La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2022 | FRANCE | N°19/02425

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 24 juin 2022, 19/02425


2ème Chambre





ARRÊT N°387



N° RG 19/02425 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV3W





(3)







[6] FRANCAIS DE RENNES DIT [7] »



C/



Mme [X] [O]

CPAM D ILLE ET VILAINE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :



-Me François-Xavier GOSSELIN

-Me Armelle PRIMA-DUGAST

-Me Antoine DI PALMA











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de ...

2ème Chambre

ARRÊT N°387

N° RG 19/02425 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV3W

(3)

[6] FRANCAIS DE RENNES DIT [7] »

C/

Mme [X] [O]

CPAM D ILLE ET VILAINE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me François-Xavier GOSSELIN

-Me Armelle PRIMA-DUGAST

-Me Antoine DI PALMA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

[6] FRANCAIS DE RENNES DIT [7] » [6] FRANCAIS DE RENNES dit [7] »

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Maurice BAUDOT, Plaidant, avocat au barreau d'ALBERTVILLE

INTIMÉES :

Madame [X] [O]

née le 14 Novembre 1986 à

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Armelle PRIMA-DUGAST, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Guillaume FOURRIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

CPAM D ILLE ET VILAINE

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine DI PALMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 novembre 2013, Mme [X] [O] licenciée du [6] français de [Localité 10] dit [7] ( ci-après le [6]) s'est blessée au talon droit en se réceptionnant après un exercice pratiqué sur une structure artificielle d'escalade sous la surveillance d'un moniteur.

Transportée à l'hôpital universitaire de [Localité 10], il lui a été diagnostiqué une fracture du talus droit et une incapacité totale de travail de 90 jours.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 février 2015, Mme [O] a demandé au [6] d'ouvrir un dossier sinistre et de déclarer son accident à son assureur.

Sans réponse de la part du club de sport, elle a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes aux fins de désignation d'un expert, sollicitant en outre l'allocation d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel. Par ordonnance réputée contradictoire du 25 juin 2015, il a été fait droit à sa demande d'expertise mais sa demande de provision a été rejetée.

L'expert a rendu son rapport définitif le 11 février 2016 fixant la date de consolidation des blessures au 2 octobre 2015.

Soutenant que le [6] avait manqué à son obligation de sécurité, de prudence et de vigilance, Mme [O] l'a fait assigner, par acte d'huissier en date du 16 novembre 2016, en indemnisation de ses préjudices devant le tribunal de grande instance de Rennes, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine.

Par jugement du 5 février 2019, le tribunal a :

- dit que le [6] Français de Haute Bretagne a manqué à son obligation de sécurité, de prudence et de vigilance et commis une faute au sens de l'article 1231-1 du code civil,

- déclaré en conséquence le [6] Français de Haute Bretagne tenu d'indemniser l'entier préjudice de Mme [X] [O] en lien avec l'accident survenu le 18 novembre 2013,

- fixé les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Mme [X] [O] en lien avec l'accident du 18 novembre 2003 au montant de 610 272,07 euros regroupant les sommes suivantes :

83 697,59 euros au titre des dépenses de santé actuelles (dont créance CPAM)

37 735,65 euros au titre de la perte de gains professionnels (dont créance CPAM)

9 933 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

367,48 euros au titre des frais d'hospitalisation,

5 378, 88 euros au titre des dépenses de santé futures (dont créance CPAM)

172 400, 26 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

11 255, 07 euros au titre des frais d'aménagement du véhicule,

149 966, 64 euros au titre de la tierce personne après consolidation,

4 537, 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

25 000 euros au titre des souffrances endurées,

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

50 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

7 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- rejeté les demandes au titre des frais de déplacement et du préjudice d'agrément,

- condamné en conséquence, le [6] Français de Haute Bretagne à verser à Mme [X] [O] une somme totale de 515 178,79 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices,

- condamné le [6] Français de Haute Bretagne à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 95 093, 28 euros en remboursement de ses débours et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation des intérêts,

- rejeté la demande de la CPAM d'Ille et Vilaine au titre des prestations futures occasionnelles,

- condamné le [6] Français de Haute Bretagne à verser à Mme [X] [O] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le [6] Français de Haute Bretagne à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné le [6] Français de Haute Bretagne aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 9 avril 2019, le [6] Français a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du premier président en date du 11 juin 2019, le [6] a été débouté de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire et contrainte de consigner la somme de 250 000 euros à la Carpa.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 mars 2022, le [6] demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 5 février 2019,

- rejeter l'appel incident de Mme [O],

Et statuant à nouveau,

- juger que le [6] n'est tenu que d'une obligation de moyens,

- constater que le lieu d'exercice qui n'est pas la propriété du [6] français de Haute Bretagne était parfaitement conforme aux normes en vigueur et ne comportait aucun danger excessif ou anormal,

