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22/09/2022 | FRANCE | N°20/06062

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 22 septembre 2022, 20/06062


4ème Chambre





ARRÊT N° 316



N° RG 20/06062

N° Portalis DBVL-V-B7E-RE2B



























NM/FB





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022





COMPOS

ITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publ...

4ème Chambre

ARRÊT N° 316

N° RG 20/06062

N° Portalis DBVL-V-B7E-RE2B

NM/FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. MAAF ASSURANCES

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Chaban

[Localité 2]

Représentée par Me Martine BELLEC de la SELARL GRUNBERG & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [S] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre-Yves MATEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [V] [D] veuve [N] a déposé le 1er février 2006 une demande de permis de construire d'une maison d'habitation sur une parcelle qu'elle avait acquise [Adresse 1].

La déclaration d'ouverture de chantier est datée du 16 février 2006 et la déclaration d'achèvement des travaux du 2 mai 2010.

Un permis de construire modificatif relatif à de nouvelles ouvertures et à une augmentation de la Shon au premier étage a été délivré le 21 mai 2010.

Suivant acte authentique en date du 6 juillet 2010, reçu par Me [P] [Z], notaire à [Localité 3], Mme [V] [D] veuve [N] a vendu à M. [W] [G] et Mme [S] [T] la maison d'habitation pour la somme de 210 000 euros.

Se plaignant de l'affaissement du plancher du rez-de-chaussée de la maison, et après avoir fait diligenter une expertise amiable par l'intermédiaire de son assureur de protection juridique, Mme [T] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes aux fins d'expertise au contradictoire notamment de [J] [N], fils de la venderesse qui avait réalisé certains travaux et gérant de la société Style Bois Structure. Il a été fait droit à cette demande par ordonnances du 19 octobre 2017. Les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la MAAF, assureur de la société Style Bois Structures et à la SCP Serrazn-Caba, étude notariale, par ordonnance du 7 juin 2018.

L'expert, M. [H], a déposé son rapport le 3 septembre 2019.

Mme [T] a fait assigner à jour fixe la société MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Vannes à l'audience du 26 mai 2020, par acte d'huissier en date du 3 décembre 2019.

Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire a :

- déclaré recevable l'action directe engagée par Mme [T] à l'encontre de la société MAAF Assurances ;

- condamné la société MAAF Assurances aux dépens, qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire, ainsi qu'à verser à Mme [T] les sommes de:

           - 263 006,75 euros en réparation des préjudices matériels subis ;

           - 20 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

          - 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les plus amples et contraires demandes.

La société MAAF Assurances a interjeté appel de cette décision le 10 décembre 2020.

Par une ordonnance en date du 2 mars 2021, le magistrat délégué par le premier président a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire présentée par l'appelante.

Par ordonnance du 5 avril 2022, le magistrat de la mise en état a débouté Mme [T] de sa demande d'expertise et l'a condamnée aux dépens de l'incident.

L'instruction a été clôturée le 9 juin 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 1er juin 2022, la société MAAF Assurances demande à la cour de :

                                  

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- juger Mme [T] mal fondée en toutes ses demandes formées contre la société MAAF Assurances, l'en débouter ;

- condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité de 6 000 euros à la société MAAF Assurances sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel;

- la débouter de son appel incident et de toutes ses demandes ;

À titre très subsidiaire et en tout état de cause,

- débouter Mme [T] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société MAAF Assurances à lui payer la somme de 301 056 euros en réparation des préjudices matériels ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société MAAF Assurances à payer à Mme [T] la somme de 263 006,75 euros en réparation de son préjudice matériel, et fixer ce préjudice, au regard des éléments produits en cause d'appel, à 165 884,03 euros, voire 172 257,03 euros s'il est dûment justifié par Mme [T] des frais de maîtrise d''uvre allégués ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société MAAF Assurances à payer à Mme [T] la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- débouter Mme [T] de toute demande d'indemnité à ce titre contre la société MAAF Assurances, faute de justifier d'un préjudice immatériel pécuniaire ;

- juger Mme [T] irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en son appel incident pour obtenir une indemnité de 20 000 euros au titre d'un préjudice moral ;

À titre infiniment subsidiaire,

- débouter Mme [T] de son appel incident sur le montant de l'indemnité allouée au titre du préjudice de jouissance ;

- juger la société MAAF Assurances bien fondée à opposer à Mme [T] la franchise contractuelle incluse dans le contrat de la société Style Bois Structures au titre du préjudice immatériel pécuniaire, qui s'élève à 10 % du montant des dommages, avec un minimum de 1 072 euros et un maximum de 2 683 euros.

Dans ses dernières conclusions en date du 30 mai 2022, Mme [T] demande à la cour de :

- dire et juger que l'action directe engagée par Mme [T] à l'encontre de l'assurance MAAF est recevable et bien fondée, compte tenu de la mobilisation de la garantie décennale de la société Style Bois Structure, en raison des désordres majeurs affectant l'habitation incriminée ;

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vannes le 10 novembre 2020, en ce qu'il a retenu la recevabilité de l'action directe exercée par Mme [T] à l'encontre de l'assurance MAAF ;

- condamner l'assurance MAAF à payer à Mme [T] une somme de 301 056 euros en réparation des préjudices matériels subis, compte tenu du montant réactualisé des travaux de réparation ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vannes le 10 novembre 2020, en ce qu'il a fixé le préjudice de jouissance de Mme [T] à 20 000 euros ;

- statuer de nouveau et condamner l'assurance MAAF à payer à Mme [T] une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance enduré ;

- condamner l'assurance MAAF à payer à Mme [T] une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral enduré ;

- condamner l'assurance MAAF à payer à Mme [T] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'assurance MAAF à supporter l'intégralité des dépens d'instance qui comprendront notamment le coût du rapport d'expertise de M. [H].

MOTIFS

L'expert a constaté que la poutre en « I » qui se situe sous le panneau support de l'isolant, de l'isolant lui-même, du pare-vapeur et de la dalle plancher du rez-de-chaussée, est affectée de pourriture en sa face inférieure ce qui a entrainé l'affaissement du plancher et l'instabilité de l'escalier.

M. [H] indique que ces désordres découlent du choix des solives mises en 'uvre dans le vide sanitaire souvent humide, dont le bois de classe 1 ou 2 est inadapté en ce qu'il doit toujours être sec, de l'insuffisance de ventilation du vide sanitaire et de sa hauteur insuffisante.

Il conclut à la dangerosité de la maison devenue inhabitable en raison du fléchissement important du plancher et du risque de rupture des solives.

Les constatations de l'expert et la nature décennale du désordre ne sont pas contestées.

Les premiers juges ont retenu que les travaux ont été réalisés par la société Style Bois Structure, société unipersonnelle de M. [J] [N], fils de la venderesse, et qu'ils ont débuté en janvier 2009 durant la période couverte par la garantie décennale de la MAAF Assurances, assureur de la société.

La MAAF soutient, d'une part, qu'elle n'était pas l'assureur de la société Style Bois Structure à l'ouverture du chantier le 16 février 2006, date qui doit être prise en compte pour apprécier la validité de la garantie ainsi que le prévoit l'article 9 des conditions générales de la police souscrite le 21 avril 2008 et, d'autre part, que ce n'est pas cette société, mais M. [N], dont elle n'est pas l'assureur, qui a réalisé les travaux.

Mme [T] réplique que M. [N] n'est intervenu qu'en sa qualité d'associé unique de la société Style Bois Structure sur le chantier et que la MAAF a assuré cette société durant la période de construction de l'ouvrage. Elle ajoute que la date d'ouverture du chantier est indifférente et que seule la date effective de réalisation des travaux doit être prise en compte pour démontrer la garantie de la MAAF. Elle fait valoir que les factures annexées à l'acte de vente datées de janvier 2009 à décembre 2010 justifient que les prestations sont intervenues pendant la période de couverture de l'assurance MAAF. Elle observe que M. [N] est intervenu sur un support défectueux, le solivage litigieux, de sorte que sa responsabilité est engagée.

En application de l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Sur le point de départ de la garantie de la MAAF

La MAAF produit les conditions particulières de la police d'assurance souscrite le 21 avril 2008 par la société Style Bois Structure et les conventions spéciales 5B dont l'assuré a mentionné avoir eu connaissance.

L'article L241-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige dispose que : « Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. 

À l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance. »

Selon l'article A 243-1 Annexe 1 du même code, applicable au litige, le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du code civil, les travaux ayant fait l'objet d'une couverture de chantier, pendant la période de validité fixée aux conditions particulières.

L'article 9 des conditions générales de la police d'assurance relatif à la durée et au maintien de la garantie décennale dans le temps stipule que l'assureur garantit pour les désordres de nature décennale les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la validité des présentes conventions, l'ouverture de chantier étant définie en page 4 de la police comme la déclaration règlementaire faite auprès de l'administration au commencement des travaux.

Il est constant qu'il résulte des articles L. 241-1 et A. 243-1 précités, et des clauses types applicables au contrat d'assurance de responsabilité pour les travaux de bâtiment figurant à l'annexe 1 de ce second article, que l'assurance de responsabilité couvre les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance, et que cette notion s'entend comme le commencement effectif des travaux confiés à l'assuré, ce qui nécessite de rechercher la date à laquelle ont effectivement commencé les travaux de l'assuré. Il ne peut donc être dérogé à ces dispositions d'ordre public par des dispositions contractuelles de sorte que la clause énoncée à l'article 9 du contrat d'assurance de la MAAF n'est pas applicable.

Sur le commencement effectif des travaux de l'assuré

La police d'assurance ayant été souscrite le 21 avril 2018, les travaux de la société Style Bois Structure sur le chantier litigieux ne sont assurés par la MAAF que si elle les a commencés postérieurement au 21 avril 2018.

La société Style Bois Structures a été inscrite au registre du commerce et des sociétés le 20 avril 2006.

Interrogé par l'expert, M. [N], présent à la réunion d'expertise du 21 septembre 2018 a indiqué avoir commencé les travaux en son nom propre puis avoir fait appel à sa société à partir d'avril 2006 alors qu'il était assuré par les AGF pour le vol, l'incendie et la responsabilité civile professionnelle, mais n'avait pas souscrit d'assurance décennale. Il a exposé avoir réalisé le terrassement et la ceinture en béton des fondations. Il ne se souvenait plus si le solivage avait été réalisé par la société ou lui-même. Il a reconnu ne pas avoir utilisé la bonne méthode pour la réalisation de la structure en sous-'uvre se contentant des informations trouvées dans une revue.

L'intervention de M. [N] est confirmée par la société Magrex intervenue en juin 2006 pour des travaux de terrassement initial, de fouilles et d'empierrement pour permettre l'accès au chantier. La société Magrex a expliqué à l'expert qu'une fois ses terminés M. [N] a ensuite réalisé les travaux de maçonnerie, de charpente et d'ossature bois.

Il était annexé à l'acte de vente du 6 juillet 2010 quatre factures à l'entête de Style Bois Structure et [J] [N] avec un numéro de Siret correspondant à l'activité de restaurant de M. [N]. La première d'entre elles vise un acompte de 25 900 euros HT du 12 janvier 2009 sans précision, la seconde du 4 mars 2009 la fourniture et la pose de menuiseries pour 10 002,66 euros HT, la troisième du 30 octobre 2009 des prestations de septembre et octobre 2009 pour 17 920 euros HT et la dernière du 12 février 2010, le ponçage de bandes placo, la pose d'un parquet et des prestations de février 2010.

Il n'existe aucune facture relative aux travaux de sous-'uvre.

La facturation irrégulière, partielle et insuffisamment précise des travaux par la société Style Bois Structure n'est pas de nature à prouver, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que la société a débuté ses travaux en 2009 alors que [J] [N] et la société Magrex ont soutenu devant l'expert que la société Style Bois Structure est intervenue dès 2006 sur le chantier pour y réaliser des travaux de sous-'uvre pour lesquels il n'existe aucune facture.

Dès lors, la garantie souscrite auprès de la MAAF par la société Style Bois Structure le 21 avril 2008 n'est pas mobilisable.

Le jugement est infirmé.

Mme [T] est déboutée de l'ensemble de ses demandes.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau

DEBOUTE Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/06062
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;20.06062 ?
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