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09/06/2022 | FRANCE | N°18/03065

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 09 juin 2022, 18/03065


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°346/2022



N° RG 18/03065 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O2I5













M. [J] [U]



C/



SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES



















Copie exécutoire délivrée

le :09/06/2022

à Me PENEAU MELLET, Me MERLY, Me COLLEU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2022



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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors d...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°346/2022

N° RG 18/03065 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O2I5

M. [J] [U]

C/

SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES

Copie exécutoire délivrée

le :09/06/2022

à Me PENEAU MELLET, Me MERLY, Me COLLEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [Y], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [J] [U]

né le 09 Avril 1983 à Rennes (35000)

l'ourmais

35410 nouvoitou

Représenté par Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES

5 RUE DES LANDELLES

35510 CESSON SEVIGNE

Représentée par Me Bertrand MERLY de la SCP CHEVALIER MERLY & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me CAHU Tania, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTS :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES UNEDIC Délégation AGS CGEA de RENNES, Association déclarée, représentée par sa Directrice, Madame [Z] [V],

22 Rue de l'Alma Bâtiment 1 CS 96925

4 cours Raphaël Binet

35069 RENNES CEDEX

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Louise LAISNE, avocat au barreau de RENNES

Maître [G] [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIE

29 rue de Lorient

Immeuble Le Papyrus CS 74036

35040 RENNES CEDEX

Représenté par Me Bertrand MERLY de la SCP CHEVALIER MERLY & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me CAHU Tania, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [U] a été embauché le 7 janvier 2013 comme menuisier par la Sarl Eugène DELAHAYE dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 1er février 2013, la Sarl Gaëtan DELAHAYE MENUISERIES s'est substituée à la Sarl Eugène DELAHAYE, en tant qu'employeur.

La relation de travail était régie par l'accord national des ouvriers des entreprises artisanales du bâtiment du 8 octobre 1990 et par la convention collective régionale de Bretagne du 9 mars 1995.

Le 8 juin 2016, M. [U] a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 17 juin 2016 pour des cervicalgies aiguës ( torticolis). La caisse de sécurité sociale lui a notifié un refus de prise en charge au titre de la législation des accidents de travail.

Le 31 octobre 2016, le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail de droit commun jusqu'au 4 novembre 2016.

Alors que le salarié était absent de son poste de travail depuis le 7 novembre 216, l'employeur lui a demandé par courrier recommandé du 10 novembre 2016 de justifier le motif de son absence sous 48 heures. Il lui a indiqué qu'à défaut de fournir un justificatif ou de réintégrer son poste de travail, il serait contraint de le sanctionner.

M. [U] a transmis à son employeur, par courrier posté le 10 novembre, la prolongation de son arrêt de travail pour la période allant du 5 au 10 novembre 2016. Il a pris la semaine suivante en congés payés du 14 au 18 novembre 2016.

Le 5 décembre 2016, l'employeur a adressé au salarié un courrier recommandé aux termes duquel:

' Nous avons pris bonne note de votre intention de démissionner de notre entreprise le 5 décembre 2016. Compte tenu de votre ancienneté , vous devez effectuer un préavis de 2 semaines. A défaut de respecter ce préavis, vous êtes redevable à notre encontre d'une indemnité égale au salaire correspondant à la durée du préavis.

Celui-ci prendra donc fin le vendredi 16 décembre 2016 à midi.

A compter de cette date, vous pourrez vous présenter à l'entreprise pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et retirer votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi.'

Par courrier posté le 6 décembre 2016 et distribué le 7 décembre, l'employeur a notifié au salarié un avertissement daté du 28 novembre 2016 :

' D'une part, j'ai attiré votre attention à plusieurs reprises sur votre productivité à savoir :

- en ce qui concerne le chantier Saint Armel, en première pose ( plinthes, portes de distribution, portes de placard..) Vous y avez passé le double de temps prévu.

- en ce qui concerne My Campus, vous avez passé 17 heures à deux personnes pour fermer provisoirement 7 ouvertures de chantier alors qu'une heure était prévue par ouverture, soit 7 heures;

- en ce qui concerne Carré Lumière, vous avez passé 4 heures pour réaliser deux morceaux de faux plafond de 1mX 0,30 m.

Ce manque de productivité s'ajoute aux problèmes rencontrés sur vos précédents chantiers à savoir :

- Chantier l'Emerillon : quantité importante de réserves que vous levez dans des délais beaucoup trop longs,

- Cours Vilaine : quantité importante de réserves que vous levez dans des délais beaucoup trop longs sans même parfois résoudre le problème technique.

D'autre part, j'attire également votre attention sur le fait que la mise en oeuvre technique des différents matériaux et différentes marchandises est incompatible avec votre qualification qui est N III P2. Ainsi, votre organisation est inexistante, ce qui entraîne nécessairement des problèmes de pose, de délais... En outre, nous avons constaté que vous aviez posé des condamnations du mauvais côté à Carré Lumière. Sur le chantier Cours Vilaine, vous n'avez pas mis les renforts sur les baies coulissantes. Cela a entraîné des réserves que vous n'avez pas été techniquement capable de lever. Ce sont vos collègues qui sont intervenus à votre place.

Votre comportement a pour conséquence de perturber le bon fonctionnement des chantiers, ainsi que la rentabilité de l'entreprise.

Enfin, certains promoteurs se sont plaints de la qualité de votre travail (finitions, levées de réserve..). Ils ne désirent d'ailleurs plus votre présence sur leurs chantiers, sans compter que vos collègues ne souhaitent pas aller terminer votre travail.

Je vous rappelle qu'une attitude exemplaire est demandée à chacun de nos salariés tant en matière de productivité qu'en qualité de travail. Tout manquement sera considéré comme une atteinte à la bonne image de l'entreprise ainsi qu'à son bon fonctionnement. J'espère que vous tiendrez compte des remarques ci-dessus et que vous vous astreindrez à des règles de conduite irréprochables.'

Le 16 décembre 2016, la SARL Gaëtan DELAHAYE a remis à M. [U] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte.

Dans un courrier recommandé daté du 15 décembre 2016, réceptionné le 19 décembre, M. [U] a fait valoir auprès de l'employeur qu'il a été contraint de démissionner en raison d'une dégradation de l'ambiance, de difficultés de communication et de non-respect de la sécurité sur le

chantier :

' J'ai bien reçu votre courrier datant du 5 décembre qui me signifie ma démission. Et j'ai reçu ce même jour un avertissement écrit datant du 28 novembre relatant de nombreux fait non avéré que je réfute.

Je pense qu'il est humain après le décès violent et brutal de mon père que j'ai appris sur mon lieu de travail le 20 juin 2016 d'avoir traversé une période très difficile que j'ai gardé pour moi et qui n'a en rien entacher la qualité de mon travail.

Par ailleurs, le 5 décembre, lors de mon entretien avec M.[F]. J'ai expliqué les difficultés que je rencontrais dans votre entrepruse. J'ai demandé à récupérer le camion de l'entreprise, j'ai aussi évoqué le fait que si les conditions de travail ne s'amélioraient pas, j'aurais démissionné. Le lendemain, j'ai demandé à avoir une rupture conventionnelle. Celle-ci m'a été refusée et a été ajoutée que pour récupérer le camion de l'entreprise, je devais faire mes preuves. Entré dans l'entreprise en février 2013, je pense les avoir faits.

Je précise qu'à ce jour, ,je ne travaille plus dans les conditions acquises précédemment et nécessaire au bon fonctionnement de votre entreprise.

A savoir la perte de l'usage du camion de l'entreprise ce qui m'oblige à utilisé ma voiture personnelle et ce que cela engendre. D'autre part ceci m'amène a une dégradation de l'ambiance, une difficulté à communiquer avec vous et mon chef de chantier. Puis s'y ajoute le non respect de la sécurité sur le chantier par l'absence de chaussures adapté.

Suite à tout ces faits évoqué précédemment, je confirme ne pas être en accord avec vous sur cette démission. Par le fait de tous ces agissements je vous informe avoir saisi le conseil prudhommales afin de faire valoir mes droits. Au vu des conditions de travail inacceptable, je ne reprendrais donc pas mon poste ce lundi 19 décembre tout en refusant la démission que vous m'avez signifiée.

Pour faire valoir qui de droit.'

Le 2 février 2017, le conseil de M. [U] a dénoncé le caractère abusif de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur qui lui a laissé entendre qu'il démissionnait de son poste ce qui est parfaitement faux ; que le motif réel de la rupture est attaché au fait que le salarié a été en arrêt de travail à deux reprises, ce qui est confirmé par un avertissement adressé le même jour que la prétendue démission.

Dans un courrier en réponse le 27 février 2017, le conseil de l'employeur a confirmé la démission du salarié, qui ne s'est plus présenté sur son lieu de travail depuis le 16 décembre 2016.

***

M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de RENNES par requête du 23 mars 2017 afin de voir :

- Dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 21 238 €,

- Indemnité pour non respect de la procédure de licenciement :

1 769,88 €,

- Rappel de préavis : 3 358 € et congés payés afférents au préavis :

335 €,

- Indemnité de licenciement : 1 079,91 €,

- Dire nul l'avertissement.

- Dommages et intérêts pour avertissement nul : 2 000 €,

- Dommages et intérêts pour absence d'heure de recherche d'emploi : 150 €,

- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2 000 €.

La SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES a demandé au conseil de prud'hommes de :

- A titre principal, dire la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de M. [U] produisant les effets d'une démission claire et non équivoque.

- A titre subsidiaire,

- Dire que M. [U] ne rapporte pas la preuve des préjudices financiers qu'il allègue.

- En conséquence, débouter M. [U] de ses prétentions.

- A titre infiniment subsidiaire,

- fixer les sommes réclamées par M. [U] à de plus justes proportions.

- Condamner M. [U] au paiement de la somme de 2 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 17 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Fixé la moyenne des salaires de M. [U] à hauteur de 1 769 €,

- Dit que l'avertissement du 28 Novembre 2016 notifié à M.[U] est justifié,

- Dit que la rupture du contrat de travail de M.[U] s'analyse en une démission,

- Débouté M. [U] de ses demandes,

- Condamné M. [U] au paiement de la somme de 50 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [U] [J] aux dépens y compris ceux éventuels d'exécution du jugement.

M. [U] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 4 mai 2018.

Par jugement en date du 27 janvier 2021, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 28 juin 2021, M. [U] demande à la cour de :

- Infirmer en tous points la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Rennes.

- Statuer à nouveau et :

- Dire que la rupture du contrat de travail de M.[U] doit s'analyser en un licenciement.

- Dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Fixer au passif de la société GAETAN DELAHAYE les sommes suivantes :

' 21 238 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1769.88 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,

' 3358 euros à titre de rappel de préavis outre 335 euros au titre des congés payés afférents,

' 1079.91 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- Dire nul l'avertissement dont a fait l'objet M. [U].

- Fixer au passif de la société GAETAN DELAHAYE les sommes suivantes :

' 2000€ à titre de dommages et intérêts pour avertissement nul,

' 150 € à titre de dommages et intérêts pour absence d'heures de recherche d'emploi,

' 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En tout état de cause,

- Dire que le CGEA se devra de garantir l'ensemble des sommes qui seront fixées au passif de la liquidation judiciaire par la présente cour.

- Débouter Me [W] de l'ensemble de ses demandes.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 2 août 2021, Me [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES, demande à la cour de :

A titre principal,

- Constater que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, à l'initiative de M.[U], produit les effets d'une démission claire et non équivoque.

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[U] de l'ensemble de ses prétentions.

- Débouter M..[U] de toute demande à l'encontre de Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL GAETAN DELAHAYE MENUISERIES.

A titre subsidiaire,

- Constater que M.[U] ne rapporte pas la preuve des préjudices financiers qu'il allègue.

- En conséquence, débouter M.[U] de l'ensemble de ses prétentions, car infondées.

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer les sommes réclamées par l'appelant dans de plus justes proportions.

En tout état de cause,

- Débouter l'AGS de sa demande tendant à voir sa garantie limitée à la production d'un justificatif par le mandataire liquidateur démontrant l'absence de fonds disponibles et, condamner en conséquence l'AGS à garantir Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la société GAETAN DELAHAYE MENUISERIES, autant que de besoin, pour toutes les sommes entrant dans le champ de sa garantie.

- Condamner M.[U] à régler à Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la société GAETAN DELAHAYE MENUISERIES la somme de 2 500 € en application à 700 du Code de procédure civile.

- Condamner M.[U] aux entiers dépens d'instance.

- Débouter toutes les parties de toutes demandes contraires aux présentes.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 3 février 2022, l 'AGS CGEA de Rennes demande à la cour de :

- Confirmer dans son intégralité le jugement.

