2ème Chambre
ARRÊT N°482
N° RG 19/04062
N° Portalis DBVL-V-B7D-P3TP
Caisse de Crédit Mutuel RENNES ENSEIGNANTS
C/
M. [X] [B] [D]
Mme [H] [N] épouse [B] [D]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me DAVID
- Me PETIT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Septembre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL RENNES ENSEIGNANTS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [X] [B] [D]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 5] ([Localité 5])
[Adresse 3]
[Localité 6]
Madame [H] [N] épouse [B] [D]
née le [Date naissance 1] 1974 à
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentés par Me Laurent PETIT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Audience du 7 juin 2022
Délibéré au 16 septembre 2022 prorogé au 23 septembre
RG : 19 / 4062
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 2 avril 2012, réitéré le 6 avril 2012 , la société coopérative la Caisse de crédit mutuel de Rennes Enseignants ( ci-après le Crédit mutuel) a consenti à M. et Mme [B] [D] deux prêts immobiliers :
- un prêt n° DD00640560 d'un montant de 103 726 euros d'une durée de 240 mois au taux effectif global de 4,25 % l'an,
- un prêt n°DD0060561 d'un montant de 60 000 euros d'une durée de 181 mois au taux effectif global de 3,67 % l'an.
Se prévalant d'une erreur dans le calcul du taux effectif global des prêts du fait de la non prise en compte du coût de l'assurance, les époux [B] [D] ont, par acte d'huissier en date du 4 mai 2016, fait assigner le Crédit mutuel en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnelle devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Par jugement en date du 27 mai 2019, le tribunal a :
- prononcé la nullité des stipulations d'intérêts contractuelles dans les deux prêts conclus selon offre acceptée du 2 avril 2012 entre M. et Mme Le Lièvre [D] et la société Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants,
- ordonné la substitution du taux légal de 0,71 % aux taux conventionnels pour les échéances échues et à venir,
- condamné la société Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants à payer à M. et Mme [B] [D] au titre des restitutions des intérêts trop perçus jusqu'à l'échéance du mois d'avril 2016 incluse soit :
au titre du prêt modulissimo la somme de 13 267,27 euros,
au titre du prêt équilibrimmo la somme de 6 268,35 euros,
avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016,
- condamné la société Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants à fournir à M. et Mme [B] [D] de nouveaux tableaux d'amortissement des prêts ainsi modifiés dans les quinze jours suivant la signification de la décision et à leur restituer, s'agissant des échéances déjà échues depuis le mois de mai de 2016, les sommes correspondant à la différence entre les intérêts contractuels perçus et les intérêts au taux de 0,71 % ,
- condamné la société Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants aux dépens,
- condamné la société Caisse de crédit mutuel de Rennes enseignants à payer à M. et Mme [B] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 20 juin 2019, le Crédit mutuel a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 mars 2022, il demande à la cour de :
Vu les articles L. 313-1 et suivants ainsi que L. 312-8, L. 312-9 , L. 312-33 du code de la consommation des prêts,
Vu l'article 909 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
A titre principal,
- débouter M. et Mme [B] [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, les assurances souscrites par les emprunteurs étant facultatives et n'ayant pas à être intégrées dans le calcul du taux effectif global,
Subsidiairement,
- donner acte à M. et Mme [B] [D] qu'ils reconnaissent que la sanction applicable n'est plus la nullité de la stipulation contractuelle mais la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion jugée appropriée,
- débouter en conséquence M. et Mme [B] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
En tout état de cause,
- condamner M. et Mme [B] [D] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 17 mars 2022, M. et Mme Le Lièvre [D] demandent à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des stipulations d'intérêts contractuels des prêts en cause,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants sur les deux prêts, en totalité ou dans la proportion que la cour voudra bien arbitrer,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Caisse de crédit mutuel Rennes enseignants aux dépens de première instance ainsi qu'à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Y ajoutant condamner la même à payer à M. et Mme [B] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 24 mars 2022.
EXPOSE DES MOTIFS :
Il sera constaté que les époux [B] [D] sollicitent désormais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion éventuellement décidée par la cour pour sanctionner l'inexactitude du taux effectif global mentionnés dans les prêts que leur a consentis le Crédit mutuel le 6 avril 2012.
Pour soutenir que le taux effectif global des prêts est erroné, M et Mme Le Lièvre [D] se basent sur une étude réalisée par la société Kahana et font valoir que la banque n'a pas pris en compte dans le calcul du taux les frais de l'assurance groupe alors que, selon eux, la souscription de cette assurance conditionnait l'octroi des prêts.
Les premiers juges ont considéré que le caractère obligatoire de la souscription à une assurance résultait au minimum de la délégation d'assurance prise comme garantie du prêt par la banque alors que les contrats de prêt ont été conclus sous 'la condition suspensive de l'acceptation sans réserve de l'emprunteur... des conditions contenues dans cette offre et des éventuelles garanties'.
La banque fait valoir en cause d'appel que l'assurance du prêt n'était pas obligatoire . Rappelant que les emprunteurs ont choisi, comme ils en avaient le droit, de ne pas souscrire l'assurance de groupe mais de souscrire une assurance décès-invalidité auprès de la société AGPM et ont, de fait, consenti à la banque une délégation d'assurance emprunteur, elle expose que si la délégation d'assurance est obligatoire dans ce cas, elle ne rend pas l'assurance obligatoire. Elle souligne que le caractère facultatif de l'assurance est établi par l'article V des conditions générales de l'offre.
Cet article qui porte sur le calcul du taux effectif global, énonce en effet clairement qu'il 'n'est pas tenu compte des cotisations des assurances décès-invalidité et perte d'emploi dont le prêt serait assorti, celles-ci étant facultatives sauf s'il est expressément stipulé aux conditions particulières qu'elles sont obligatoires'.
Or, il ne résulte pas des conditions particulières de l'offre acceptée le 2 avril 2012, que la souscription d'une assurance décès invalidité perte d'emploi soit une condition d'octroi du prêt. S'il est indiqué que les emprunteurs peuvent souscrire une assurance équivalente à celle proposée par le prêteur auprès de l'assureur de leur choix, il est également précisé que les 'emprunteurs reconnaissent avoir été informés de l'intérêt à souscrire les plus larges garanties d'assurances, celles-ci restant facultatives et à leur discrétion'. De même, les conditions générales prévoient, dans leur article IV, que le montant global des assurances éventuellement souscrites sera alors compris dans le coût total du crédit, raison pour laquelle le montant des assurances souscrite par les emprunteurs apparaît mentionné dans les caractéristiques du prêt au coût total du crédit sans pour autant que cette mention induise le caractère obligatoire de l'assurance.
Il apparaît donc que le caractère facultatif de la souscription d'une assurance 'décès invalidité perte d'emploi' est rappelé à plusieurs reprises dans l'offre de prêt. Si les emprunteurs sont fortement incités à en souscrire une, que ce soit par le biais de l'assurance de groupe proposée par le prêteur ou auprès de l'assureur de leur choix, cette souscription ne conditionne nullement l'octroi du prêt de sorte que, conformément à l'article V des conditions générales, la banque n'avait pas à tenir compte de ces frais dans le calcul du taux effectif global.
C'est donc à tort, que retenant le caractère obligatoire de cette assurance, les premiers juges ont prononcé la nullité des stipulations d'intérêts contractuelles dans les deux prêts.
Aucune erreur n'entachant le calcul du taux effectif global, les époux [B] [D] seront déboutés de leur demande, formée en appel, tendant à la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts ainsi que de leurs demandes accessoires.
Le jugement dont appel sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
M. et Mme [B] [D] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit mutuel l'ensemble des frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel, non compris dans les dépens. Aussi M. et Mme [B] [D] seront solidairement condamnés à payer à la banque la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes,
Statuant à nouveau,
Déboute M. et Mme [B] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne solidairement M. et Mme [B] [D] à payer à la Caisse de Crédit mutuel Rennes enseignants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement M. et Mme [B] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT