1ère Chambre
ARRÊT N°245/2022
N° RG 20/01308 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QQJJ
M. [G] [K]
M. [N] [K]
C/
Mme [F] [H]
M. [U] [C]
M. [G] [K]
M. [N] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [G] [K],
né le 18 Février 1956 à [Localité 16] (03)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
en qualité d'ayant cause universel de M. [I] [K] né le 03 janvier1915 à [Localité 12] et décédé à [Localité 5] le 18 août 2007
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Nicolas LAURENT BONNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [N] [K],
né le 07 Octobre 1948 à [Localité 13] (35)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
en qualité d'ayant cause universel de M. [I] [K] né le 03 janvier1915 à [Localité 12] et décédé à [Localité 5] le 18 août 2007
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Nicolas LAURENT BONNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Madame [F] [H]
née le 28 Octobre 1934 à [Localité 14] (SÉNÉGAL)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Adresse 10])
en qualité d'ayant-cause universel de Mme [S] [Y] [B] veuve [K], née à [Localité 4] le 26 mai 1919, et décédée le 25 octobre 2016 à [Localité 9]
Représentée par Me Michelle PIERRARD de la SELARL ALPHA LEGIS, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur [U] [C]
né le 13 Novembre 1987 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
en qualité d'ayant-cause universel de Mme [S] [Y] [B] veuve [K], née à [Localité 4] le 26 mai 1919, et décédée le 25 octobre 2016 à [Localité 9]
Représenté par Me Isabelle GÉRARD de la SELARL GÉRARD REHEL - GARNIER, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur [G] [K]
né le 18 février 1956 à [Localité 16] (03)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
en qualité d'ayant-cause universel de Mme [S] [Y] [B] veuve [K], née à [Localité 4] le 26 mai 1919, et décédée le 25 octobre 2016 à [Localité 9]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Nicolas LAURENT BONNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [N] [K]
né le 07 octobre 1948 à [Localité 13] (35)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
en qualité d'ayant-cause universel de Mme [S] [Y] [B] veuve [K], née à [Localité 4] le 26 mai 1919, et décédée le 25 octobre 2016 à [Localité 9]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Nicolas LAURENT BONNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [S] [B], née le 26 mai 1919 à [Localité 4] (Guadeloupe), s'est mariée le 25 février 1933 avec M. [S] [Z] [R] [H] par devant l'officier d'état civil de [Localité 4]. Elle était alors âgée de 13 ans et 9 mois.
De cette union naissaient deux enfants :
- [F] [H] née le 28 octobre 1934 à [Localité 14] (Sénégal),
- [V] [H] né le 13 avril 1937 à [Localité 7] (Landes), qui décédera le 8 août 2014, laissant pour lui succéder sa fille Mme [U] [C] née le 13 novembre 1987 à [Localité 11]
Par jugement du 12 juin 1947, soit 14 années plus tard, le divorce des époux [H]-[B] était prononcé par le tribunal civil de Basse-Terre.
Ce jugement n'était retranscrit que le 30 juin 1948 à l'état civil, dans la perspective de permettre le remariage de Mme [B] avec M. [I] [K] le 20 juillet 1948 par devant l'officier d'état civil de [Localité 15], sans contrat de mariage.
De cette union naissaient deux enfants :
- [N] [K] né le 7 octobre 1948 à [Localité 13] (35),
- [G] [K] né le 18 février 1956 à [Localité 16] (03).
Le 17 avril 1992, M. et Mme [K], respectivement âgés de 77 ans et 73 ans, signaient chez Me [E], notaire à [Localité 5], une modification de leur régime matrimonial au profit d'une communauté universelle avec clause d'attribution au profit du conjoint survivant.
Par requête présentée le 4 juillet 1992, ils en sollicitaient l'homologation au tribunal de grande instance de Dinan.
Par jugement du 15 septembre 1992, ce changement de régime matrimonial était homologué judiciairement et la transcription du jugement en marge de l'acte de mariage des époux [K] ordonnée.
M. [K] décédait le 18 août 2007 à l'âge de 92 ans, alors qu'il était hébergé en maison de retraite depuis près de 15 années.
Un acte de notoriété était alors établi par Me [P], notaire à [Localité 8], mentionnant l'épouse de M. [K] et leurs deux enfants [N] et [G] [K].
