février 2017 n'ont pas été correctement évaluées et que le taux d'incapacité permanente partielle de 12% toutes causes confondues doit être fixé à 8%, conformément au guide-barème, dans les rapports entre la caisse et la société ;

- condamné la caisse aux dépens de l'instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée le 5 avril 2019, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 25 mars 2019, en ce qu'il a réduit le taux d'IPP à 8%.

Par ses écritures parvenues au greffe le 13 octobre 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement en ce qu'il a évalué le taux d'incapacité permanente opposable à la société à 8% ;

- fixer le taux d'incapacité permanente opposable à la société à 12 % ;

- débouter la société de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner la société aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

- s'en remet à la sagesse du tribunal quant à l'opportunité d'ordonner la mise en oeuvre d'une consultation sur pièces.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er juin 2021, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour :

A titre liminaire :

- de dire et juger recevable son recours ;

- de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes ;

A titre principal, au visa des dispositions de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale alors en vigueur,

- de constater que la caisse n'a pas communiqué l'entier dossier médico-administratif de M. [C] en première instance ;

- de constater en tout état de cause que cette carence n'est pas régularisable en cause d'appel ;

En conséquence,

- d'infirmer le jugement entrepris et juger que la décision attributive de rente allouée à M. [C] doit être déclarée inopposable à son égard dans le strict cadre des rapports caisse/employeur ;

A titre subsidiaire :

- d'entériner l'avis médical établi par le docteur [V] ;

En conséquence,

- de juger que les séquelles de M. [C] en lien avec la maladie du 4 novembre 2015 justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 0%, dans les rapports caisse/employeur ;

A titre encore plus subsidiaire :

- d'entériner l'avis médical établi par le docteur [I] ;

En conséquence,

- de confirmer le jugement entrepris et juger que les séquelles de M.[C] en lien avec la maladie du 4 novembre 2015 justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 8%, dans les rapports caisse/employeur ;

A titre infiniment subsidiaire :

- d'ordonner une expertise médicale judiciaire contradictoire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner, avec la mission qu'il détaille ;

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu de la fixation du taux d'incapacité relatif aux séquelles dues à la maladie de M. [C].

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la communication du dossier par la caisse et sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge

La société fait valoir que ce qui fait l'objet d'une contestation en l'espèce c'est bien à la décision prise par les services administratifs de la caisse et non une quelconque décision qui serait prise par le service de contrôle médical-entité juridiquement indépendante. Elle ajoute qu'il appartient à la caisse, et à elle seule, de fournir dans le cadre d'une contestation l'opposant à l'employeur les éléments justifiant la décision qu'elle a prise, faute de quoi elle s'expose à ce que celle-ci soit jugée inopposable.

Elle ajoute qu'alors qu'aucune disposition ne prévoit que l'employeur soit associé à la procédure d'attribution du taux d'incapacité permanente partielle, il faut bien que celui-ci, qui ne s'est vu conférer aucun pouvoir d'investigation médicale, puisse disposer des éléments retenus par la caisse pour attribuer le taux d'incapacité ; que s'agissant d'un dossier complexe, la seule communication d'un rapport d'évaluation apparaît insuffisante et devait donc être assortie de la transmission, outre des certificats médicaux initial et final, des certificats médicaux de prolongation et de l'avis du service du contrôle médical.

En réponse, la caisse fait valoir qu'elle a transmis en première instance les pièces médicales en sa possession concernant l'affaire, c'est-à-dire le certificat médical initial, le certificat médical final, la notification attributive de rente ainsi qu'un argumentaire de son médecin conseil, comme l'a constaté le tribunal.

Sur ce :

L'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, avant son abrogation par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 énonçait que dans les dix jours suivant la réception de la déclaration, le secrétariat du tribunal en adressait copie à la caisse intéressée et l'invitait à présenter ses observations écrites, en trois exemplaires, dans un délai de dix jours. Dans ce même délai, la caisse était

tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné.

Pour lever les difficultés tenant à ce que le service médical, qui seul détenait les éléments médicaux du dossier, refusait de les communiquer en invoquant le secret médical, ce dispositif a été complété par l'article L. 143-10, tel qu'issu de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 et par les articles R. 143-32 et R.143-33 (décret n° 2010-424 du 28 avril 2010).

Selon l'article L. 143-10 précité, pour les contestations mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 143-1 (contestations relatives à l'état d'incapacité), le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente, l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente.

A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification . (...). »

Selon l'article R. 143-33, l'entier rapport médical mentionné à l'article L.143-10 comprend :

1°L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir ;

2° Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé.