- constater que l'exercice proposé était conforme au lieu et ne présentait aucun danger excédant ceux auxquels un pratiquant doit normalement se prémunir,

- juger que le saut volontaire et la réception de Mme [O] ne sont pas imputables à une faute du [6] de Haute Bretagne,

- débouter en conséquence, Mme [O] et la CPAM d'Ille et Vilaine de l'ensemble de leurs demandes infondées,

Très subsidiairement, prononcer un partage de responsabilité compte tenu de la faute commise par Mme [O] et plus subsidiairement encore si une part de responsabilité était retenue par la cour,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 février 2019 en ce qu'il a retenu :

les dépenses de santé actuelles accordées à la CPAM à hauteur de 3 596,45 euros et à hauteur de 101,40 euros pour Mme [O],

les frais d'hospitalisation accordés à hauteur de 367,48 euros

les dépenses de santé futures accordées à la CPAM à hauteur de 898,27 euros

le rejet des frais de déplacement,

le rejet du préjudice d'agrément,

la confirmation de la perte de gains professionnels actuels fixés à 27 137,09 euros pour Mme [O] et à 10 598, 56 euros pour la CPAM d'Ille et Vilaine,

- réformer les autres postes de préjudice et faire droit aux propositions indemnitaires et de rente de l'appelante,

- débouter Mme [O] et la CPAM d'Ille et Vilaine de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 janvier 2022, Mme [O] demande à la cour de :

- débouter le [6] de Haute Bretagne de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le [6] de Haute Bretagne a commis une faute en violant son obligation de sécurité, de prudence et de vigilance directement à l'origine des séquelles de Mme [O],

- et formant appel incident de condamner le [6] de Haute Bretagne à verser à Mme [O] en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux en lien avec l'accident du 18 novembre 2013, les sommes suivantes :

3 298,48 euros au titre des frais divers,

25 038 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

27 680,46 euros au titre de pertes professionnelles actuelles (après déduction de la créance de la CPAM)

25 038 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

7 450 euros au titre des frais d'orthèses,

24 659 euros au titre des frais d'aménagement du véhicule,

199 456 euros au titre de la tierce personne après consolidation,

5 378,88 euros au titre des frais de dépense de santé futures (dont la créance de la CPAM),

869 928 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

271 886 euros au titre de la perte de retraite,

1 250 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

7 525 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

25 000 euros au titre des souffrances endurées,

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

50 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

6 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

20 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- condamner le [6] français de Haute Bretagne à verser à Mme [O] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le [6] français de Haute Bretagne aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2021, la CPAM d'Ille et Vilaine demande à la cour de :

Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu l'article 1147 du code civil,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

- confirmer partiellement le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 février 2019,

- déclarer le [6] français entièrement responsable des conséquences de l'accident dont a été victime Mme [O] le 18 novembre 2013,

- s'entendre condamner le [6] français de Haute Bretagne à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 95 726,08 euros au titre de ses débours définitifs, ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'à parfait paiement et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, se décomposant comme suit,

- s'entendre condamner le [6] français de Haute Bretagne à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- s'entendre condamner le [6] français de Haute Bretagne à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 1098 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et de l'arrêté du 4 décembre 2020, publié au JO du 9 décembre 2020 relatif au financement de la sécurité sociale pour l'année 2021,

- s'entendre condamner le [6] français de Haute Bretagne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 22 mars 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la responsabilité du [6] de Rennes :

Le tribunal de grande instance de Rennes a retenu la responsabilité du [6] dans l'accident dont a été victime Mme [O] le 18 novembre 2013 au motif qu'il n'avait pas pris toutes les mesures appropriées pour éviter le dommage subi, notamment en ne s'assurant pas que la victime était parée pendant l'exercice et en ne disposant pas un tapis de réception d'une épaisseur plus importante que celui utilisé.

En appel, le [6] réfute toute faute soulignant que les normes de sécurité ont été respectées puisque le tapis de réception utilisé, d'une épaisseur de 10 cm, était conforme à la norme NF P90-312 d'octobre 2009, prévue pour protéger le grimpeur lors de la chute d'un mur d'escalade dont la prise la plus haute se situe à 4,10 mètres au-dessus de la surface de réception. L'appelant réfute également la nécessité d'un pareur lors de la traversée d'un mur à faible hauteur. Se référant au livret rédigé par la fédération française de la montagne et de l'escalade, il précise que cette présence n'est obligatoire que pour une progression sur des plans inclinés. Il fait valoir cependant que le moniteur avait donné pour consigne aux pratiquants de parer en binôme, Mme [O] devant être parée par son compagnon, M. [R]. Il souligne en outre, que le moniteur n'a jamais exigé des participants qu'ils terminent la traversée du bloc par un saut après avoir touché la dernière prise. Selon lui, la consigne donnée était au contraire de redescendre par étage en cas de difficultés ou de crainte. Il expose que Mme [O] a choisi volontairement de sauter pour redescendre, qu'elle a sauté d'une hauteur d'un mètre cinquante et s'est mal réceptionnée de sorte que le dommage consécutif à cette réception ne peut être imputable au [6].

