2ème Chambre
ARRÊT N° 503
N° RG 19/00383 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PO4A
(3)
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [R] [J]
Mme [K] [U] épouse [J]
Me Pascale HUILE-ERAUD
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Erwan LECLERCQ
-Tiphaine LE BERRE BOIVIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme [C] [D], lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Juin 2022
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 30 Septembre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe
****
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de Banque Solféa
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par la SCPA RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [R] [J]
né le 23 Octobre 1975 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [K] [U] épouse [J]
née le 07 Décembre 1976 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Maître [S] [B] , es qualité de mantataire liquidateur de la société FRANCE SOLAIRE ENERGIES
[Adresse 1]
[Localité 7]
N'ayant pas constitué avocat, assigné par acte d'huissier le 23 Avril 2019 à personne
INTERVENANT :
Monsieur [F] [W], ès qualité de mandataire ad'hoc de la FRANCE SOLAIRE ENERGIES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
N'ayant pas constitué avocat, assigné par acte d'huissier le 14 mars 2022 à domicile
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 24 octobre 2012, M. [R] [J] et Mme [K] [U] épouse [J], ont passé commandé, à la suite d'un démarchage à leur domicile, de la fourniture et de l'installation de douze panneaux photovoltaïques auprès de la société France Solaire Energies moyennant le prix de 23 500 euros.
Cette opération a été financée à hauteur de 18 000 euros, à l'aide d'un prêt consenti par la société Banque Solfea aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 158 mensualités au taux de 5,79 % l'an avec un différé de onze mois.
La société France Solaire Energies a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 septembre 2015.
Se prévalant d'une insuffisance de rendement, les époux [J] ont fait assigner devant le tribunal d'instance de Vannes, la société BNP Paribas et Maitre [S] [B] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société France Solaire Energie en annulation du contrat de vente et du contrat de prêt affecté.
Par jugement en date du 6 décembre 2018, le tribunal a :
- prononcé l'annulation de la convention passée entre la société France Solaire Energies et les époux [J] ,
- constaté que le contrat de prêt conclu entre les époux [J] et la société Banque Solféa aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance est annulé de plein droit,
- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté formée contre les époux [J],
- condamné la société BNP Paribas à rembourser aux époux [J] les échéances payées en vertu du contrat de crédit qui les liait : 11 316, 20 euros au 4 octobre 2018, sans préjudice de celles versées postérieurement,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les époux [J] de leur demande de remise en état formée contre la société France Solaire Energie en liquidation judiciaire,
- dit, s'agissant du sort de l'installation, à défaut de reprise de celle-ci par le liquidateur dans les deux mois de la signification du jugement, que les époux [J] seront autorisés à en disposer comme bon leur semblera,
- déboute les époux [J] de leur demande de remise en état en nature ou par équivalent, formée contre la société BNP Paribas Personal Finance et de leur demande en dommages-intérêts supplémentaires formée contre cette dernière,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné in solidum la société France Solaire Energie et la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens.
Par déclaration en date du 18 janvier 2019, la société BNP Paribas a relevé appel de cette décision.
Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 décembre 2021.
Les époux [J] ayant cessé en cours de procédure de payer les échéances du crédit, la banque après les avoir mis en demeure en vain de régulariser l'arriéré, a prononcé la déchéance du terme et les a mis en demeure, par lettre recommandée du 8 juin 2019, de régler l'intégralité des sommes dues.
Par acte d'huissier en date des 18 et 23 octobre 2019, la société BNP Paribas Personal Finance a fait assigner devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vannes les époux [J] en paiement des sommes dues à raison du contrat de crédit du 24 octobre 2012.
Par jugement en date du 26 novembre 2020, le juge a :
- dit n'y avoir lieu à sursis,
- déclaré irrecevables les demandes formées par la société BNP Paribas Personal Finance contre les époux [J] et celles en annulation du contrat, de déchéance du droit aux intérêts, de remboursement des échéances versées et en dommages-intérêts formées par ces derniers contre la première,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [J] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens.
Par déclaration en date du 5 janvier 2021, la banque a également relevé appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 8 février 2022, l'ordonnance de clôture prise le 9 décembre 2021 a été révoquée et les deux procédures d'appel ont été jointes sous le numéro 19 / 383.
Le 14 mars 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a assigné en intervention forcée Me [F] [W] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société France Solaire Energies, la liquidation judiciaire ayant été clôturée par ordonnance du tribunal de commerce d'Evry le 14 décembre 2021.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 29 avril 2022, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par BNP Paribas Personal Finance à l'encontre du jugement rendu le 6 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Vannes,
- infirmer ladite décision en toutes ses dispositions,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par BNP Paribas Personal Finance à l'encontre du jugement rendu le 26 novembre 2020 par le juge des contentieux de la protection de Vannes,
- infirmer ladite décision en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- débouter les époux [J] de leur demande en annulation du contrat principal,
- débouter les époux [J] de leur demande d'annulation subséquente du contrat de crédit,
- juger que le jugement rendu le 6 décembre 2018 n'a ni force de chose jugée ni autorité de la chose jugée s'agissant de la demande en paiement après déchéance du terme,
Par conséquent,
- débouter les époux [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins ou prétentions,
-declarer BNP Paribas Personal Finance recevable en sa demande visant à voir condamné les époux [J] au paiement des sommes dues au titre de l'exécution des contrats de crédit,
Vu l'article 1134 (ancien) du code civil,
- condamner solidairement M. [R] [J] et Mme [K] [U] épouse [J] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 16 163,83 euros outre intérêts au taux contractuel de 5,79% l'an, à compter du 8 juin 2018 et jusqu'à complet paiement,
- dire et juger qu'il échet d'ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,
Subsidiairement en cas d'annulation des contrats,
- débouter les époux [J] de leurs demandes visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que cette dernière n'a commis aucune faute,
- débouter les époux [J] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'encontre du prêteur,
Par conséquent,
- condamner solidairement M et Mme [J] à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 18 000 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
- juger que la condamnation de BNP Paribas Personal Finance à rembourser aux époux [J] le montant des échéances versées sera conditionnée à la justification par ces derniers de la résiliation du contrat auprès d'Erdf, de la restitution des sommes perçues au titre du contrat de revente ainsi que la restitution au Trésor des crédits d'impôts perçus,
- débouter M et Mme [J] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
- condamner solidairement M et Mme [J] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel dans les deux procédures.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 4 février 2022, M et Mme [J] demandent à la cour de :
Vu les articles L. 111-1, L. 311-1, L. 311-6, L. 311-8,L.311-13, L. 311-32, L. 311-35, L. 312-2, L. 312-7, L. 312-11, L. 312-33, L. 313-3 à L. 313-5 et D311-463 du code de la consommation,
Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 à L. 121-26 et R.121-5 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au cas d'espèce,
Vu les articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 480-4 du code de l'urbanisme,
Vu les articles L. 313-5, L. 519- 1 et L. 546-1 du code monétaire et financier,
Vu l'article L. 512-1 du code des assurances,
Vu les articles 1109, 1116, 1710 et 1792 du code civil,
Vu les articles 11, 515 et 700 du code de procédure civile,
rejetant l'appel de la société BNP Paribas Personal Finance, le disant mal fondé,
recevant l'appel incident, et y faisant droit,
- confirmer le jugement du tribunal d'instance de Vannes du 6 décembre 2018 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les époux [J] de leurs demandes indemnitaires,
et partant
- prononcer l'annulation du contrat de vente liant M et Mme [J] et la société France Solaire Energies,
- prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté liant M et Mme [J] et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solféa,
- dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits dela société Banque Solféa a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à l'égard de M et Mme [J],
- dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solféa ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,
En conséquence,
- ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea de l'intégralité de sommes qui lui ont été versées et ce jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les sommes versées ultérieurement par M et Mme [J],
A titre subsidiaire,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea à verser aux époux [J] la somme de 12 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages-intérêts, au titre de leur préjudice de perte de chance de ne pas contracter,
Et statuant à nouveau :
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea à verser aux époux [J] la somme de :
4 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
3 500 euros au titre de leur préjudice moral,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea à verser aux époux [J] au paiement de la somme de 4 554 euros sauf à parfaire au titre du devis de désinstallation,
A titre infiniment subsidiaire,
Si la cour venait à débouter les époux [J] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner les époux [J] à reprendre le paiement mensuel des échéances du prêt,
En tout état de cause,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea à payer aux époux [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 mai 2022 .
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur l'appel du jugement du 6 décembre 2018 :
Sur la nullité du contrat principal :
Aux termes de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat litigieux, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'un démarchage au domicile d'une personne physique doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
les noms du fournisseur et du démarcheur,
la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,
le prix global à payer, les modalités de paiement et, en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur ce type de vente,
la faculté de renonciation ouverte au client ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
En outre, l'article L. 121-24 du code de la consommation précise que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation et contenant les mentions décrites aux articles R. 121-3 à R. 121-6 de ce code, tous les exemplaires du contrat devant être signés et datés de la main même du client.
Enfin, selon l'article R. 121-4, le formulaire détachable de rétractation doit comporter, sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé, et, sur son autre face, les mentions prévues à l'article R. 121-5 qui impose notamment l'indication de façon très lisible de la mention 'l'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception' soulignée ou en caractères gras, ainsi que l'indication que le courrier doit être adressé à l'adresse figurant au dos.
Le premier juge a considéré le bon de commande irrégulier en relevant que celui-ci ne comportait pas la date de livraison, ni la marque des panneaux vendus, ni la référence des panneaux et des autres matériels, ni les modalités de financement et indiquait seulement un prix global sans autre détail sur le matériel et la pose. Il a également noté que le formulaire détachable de rétractation n'était pas conforme.
Toutefois le défaut d'indication du poids et de la surface des panneaux et de l'onduleur, de leurs références ne constituent pas des caractéristiques essentielles des biens livrés. Il n'y a pas davantage lieu d'indiquer le prix unitaire de chaque prestation, le texte précité exigeant au contraire l'indication d'un prix global. Il est par ailleurs satisfait aux exigences de l'article L. 121-23 § 6° du code de la consommation, relatives aux caractéristiques du prêt affecté, lorsqu'au contrat principal est jointe l'offre préalable de prêt conclue concomitamment à l'occasion de l'opération de démarchage et contenant les renseignements prévus par ce texte.
Si aucune date de livraison n'est indiquée sur le bon de commande alors que l'article 4 des conditions générales de vente précise que cette date doit être arrêtée avec le client, il s'avère que, comme le souligne la banque, le délai maximal de livraison de 200 jours à compter de la signature du contrat sous réserve de l'acceptation du crédit affecté répond aux critères du texte.
Par contre, le bon de commande ne précise aucun délai d'exécution de la prestation accessoire de pose, alors pourtant que la société France Solaire Energies a mentionné qu'elle se chargeait de l'installation du matériel ainsi que des démarches administratives, de la mise en service et du consuel et du raccordement au réseau.
Il est exact que le bon de commande ne précise pas non plus la marque des panneaux fournis, alors pourtant que, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
La cour note qu'aucune indication n'est donnée par ailleurs sur les modalités de pose des panneaux, la seule indication laconique 'système intégré au bâti', sans précision sur la surface de toiture affectée et les procédés qui seront mis en oeuvre pour assurer l'étanchéité de celle-ci, ne constitue pas une désignation précise de la nature et des caractéristiques de la prestation accessoire de pose fournie par le vendeur.
Enfin, ainsi que le relèvent à juste titre les époux [J], le bordereau détachable de rétractation figurant au verso du document ne peut être détaché de l'acte sans altérer celui-ci notamment sur les éléments essentiels que constitue la désignation des parties contractantes.
La BNP Paribas Personal Finance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les emprunteurs auraient renoncée à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels, en signant les contrats de raccordement et de revente de l'énergie, en utilisant l'installation pendant près de cinq ans, et en procédant au règlement des échéances du crédit jusqu'en décembre 2017.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, si les dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause étaient reproduites au verso du bon de commande et qu'il était ainsi porté à la connaissance de M. et de Mme [J] que celui-ci devait comporter, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des panneaux photovoltaïques et les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services, les dispositions de l'article R. 121-5 exigeant que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation du consommateur doit faire partie de l'exemplaire du contrat laissé au client et en être aisément séparé n'étaient pas reproduites.
Dès lors, rien ne démontre que les époux [J] avaient connaissance de ce vice du bon de commande lorsqu'ils ont laissé la société France Solaire Energies intervenir à leur domicile et signé le procès-verbal de réception des travaux.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance de l'irrégularité de ce contrat de vente affectant le bordereau de rétractation, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dol allégué, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 24 octobre 2012 entre les époux [J] et la société France Solaire Energies. Il sera constaté que M et Mme [J] ne formulent plus aucune demande quant à la dépose des panneaux et à la remise en état de la toiture à l'encontre du mandataire ad hoc.
Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Banque Solfea est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société France Solaire Energies emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Solfea, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance.
Après réformation du jugement attaqué, il convient donc de constater la nullité du contrat de prêt conclu entre M et Mme [J] et la société Banque Solfea.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par les emprunteurs.
A cet égard, M et Mme [J] concluent à la confirmation du jugement qui a retenu la faute de la banque pour avoir versé les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente était affecté d'une cause de nullité. Ils font valoir qu'il appartenait à la société Banque Solfea de refuser de financer le contrat ou de conditionner le versement des fonds à la régularisation des nullités du contrat par la société France Solaire Energies. Ils considèrent que la banque a également commis une faute en libérant les fonds avant de s'assurer de l'achèvement de l'installation, peu important qu'ils aient ou non signé l'attestation de fin de travaux, celle-ci ne pouvant valoir attestation de livraison complète comprenant la mise en service et le raccordement au réseau.
La BNP Paribas Personal Finance soutient quant à elle que le prêteur n'est pas tenu de conseiller l'emprunteur sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers, et qu'elle a versé les fonds au vu d'une attestation de fin de travaux signée dont les emprunteurs ne pouvaient ignorer les conséquences .
Il est cependant de principe que le prêteur commet une faute, excluant le remboursement du capital emprunté, lorsqu'il libère la totalité des fonds sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Le prêteur n'avait certes pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de vérifier que la prestation avait été intégralement réalisée avant de se dessaisir du capital prêté.
Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société France Solaire Energies par l'intermédiaire de laquelle la société Banque Solfea faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [J] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier.
La société Solféa, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, a commis des fautes susceptibles de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté. Toutefois, l'appelante fait valoir à juste titre que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Or, la BNP Paribas Personal Banque indique, sans être contredite, que l'installation a été raccordée au réseau le 26 juillet 2013 et qu'elle fonctionne parfaitement, permettant ainsi à M et Mme [J] d'en tirer un revenu.
Ceux-ci ne produisent aucun élément sur le rendement de l'installation qu'ils disent insuffisant à couvrir les échéances du crédit affecté et soutiennent que leur préjudice résulte nécessairement de l'obligation de remboursement à laquelle ils seraient tenus en raison de l'annulation des contrats mais aussi de l'impossibilité d'obtenir la garantie de ce remboursement par la société France Solaire Energies, placée en liquidation judiciaire, clôturée pour insuffisance d'actifs.
Toutefois, il convient de relever que les intimés disposent désormais d'une installation raccordée au réseau, mise en service, que le fournisseur ne viendra jamais reprendre du fait de sa liquidation judiciaire. En conséquence, il n'est dès lors pas démontré que les causes de nullité non ratifiées du bon de commande aient pu causer un préjudice aux emprunteurs. Ils ne peuvent dès lors être dispensées de rembourser le capital emprunté contrairement à ce qu'avait décidé le tribunal. .
Il convient par conséquent de condamner solidairement M et Mme [J] à rembourser le capital emprunté de 18 000 euros, sauf à déduire l'ensemble des règlements qu'ils ont effectués au cours de l'exécution du contrat de prêt.
Le jugement du 6 décembre 2018 sera donc confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du capital prêté formée contre les époux [J] et l'a condamnée à leur rembourser les échéances payées en vertu du contrat de crédit soit la somme de 11 316,20 euros au 4 octobre 2018 sans préjudice de celles versées postérieurement.
Compte tenu de l'anéantissement du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent, il n'y a pas lieu de conditionner le remboursement des sommes perçues par le prêteur à la justification par les emprunteurs de la résiliation du contrat auprès d'ERDF, de la restitution des sommes perçues au titre du contrat de revente, ainsi que de la restitution au Trésor des crédits d'impôts perçus.
Les époux [J] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes subsidiaires formées contre la BNP Paribas Personal Finance pour préjudices moral, financier et de jouissance, faute de preuve de l'existence de tels préjudices et de leur lien causal avec la faute du prêteur.
De même, la demande de condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance au paiement du coût de dépose de l'installation et de remise en état de la toiture sera rejetée, dès lors que, tiers au contrat principal, le prêteur ne saurait se voir imputer les conséquences de l'anéantissement du contrat principal annulé.
Sur l'appel du jugement du 26 novembre 2020 :
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que le jugement du 6 décembre 2018 avait autorité de chose jugée et qu'il ne pouvait statuer sur un chef de demande tranché par ce jugement, à savoir le paiement des sommes dues au titre du contrat de crédit alors que l'appel de ce jugement étant en cours, la connaissance de cette demande relevait de la Cour d'appel. Contrairement à ce que soutient la banque en appel, ce jugement n'avait pas autorité de chose jugée uniquement sur la question de la nullité des contrats mais également sur les conséquences de ces nullités relatives au sort des sommes payées en exécution du contrat de crédit, étant observé que par l'effet dévolutif de l'appel la cour se trouvait nécessairement saisie de la question de l'éventuelle restitution du capital versé ou de la poursuite du contrat de crédit.
Le tribunal sera donc approuvé pour avoir dit n'y avoir lieu à sursis et déclaré irrecevables les demandes formées par la société BNP Paribas Personal Finance et les époux [J] en réponse à la demande de paiement de la banque.
Sur les demandes accessoires :
La société BNP Paribas supportera la charge des dépens d'appel.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.
12
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Vannes le 6 décembre 2018 sauf en ce qu'il a :
- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté formée contre les époux [J],
- condamné la société BNP Paribas à rembourser aux époux [J] les échéances payées en vertu du contrat de crédit qui les liait : 11 316, 20 euros au 4 octobre 2018, sans préjudice de celles versées postérieurement,
Statuant à nouveau sur ces chefs :
Condamne solidairement M et Me [J] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance, aux droits de la société Banque Solféa, la somme de 18 000 euros, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au prêteur au cours de la période d'exécution du contrat de prêt,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal d'instance de Vannes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT