7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°343/2022
N° RG 18/02741 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OZJK
Mme [S] [M] épouse [Z]
C/
M. [W] [E]
S.E.L.A.R.L. TCA
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :09/06/2022
à :Me NOEL, Me CHAUDET, Me COLLEU
Copie certifiée conforme délivrée le 09/06/2022 à la SELARL TCA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Mai 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [X], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [S] [M] épouse [Z]
née le 05 Juillet 1981 à LEHON (22100)
61 Le Chauchix
22830 PLOUASNE
Représentée par Me Claire NOEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006092 du 10/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Monsieur [W] [E]
1 Place de la Croix O May
22690 PLEUDIHEN SUR RANCE
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me VIVIER, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Amaury GAULTIER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO
S.E.L.A.R.L. TCA prise en la personne de Me [F] es qualité de mandataire ad hoc de M. [R] [J]
9 place Duguesclin
22000 SAINT BRIEUC
Non comparant, non représenté
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES
Immeuble Le Magister 4, cours Raphaël Binet
35069 RENNES CEDEX
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Louise LAISNE, avocat au barreau de RENNES
***
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Dinan du 10 avril 2018 ayant dit prescrites les demandes de Mme [S] [Z] née [M], et débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes avec sa condamnation aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de Mme [S] [Z] reçue au greffe de la cour le 23 avril 2018 ;
Vu les conclusions n° 4 du conseil de Mme [S] [Z] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 16 mars 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins d'annulation du jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant sur l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de dire qu'elle n'est pas prescrite en son action et, en conséquence, de :
-Dire justifiée sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail du 8 septembre 2027 devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-Condamner M. [W] [E] à lui payer les sommes de :
.609,17 € d'indemnité légale de licenciement,
.1 218,34 € d'indemnité compensatrice de préavis,
.3 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-Dire que M. [W] [E] devra lui délivrer un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes sous astreinte.
-Le condamner à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du conseil de M. [W] [E] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 6 avril 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens aux fins, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en déboutant de toutes ses demandes Mme [S] [Z] qui sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, de condamner Me [F] en sa qualité de mandataire liquidateur puis de mandataire ad hoc de M. [R] [J] à le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de cette dernière tout en réduisant ses prétentions indemnitaires et la condamner à lui régler la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'assignation en intervention forcée par acte d'huissier du 11 juin 2021 à l'initiative de Mme [S] [Z] contre la Selarl TCA prise en la personne de Me [H] [F], en sa qualité de mandataire ad hoc de Monsieur [R] [J] (ordonnance du tribunal de commerce de Saint Malo du 4 avril 2021) ;
Vu la signification des conclusions de M. [W] [E] à la la Selarl TCA prise en la personne de Me [H] [F], en sa qualité de mandataire ad hoc de Monsieur [R] [J], par acte d'huissier du 29 octobre 2021 ;
Vu les conclusions récapitulatives n° 2 du conseil de l'AGS CGEA de Rennes adressées au greffe de la cour par le RPVA le 2 novembre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens aux fins de confirmation du jugement critiqué, de déclarer qu'aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la liquidation judiciaire et ordonner en conséquence sa mise hors de cause, de dire en tant que de besoin que les créances résultant de la rupture du contrat de travail ne sauraient être garanties par elle en l'absence de rupture intervenue dans les 15 jours du jugement de liquidation judiciaire et, en toute hypothèse, de déclarer qu'elle ne consentira d'avance au mandataire précité que dans les limites de plafond et aux conditions de sa garantie, telles que prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;
Vu l'ordonnance du 28 avril 2022 ayant prononcé la clôture de l'instruction avec renvoi pour fixation à l'audience de fond s'étant tenue le 3 mai 2022.
MOTIFS :
Sur l'annulation du jugement déféré
L'article 542 du code de procédure civile dispose que :
« L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à la réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».
Dans le cadre d'un appel annulation de droit commun, parmi les causes possibles de nullité d'un jugement, figure l'atteinte au principe du contradictoire constituant l'un des principes directeurs du procès civil rappelé à l'article 16 du même code qui précise à son premier alinéa que : « Le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire », et à son dernier alinéa qu' : « Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».
Dans son jugement du 10 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Dinan a dit prescrites les demandes de Mme [S] [Z] au visa de l'article L. 1471-1 du code du travail, alors même que dans son très bref exposé en page 3 des dires de M. [W] [E] en tant que codéfendeur, et qui fait foi jusqu'à inscription de faux, il n'y a aucune mention expresse en ce sens.
Il est donc établi qu'en l'espèce le conseil de prud'hommes de Dinan a fait une application d'office de l'article L. 1471-1 du code du travail, qui constitue un moyen de pur droit, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer contradictoirement.
*
Il convient en conséquence d'annuler en toutes ses dispositions ledit jugement.
En application de l'article 562, dernier alinéa, du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel s'opère pour le tout en cas d'annulation du jugement par la cour qui doit alors statuer au fond, sans pouvoir l'infirmer ou le confirmer.
Sur les demandes de Mme [S] [Z]
Mme [S] [Z] a été embauchée par Mme [O] [U] exploitant un bar à l'enseigne LE BREIZ à Pleuhiden sur Rance (22690) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ayant pris effet le 13 février 2006, pour y occuper les fonctions de serveuse au niveau I-échelon 1 de la convention collective nationale des Hôtels-Cafés-Restaurants (HCR), avec en contrepartie un salaire de base de 591,57 € bruts mensuels pour 17 heures de travail hebdomadaires (73 heures 67 mensuelles).
En mai 2006, la gérance du bar LE BREIZ a été reprise par M. [R] [J], à qui a été transféré en tant que nouvel employeur le contrat de travail de Mme [S] [Z].
Mme [S] [Z] a été en congé parental sur la période du 1er décembre 2007 au 31 juillet 2017 en percevant de la CAF des Côtes d'Armor au titre d'une cessation totale d'activité la prestation partagée d'éducation de l'enfant.
Suivant un acte notarié du 20 décembre 2013, M. [R] [J], mis en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Saint Malo du 9 juillet 2013 avec Me [H] [F] de la Sarl TCA en qualité de mandataire liquidateur, a cédé à M. [W] [E] et à son épouse Mme [G] [A] le fonds de commerce café-débit de boissons à l'enseigne LE BREIZ pris à bail commercial avec intervention aux présentes de Mme [C] [L] comme bailleresse, y étant expressément stipulé en page 34 que le cédant - M. [R] [J] - « déclare qu'il n'emploie pas de personnel pour l'exploitation du FONDS objet des présentes ».
Par un courrier daté du 30 juin 2017, Mme [S] [Z] a informé M. [W] [E] que son congé parental d'éducation prenait fin le 31 juillet 2017 avec les effets y étant normalement attachés (« ' En conséquence, j'entends donc reprendre l'emploi que j'occupais au sein de votre entreprise le 1er août 2017 dans les conditions de mon contrat de travail ' »).
Dans une réponse du 20 juillet 2017, M. [W] [E] indique à l'appelante qu'il a fait l'acquisition de ce fonds de commerce prenant effet en janvier 2014 sans mention d'un salarié comme énoncé expressément dans le jugement consulaire de liquidation judiciaire du 9 juillet 2013.
Mme [S] [Z] s'est présentée, accompagnée, le 1er août 2017 pour reprendre son poste de travail auprès de M. [W] [E] qui s'y est opposé - attestations de la salariée, ses pièces 8 et 9.
L'appelante a finalement pris acte le 8 septembre 2017 de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, avant de saisir le 19 octobre 2017 le conseil de prud'hommes de Dinan aux fins de voir juger cette même rupture imputable à M. [W] [E] avec toutes conséquences indemnitaires de droit.
1/ Sur la prescription de l'action.
Compte tenu de la saisine du juge prud'homal intervenue le 19 octobre 2017, l'article L. 1471-1 du code du travail en son deuxième alinéa, dans sa dernière version issue de l'Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à compter du 23 septembre 2017, dispose que : « Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture ».
Contrairement à ce que soutient M. [W] [E] de manière tout à la fois inopérante et infondée, peu important que Mme [S] [Z] ait pu avoir connaissance dès le mois de février 2014 de ce qu'il avait fait l'acquisition du fonds de commerce café-restaurant LE BREIZ emportant en principe transfert de plein droit de son contrat de travail dès lors que cet évènement ne peut constituer en lui-même le point de départ du délai légal de prescription de 12 mois qui court à compter de la notification de la rupture du contrat de travail; que la salariée par l'effet ainsi attaché à l'article L. 1224-1 du code du travail dont la mise en 'uvre n'est pas contestée en l'espèce n'avait pas spécialement à accomplir de démarches « pour faire reconnaître, consolider, l'existence de son contrat de travail » non alors rompu ; qu'il ne peut lui être fait le reproche d'avoir attendu l'été 2017 « pour benoitement informer de la reprise de son travail » puisque l'article L. 1225-55 du code du travail rappelle qu'à l'issue du congé parental d'éducation le salarié retrouve en principe son précédent emploi ou un emploi similaire, ce qui explique qu'elle se soit manifestée auprès de son nouvel employeur à la fin de son congé parental le 31 juillet 2017 en se présentant sur son lieu de travail dès le 1er août suivant ; et qu'il n'est pas exact de prétendre que factuellement dès le mois de février 2014 « elle avait connaissance d'une difficulté liée à l'existence même de son contrat de travail et à son exécution » puisqu'en application de l'article L. 1225-47 le salarié bénéficiaire d'un congé parental d'éducation voit l'exécution de son contrat de travail suspendue.
*
Mme [S] [Z] ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail par un courrier du 8 septembre 2017, elle est pleinement recevable en son action non prescrite pour avoir saisi le conseil de prud'hommes de Dinan dès le 19 octobre 2017.
2/ Sur l'examen au fond.
La cession du fonds de commerce LE BREIZ par acte authentique du 20 décembre 2013 rentre dans les prévisions de l'article L. 1224-1 du code du travail prévoyant que : « ', tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise », cession ayant emporté le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité s'est poursuivie avec le cessionnaire.
Quand elles sont rendues applicables notamment en cas de cession d'un fonds de commerce, les dispositions d'ordre public issues de l'article L. 1224-1 prévoient un transfert automatique et de plein droit des contrats de travail en cours du cédant - l'employeur initial - au cessionnaire - le nouvel employeur, transfert devant avoir lieu même si l'exécution du contrat de travail est suspendue au jour de la modification dans la situation juridique de l'employeur.
Contrairement encore à ce qu'affirme M. [W] [E], la salariée n'a jamais expressément entendu renoncer aux dispositions légales précitées, comme cela ressort d'un échange de courriels qu'elle a eu avec Me [F], ès qualités, courant février 2014 (« Maître [F], Je me permets ' de vous informer que je suis employée au Bar LE BREIZH à Pleudihen sur Rance en CDI depuis le 13 février 2006 ' Ayant appris, complètement par hasard, que Le Breizh avait été vendu ' J'ai donc quelques questions : - N'aurais-je donc pas dû recevoir quelques documents ' concernant la mise en liquidation du Breizh ' - Qui est aujourd'hui mon employeur ' ' », pièce 4 de l'appelante), avant de tenter mais vainement de reprendre son emploi le 1er août 2017 à l'issue de son congé parental d'éducation.
C'est donc à bon droit que Mme [S] [Z] entend rappeler que dans le cadre de l'exploitation du bar LE BREIZH, M. [W] [E] a été son dernier employeur, dès lors qu'elle a mis fin à son contrat de travail par une prise d'acte de rupture de celui-ci seulement le 8 septembre 2017, et peu important en définitive qu'il n'ait pas été porté à sa connaissance au moment du rachat de ce fonds de commerce de l'existence d'un contrat de travail encours avec l'appelante.
Sur ce dernier point, il convient de rappeler qu'en l'espèce l'omission du cédant, M. [R] [J] représenté par Maître [F] agissant en qualité de mandataire liquidateur, d'informer les cessionnaires, les époux [E], de l'existence d'un contrat de travail en cours avec Mme [S] [Z], salariée rattachée à l'exploitation du fonds de commerce depuis février 2006, ne peut avoir exonéré plus spécialement M. [W] [E] de l'application des dispositions d'ordre public issues de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Le refus de M. [W] [E] début août 2017 de poursuivre l'exécution du contrat de travail en cours avec Mme [S] [Z], en violation des règles applicables, constitue de sa part un manquement d'une gravité suffisante ayant justifié la prise d'acte par cette dernière le 8 septembre 2017 de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, prise d'acte produisant, comme telle, les effets d'un licenciement abusif.
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M. [W] [E] sera en conséquence condamné à régler à l'appelante les sommes de :
-802,07 € Bruts d'indemnité légale de licenciement (mode de calcul en page 13 des écritures de la salariée),
-1 218,34 € Bruts d'indemnité compensatrice légale de préavis représentant deux mois de salaires (609,17 € x 2),
-3 000 € Nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-5 dans sa version alors en vigueur, équivalant à un peu moins de cinq mois de salaires, en considération du préjudice qu'elle a réellement subi dans le contexte précédemment exposé.