Il est constant que l'organisateur d'activités physiques et sportives est tenu d'une obligation contractuelle de sécurité et de prudence envers les sportifs qui pratiquent leur discipline dans ses locaux et sur les installations qu'il met à leur disposition. Compte tenu du rôle actif des sportifs dans la pratique de leur discipline, comme c'est le cas pour la pratique de l'escalade, il s'agit d'une obligation de moyens. Il incombe à la victime de faire la preuve d'une part, du manquement du club à son obligation de sécurité et d'autre part, du lien de causalité entre la faute et le dommage.

Pour caractériser le manquement du [6] à son obligation de sécurité, Mme [O] souligne son statut de débutante dans la pratique de l'escalade, sa méconnaissance de l'exercice effectué le jour de l'accident, l'absence de parade pour cet exercice et le peu d'épaisseur du tapis pour la réception. Elle soutient en effet que des tapis plus épais que ceux normalement utilisés pour des pratiquants aguerris auraient dû être positionnés au bas du mur d'escalade pour mieux amortir la chute en fin d'exercice et qu'une parade aurait dû être assurée tout au long de l'exercice.

Le 18 novembre 2013, ainsi que cela résulte des pièces produites par les parties, le groupe de pratiquants, auquel appartenait Mme [O], a effectué un exercice de traversée d'un bloc d'une hauteur de trois mètres. Il est acquis aux débats que l'encadrant a proposé, aux participants, pour la fin de parcours, de descendre par leurs propres moyens, soit en desescaladant le bloc soit en sautant. Mme [O] qui passait en dernier, a choisi, comme l'ensemble des participants avant elle, de sauter, après avoir tenu des deux mains la prise située à trois mètres pour valider son parcours puis lâché les prises de pied. Il n'est pas contesté qu'elle a sauté d'une hauteur d'un mètre cinquante environ, qu'elle s'est réceptionnée sur ses deux pieds mais s'est plainte immédiatement d'une forte douleur. Comme l'a souligné le premier juge et comme le note également l'expert consulté par l'appelant, M. [C], son choix de sauter au lieu de descendre par étape le bloc d'escalade, ne constitue nullement une faute d'imprudence.

La question de l'existence d'un pareur pour accompagner la progression de chaque participant le jour de l'accident est discutée par les parties. Mme [O] et M. [R] soutiennent dans leur attestation, qu'aucune parade n'était prévue ni n'a été effectuée. M. [R] indique même que les élèves, qui n'étaient pas sur le mur, étaient assis et regardaient évoluer chaque pratiquant pendant l'exercice.

De son côté, le [6] expose en appel, dans un premier temps, que la parade n'est obligatoire que pour l'escalade sur des plans inclinés tout en précisant, dans un second temps, que le 18 novembre 2013, le moniteur avait demandé aux participants d'effectuer la traversée du bloc avec une parade en binôme. Cependant, les déclarations produites par l'appelant pour établir l'existence d'une parade pendant l'exercice, émanant de M. [V] encadrant bénévole, de Mme [I] et de Mme [E], toutes deux élèves du groupe de Mme [O] et présentes le jour des faits, ne respectent pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et ne sont pas même signées. Elles ne sont donc pas suffisamment probantes pour établir non seulement qu'il avait été demandé aux élèves de progresser en binôme avec un pareur mais que cette parade était effectivement assurée pour Mme [O] le jour des faits.

Pour attester des pratiques en matière d'escalade, le [6] produit également le rapport d'un expert 'montagne et sports de montagne' auprès de la cour d'appel de Chambéry, M. [G] [C], dont il a sollicité l'avis. Celui-ci y précise que la technique de parade est utilisée pour rassurer le grimpeur moins aguerri et lui apprendre à sauter. Il sera néanmoins constaté qu'il ajoute que la parade ne permet que d'éviter la chute en arrière par déséquilibre sans réduire sensiblement l'impact des membres inférieurs à la réception puisqu'il précise dans son annexe 2 qu'elle n'évite pas le nécessaire amortissement des membres inférieurs du grimpeur. Il souligne même que dans le cas d'une traversée horizontale limitée à trois mètres, ce qui était le cas le jour de l'exercice, elle n'est pas systématique et correspond plutôt à une simple possibilité.

En conséquence, même à supposer qu'aucune parade n'ait été effectuée le jour de l'accident, comme le soutient l'intimée, il n'est pas établi, dans la mesure où Mme [O] n'est pas tombée en arrière et s'est réceptionnée sur ses deux pieds, que cette absence ait pu avoir une incidence dans la survenance de l'accident, contrairement à l'épaisseur des tapis de 10 cm positionnés au bas du mur.

L'épaisseur et la position des tapis ne sont d'ailleurs contestées par personne. L'appelant justifie que l'épaisseur de 10 cm est la norme recommandée, ce que confirme M. [C].

Mais, il est de principe que l'obligation de sécurité et de prudence qui pèse sur une organisation sportive se traduit par une obligation d'anticiper les risques, d'adapter l'enseignement dispensé ainsi que l'encadrement du pratiquant et d'utiliser des équipements, installations et sites adaptés.

Le niveau débutant de Mme [O], qui n'avait commencé sa pratique qu'au mois de septembre 2013, obligeait donc l'encadrant à s'assurer qu'elle était non seulement en capacité d'effectuer ce saut en fin de parcours mais également de se réceptionner correctement sur le tapis positionné à l'aplomb du mur, c'est à dire en pliant les jambes à la réception pour amortir le choc comme recommandé par M. [C]. L'intimée soutient en effet, sans être contredite, qu'elle n'était pas familière de l'exercice effectué le jour de l'accident. M. [C] a présumé dans son rapport qu'elle l'était, pour considérer qu'elle ne pratiquait pas pour la première fois ce mouvement qu'il a qualifié de familier et récurrent justifiant ainsi qu'elle ait choisi de sauter. Or, il précise que le saut à effectuer pour redescendre de la dernière prise située à 3 mètres du sol, après avoir lâché les prises des pieds, consiste, pour la personne qui escalade, à se donner une petite impulsion pour le nécessaire éloignement du mur avant de sauter, et que ce geste ne devient familier au grimpeur qu'après accoutumance à des sauts de l'ordre du mètre vingt. Mme [O] n'était donc pas familière avec la pratique de ce geste technique.

Il s'en déduit que l'encadrant bénévole qui connaissait le niveau débutant de Mme [O], se devait d'anticiper le risque accru, inhérent à son inexpérimentation et à sa mauvaise maîtrise des gestes techniques, en renforçant les mesures de protection par la mise en place d'un tapis de réception plus épais, mieux à même d'amortir le saut imparfait d'un pratiquant novice. M. [B] [W], titulaire d'un brevet d'initiation en structure artificielle d'escalade, dont la déclaration signée est produite par Mme [O], souligne combien une chute verticale sur un tapis peu épais peut se révéler traumatisante pour le corps quelque soit la hauteur de cette chute, et ce d'autant plus que les chaussons d'escalade, comme l'a relevé également Mme [S] [I], kinésithérapeute de profession, dont la déclaration est produite par les deux parties, limitent le rôle d'amortisseur de la voûte plantaire. M. [W] ajoute que, conscient qu'une chute de hauteur faible à élevée provoquerait des blessures, il ne permettrait pas à des grimpeurs novices d'évoluer avec des tapis peu épais à mousse dure. Or, il est constant que la fracture de l'astragale dont a souffert Mme [O] trouve son origine dans un traumatisme consécutif à la réception sur le tapis.

En conséquence, même si l'épaisseur des tapis litigieux était conforme à la norme prévue, l'obligation de sécurité qui pesait sur l'encadrant entrainait une nécessaire adaptation des règles de protection habituelles au niveau débutant de Mme [O] de sorte que le [6] ne peut se retrancher derrière le respect de la norme NF P90-312 pour considérer qu'il n'a pas failli à son obligation. C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu un manquement du [6] à son obligation de sécurité et de prudence et considéré que sa faute était à l'origine du dommage subi par Mme [O].

Sur l'indemnisation du préjudice :

L'expert désigné par ordonnance de référé, le docteur [G] [Y], a procédé à l'examen de Mme [O] le 9 novembre 2015. Aux termes de son rapport, il indique que l'accident a occasionné un traumatisme du membre inférieur droit caractérisé par la fracture de l'astragale (talus), nécessité deux interventions chirurgicales, et entraîné plusieurs hospitalisations :

- au CHU de [Localité 10] : du 18 au 19 novembre 2013 et du 8 au 26 décembre 2014,

- à la clinique de la Sagesse : du 15 au 17 juin 2014,

- au CHU Ambroise Paré du 30 novembre au 2 décembre 2014 et du 8 au 12 avril 2015,

- au centre de rééducation fonctionnelle de [Localité 5] : du 17 juin au 18 juillet 2014 en hospitalisation complète puis en hospitalisation de jour du 19 juillet au 13 août 2014, du 27 décembre 2014 au 25 mars 2015, du 19 mai au 23 septembre 2015.

Les conclusions de l'expert sont les suivantes :

- accident du 18 novembre 2013,

- arrêt des activités professionnelles : du 18 novembre 2013 au 10 mai 2015,

- déficit fonctionnel temporaire total : du 18 au 19 novembre 2013, du 15 au 17 juin 2014, du 17 juin au 18 juillet 2014, du 30 novembre au 2 décembre 2014, du 8 au 26 décembre 2014 et du 8 au 12 avril 2015,

- déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 3 jusqu'au 23 septembre 2015,

- tierce personne avant consolidation : 4 heures par jour pendant quatre mois hors hospitalisation et une heure et demie par jour jusqu'à la consolidation,

- consolidation : 2 octobre 2015,

- IPP : 20 %,

- tierce personne après consolidation : trois heures par semaine,

- souffrance endurée : 5/7,

- préjudice esthétique temporaire à compter du 18 novembre 2013 pendant trois mois : 4/7,

- préjudice esthétique définitif : 3/ 7,

- préjudice d'agrément.

Il convient d'indiquer que pour l'indemnisation du préjudice de Mme [O], la cour entend faire application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais 2020, fondée sur une espérance de vie ressortissant de tables récentes de mortalité ainsi que sur un taux d'intérêts corrigé à l'inflation et non du barème BCRIV 2018 proposé par l'appelant.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice de Mme [X] [O], âgée de 27 ans, étudiante salariée à l'INRA lors des faits, sera réparé de la façon suivante :

1/ le préjudice patrimonial :

a/ le préjudice patrimonial temporaire :

- dépenses de santé :

Ainsi que le tribunal l'a relevé, la CPAM d'Ille et Vilaine a pris en charge les frais médicaux occasionnés par l'accident à hauteur de 83 596,45 euros. C'est donc à juste titre que le tribunal a condamné le [6] à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 83 596,45 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation.

De son côté, Mme [O] maintient en appel une demande de paiement de frais d'hospitalisation restés à sa charge pour un montant de 798,48 euros. Le tribunal sera approuvé pour avoir accueilli cette demande à hauteur de 367,48 euros au regard des justificatifs fournis en appel sur les frais exposés avant consolidation, identiques à ceux de première instance.

- perte de gains professionnels actuels :

Au moment de l'accident, Mme [O] était salariée en contrat à durée déterminée pour douze mois au poste d'ingénieur d'étude contractuel auprès de l'INRA pour un salaire mensuel net de

1 677,14 euros. Il est constant qu'elle n'a pas perçu son salaire pendant son arrêt de travail. La CPAM lui a versé la somme de 10 598,56 euros au titre des indemnités journalières.

L'appelant sollicite la confirmation du jugement sur ce poste de préjudice. Comme en première instance, Mme [O] soutient avoir subi une perte de gains de 27 680, 46 euros après déduction de la somme versée par la CPAM qu'elle fixe à 10 893,76 euros. Le tribunal a exactement calculé la perte de gains sur 22,5 mois à la somme de 27 137,09 euros, après déduction de la créance de l'organisme social. Le jugement sera confirmé sur les sommes allouées au titre de la perte de gains professionnels actuels tant à la CPAM qu'à l'intimée.

- assistance par tierce personne avant consolidation :

Le [6] conteste les sommes retenues par le tribunal à ce titre, estimant que le taux horaire de 16 euros est trop élevé alors qu'il n'est pas justifié du recours à un prestataire de service. Il propose une indemnisation sur la base d'un taux horaire de 14 euros. Mme [O] sollicite également la réformation du jugement, faisant valoir que c'est un taux horaire de 18 euros qui doit être retenu.

Le jugement sera confirmé sur la somme allouée, le taux horaire retenu apparaissant justement évalué en l'absence de tout recours à un organisme spécifique.

- frais divers :

Mme [O] réclame comme en première instance une somme forfaitaire de 2 500 euros au titre de frais de déplacement qu'elle a dû exposer pour se rendre chez son médecin traitant, à ses séances de kinésithérapie ainsi qu'aux opérations d'expertise. Cependant, ces frais ne sont toujours pas justifiés en appel. Le rejet de cette demande sera donc confirmé.

b/ le préjudice patrimonial définitif :

- frais médicaux futurs :

Le tribunal a limité les frais de dépense médicales futurs à allouer à la CPAM à la somme de 898,27 euros au motif que les prestations en lien avec une arthrodèse n'étaient pas suffisamment établies, l'expert ayant émis des réserves sur l'indication d'une arthrodèse définitive de la cheville droite. En appel, la CPAM d'Ille et Vilaine fait valoir que son médecin conseil a attesté que les prestations figurant sur son état étaient imputables à l'accident subi par Mme [O] le 18 novembre 2013. Toutefois, aucun élément ne permettant d'établir qu'une arthrodèse est effectivement préconisée dans le cas de Mme [O] ni même qu'elle a été réalisée après consolidation ou depuis la décision de première instance, il convient de confirmer sur ce point le jugement.

