4ème Chambre
ARRÊT N°220
N° RG 20/03270
N°Portalis DBVL-V-B7E-QYRX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et Madame Juliette VANHERSEL lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2022, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 juin 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogations du 12 mai 2022, date indiquée à l'issue des débats, et du 24 mai 2022
****
APPELANTE :
Madame [X] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son Syndic, Monsieur [U] [N], pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christian MAIRE de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - G OURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, Plaidant, avocat au barreau de VANNES
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte notarié en date du 29 mai 2007, Mme [X] [I] a acquis dans un ensemble immobilier sis [Adresse 1] les lots n°1 et 6 constitués d'un appartement situé dans le bâtiment A, d'une cuisine et d'une cave situées dans le bâtiment B, ainsi que d'un garage situé dans le bâtiment B.
Suivant acte notarié du 30 juin 2011, Mme [H] [E], voisine de Mme [I], a acquis le lot n°3 situé dans le bâtiment A auprès de Mme [T] [Y], avec jouissance exclusive d'une partie du toit-terrasse pour accéder aux trois anciens WC qui y sont situés.
Un mois après l'acquisition de son appartement, Mme [I] a constaté l'apparition d'infiltrations.
Mme [I] a engagé en vain deux procédures à l'encontre de Mmes [E] et [Y], l'une devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes qui l'a déboutée en raison de l'existence d'une contestation sérieuse par ordonnance du 26 avril 2012, l'autre devant le juge d'instance qui l'a également déboutée par un jugement du 21 février 2013.
Par acte d'huissier en date du 14 mai 2014, Mme [I] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes aux fins d'expertise.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 26 juin 2014.
L'expert, M. [C] [R], a déposé son rapport le 24 mai 2016.
Par acte d'huissier en date du 11 avril 2017, Mme [I] a fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Vannes en réparation des préjudices subis.
Mme [E] est intervenue volontairement à l'instance par conclusions notifiées le 5 mars 2018.
Elle a fait assigner Mme [Y] par acte d'huissier du 27 avril 2018.
Par un jugement en date du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Vannes a :
- décerné acte à Mme [E] de son intervention volontaire ;
- débouté Mme [I] de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires ;
- condamné Mme [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 034,07 euros au titre des provisions et charges dues au 31 décembre 2017, avec intérêts légaux à compter du jugement et capitalisation ;
- condamné la même au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- déclaré le jugement commun et opposable à Mme [Y] ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire.
Mme [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 juillet 2020, intimant le syndicat des copropriétaires.
Dans ses dernières conclusions en date du 7 février 2022, Mme [I] au visa de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965,demande à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter le syndicat des copropriétaires dûment représenté par son syndic de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner le syndicat des copropriétaires dûment représenté par son syndic à effectuer les travaux de reprise d'étanchéité préconisés par l'expert judiciaire et ce, sous astreinte de 100 euros par jour dans les deux mois de la signification de l'arrêt à venir ;
- condamner le syndicat des copropriétaires dûment représenté par son syndic à verser à Mme [I] les sommes suivantes au titre des travaux de reprise :
- menuiserie-plafonds chambre devis Coffornic : 2 512,80 euros, avec indexation sur l'indice BT01 compter du 1er juillet 2016 et jusqu'à parfait paiement ;
- peinture devis JG Peinture : 7 049,59 euros, avec indexation sur l'indice BT01 compter du 1er août 2016 et jusqu'à parfait paiement ;
- ravalement : 12 408 euros, avec indexation sur l'indice BT01 compter du 1er mai 2016 et jusqu'à parfait paiement ;
- sol chambre devis Coffornic : 994,40 euros, avec indexation sur l'indice BT01 compter du 1er juillet 2016 et jusqu'à parfait paiement ;
- menuiserie-plafonds cuisine et cellier devis Coffornic : 2 409,80 euros, avec indexation sur l'indice BT01 compter du 1er juillet 2016 et jusqu'à parfait paiement ;
- travaux de dératisation et réfection des dégâts causés par les rats : pour mémoire ;
- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 4 620,28 euros au titre du préjudice de surconsommation de gaz de Mme [I] ;
- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 5 706,02 euros au titre du préjudice de surconsommation d'électricité de Mme [I] ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 65 000 euros Mme [I] au titre de son préjudice moral ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 20 000 euros à Mme [I] au titre des troubles et tracas subis ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 50 000 euros à Mme [I] au titre de son préjudice de jouissance ;
- ordonner la compensation avec les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de Mme [I] ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 6 000 euros à Mme [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais des constats d'huissier dressés à la demande de Mme [I], les frais d'expertise et les dépens de référé.
Elle relève que l'expert a confirmé la réalité des infiltrations dénoncées dans ses parties privatives, dont l'origine est double, d'une part, par la couverture zinc du patio intégré dans son lot n°1 dans le bâtiment A et, d'autre part, par le toit terrasse du bâtiment B.
Elle soutient qu'il s'agit de parties communes. Elle invoque sur ce point les conclusions de l'expert qui a noté que le patio était intégré dans la désignation du bâtiment A aux termes du règlement de copropriété modifié et que sa réfection devait être supportée par l'ensemble des copropriétaires du bâtiment A.
S'agissant du toit terrasse, elle fait observer qu'il existe une contradiction dans le règlement de copropriété sur la nature de cette partie du bâtiment, mais relève que sur ce toit se trouvent trois blocs d'anciens WC qui font l'objet uniquement d'un droit de jouissance rattaché au lot n°3, que ces édicules doivent être considérés comme des parties communes, générales ou spéciales, de même que la partie de la terrasse où ils sont implantés et qui est à l'origine des infiltrations, n'ayant pas fait l'objet des travaux d'étanchéité qu'elle a entrepris sur autorisation de l'assemblée générale.
Elle objecte que l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ne fait aucune différence quant à l'obligation d'entretien du syndicat entre les parties communes générales et celles qui sont identifiées comme spéciales puisqu'il n'existe qu'un syndicat de copropriété. Elle fait grief au premier juge d'avoir uniquement déterminé la contribution des copropriétaires à ces travaux, distincte de l'obligation de les réaliser. Elle ajoute que la circonstance qu'elle ait fait exécuter des travaux d'étanchéité sur le toit terrasse ne suffit pas à établir qu'elle a admis en être la seule débitrice, ce que contredit la présence des anciens WC sur le toit et explique qu'elle a seulement pallié la carence du syndicat.
Elle observe que le manquement du syndicat à ses obligations justifie qu'il soit condamné à réaliser les travaux nécessaires à la cessation des infiltrations et à l'indemniser du coût de remise en état de ses parties privatives, ainsi que des surconsommations énergétiques auxquelles elle doit faire face comme du préjudice moral et de jouissance qu'elle subit.
Concernant la demande de paiement des charges de copropriété, elle estime que les pièces produites par le syndicat au soutien de sa créance sont insuffisantes, qu'il demande en fait le paiement de la même somme deux fois et qu'en tout état de cause une compensation doit intervenir entre les créances respectives.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1], représenté par son syndic la société Cabinet H & [N], au visa de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d'application du 17 mars 1967,demande à la cour de :
À titre principal, sur les demandes de l'appelante,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes présentées à l'encontre du syndicat des copropriétaires ;
- dire et juger ainsi Mme [I] mal fondée en ses demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires et l'en débouter ;
Sur la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [I] au paiement de la somme principale de 4 034,07 euros augmentée des intérêts légaux capitalisés à compter du jugement (articles 1231-6 et 1343-2 du code civil), au titre de la dette de l'intéressée à la date du 31 décembre 2017 ;
- dire et juger néanmoins que la dette de Mme [I] à l'égard du syndicat des copropriétaires s'élève à la somme de 11 512,52 euros au 31 janvier 2022 ;
- condamner ainsi Mme [I] au paiement de somme principale de 11 512,52 euros augmentée des intérêts légaux capitalisés à compter du jugement (articles 1231-6 et 1343-2 du code civil), à hauteur du montant de 4 034,07 euros, et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus ;
Sur les frais irrépétibles,
- condamner Mme [I] au paiement d'une juste indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par le syndicat des copropriétaires en première instance et en appel ;
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel qui intégreront les dépens de référé et les frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Le syndicat sur la base des conclusions de l'expert relève que la couverture du patio est intervenue en 2000 à l'initiative du vendeur de Mme [I], que sur la répartition des travaux de remise en état, cette partie ne pose pas de difficultés.
Il fait observer que la détermination de la charge des travaux sur le toit terrasse dépend de la nature de celui-ci, que s'il s'agit d'une partie privative, les travaux doivent être supportés par l'appelante, ce qui est le cas puisqu'elle a demandé à l'assemblée générale l'autorisation de faire des travaux d'étanchéité sur le toit terrasse. Il ajoute que s'il s'agit d'une partie commune, il en est de même puisque le règlement de copropriété met à la charge du seul détenteur de lots dans le bâtiment B les travaux de réparation des parties communes et que Mme [I] est la seule à y détenir des lots (1 et 6) et qu'il est établi que cette dernière ne dispose pas des capacités de les financer, ayant cessé de régler ses charges depuis 2014, ce qui interdit au syndicat de prendre l'initiative de travaux qu'il ne pourra pas financer.
Concernant les sommes réclamées, l'intimé soutient que le coût des travaux de reprise sur des parties communes ne peut lui être versé et que le défaut de paiement de ses charges qui affecte la trésorerie de la copropriété ne permet pas de les engager. Il ajoute que les travaux de ravalement évoqué ne se justifient pas et que seuls les montants évalués par l'expert doivent être retenus. Il conteste la demande au titre d'une surconsommation énergétique qui n'est pas démontrée et le montant excessif des dommages et intérêts sollicités.
Reconventionnellement, le syndicat demande le paiement des charges arrêtées au 31 janvier 2022. Il fait observer qu'il verse les pièces justificatives de sa créance et observe que Mme [I] ne démontre pas que les relevés de compte ne sont pas justes, que la somme demandée inclut celle accordée par le premier juge.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.
L'instruction a été clôturée le 17 février 2022.
MOTIFS
Sur les désordres constatés par l'expert
L'expert a constaté dans les lots propriétés de Mme [I] la réalité d'importantes infiltrations et moisissures sur les plafonds de la cuisine, de la chaufferie, de la cave et du garage qui, dans cette dernière partie, entraînent également des dégradations de l'enduit des murs.
Il a estimé que ces désordres avaient deux origines distinctes. Concernant les infiltrations au niveau du plafond de la cuisine dans la zone définie comme le patio dans la description du lot n°1, il les impute à un défaut de mise en 'uvre de la couverture zinc dû à une absence de raccord contre le mur et de bande de solin, à un raccord avec le mur réalisé à l'aide d'un film d'étanchéité collé à froid et à une pente insuffisante du toit pour supporter deux Velux.
Concernant les autres infiltrations, il considère qu'elles résultent de l'absence d'étanchéité du toit terrasse béton dans sa partie dont la jouissance exclusive est rattachée au lot n° 3 constitué de l'appartement au premier étage, propriété de Mme [E].
Il a évalué les travaux de reprise de la couverture zinc à 3 000 euros TTC. Il a déterminé deux possibilités de solutionner le défaut d'étanchéité du toit terrasse du bâtiment B, sans démolition des trois anciens WC, ce qui représente un coût de 5 200 euros TTC et avec démolition de ces édicules pour un coût de 12 000 euros TTC. Les travaux de reprise dans les parties privatives de Mme [I] ont été évalués à 4 200 euros TTC.
L'origine des infiltrations n'est pas discutée par les parties.
Sur les demandes de travaux de Mme [I] contre le syndicat des copropriétaires
Selon l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat de copropriétaires a pour objet la conservation et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires par les vices de construction ou le défaut d'entretien qui les affecte.
Comme rappelé, les infiltrations dans les lots 1 et 6 acquis par Mme [I] émanent de la couverture zinc du patio et du toit terrasse du bâtiment B dont il convient de déterminer la nature.
Sur la nature de la couverture zinc du patio
Le syndicat des copropriétaires verse aux débats une déclaration de travaux reçue de la mairie de [Localité 3] le 2 octobre 2000, établie par M. [D] qui a vendu les lots en cause à Mme [I]. Cette déclaration avait pour objet de couvrir une cour d'une superficie d'environ 11 m², séparant initialement le bâtiment A et le bâtiment B comme le montre le plan annexé à ce document. Cette opération permettait, selon le plan d'aménagement futur, de créer un espace habitable dénommé patio à la place de la cour, relié à une partie de la cave située dans le bâtiment B transformée en cuisine selon le relevé des lieux établi par l'expert.