Sur la demande d'appel en garantie de M. [W] [E] dirigée contre Me [F], ès qualités
Si, comme la cour vient de le rappeler, l'omission du cédant d'informer les cessionnaires dont M. [W] [E] de l'existence d'un contrat de travail alors en cours avec Mme [S] [Z], ne peut avoir exonéré ce dernier en tant que nouvel employeur de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il est toutefois en droit d'agir contre Me [H] [F], en sa qualité de mandataire liquidateur puis de mandataire ad hoc de M. [R] [J], à raison de ce défaut d'information lui ayant causé un préjudice, et en demandant ainsi à ce qu'il le garantisse des condamnations indemnitaires prononcées à son encontre pour le compte de la salariée.
En page 34 de l'acte de cession du fonds de commerce, après avoir été indiqué que le cédant déclare n'employer aucun salarié, figure d'ailleurs la clause suivante ainsi libellée : « Il est précisé qu'en cas de déclaration inexacte aux présentes, les indemnités et les salaires quelconques pouvant être dus aux salariés ', par le CESSIONNAIRE en vertu des dispositions du Code du travail, seront mises à la charge du CEDANT, ainsi que ce dernier s'y oblige».
Il est un fait que Me [F], ès qualités, lors de la formalisation de l'acte de cession du fonds de commerce LE BREIZH courant décembre 2013, n'a pas procédé aux vérifications en amont alors indispensables en se contentant finalement de la déclaration de M. [R] [J] qui ne mentionnait pas l'existence d'un contrat de travail en cours avec la salariée appelante, vérifications élémentaires renvoyant à un nécessaire devoir de vigilance de la part du mandataire liquidateur qui avait un libre accès à toutes les données comptables et sociales de cet établissement.
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Ce défaut de vérifications, qui constitue un manquement fautif, a causé un réel préjudice à M. [W] [E] qui verra donc favorablement accueillie sa demande aux fins de dire que Me [F], ès qualités, devra le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [S] [Z].
Sur la garantie de l'AGS CGEA de Rennes
Considérant que la garantie de l'AGS CGEA de Rennes par principe n'est que subsidiaire ; qu'elle ne peut conduire qu'à la fixation de sommes comme créances au passif de la liquidation judiciaire de l'entité concernée ; que la salariée agit seulement contre le cessionnaire repreneur du fonds de commerce LE BREIZH dont le précédant exploitant a été mis en liquidation judiciaire ; qu'il n'y a donc aucune demande expressément formulée par la salariée contre la liquidation judiciaire du cédant ; qu'en toute hypothèse seules peuvent donner lieu à la garantie de l'AGS CGEA de Rennes les créances nées de la rupture du contrat de travail intervenue dans les 15 jours du prononcé de la liquidation judiciaire par une décision du tribunal de commerce de Saint Malo du 9 juillet 2013 ; que ces créances s'entendent d'une rupture du contrat de travail exclusivement à l'initiative du mandataire liquidateur ; et que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque c'est Mme [S] [Z] qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans un courrier adressé le 8 septembre 2017 à M. [W] [E].
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de mettre totalement hors de cause l'AGS CGEA de Rennes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [W] [E] sera condamné en équité à payer à Mme [S] [Z] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,
ANNULE le jugement du conseil de prud'hommes de Dinan du 10 avril 2018 ;
STATUANT :
-DIT non prescrite l'action de Mme [S] [Z].
-DIT justifiée la prise d'acte par Mme [S] [Z] de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement abusif.
-CONDAMNE en conséquence M. [W] [E] à régler à Mme [S] [Z] les sommes suivantes :
' 802,07 € Bruts d'indemnité légale de licenciement,
' 1 218,34 € Bruts d'indemnité compensatrice légale de préavis,
'3 000 € Nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
-DIT que Me [F], en sa qualité de mandataire liquidateur puis de mandataire ad hoc de M. [R] [J], devra garantir M. [W] [E] de toutes les condamnations ainsi prononcées à son encontre au profit de Mme [S] [Z] ;
Y AJOUTANT :
-PRONONCE la mise hors de cause de l'AGS CGEA de Rennes.
-RAPPELLE que les sommes allouées à Mme [S] [Z] au titre des indemnités légales de rupture son assorties des intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation, et que celle lui revenant à titre de dommages-intérêts pour licenciement l'est à compter du présent arrêt.
-ORDONNE à M. [W] [E] de délivrer à Mme [S] [Z] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.
-REJETTE toutes demandes et prétentions contraires des parties.
-CONDAMNE M. [W] [E] à payer à Mme [S] [Z] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [E] aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER Le Conseiller
pour le Président empêché