Mme [O] sollicite en appel la somme de 7450 euros au titre des frais d'orthèse qu'elle devra exposer à titre viager à raison de deux paires par an, justifiant du coût d'une paire d'orthèse pour 65 euros. Il n'est pas contesté que l'expert a retenu la nécessité pour Mme [O] de porter désormais des semelles othopédiques ni que celles-ci doivent être renouvelées deux fois par an.

Si c'est à juste titre que le tribunal a déduit des frais d'orthèses le montant de la somme prise en charge par l'organisme social à raison de 28,86 euros, il a, par contre, capitalisé ces frais par l'euro de rente publié par la Gazette du palais 2016 en retenant l'âge de la victime au jour de sa décision, alors qu'il est de principe de retenir l'euro de rente correspondant à l'âge de la victime au jour de la consolidation soit 28 ans au 2 octobre 2015 pour Mme [O] née le 14 novembre 1986.

En conséquence, le calcul est le suivant :

au titre des arrérages échus entre la date de consolidation et la date de la décision :

101,14 x 6,5 ans : 657,41 euros

au titre des arrérages à échoir : 101,14 x 57,315 : 5 796,83 euros.

Il sera donc alloué la somme totale de 6 454,24 euros à Mme [O].

S'agissant des frais d'hospitalisation post consolidation pour 150 euros que le tribunal a ajouté à la somme des dépenses médicales futures, la cour constate que ce sont des frais de consultations médicales spécialisées dont il n'est pas établi qu'ils sont restés totalement à la charge de la victime. Le jugement sera infirmé sur ce point.

- perte de gains professionnels futurs :

Le [6] reproche au tribunal d'avoir alloué à Mme [O] une somme de 172 400,26 euros à ce titre alors que celle-ci n'a jamais fourni les éléments relatifs à sa situation réelle que ce soit pour les revenus perçus avant l'accident ou pour son contrat de travail, ni justifié de l'obtention de son diplôme d'ingénieur agronome lui permettant de prétendre, ainsi qu'elle le soutient, à un salaire mensuel de 2 500 euros. Il considère que l'intimée ne démontre pas davantage que le recours à des contrats de travail à durée déterminée depuis la consolidation soit imputable à l'accident et soutient que la précarité de la situation professionnelle de Mme [O] serait en lien avec une pathologie indépendante de l'accident subi le 18 novembre 2013. A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour de limiter le préjudice professionnel futur de Mme [O] à la période écoulée entre octobre 2015 et juin 2016 à la somme de 35 220 euros.

Mme [O] fait valoir quant à elle, que depuis l'accident, les séquelles dont elle est désormais atteinte entraînent une réelle modification de ses capacités d'emploi. Elle estime que son diplôme d'ingénieur agronome pouvait lui permettre de prétendre à un salaire mensuel de 2 500 euros en tant qu'ingénieur et produit pour appuyer son argumentation, le contrat de travail et les bulletins de salaires de l'une de ses amies, en contrat de travail doctoral sur trois ans avec l'INRA, pouvant donner lieu à une prolongation d'une durée d'un an, contrat auquel elle aurait pu, selon elle, également prétendre si elle n'avait pas subi l'accident du 18 novembre 2013. Reconnaissant qu'elle n'est pas inapte à tout emploi mais soulignant qu'elle a subi une dévalorisation sur le marché du travail, elle sollicite en réparation de son préjudice la somme de 869 928 euros correspondant à une perte de gains futurs à hauteur de 80 % du salaire mensuel qu'elle aurait pu obtenir en tant qu'ingénieur compensé par la capitalisation jusqu'à sa retraite à 65 ans. Elle forme au titre de la perte de gains pour sa retraite une demande distincte de 271 886 euros.

Il sera rappelé que l'expert, qui précise dans son rapport que la marche s'effectue avec une importante boiterie et deux cannes béquilles pour les déplacements extérieurs, a considéré que Mme [O] était médicalement et intellectuellement inapte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité exercée à l'époque de l'accident. Il a conclu à la nécessité d'une reconversion avec exclusion de déplacements à pied prolongés et de la station debout et immobile.

Au moment des faits, Mme [O] était employée par l'INRA comme ingénieure contractuelle pour assister M. [T] [M], directeur de recherches dans l'animation scientifique d'un programme intitulé " action publique, agriculture, biodiversité". Ce programme devait se terminer en juin 2016. M. [M] a attesté de ce qu'il n'avait pu employer à nouveau Mme [O] du fait de son incapacité, après son arrêt de travail.