Le règlement de copropriété et l'état descriptif de division modifiés le 19 octobre 2005, puis le 4 octobre 2006, révèlent que cette transformation de la surface habitable des lieux a été prise en compte. Ce « patio » dans la désignation et la division de l'immeuble est rattaché au bâtiment A. Il est mentionné dans la description du lot 1 acquis par Mme [I], laquelle a été reprise dans son acte de propriété.
L'article 4 B du règlement de copropriété d'octobre 2005 définit des parties communes spéciales à tous les copropriétaires d'appartements et de caves dans un même bâtiment, lesquelles incluent notamment les couvertures et les terrasses accessibles ou non. La couverture en zinc au dessus du patio situé dans le bâtiment A relève en conséquence des parties communes spéciales relatives à ce bâtiment en l'absence de dispositions contraires.
Corollaire de l'institution de ces parties communes spéciales pour chacun des bâtiments de l'ensemble immobilier, qui a pour conséquence d'établir une propriété indivise entre les copropriétaires qui y possèdent un lot, le règlement de copropriété a créé à l'article 37 B1 des charges communes spéciales concernant leur entretien et leur réparation et prévu à l'article 46, à la rubrique « votes particuliers », que les décisions relatives à l'entretien de ces parties communes spéciales sont prises par les seuls copropriétaires intéressés.
Il s'en déduit que les décisions relatives à l'entretien du bâtiment A relèvent de la compétence des copropriétaires détenteurs d'appartements ou de caves dans cet immeuble selon les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et qu'ils doivent en supporter seuls les charges. Il ne peut donc être reproché au syndicat des copropriétaires, organe qui regroupe l'ensemble des copropriétaires et agit par son organe délibératif l'assemblée générale, un défaut d'entretien de la couverture. Le jugement est confirmé.
Sur la nature du toit terrasse du bâtiment B
Le bâtiment B construit en parpaings avec un toit terrasse en ciment inclut la cuisine et la cave devenue une buanderie de Mme [I] dépendant du lot 1 ainsi que son garage constituant le lot n°6.
L'état descriptif de division mentionne que le lot n°3 situé au premier étage bénéfice d'un droit de jouissance exclusive d'une partie du toit terrasse du bâtiment B pour accès à trois anciens WC se trouvant sur ce toit. Ce droit est mentionné dans le titre de Mme [E] propriétaire de ce lot.
Les photographies des lieux et les plans de l'étage annexés au rapport d'expertise démontrent que l'espace, affecté à la jouissance exclusive attribué au lot n° 3, est délimité par un muret et se situe au dessus de la cave et d'une partie du garage de Mme [I]. Le surplus de la toiture terrasse est inaccessible.
Contrairement à ce que soutient Mme [I], elle est seule propriétaire de lots dans le bâtiment B détenant la partie du lot 1 et le lot 6 qui s'y trouvent. Elle ne peut invoquer sur ce point la présence des trois anciens WC sur la terrasse dont la propriété n'est affectée à aucun lot.
Concernant ce bâtiment, le règlement de copropriété stipule en son article 4C que constituent des parties communes spéciales aux copropriétaires de la cave et du garage dans le bâtiment B, « les fondations, les murs sauf le mur donnant sur la cour figurant dans le lot numéro 1, les piliers, les murs de refend, le gros-oeuvre des planchers, la toiture-terrasse même si elle est affectée à une suage privatif l'étanchéité et plus généralement, tout ce qui constitue l'ossature gros-oeuvre intérieure et extérieure du bâtiment ».Nonobstant les erreurs de rédaction ou de ponctuation, il se déduit de cette disposition que le toit terrasse et l'étanchéité sont inclus dans les parties communes spéciales.
Or, l'article 7 du règlement qui définit les parties privatives précise in fine « que les parties privatives comprennent également les installations communes suivantes dont l'usage est réservé à titre privatif : le toit-terrasse du bâtiment B les trois WC dont l'usage est attribué au copropriétaire du lot 3 », ce qui est incohérent par rapport à l'article précédent.
Dans ces conditions, la qualification de la nature du toit-terrasse doit être déterminée en fonction des critères posés par les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965.
Selon l'article 2, sont privatives les parties des bâtiments réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé, tandis que selon l'article 3 les parties de bâtiment affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux sont communes. Ainsi en cas de contradiction des titres sont réputés communs le sol, le gros-oeuvre des bâtiments et les éléments d'équipement communs.