Comme l'a jugé en dernier lieu la Cour de cassation en application de ces dispositions, l'obligation faite à la caisse porte sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l'avis du service du contrôle médical. ( 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.544).

S'agissant des certificats médicaux de prolongation, rien ne permet en l'espèce de retenir que des certificats médicaux de prolongation auraient été établis. Il suffit de constater que le certificat médical initial du 4 novembre 2015 prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2015.

Le grief tenant à l'absence de communication des certificats médicaux de prolongation est inopérant en conséquence et la société est mal fondée à solliciter, pour ce motif, que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable.

S'agissant de la communication de l'avis du service du contrôle médical, des énonciations de la décision entreprise, il doit être retenu que le tribunal du contentieux de l'incapacité a été saisi par lettre adressée le 22 décembre 2017 et qu'il a reçu d'une part le 9 janvier 2018 de la caisse, outre ses conclusions, le dossier médico-administratif de l'assuré et d'autre part, du service médical de la même caisse, en double exemplaire, les copies du rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle établi par le médecin-conseil, sous pli fermé avec la mention « confidentiel » à l'attention du médecin consultant du tribunal et du médecin mandaté par l'employeur.

Sont sans emport sur la solution du présent litige les dispositions de l'article L. 143-10 du même code permettant la transmission, par les services du contrôle médical, au médecin mandaté par l'employeur, de l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente, dont le respect n'est au demeurant, pas contesté par l'intimée.

Le dossier médico-administratif de la caisse auquel le tribunal fait référence sans être critiqué sur ce point, contient nécessairement, ainsi que la caisse l'affirme, la notification de la décision attributive de rente (pièce 7 de la caisse).

Cette notification rappelle, outre les références de l'assuré et du risque professionnel pris en charge, qu'après examen des éléments médico- administratifs du dossier et des conclusions du service médical, le taux d'incapacité permanente est fixé à 12 % à compter du 1er mars 2017.

Cette notification reprend en outre les conclusions médicales suivantes : « diminution d'amplitude de plus de 20°, antépulsion et adduction respectivement 110° et 110° de l'épaule gauche chez un gaucher, séquelles de la maladie professionnelle avec amyotrophie du biceps ».

Il convient de rappeler que selon l'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur les éléments définis au I de l'article L. 315-1 s'imposent à l'organisme de prise en charge.

Il s'agit de tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

Il s'en déduit que 'l'avis du service du contrôle médical' exigé par l 'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale et que détient la caisse est tout entier contenu dans la décision de notification du taux.

Ses obligations ne sauraient être étendues au-delà des prévisions des textes et aucun manquement ne saurait être déduit de ce qu'elle a, pour les besoins de sa défense, versé d'autres pièces au dossier que les pièces sus-visées.

Le droit à un procès équitable lui permet de soumettre à la discussion des pièces nouvelles, y compris en réponse aux critiques développées contre l'appréciation portée par le service du contrôle médical.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'inopposabilité. Y ajoutant, cette décision lui sera déclarée opposable.

2. Sur le taux d'incapacité opposable

Selon l'article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, exactement rappelé par les premiers juges, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes générales et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Selon l'article R. 434-32 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Le barème indicatif d'invalidité sus visé est référencé à l'annexe 1, telle qu'issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006.

Les quatre premiers éléments de l'appréciation concernent l'état du sujet considéré du strict point de vue médical. Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, sont donc :

1° La nature de l'infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d'où l'on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l'atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l'altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L'état général. Il s'agit là d'une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d'estimer l'état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l'évaluation d'adapter en fonction de l'état général, le taux résultant de la nature de l'infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L'estimation de l'état général n'inclut pas les infirmités antérieures - qu'elles résultent d'accident ou de maladie - ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L'âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l'indication tirée de l'état civil, mais en fonction de l'âge organique de l'intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l'involution physiologique, de celles résultant d'un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l'état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l'individu et de l'incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l'étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l'état physique ou mental de l'intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d'un individu normal.

S'agissant de l'atteinte aux fonctions articulaires, il est précisé à l'annexe précitée (2) s'agissant du membre supérieur, au paragraphe 1.1.2 (Atteinte des fonctions articulaires) qui a pour objet d'évaluer le blocage et la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause que pour l'épaule, la mobilité de l'ensemble scapulo-huméro thoracique s'estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d'une main, l'autre main palpant l'omoplate pour en apprécier la mobilité.

Les mesures normales sont les suivantes :

- Elévation latérale : 170° ;

- Adduction : 20° ;

- Antépulsion : 180° ;

- Rétropulsion : 40° ;

- Rotation interne : 80° ;

- Rotation externe : 60°.

La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.

Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres axillaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

Pour une limitation moyenne de tous les mouvements, le taux médical est proposé à 20 % pour le membre dominant et à 15 % pour le membre non dominant, et pour une limitation légère de tous les mouvements, le taux médical est proposé entre 10 à 15 % pour le membre dominant et entre 8 à 10 % pour le membre non dominant.

Il convient d'ajouter que comme le juge la Cour de cassation de manière constante, la juridiction saisie de la contestation du taux d'incapacité permanente partielle doit se prononcer sur l'ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci.

En l'espèce, le taux de 12 % retenu par les services du contrôle médical résulte des séquelles objectivées comme suit dans les conclusions : « diminution d'amplitude de plus de 20°, antépulsion et adduction respectivement 110° et 110° de l'épaule gauche chez un gaucher, séquelles de la maladie professionnelle avec amyotrophie du biceps ».

Pour soutenir sa demande tendant à voir ramener l'incapacité à un taux opposable de 0%, l'employeur verse au dossier l'avis de son médecin de recours dont il convient de reprendre les termes :

- aucun examen complémentaire ne permet de retenir une MP 57 A : cet argument est inopérant dès lors que la décision de prise en charge n'a pas été remise en cause ;

- le résultat de l'arthrographie du 13 janvier 2017 n'a pas été produit : cet argument est inopérant dès lors qui n'est pas démontré que ce document de nature médicale figurerait au rang des pièces que, par dérogation aux règles du secret médical, la caisse ou le service médical serait autorisé à détenir et à produire ;

- l'acromioplastie est le traitement de l'arthrose acromioclaviculaire qui ne fait pas partie du tableau 57 des maladies professionnelles : la circonstance que plusieurs pathologies affectent le même membre n'interdit pas de rechercher le lien de causalité entre le déficit physiologique constaté et le risque professionnel pris en charge ;

- l'examen pratiqué par le médecin-conseil est incohérent, n'est pas conforme au barème et il n'existe aucune amyotrophie du biceps : ces affirmations ne sont soutenues par aucune offre de preuve.

De même, ne sont soutenus par aucune offre de preuve les commentaires du médecin de recours selon lequel l'étude de la force musculaire au dynamomètre n'a aucun intérêt pour l'étude de la force musculaire de l'épaule, si ce n'est confirmer la simulation.

Ces affirmations sont en contradiction avec les termes du certificat médical final qui précise que la consolidation est intervenue avec séquelles.

Le médecin consultant mandaté par le tribunal et dont l'avis est reproduit dans le jugement a pour sa part confirmé que l'épaule était atteinte d'une limitation légère de tous les mouvements et que ces atteintes justifiaient parfaitement l'attribution d'un taux médical qu'il a proposé de fixer à 8 %.

Force est bien de relever qu'aucun des éléments versés au dossier ne permet de retenir l'existence d'un état antérieur connu (avant la déclaration de la maladie professionnelle) ou qui évoluant pour son propre compte, ne serait pas aggravé par la maladie prise en charge, dont les séquelles pourraient en tout état de cause être distinguées des séquelles de la maladie professionnelle.

L'aggravation entièrement due à un accident du travail, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée dans sa totalité (Cass. soc., 30 nov. 1967, pourvoi n°66-14.143, Bull. civ. IV, p. 642 ; 2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n°20-10.621).

Cette solution doit être étendue à une maladie professionnelle.

M. [C] qui est né le 24 avril 1962 était âgé de 55 ans à la consolidation. Il est électricien et chef de chantier et au titre de ses constations détaillées, le médecin traitant a noté dans le certificat final : « (illisible) 0 port de charge - douleurs ».

Le taux proposé à 12 % pour une limitation légère de tous les mouvements du membre dominant est conforme au barème indicatif et doit être entériné, sans qu'il y ait lieu d'organiser l'expertise demandée.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou du principe du contradictoire.

3. Sur les dépens

L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 31 janvier 2019 du pôle social du tribunal de grande instance de Nantes sauf en ce qu'il dit que les séquelles présentées par M. [C] le 28 février 2017 n'ont pas été correctement évaluées et que le taux d'incapacité permanente partielle de 12% toutes causes confondues doit être fixé à 8%, conformément au guide-barème, dans les rapports entre la caisse et la société ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare opposable à la société SPIE Ouest-Centre la fixation par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre du taux d'incapacité permanente partielle de M. [C] au titre de la maladie professionnelle du 4 novembre 2015 (épaule gauche) ;

Fixe le taux opposable à la société SPIE Ouest-Centre à 12 % ;

Condamne la société SPIE Ouest-Centre aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/02372
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.02372 ?
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