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes.

- A titre subsidiaire, débouter M.[U] de toute demande excessive et injustifiée.

En toute hypothèse :

- Débouter M.[U] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS.

- Décerner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du Code du Travail.

- Dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile n'a pas la nature de créance salariale.

- Dire que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du Code du Travail. Dépens comme de droit.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 29 mars 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 3 mai 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'avertissement du 28 novembre 2016

Les premiers juges ont validé l'avertissement daté du 28 novembre 2016 au motif que M.[U] n'avait pas contesté dans son courrier du 15 décembre 2016 la réalité des faits reprochés mais a cherché à expliquer la situation par sa fragilité morale liée au décès de son père survenu plusieurs mois plus tôt.

M.[U] maintient sa demande de nullité de l'avertissement qui lui a été notifié tardivement le 6 décembre 2016, concommitament à sa prétendue démission du 5 décembre. Il conteste les griefs et les problèmes attachés à son comportement lors des chantiers mentionnés dans la lettre d'avertissement.

Me [W] es qualité de mandataire liquidateur de la société DELAHAYE MENUISERIE rétorque que l'avertissement était justifié, que la réalité des griefs n'a pas été contestée par le salarié dans son courrier du 15 décembre 2016 , que la demande de nullité de la sanction est présentée par pure opportunité. Il soutient que M.[U] en annonçant le 5 décembre 2016 sa décision de démissionner, ne pouvait pas être influencé par l'avertissement qu'il a réceptionné 48 heures plus tard ; que les arrêts de travail étant justifiés par des documents médicaux, l'employeur n'a formulé aucun grief à ce titre à l'encontre du salarié.

Les articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail disposent que :

' En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'

A l'appui, l'employeur verse aux débats l'avertissement daté du 28 novembre 2016, posté le 6 décembre et réceptionné le 7 décembre, décrivant chantier par chantier les reproches récurrents formulés à l'encontre de M.[U] sur le plan qualitatif et quantitatif de son travail. Le compte rendu de l'entretien professionnel du 18 novembre 2015 révèle que l'employeur avait déjà reproché au salarié des insuffisances dans l'exécution de ses tâches, au regard des compétences et de l'autonomie attendues d'un ouvrier relevant de sa qualification (NIII P2), en cochant les cases ' en cours d'acquisition' dans le domaine des finitions, de celui de la gestion de son temps, du respect des délais et de l'établissement de la liste de marchandises nécessaire pour finir un chantier.

Sans contester la matérialité des malfaçons affectant les ouvrages qui lui étaient confiés à l'origine des réserves émises par les clients constructeurs et nécessitant l'intervention de ses collègues pour effectuer les reprises, M.[U] se contente dans son courrier daté du 15 décembre 2016, de 'réfuter les nombreux faits', sans plus de précision sur la nature de ses protestations, tout en se prévalant d'une période très difficile après le décès brutal de son père le 20 juin 2016.

L'avertissement, basé sur des faits précis révélant des malfaçons récurrentes imputables à M.[U], sur lesquelles il ne fournit aucune explication cohérente, doit être considéré comme justifié et proportionné aux faits.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M.[U] de se demande en annulation de la sanction.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon l'article L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu sur l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste la volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail. Elle peut être écrite ou verbale.

Le caractère clair et non équivoque de la démission peut être remis en cause lorsque le salarié invoque des manquements de l'employeur de nature à rendre équivoque sa démission soit lorsqu'elle est assortie de réserves soit a posteriori lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque. En cas de prise d'acte de la rupture par le salarié, il lui appartient d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Lorsque le salarié invoque des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite de son contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A défaut, la prise d'acte est considérée comme une démission.

Les premiers juges ont retenu que M.[U] avait bien manifesté la volonté de démissionner le 5 décembre 2016 avant de quitter définitivement l'entreprise le 16 décembre suivant ; qu'il ne pouvait pas se prévaloir du caractère équivoque de sa démission après avoir reçu deux jours plus tard, le 7 décembre, l'avertissement critiquant la qualité de son travail ; et que les griefs formulés dans le courrier du salarié du 15 décembre à l'encontre de son employeur ne sont pas justifiés.

M.[U] fait valoir qu'il n'a jamais donné sa démission par écrit ou par oral ; qu'il n'existe pas de démission claire et non équivoque de sa part; qu'il s'agit en réalité d'une démarche initiée par son employeur qui lui a adressé le 5 décembre 2016 un courrier, date de sa prétendue démission, avec une fin de contrat au 16 décembre ; qu'il lui a transmis le lendemain, le 6 décembre, un avertissement daté du 28 novembre en critiquant la qualité de son travail; que le fait pour la société de lui remettre les documents de fin de contrat doit s'analyser comme une rupture à l'initiative de l'employeur et un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le mandataire liquidateur de la société DELAYE MENUISERIES considère que le salarié a pris la décision libre et éclairée de donner sa démission et a quitté l'entreprise le 16 décembre 2016; qu'en cas de démission verbale, le juge doit prendre en compte les circonstances entourant cette décision ; qu'en l'espèce, M.[U] a clairement annoncé sa volonté de démissionner devant l'employeur et un délégué du personnel sans formuler le moindre grief à cette période à l'égard de la société; que l'appelant est donc mal fondé à remettre en cause la réalité de sa démission et son caractère non équivoque.

Il résulte des pièces produites que :

- M.[U] a avisé le 30 novembre 2016 M.[F], conducteur de travaux et également délégué du personnel qu'il avait pris la décision de quitter l'entreprise et qu'il allait présenter sa démission le lundi suivant, ce qu'il a fait le 5 décembre.

- il a confirmé le 1er décembre 2016 auprès d'un collègue M.[O] 'sa volonté de quitter l'entreprise pour suivre une reconversion'.

- le dirigeant a formalisé par écrit à l'issue d'un entretien le 5 décembre 2016 avec M.[U] que ce dernier venait de lui présenter sa démission mais qu'une période de préavis de deux semaines devait être respectée , de sorte que le salarié pourrait quitter l'entreprise le 16 décembre 2016 à midi.

- un collègue M.[A] rapporte que le vendredi 16 décembre 2016, lors d'une manutention sur le chantier My Campus à RENNES, M.[U] a exprimé à haute voix'sa joie, de partir de l'entreprise car il finissait de bosser pour la boîte à midi.'; que le mardi 20 décembre , M.[U] s'est présenté à l'entreprise pour déposer des papiers et nous a souhaité bon courage pour l'avenir en disant ' en tous pour moi, l'avenir n'est pas dans cette entreprise'.

- dans son courrier daté du 15 décembre 2016, réceptionné le 19 décembre, M.[U] a indiqué qu'il ne se présenterait plus à son poste de travail à compter du lundi 19 décembre.

Aucun formalisme n'étant exigé soit par la loi soit par la convention collective applicable pour présenter sa démission, les éléments versés aux débats établissent que M.[U] a notifié verbalement le 5 décembre 2016 à son employeur sa volonté de mettre fin au contrat de travail à l'issue d'une période de préavis de deux semaines pour le 16 décembre 2016.

Le salarié n'a d'ailleurs pas protesté le 7 décembre 2016 à réception du courrier de son employeur du 5 décembre 2016 ( pièce 9) lui donnant acte de sa démission à l'issue d'un délai de préavis de deux semaines, et a réitéré , dans son courrier du 15 décembre 2016, sa volonté de ne plus revenir à son poste de travail à compter du lundi 19 décembre 2016. Les éléments fournis par l'employeur révèlent que le salarié a retrouvé un nouvel emploi dès le mois de janvier 2017. La réalité de la rupture est parfaitement établie.

Pour démontrer que son départ de l'entreprise était lié à des manquements de la société de nature à rendre équivoque sa démission, M.[U] verse aux débats :

- son courrier daté du 15 décembre 2016, aux termes desquels il contestait l'avertissement et évoquait 'des difficultés liées à la perte de l'usage du camion de l'entreprise, une dégradation de l'ambiance et le non-respect de la sécurité sur le chantier par l'absence de chaussures adaptées.'

- le courrier de son conseil du 2 février 2017 suggérant que le motif réel de la rupture correspond à l'arrêt de travail à deux reprises du salarié, ce qui n'aurait pas plu à l'employeur.

Si les protestations du salarié contenues dans le courrier transmis dans les deux semaines suivant sa démission révèlent que son départ est concomitant à un différend l'opposant à son employeur, iI appartient au juge prud'homal d'apprécier la réalité et la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié.

S'agissant du retrait de l'usage du camion de l'entreprise, M.[U] ne fournit aucune explication sur les conditions dans lesquelles il était amené à utiliser le véhicule utilitaire avant que cet usage ne lui soit 'retiré', le contraignant à emprunter son véhicule personnel. Les pièces produites permettent de constater que le salarié ne bénéficiait pas de l'usage d'un véhicule d'entreprise en l'absence de mention dans son contrat de travail et qu'il percevait au vu de ses bulletins de salaire, des indemnités de trajet pour des petits déplacements sur les chantiers prévues par les dispositions conventionnelles. Le salarié n'établit pas le manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles et /ou conventionnelles. Ce premier grief n'est pas démontré.

Concernant la dégradation de l'ambiance de travail, le salarié ne décrit aucun fait précis permettant d'établir la réalité de ce grief ni 'ses difficultés pour communiquer'avec le dirigeant et le chef d'équipe et ne fournit aucune pièce ou témoignage objectif en ce sens. Aucun élément concret ne permet d'établir que l'employeur aurait manifesté une animosité particulière à l'égard de M.[U] à l'issue de ses absences notamment, lesquels ont été justifiés par des arrêts de travail- d'une semaine en juin 2016 et de deux semaines en octobre-novembre 2 016. Contrairement à l'interprétation du salarié, le fait pour la société de lui adresser un courrier recommandé le 10 novembre 2016 de lui fournir des justificatifs liés à son absence injustifiée depuis plusieurs jours en application des dispositions conventionnelles, s'inscrit dans les prérogatives normales de l'employeur et ne s'analyse pas comme un moyen de pression injustifié. Le second grief n'est pas établi.

A propos de l'absence de chaussures adaptées sur le chantier, les allégations du salarié sont contredites par l'employeur qui a fourni la facture d'achat en date du 24 février 2016 d'une douzaine de chaussures de sécurité

( pièce 15). Le compte rendu de l'entretien annuel du 18 novembre 2015, soulignant que M.[U] respecte 'très facilement le port des chaussures de sécurité et des bouchons d'oreille', facilement le port du casque mais qu'il ne respecte pas le port des gants, confirme que les chaussures étaient bien mises à sa disposition, M.[U] n'ayant émis aucune réserve dans le compte-rendu qu'il a signé. Ce troisième grief n'est pas démontré.

Enfin, le salarié qui a annoncé sa démission le 5 décembre 2016, a réceptionné le 7 décembre 2016 l'avertissement daté du 28 novembre, de sorte que la sanction disciplinaire, notifiée deux jours après sa démission verbale, n'a pas pu participer de quelque façon à la dégradation des relations contractuelles dénoncée par M.[U], étant rappelé que cet avertissement a été validé pour les motifs énoncés précedemment.

Il s'ensuit que M.[U] est défaillant à rapporter la preuve des manquements graves imputables à l'employeur de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail et à justifier une rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M.[U] sera donc débouté de sa demande tendant à voir dire que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture du contrat s'analysait bien en une démission et qu'il a débouté le salarié de ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d'heure de recherche d'emploi

Monsieur [U] demande l'infirmation des dispositions relatives au montant des dommages et intérêts pour absence d'heure de recherche d'emploi mais maintient dans ses conclusions sa demande à la somme de 150 euros allouée par les premiers juges.

L'employeur conclut au rejet de la demande en l'absence de justificatifs. Il résulte de la convention collective qu'aucune indemnité n'est due par l'employeur si les heures de recherche d'emploi ne sont pas utilisées par le salarié en cours de préavis. Il s'ensuit que Monsieur [U], qui ne justifie pas avoir sollicité auprès de l'employeur l'autorisation de prendre des heures de recherche d'un emploi au cours d u préavis, sera débouté de sa demande d'indemnisation. Le jugement sera infirmé sur ce chef.

Sur les autres demandes

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives en appel à ce titre, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[U] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS représentée par le CGEA de Rennes.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement seulement en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour absence d'heure de recherche d'emploi.

CONFIRME les autres dispositions du jugement;

STATUANT à nouveau sur le chef infirmé

Y AJOUTANT :

REJETTE la demande de Monsieur [U] de dommages et intérêts pour absence d'heure de recherche d'emploi.

- DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives en cause d'appel fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

-DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS représentée par le CGEA de Rennes ;

CONDAMNE M.[U] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/03065
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.03065 ?
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