En l'espèce, il apparaît que le bâtiment B comporte pour partie des pièces dépendant du lot 1 et le lot 6 à usage de garage, lots qui sont susceptibles d'être la propriété de deux copropriétaires différents. Le toit-terrasse de ce bâtiment ne peut être affecté à l'usage exclusif de l'un ou de l'autre de ces lots. En effet, au vu des plans, il n'est pas accessible de l'intérieur du bâtiment, ni par un équipement extérieur qui en dépende.
Il présente en fait une utilité identique pour les copropriétaires des deux lots en ce qu'il constitue un élément du gros-oeuvre du bâtiment, lequel comprend l'étanchéité qui en est un accessoire indispensable à une utilisation des parties privatives conformes à leur destination.
Par ailleurs, si, comme le soutient le syndicat des copropriétaires, le toit-terrasse est privatif à un copropriétaire bénéficiant des locaux dans le bâtiment B, il n'explique pas sur quel fondement le règlement de copropriété a pu affecter cette partie privative, dont le copropriétaire est censé avoir seul l'usage et la disposition, à la jouissance exclusive même partielle d'un autre lot, en l'espèce celui de Mme [E].
Il s'en déduit que le toit-terrasse relève des parties communes spéciales qui, en application de l'article 37 B2, sont soumises à un régime particulier de répartition de charges à hauteur d'un tiers à la charge du lot 1 (cave) et de deux tiers à la charge du lot 6 (garage). Propriétaire de ces lots, Mme [I] doit les supporter seule.
En application de l'article 46, elle est seule habile à décider de la réalisation de ces travaux dont elle doit assurer le paiement, ce qui explique qu'elle a financé en novembre 2011 la réfection de la partie non accessibles de la terrasse au dessus de la cuisine pour un montant de 4 056,74 euros TTC.
Dans ces conditions, sa demande contre le syndicat à raison d'un défaut d'entretien n'est pas fondée.
Ses demandes, tant au titre des travaux de reprise que des dommages et intérêts, ne peuvent être accueillies. Le jugement est confirmé.
Sur la demande en paiement des charges de copropriété
Selon l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable au litige, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot.
Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.
Le syndicat demande la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 11 512,52 euros, montant de l'arriéré de charges, actualisé au 31 janvier 2022, la somme de 4 034,07 euros accordée par le tribunal représentant sa créance au 31 décembre 2017.
Il verse aux débats les procès-verbaux d'assemblée générale ayant approuvé les comptes pour les exercices 2018, 2019 et 2020. Le procès-verbal du 29 juin 2021 énonce le budget prévisionnel corrigé prévu pour l'exercice 2021 ainsi que celui voté pour l'exercice 2022. Le relevé de compte de Mme [I] versé aux débats met en évidence un accroissement continu de sa dette à compter du 1er janvier 2015. Les versements réalisés par Mme [I] correspondent aux mensualités de 40 euros fixées par la commission de surendettement des particuliers du Morbihan dans le cadre des mesures recommandées énoncées le 13 juillet 2017, ayant reçu force exécutoire le 21 novembre 2017 alors que la dette avait été déclarée pour un montant de 3 718 euros, ce qui est cohérent avec le relevé de compte produit par le syndicat. Ces règlements ont pris fin en décembre 2018 et Mme [I] ne fournit aucune information sur la suite de la procédure de surendettement et des mesures d'apurement qui ont pris fin en 2019 ou sur sa situation actuelle. Elle ne produit pas non plus de pièces démontrant des versements qui n'auraient pas été pris en compte. En conséquence, le jugement qui l'a condamnée au paiement de l'arriéré de charges est confirmé, sauf sur le montant de l'arriéré dû qui, arrêté au 31 janvier 2022, est égal à 11 512,52 euros. Il sera majoré des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du jugement sur la somme de 4 034,07 euros et à compter de l'arrêt pour le surplus.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
Mme [I] sera condamnée à verser au syndicat une indemnité de 2 000 euros au titre des dépens d'appel et au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement
CONFIRME le jugement sauf sur le montant de l'arriéré dû,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
CONDAMNE Mme [I] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 11 512,52 euros, majorée des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du jugement sur la somme de 4 034,07 euros et à compter de l'arrêt pour le surplus,
CONDAMNE Mme [I] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,