Mme [K] se trouvait être la seule et unique attributaire des biens de la succession de M. [K] en vertu de l'article 8 du contrat de mariage reçu le 17 avril 1992 et, à ce titre, recueillait l'intégralité des biens meubles et immeubles dépendant de la succession.
Mme [K] décédait le 25 octobre 2016 à [Localité 9] (35), à l'âge de 97 ans, alors qu'elle était hébergée au foyer résidence [Adresse 6], ayant été admise en institution depuis près de 25 années.
L'actif de succession était ainsi composé au 4 novembre 2016 :
- Compte chèques : 53.039,10 €
- Epargne bancaire (LDD, PEL, Livret Epargne, Livret Bleu) : 41.046,26 €
- Contrat d'assurance vie : 329.974,60 €
- Plan d'Epargne en actions : 32.629,79 €
Soit un actif brut évalué à la somme de 426.689,75 €.
Le 9 janvier 2017, Me [P], notaire, missionnait la SA Coutot Roehrig, généalogiste, afin de rechercher les deux enfants que Mme [K] avait eus de sa première union.
Le 31 janvier 2017, la SA Coutot Roehrig soumettait à [F] [H] et [U] [C] un contrat de justification des droits dans la succession de Mme [K].
Le 7 novembre 2017, Me [P], notaire, établissait un acte de notoriété suite au décès de Mme [K], et ce, à la requête de MM. [N] et [G] [K] et Mmes [F] et [U] [C], rappelant que les droits successoraux de chacun étaient d'un quart de la succession.
Par exploit des 16,17 et 20 novembre 2017, MM. [N] et [G] [K] assignaient Mme [F] [H], Mme [U] [H] et eux-mêmes devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins de révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial de M. et Mme [K] rendu le 15 septembre 1992 par le tribunal de grande instance de Dinan.
Par jugement en date du 24 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Malo a :
-rejeté la demande de nullité de l'assignation,
-déclaré irrecevable en raison de sa tardiveté l'action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial des époux [K] rendu le 15 septembre 1992,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
-rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné les consorts [K] aux dépens.
Les consorts [K] ont interjeté appel le 24 février 2020 de l'ensemble des chefs de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
[N] et [G] [K] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 5 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Ils demandent à la cour de :
-infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
-et, statuant à nouveau,
-à titre principal,
-les déclarer recevables agissant en qualité d'ayants cause universels de M. [K] en leur recours en révision,
-par conséquent, dire et juger n'y avoir lieu à homologation de l'acte reçu par Maître [A] [E], notaire à [Localité 5], le 17 avril 1992 au terme duquel les époux [K] ont déclaré vouloir adopter le régime de la communauté universelle tel qu'il est défini par les articles 1526 et suivants du code civil,
-à titre subsidiaire,
-ordonner la nullité de la convention de changement de régime matrimonial reçue par Maître [A] [E], notaire à [Localité 5] (22) le 17 avril 1992 pour vice du consentement,
-en tout état de cause,
-débouter Mmes [U] et [F] [H] de l'ensemble de leurs demandes,
-condamner Mmes [U] et [F] [H] au paiement de la somme de 3.000 € conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Jean-David Chaudet, avocat au barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Mme [F] [H] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 3 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
-dire et juger que le délai de recours en révision a commencé à courir du jour où les consorts [K] ont eu connaissance de la vocation successorale de Mme [F] [H], c'est-à-dire, en présence d'un enfant légitime né de la première union de leur mère, dont la vocation successorale est certaine, le jour où ils ont connaissance de l'existence même de Mme [F] [H], au plus tard le 10 juillet 2017, avec remise par Mme [H] de sa carte d'identité et de son adresse auprès du notaire mandaté, les consorts [K] étant prévenus le jour même,
-dire et juger en conséquence que le recours en révision a été engagé hors délai le 16 novembre 2017,
-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Malo le 24 janvier 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial de M. et Mme [K] rendu le 15 septembre 1992 par le président du tribunal de grande instance de Dinan,
-dire et juger que les consorts [K] ne rapportent pas la preuve que la décision d'homologation du 15 septembre 2012 de l'acte reçu le 17 avril 1992 par Me [A] [E] aurait été surprise par fraude,
-dire et juger irrecevable également pour cette raison l'action engagée en révision du jugement du 15 septembre 1992 rendu par le tribunal de grande instance de Dinan,
-subsidiairement,
-dire et juger conforme à l'intérêt de la famille l'adoption par les consorts [K] [B] en 1992 du régime de la communauté universelle tel que défini par les articles 1526 et suivants du code civil,
-en conséquence, confirmer purement et simplement l'homologation de changement de régime matrimonial et débouter Messieurs [K] de leur demande en révision du jugement rendu le 15 septembre 1992 homologuant l'acte reçu le 17 avril 1992 par Me [A] [E] et ordonnant la transcription du jugement en marge de l'acte de mariage de M. et Mme [K],
-encore plus subsidiairement,
-dire et juger que les consorts [K] ne rapportent pas la preuve, laquelle leur incombe, d'un dol par réticence commis par leur mère au préjudice de leur père de nature à vicier le consentement de ce dernier lors de la conclusion de la convention de changement de régime matrimonial reçue le 17 avril 1992 par Me [A] [E],
-en conséquence,
-débouter MM. [K] de leur demande en nullité pour dol de la convention reçue par Me [E] le 17 avril 1992,
-en tout état de cause,
-condamner MM. [N] et [G] [K] à lui payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits tant en première instance devant le tribunal judiciaire de Saint-Malo qu'à hauteur d'appel devant la cour d'appel de Rennes,
-débouter purement et simplement MM. [K] de l'ensemble de leurs prétentions fins et conclusions plus amples ou contraires,
-les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser les avocats respectifs des parties à les recouvrer dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [U] [C] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 3 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 24 janvier 2020 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial des époux [B]-[K] rendu le 1 5 septembre 1992 par le président du tribunal de grande instance de Dinan,
- condamné les consorts [K] aux dépens,
-au titre d'un appel incident, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 24 janvier 2020 en ce qu'il a :
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-statuant de nouveau,
-débouter MM. [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
-condamner solidairement MM. [K] à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner les mêmes aux entiers dépens y compris d'appel.
A l'audience de délibéré du 17 mai 2022, les débats ont été réouverts et l'affaire inscrite à l'audience de renvoi du 20 juin 2022 pour permettre la communication de l'affaire au ministère public pour son avis et les conclusions des parties sur cet avis.
[N] et [G] [K] ont dénoncé leurs conclusions au ministère public par notification au RPVA en date du 18 mai 2022.
Dans un avis du 2 juin 2022, le ministère public a fait connaître s'en rapporter. Cet avis a été communiqué aux parties le 3 juin 2022.
L'affaire a été rappelée à l'audience du 20 juin 2022 et mise en délibéré au 28 juin 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de "constater", "dire" ou "dire et juger" qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur l'exception d'irrecevabilité du recours en révision
MM. [K] soutiennent que le point de départ du recours en révision doit se situer au jour où ils ont eu une connaissance certaine et complète de la vocation successorale des deux enfants issus du premier mariage de leur mère, c'est-à-dire le 7 novembre 2017, jour de la signature de l'acte de notoriété dans sa version définitive et que, dès lors, leur action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial, intentée par voie d'assignations en dates respectives des 16, 17 et 20 novembre 2017 se situe bien dans le délai de deux mois à compter de la révélation de la cause de révision tel qu'imparti par l'article 596 du code de procédure civile.
Mmes [H] soutiennent que cette connaissance a été acquise dès le 10 juillet 2017 lorsque Mme [F] [H] s'est présentée chez le notaire pour lui remettre son identité complète ainsi que son adresse et que MM. [K] en ont été informés par ledit notaire.
En application de l'article 596 du code de procédure civile, le délai du recours en révision est de deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de la révision qu'elle invoque.
Cette connaissance s'entend d'une connaissance utile, c'est-à-dire de nature à permettre à la partie qui invoque la cause de révision de mettre en 'uvre utilement le recours en révision. La jurisprudence a pu encore préciser qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance de la cause de révision qu'il invoque et que les juges du fond apprécient souverainement cette date.
Au cas particulier, la cause de la révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial des époux [K] se trouve dans l'identification, postérieurement au changement de régime matrimonial, de deux nouveaux héritiers de Mme [K], de cujus, et dont la vocation successorale a pour effet de modifier l'ordre successoral prévu lors du changement de régime matrimonial.