En appel, Mme [O] justifie qu'elle est titulaire d'un diplôme universitaire technologique en génie biologique, option génie de l'environnement et d'un master d'ingénieur de l'institut supérieur d'agriculture de [Localité 9]. À l'exception du courrier de M. [M], elle ne produit aucun élément relatif à l'emploi qu'elle occupait au sein de l'INRA et notamment aucun document permettant d'établir qu'elle avait le niveau pour pouvoir prétendre, comme Mme [K] [A] dont elle communique le contrat de travail à l'INRA, à un poste de chercheur doctorant pour la préparation d 'une thèse de doctorat. La cour relèvera qu'après l'obtention d'un master en 2011/2012, elle ne bénéficiait manifestement pas d'un contrat de travail en qualité de doctorante à l'INRA. Dès lors, ainsi que le tribunal l'a relevé, la preuve de ce que Mme [O] pouvait espérer obtenir un poste d'ingénieur avec un salaire de 2 500 euros n'est pas suffisamment rapportée.

Au moment de l'accident, le salaire de Mme [O] s'élevait à la somme de 1 677 euros nets par mois. Les fonctions exercées pouvaient être conservées jusqu'en juin 2016 seulement. Après sa consolidation, Mme [O] a repris des études en participant à une formation continue en master de sciences politiques avec un stage pratique de six mois qui n'a pas débouché sur un emploi. Après une période de chômage, elle a occupé un emploi de chargée de mission en contrat à durée déterminée auprès du conseil départemental du Cantal de septembre 2018 jusqu'au 30 avril 2020. Ce contrat n'ayant pu légalement être renouvelé, elle a pu retrouver un emploi en novembre 2020 auprès de l'entreprise Lallemand pour un salaire mensuel de 1 600 euros. A la suite de nouveaux problèmes de santé, occasionnant des périodes d'indisponibilité, Mme [O] a conclu avec son employeur une rupture conventionnelle fin novembre 2021. Elle est à nouveau inscrite comme demandeuse d'emploi depuis le 2 décembre 2021.

Il s'avère donc que Mme [O] n'a subi aucune perte de salaire après consolidation, les emplois retrouvés ayant abouti à un salaire d'un montant similaire à celui perçu avant l'accident et le contrat de travail en cours au moment de l'accident devant se terminer en juin 2016. Le jugement sera donc infirmé, en l'absence de preuve de toute perte de gains professionnels futurs. Aucune somme ne peut dont être attribuée à ce titre à Mme [O] qui sera également déboutée de sa demande au titre d'une perte de gains de retraite qui n'est pas davantage démontrée.

- incidence professionnelle :

Il s'agit d'indemniser les répercussions périphériques du dommage touchant la sphère professionnelle de la victime comme le préjudice résultant de sa dévalorisation sur le marché du travail ou d'une perte de chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé ou encore de la nécessité d'abandonner la profession exercée pour une autre choisie en raison du handicap.

Il est incontestable que du fait des séquelles dont elle est atteinte, Mme [O] subit une incidence professionnelle. Alors qu'il concluait au rejet de la demande en première instance, l'appelant propose désormais une indemnisation à hauteur de 20 000 euros, demandant la réformation de la décision du tribunal qui a alloué la somme de 50 000 euros. Mme [O] sollicite la somme de 90 000 euros.

L'abandon du cursus professionnel étant totalement imputable à l'accident et aux séquelles en découlant, la somme allouée par le tribunal apparaît insuffisante à réparer le préjudice subi. Il sera fait droit à la demande formée en appel par l'intimée.

- assistance par tierce personne après consolidation :

La demande de Mme [O] tendant à la réformation du jugement de première instance sur ce point sur la base d'une durée de trois heures par semaine sur 58 semaines pour tenir compte des congés payés au salaire horaire de 20 euros comme retenu par le tribunal, est conforme à la jurisprudence en la matière, compte tenu des taux horaires pratiqués par les diverses associations d'aide à la personne. Du fait de l'application d'un barème de capitalisation actualisé en 2020, le jugement sera infirmé sur le montant alloué et il sera octroyé la somme demandée de 199 456 euros.

- frais d'aménagement du véhicule :

Le tribunal a retenu la nécessité d'un aménagement du véhicule dont le coût a été évalué par les parties à la somme de 1 978,64 euros sur la base d'un renouvellement tous les sept ans.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé sur le montant de la somme allouée en raison de l'application du barème de la Gazette du Palais 2020 en retenant l' euro de rente viagère à 35 ans soit l'âge de l'intimée au jour du premier renouvellement, de la façon suivante :

1 978,64 + [(1978,64 /7 ) x 50, 441]= 16 232,26 euros.

2/ le préjudice extra-patrimonial :

a/ le préjudice extra-patrimonial temporaire :

- déficit fonctionnel temporaire :

Le [6] conteste le montant de l'indemnisation journalière retenue par le tribunal à 25 euros et demande que celle-ci soit ramenée à 23 euros. Mais la base journalière de 25 euros sera également retenue par la cour.

Mme [O] demande à être indemnisée de la somme de 1 250 euros sur une durée de 50 jours alors que le tribunal lui a octroyé la somme de 1 500 euros sur une durée de 60 jours La décision sera donc infirmée et le [6] condamné à payer la somme réclamée.

- déficit fonctionnel partiel :

Le tribunal a retenu une durée de 243 jours à 50 % et alloué sur la base de 25 euros par jour, la somme de 3 037,50 euros. Mme [O] soutient que le déficit fonctionnel temporaire partiel a duré 625 jours, qu'elle obtient en retirant la durée d'hospitalisation totale de la période écoulée entre l'accident et la consolidation. L'expert a en effet retenu une déficit fonctionnel partiel jusqu'au 23 septembre 2015 soit 625 jours une fois déduite les jours d'hospitalisation. Le jugement sera infirmé et la somme de 7 525 euros allouée à Mme [O].

- préjudice esthétique temporaire :

Soutenant que ce préjudice, évalué à 4/7 par l'expert, a été subi jusqu'à consolidation pendant deux ans, Mme [O] demande dans le dispositif de ses conclusions à ce qu'il lui soit alloué en réparation la somme de 3 000 euros, après avoir demandé la somme de 5000 euros dans le corps de ses écritures.

Toutefois, le Docteur [Y] a estimé que ce préjudice a été subi pendant les trois mois d'immobilisation par botte et déambulation avec fauteuil de sorte que le préjudice esthétique temporaire ne pouvait être indemnisé à hauteur de 3 000 euros par le tribunal. C'est à juste titre que compte tenu de cette courte durée, le [6] demande que l'indemnisation soit ramenée à 300 euros.

- préjudice douloureux : le tribunal a fait une juste appréciation de l'évaluation de ce préjudice à la somme de 25 000 euros.

b/ le préjudice extra-patrimonial définitif :

- déficit fonctionnel permanent : fixé à 20 % par l'expert, il a été justement indemnisé par le tribunal à 50 000 euros. Sa décision sera confirmée sur ce poste.

- préjudice esthétique définitif : Mme [O] réclame en appel une somme de 6 000 euros en réparation ainsi que le propose le [6]. Le jugement sera donc infirmé.

- préjudice d'agrément :

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que Mme [O] ne produisait pas les justificatifs de l'exercice régulier d'activités sportives ou ludiques auxquelles elle avait dû renoncer. Il sera constaté qu'en appel, l'intimée ne produit aucun élément établissant une pratique antérieure et régulière des activités sportives qu'elle dit ne plus pouvoir pratiquer telles que le ski, le bateau, la randonnée et la bicyclette.

Or, le préjudice d'agrément s'entend de l'impossibilité de pratiquer toute activité sportive ou de loisir antérieurement pratiquée avant l'accident, les séquelles de l'accident avec leurs conséquences physiques et morales dans la vie quotidienne étant indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. C'est à juste titre que le tribunal n'a pas fait droit à la demande.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur le montant de la somme totale allouée à Mme [O] en réparation de son préjudice corporel évalué par la cour à 440 553,34 euros.

Sur les demandes accessoires :

Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.

Le [6] qui succombe en son appel principal, supportera la charge des dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [O] les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer à l'occasion de l'appel. Aussi, le [6] sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le [6] sera également condamné à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 1 098 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 5 Février 2019 sauf en ce qu'il a fixé les postes de préjudices ci-dessous aux sommes suivantes :

5 378, 88 euros au titre des dépenses de santé futures (dont créance CPAM)

172 400, 26 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

11 255, 07 euros au titre des frais d'aménagement du véhicule,

149 966, 64 euros au titre de la tierce personne après consolidation,

4 537, 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

7 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

et donc en ce qu'il a condamné le [6] français de Haute Bretagne à payer à Mme [O] la somme de 515 178,79 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices,

Statuant à nouveau sur ces chefs de préjudice :

Fixe l'indemnisation des postes de préjudices concernés de la façon suivante :

7 352,51 euros au titre des dépenses de santé futures (dont 898,27 euros de créance CPAM),

90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

16 232,26 euros au titre des frais d'aménagement du véhicule,

199 456 euros au titre de la tierce personne après consolidation,

8 775 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

6 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

En conséquence, condamne le [6] français de Haute Bretagne à payer à Mme [X] [O] la somme totale de 440 553, 34 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices,

Déboute Mme [X] [O] de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de gains de retraite,

Condamne le [6] français de Haute Bretagne à payer à Mme [X] [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le [6] français de Haute Bretagne à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 1 098 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Condamne le [6] français de Haute Bretagne aux dépens d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02425
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02425 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award