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06/07/2022 | FRANCE | N°20/00384

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 06 juillet 2022, 20/00384


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/00384 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QM7Z













Société [5]



C/



CPAM DU MORBIHAN

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/00384 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QM7Z

Société [5]

C/

CPAM DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 18 Novembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES - Pôle Social

Références : 17/00616

****

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mathilde KERNEIS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Mme [E] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 19 décembre 2016, la société [5] (la société) a déclaré un accident du travail concernant M. [O], salarié en tant qu'ouvrier non qualifié, mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 18 décembre 2016 ; Heure : 22 heures 10 ;

Activité de la victime lors de l'accident : M. [O] déclare qu'il allait chercher des palettes ;

Nature de l'accident : M. [O] déclare s'être fait mal à l'épaule en fermant une porte ;

Objet dont le contact a blessé la victime : une porte ;

Eventuelles réserves motivées : néant ;

Siège des lésions : épaule gauche ;

Nature des lésions : douleur.

Le certificat médical initial, établi le 18 décembre 2016, fait état d'une 'tendinite de l'épaule gauche' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 1er janvier 2017.

Par lettre du 24 janvier 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) a informé la société de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction.

Par lettre du 6 mars 2017, la caisse a indiqué à la société qu'avant la prise de décision relative au caractère professionnel de l'accident prévue le 23 mars 2017, celle-ci avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.

Le 27 mars 2017, la caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par lettre du 24 mai 2017, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme. Par décision du 26 juillet 2017, cette dernière a rejeté ses demandes et confirmé l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de l'accident.

Par lettre du 21 septembre 2017, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes.

Par jugement du 18 novembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a :

- déclaré le recours formé par la société recevable mais mal fondé ;

- rejeté la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime M.[O] le 18 décembre 2016 ;

- condamné la société aux dépens.

Le 12 décembre 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié à une date que les éléments du dossier ne permettent pas de déterminer (date de réception illisible) ; l'appel n'en reste pas moins interjeté dans le mois du jugement, a fortiori dans le mois du courrier de notification du greffe daté du 4 décembre 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 13 juillet 2021, soutenues à l'audience, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et en conséquence de :

A titre principal,

- constater que la caisse n'a pas respecté le principe d'instruction contradictoire ;

A titre subsidiaire,

- constater que la caisse ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail ;

- constater que la preuve de la matérialité de l'accident fait défaut ;

En tout état de cause,

- dire et juger que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident déclaré par M. [O] lui est inopposable.

Par ses écritures parvenues au greffe le 2 juillet 2021, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des prétentions de la société ;

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris ;

- condamner la société aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le principe du contradictoire

La société soutient que l'envoi d'une lettre de clôture et d'une lettre de notification de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle lui précisant 'qu'une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ou enquête' démontre que la caisse a bien mené une instruction ; qu'elle devait par conséquent respecter les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et à ce titre lui envoyer un questionnaire ou procéder à une enquête avant de clôturer l'instruction, ce qu'elle n'a pas fait.

La caisse réplique que la société n'ayant émis aucune réserve motivée, elle n'avait aucune obligation de procéder à l'envoi de questionnaires ou à une enquête et n'a donc effectué ni l'un ni l'autre ; que le fait d'avoir interrogé le médecin conseil sur l'imputabilité des lésions ne constitue pas un acte d'enquête et n'est pas de nature à imposer l'envoi d'un questionnaire ou la mise en oeuvre d'une enquête ; que la mention d'une instruction contradictoire dans la lettre de notification de prise en charge adressée à l'employeur résulte d'une simple erreur matérielle de sorte que la société ne saurait s'en prévaloir pour prétendre qu'il y a eu une instruction ; qu'elle a respecté son obligation en informant la société de la date à laquelle la décision sur la prise en charge interviendrait et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.

Sur ce :

L'article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale dispose que : 'En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.'

Ainsi, lorsque l'employeur assortit de réserves motivées la déclaration d'accident du travail qu'il adresse à l'organisme de sécurité sociale, celui-ci est tenu de procéder à une instruction avant de prendre sa décision.

Il n'est pas soutenu en l'espèce que l'employeur a émis la moindre réserve.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que la caisse, même d'initiative, ait procédé à un quelconque acte d'instruction, étant précisé que :

- l'envoi d'une lettre de clôture permettait à l'employeur de prendre connaissance en tant que de besoin des pièces du dossier,

- les mentions portées dans la lettre de notification de prise en charge évoquant 'une instruction contradictoire' sont sans incidence puisqu'aucune instruction n'a été menée par la caisse.

La caisse qui disposait, au vu de la déclaration d'accident du travail complétée par la société et non assortie de réserves de l'employeur, du certificat médical initial établi par le centre hospitalier où M. [O] avait été transporté le jour de l'accident et de l'avis du médecin conseil, de tous les éléments utiles permettant une prise en charge d'emblée, n'était pas tenue de procéder à l'instruction du dossier consistant soit à adresser un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou à procéder à une enquête auprès des intéressés.

La caisse ayant régulièrement informé la société de la faculté pour elle de consulter le dossier, aucun manquement à ses obligations ne peut lui être reproché.

Les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont écarté ce moyen.

Sur la matérialité de l'accident

La caisse se prévaut de la présomption d'imputabilité attachée à un faisceau d'indices graves, précis et concordants, et soutient que la société échoue à la renverser.

La société pour sa part fait valoir que la caisse ne démontre pas qu'un accident s'est produit aux temps et lieu du travail ; que le certificat médical initial ne fait que relever l'existence d'une lésion sans qu'on puisse en déduire qu'elle est imputable au travail ; qu'aucun témoin, de plus, n'a assisté aux faits, lesquels seraient survenus 10 minutes seulement après la prise de poste du salarié ; que ces éléments, ajoutés au caractère anodin du geste décrit par M. [O], démontrent à l'évidence un état pathologique antérieur, le salarié étant selon elle manifestement arrivé blessé au travail.

Sur ce :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)

La qualification d'accident du travail ne dépend pas de la pathologie dont est atteint le salarié mais des conditions dans lesquelles elle a été contractée.

Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion en conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.

Il incombe à l'employeur, une fois acquise la présomption d'imputabilité, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine de la lésion.

Il ressort en l'espèce des pièces produites aux débats que :

- l'accident, déclaré comme survenu le 18 décembre 2016 à 22 h 10, soit 10 minutes après la prise de poste du salarié, a été porté immédiatement à la connaissance de l'employeur ;

- M. [O] a été transporté au service des urgences du centre hospitalier de [Localité 6] le soir-même ;

- l'accident a été inscrit sur le registre des accidents bénins le soir-même également ;

- l'employeur n'a émis aucune réserve ;

- la lésion (tendinite) constatée par le médecin de l'hôpital le 18 décembre 2016 affecte l'épaule impliquée dans l'accident allégué et est en cohérence avec la douleur dont s'est plaint le salarié aux temps et lieu du travail à la suite du geste incriminé.

Nonobstant l'absence de témoin, la caisse caractérise ainsi un faisceau de présomptions précises et concordantes sur la survenue d'un accident aux temps et lieu du travail, de sorte que la présomption d'imputabilité s'applique.

Faute pour la société de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, qui ne saurait simplement se déduire du caractère prétendument anodin du geste effectué par le salarié, elle est mal fondée à demander que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable.

Par suite c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société de son recours.

Sur les dépens

L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/00384
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;20.00384 ?
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