De fait, il résulte d'un courrier en date du 6 juillet 2018 adressé à Mme [F] [H] par Maître [P], notaire en charge de la succession de Mme [K], que :
Son étude était "à la recherche d'éventuels héritiers de Mme [K] et [qu'elle] avait dû mandater dès janvier 2017 un généalogiste pour y parvenir",
"Le recours à un généalogiste n'a pas toujours lieu lorsque le notaire en charge de la succession a la certitude qu'il y a d'autres héritiers que ceux qu'il pourrait connaître, mais aussi dans le cas où il pense qu'il pourrait y en avoir et qu'il ne souhaite pas qu'ils soient évincés",
"Le cabinet de généalogie m'a informé en mars 2017 qu'il avait pu retrouver l'une des filles de M. [H] [V] (prénommé "Ut" et demeurant à [Localité 11] et qu'il attendait de me tenir informé de sa prise de position. Il poursuivait ses démarches afin de vous retrouver et c'est moi qui lui ai transmis les documents justificatifs dont j'avais pris copie, et ce le jour même de notre rencontre."
"Je vous confirme également avoir informé M. [K] [G] et M. [K] [N] le 10 juillet 2017 que vous vous étiez présentée à l'étude l'après-midi même."
"Mais ce n'est que lorsque le généalogiste m'a déposé les résultats de ses recherches en septembre 2017 que j'ai pu être certain du nombre d'héritiers et de la qualité héréditaire de chacun et préparé l'acte de notoriété."
"Comme indiqué à votre avocate par courrier en date du 2 mars 2018, c'est lors de l'envoi du projet de notoriété le 20 septembre 2017 que M. [K] [G] et M. [K] [N] ont été informés que vous et Mme [H] [U], pouviez prétendre à la qualité d'héritier.
"Cette qualité n'a effectivement été confirmée que lors de la signature de l'acte de notoriété le 7 novembre 2017".
Ainsi, l'information donnée par le notaire à MM. [K] le 10 juillet 2017 selon laquelle Mme [F] s'était "présenté" à l'étude notariale le même jour ne saurait être assimilée à l'information de la vocation successorale de celle-ci dans la succession de Mme [K], et donc à la connaissance par eux de ladite vocation successorale, alors que, de l'aveu même du notaire, ce statut ne devait être confirmé qu'au jour de la signature de l'acte de notoriété le 7 novembre 2017, après que le notaire eut reçu du généalogiste l'ensemble des informations lui permettant d'établir, en qualité de professionnel habilité pour le faire, l'acte de notoriété officialisant cette vocation successorale.
De même, il ne peut être que relevé que le 10 juillet 2017, seule Mme [F] [H] s'est présentée à l'étude de Maître [P] et que rien n'a été dit de Mme [U] [C], fille de [V] [H], pourtant identifiée comme héritière dans l'acte de notoriété du 7 novembre 2017.
Il s'en déduit que MM. [K] n'ont eu une connaissance utile de la vocation successorale des deux premiers enfants de leur mère, constituant la cause de l'action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial, que seulement le jour de la signature de l'acte de notoriété, lequel établissait de manière définitive et avec certitude la vocation successorale de ces héritiers identifiés postérieurement au changement de régime matrimonial.
Par voie de conséquence, leur action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial de leurs parents, introduite par assignations des 16, 17 et 20 novembre 2017, soit dans les deux mois impartis de la connaissance de la cause de révision, doit être jugée recevable.
Le jugement sera réformé sur ce point.
2) Sur le bien-fondé de l'action en rétractation du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial
MM. [K] soutiennent que leur père et eux-mêmes ont été tenus dans l'ignorance de l'existence des deux premiers enfants de Mme [K], que cette dissimulation constitue une fraude ayant conduit à un changement de régime matrimonial contraire à l'intérêt de la famille qui n'a pu être évalué de manière régulière et qui doit être sanctionnée par la rétractation du jugement du 15 septembre 1922 ayant homologué ce changement de régime matrimonial.
Mmes [H] soutiennent que la preuve n'est pas rapportée de ce que M. [K], duquel les appelants tiennent leur action en révision, ignorait l'existence des premiers enfants de son épouse, qu'il est probable que tant le notaire que l'avocat ayant officié lors du changement de régime matrimonial ont satisfait à leur devoir de conseil en informant les époux [K] des conséquences du changement de régime matrimonial pour les enfants nés du premier mariage comme du second mariage, que les attestations versées confirmant l'ignorance de l'existence de ces deux enfants émanent de relations du couple mais n'établissent pas que Mme [K] n'aurait pas évoqué avec son époux l'existence de ses deux premiers enfants, qu'enfin, aucune fraude ne peut être caractérisée en présence d'un changement de régime matrimonial qui avait pour objectif de protéger le conjoint survivant, les deux époux admis en établissement pour personnes âgées ayant eu le souci d'assurer le financement de leur accueil en institution.
Sur ce, l'article 593 du code de procédure civile dispose que "Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit."
L'article 595 précise que "Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
La jurisprudence a pu préciser que l'omission de toute mention relative à un enfant naturel dans une procédure de changement de régime matrimonial constituait une fraude.
Cette jurisprudence est transposable au cas de l'enfant issu d'un premier mariage.
Enfin, l'article 1397 al. 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause, dispose que "Après deux années d'application du régime matrimonial, conventionnel ou légal, les époux pourront convenir dans l'intérêt de la famille de le modifier, ou même d'en changer entièrement, par un acte notarié qui sera soumis à l'homologation du tribunal de leur domicile."
L'existence des enfants de chacun des parents constitue pour le tribunal appelé à statuer sur la demande d'homologation d'un changement de régime matrimonial portant adoption de la communauté universelle l'un des éléments à prendre en considération pour vérifier si cette demande est ou non conforme à l'intérêt de la famille, condition de fond de l'homologation.
En l'espèce, il résulte de l'acte notarié en date du 17 avril 1992 reçu par Maître [E], notaire à [Localité 5], que M. et Mme [K] ont déclaré que leur régime matrimonial n'était "plus adapté à l'intérêt de la famille" et qu'ils décidaient d'en "changer entièrement" pour adopter le régime de la communauté universelle.
A ce stade, l'existence du précédent mariage de Mme [K] résultait de la mention de son divorce d'avec M. [H], portée sur l'extrait de l'acte de mariage délivré le 15 avril 1992, "demeuré ci-joint et annexé aux présentes après mention du notaire soussigné".
Il est précisé à l'article 8 dudit acte notarié qu'en cas de dissolution du mariage par le décès de l'un des époux, la stipulation de l'attribution de tous les biens meubles et immeubles qui composeront la communauté "s'appliquera qu'il existe ou non des enfants du mariage".
Ainsi, si l'hypothèse de la présence d'enfant a bien été envisagée, aucune mention des enfants de M. et Mme [K] n'étant cependant faite dans l'acte notarié, que ce soit ceux issus de leur mariage, encore moins ceux issus du précédent mariage de Mme [K].
De même, la requête en date du 4 juillet 1992 aux fins d'homologation du changement de régime matrimonial, si elle mentionne bien quant à elle la présence de [N] et [G] [K] issus du mariage des époux [K], ne mentionne pas celle des enfants issus du premier mariage de Mme [K].
C'est sur ces bases incomplètes que le tribunal de grande instance de Dinan a exercé son contrôle de l'intérêt de la famille au sens de l'exigence de l'article 1397 al. 1 du code civil, laquelle appréciation s'est trouvée privée de l'information pourtant déterminante de son office de l'existence d'enfants issus du premier mariage de Mme [K].
Si le notaire et l'avocat avaient dû informer les époux [K] des conséquences du changement de régime matrimonial pour les enfants nés du premier mariage "comme du second mariage", ainsi que cela est soutenu par Mmes [H] et paraît du reste résulter de la formule "qu'il existe ou non des enfants du mariage", l'absence de toute mention des enfants de chacun des conjoints dans l'acte notarié, alors que l'hypothèse y est envisagée, et des enfants du premier mariage de Mme [K] dans la requête aux fins d'homologation n'a pu procéder que d'une omission volontaire de Mme [K], entachant par voie de conséquence de fraude le changement de régime matrimonial.
Sont ainsi établis tant la fausse déclaration de Mme [K] que son caractère intentionnel entachant de fraude le jugement d'homologation du changement de régime matrimonial.
Il s'ensuit que ce jugement doit être rétracté.
Le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 24 janvier 2020 sera infirmé sur ce point.
3) Sur la demande d'homologation du changement de régime matrimonial
Mmes [H] demandent à titre subsidiaire l'homologation pure et simple du changement de régime matrimonial comme conforme à l'intention des époux [K] et à l'intérêt de la famille.
MM. [K] s'y opposent en faisant valoir qu'en présence d'enfants non communs, ce changement de régime matrimonial au profit de la communauté universelle a pour effet de faire bénéficier ces descendants, dans l'hypothèse où leur auteur a survécu à son conjoint, d'une quote-part du patrimoine de l'époux prédécédé qui n'est pas leur auteur.
En droit, l'existence et la légitimité de l'intérêt familial, exigés par l'article 1397 du code civil dans sa version applicable au litige, pour apporter un changement ou une modification au régime matrimonial, doivent faire l'objet d'une appréciation d'ensemble, compte tenu de ce que l'intérêt de la famille ne s'apprécie pas au regard d'un seul de ses membres. De ce point de vue, l'intérêt de la famille ne saurait se confondre avec l'intérêt des héritiers. Enfin, l'accord des enfants n'est pas requis et leur avis éventuellement recueilli ne lie pas la juridiction saisie.
En l'espèce, le changement de régime matrimonial opéré par les époux [K] répondait à leur souhait d'assurer au conjoint survivant, indépendamment de l'ordre des décès de chacun, qu'il pourrait disposer librement du patrimoine pour financer son accueil en établissement pour personne âgée.
De fait, ainsi que cela n'est pas contesté, M. [K] est décédé en 2007 à l'âge de 92 ans après 15 années d'accueil passées à la maison de retraite de [Localité 5] (22) tandis que Mme [K] est décédée en 2016 à l'âge de 97 ans après 24 années ¿ passées à la maison de retraite de [Localité 9] (35).
L'adoption par M. et Mme [K], alors qu'ils étaient respectivement âgés de 77 ans et 73 ans, du régime matrimonial de la communauté universelle avec attribution de la communauté au conjoint survivant satisfaisait l'intérêt des époux [K], qui pouvaient légitimement souhaiter, après quarante-quatre ans de vie commune, être assurés que ni l'un ni l'autre ne manquerait de subsides pour financer son accueil et son hébergement en institution.
Ce changement ne compromettait pas l'intérêt des enfants du couple [K], étant observé que ni [G] [K] ni [N] [K] n'étaient dans le besoin.
Et il n'est en effet pas établi qu'en connaissance de l'existence des enfants du premier mariage de son épouse, M. [K] n'ait pas tout de même consenti au changement de régime matrimonial dans la mesure où ses propres descendants ne se trouvaient pas en difficulté particulière tandis qu'en revanche, sa propre épouse se trouvait dans l'impérieuse nécessité de financer son accueil en établissement pour personnes âgées.
Sous le bénéfice de ces observations, il convient de prononcer l'homologation du changement de régime matrimonial tel qu'il a été souhaité et signé par M. et Mme [K] le 17 avril 1992 par devant Maître [E], notaire à [Localité 5].
4) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Chacune des parties succombant pour partie, les dépens seront partagés entre elles.
Le jugement sera infirmé s'agissant des dépens de première instance.
Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu la réouverture des débats à l'audience du 20 juin 2022 par mention au dossier, valant rabat de la clôture,
Vu l'avis du ministère public du 2 juin 2022 communiqué aux parties,
Prononce la clôture des débats,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo en date du 24 janvier 2020 en ce qu'il a :
-déclaré irrecevable en raison de sa tardiveté l'action en révision du jugement d'homologation du changement de régime matrimonial des époux [K] rendu le 15 septembre 1992,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
-rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné les consorts [K] aux dépens,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de MM. [G] et [N] [K] en révision du jugement du tribunal de grande instance de Dinan en date du 15 septembre 1992 portant homologation du changement de régime matrimonial des époux [K],
Ordonne la rétractation du jugement du tribunal de grande instance de Dinan en date du 15 septembre 1992 ayant homologué le changement de régime matrimonial des époux [K],
Prononce l'homologation du changement de régime matrimonial de M. et Mme [K] tel que reçu le 17 avril 1992 par devant Maître [E], notaire à [Localité 5],
Condamne M. [N] [K], M. [G] [K], Mme [F] [H], Mme [U] [C] au paiement des dépens, chacun pour un quart,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE