1ère Chambre
ORDONNANCE N°150
N° RG 19/05336 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QAKV
Mme [X] [O] [T] [Y] épouse -INTERVENANTE VOLONTAIRE-
Mme [Z] [S] [L] [Y] épouse -INTERVENANTE VOLONTAIRE-
M. [I] [G] -INTERVENANT VLONTAIRE- [Y]
C/
Mme [D] [B] épouse [Y]
Ordonnance d'incident
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
DU 18 OCTOBRE 2022
Le dix huit Octobre deux mille vingt deux, date indiquée à l'issue des débats du cinq septembre deux mille vingt deux, Madame Véronique VEILLARD, Magistrat de la mise en état de la 1ère Chambre, assistée de Marie-Claude COURQUIN, Greffier,
Statuant dans la procédure opposant :
DEMANDEURS A L'INCIDENT :
Madame [X] [O] [T] [Y] es qualité d'héritière de Monsieur [K] [Y]
-INTERVENANTE VOLONTAIRE-
née le 19 Janvier 1966 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marc-olivier HUCHET de la SCP HUCHET - DIETENBECK, avocat au barreau de RENNES
Madame [Z] [S] [L] [Y] es qualité d'héritère de Monsieur [K] [Y]
-INTERVENANTE VOLONTAIRE-
née le 16 Janvier 1968 à [Localité 9]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc-olivier HUCHET de la SCP HUCHET - DIETENBECK, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [K] [I] [G] [Y] es qualité d'héritier de Monsieur [K] [Y]
-INTERVENANT VLONTAIRE-
né le 16 Août 1964 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marc-olivier HUCHET de la SCP HUCHET - DIETENBECK, avocat au barreau de RENNES
APPELANTS
A
DÉFENDERESSE A L'INCIDENT :
Madame [D] [B] épouse [Y]
née le 23 Mars 1957 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 8] - QUEBEC - CANADA
Représentée par Me Isabelle BAGOT, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE
A rendu l'ordonnance suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [Y] et Mme [D] [B] se sont mariés le 12 octobre 2012 à [Localité 8] (Canada), après avoir adopté par contrat du 11 octobre 2012 le régime matrimonial de la séparation de biens régi par la législation canadienne.
Suivant acte reçu le 12 novembre 2012 devant Me [J] [N], notaire à [Localité 8], M. [Y] a fait donation à Mme [B] de la somme de 303.750 dollars canadiens ayant servi à l'achat de la moitié indivise de l'immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 8] que les époux ont ainsi acquis à parts égales par acte notarié du même jour.
M. et Mme [Y] se sont séparés en octobre 2015.
Le 4 mars 2016, M. [Y] a présenté une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes.
Par acte délivré le 30 août 2016, M. [Y] a fait assigner Mme [B] devant le même tribunal aux fins de voir révoquer la donation d'un montant de 303.750 dollars canadiens pour ingratitude fondée sur des faits de violences physiques, injures, menaces et man'uvres destinées à tirer des avantages financiers du mariage sans intention réelle de vie maritale, qui étaient contestés par Mme [B].
Parallèlement, par jugement de divorce du 28 février 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a prononcé le divorce des époux [Y]-[B] et dit que la loi applicable à la liquidation du régime de séparation de biens des époux est la loi québécoise. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 25 août 2020 de la cour d'appel de Rennes.
M. [Y] a déposé plainte contre Mme [B] pour les faits de violence, classée sans suite par le procureur de la République. Il a déposé plainte avec constitution de partie civile le 17 octobre 2019 auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de Rennes.
Par jugement en date du 2 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a rejeté la demande de révocation de la donation formée par M. [Y] et l'a condamné aux frais irrépétibles et aux dépens.
Par déclaration d'appel du 5 avril 2019, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions du 4 novembre 2019, a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale engagée par lui sur plainte avec constitution de partie civile du 17 octobre 2019.
Par une ordonnance du 21 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a notamment :
- ordonné le sursis à statuer jusqu'à la décision qui mettra un terme à la procédure pénale initiée par la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [Y] le 17 octobre 2019,
- ordonné la radiation de la procédure du rôle de la cour à charge pour la partie intéressée d'en demander la réinscription sur présentation de la décision mettant un terme à la procédure pénale en cause.
M. [K] [Y] est décédé le 25 novembre 2020, laissant pour héritiers son fils M. [K] [Y] et ses deux filles Mmes [X] et [Z] [Y].
Ces derniers ont accepté la succession à concurrence de l'actif net suivant lettre recommandée du 16 août 2021.
Ils ont régularisé une constitution de partie civile le 21 avril 2021 devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Rennes.
Par conclusions notifiées par RPVA le 13 mai 2022, les consorts [Y] ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande :
- d'interruption de l'instance enrôlée sous le n° RG 19/05336 à la suite du décès de leur père M. [K] [Y], appelant,
- de recevabilité de leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de M. [K] [Y],
- de reprise de l'instance susvisée,
- outre les dépens comme de droit.
Par conclusions notifiées par RPVA le 13 juillet 2022, Mme [B] a soulevé l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de ces demandes.
Par conclusions notifiées par RPVA le 30 août 2022, les consorts [Y] se sont désistés de leur demande d'incident. S'agissant de l'intervention volontaire, ils exposent envisager de réitérer leur demande devant la cour qu'ils estiment seule compétente pour statuer sur cette question.
Par conclusions notifiées par RPVA le 31 août 2022, Mme [B] a pris acte de ce désistement et sollicité la condamnation des demandeurs à l'incident à lui verser la somme de 800 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience du 5 septembre 2022, la question a été posée par le conseiller de la mise en état de l'incidence du rejet du moyen tiré de l'incompétence matérielle du conseiller de la mise en état.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence d'attribution du conseiller de la mise en état
Mme [Y] soutient que par application des articles 789, 907 et 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les "exceptions de procédure" mais n'est pas compétent pour prononcer une interruption d'instance à la suite du décès d'une partie à la procédure d'appel, ni pour recevoir l'intervention volontaire des ayants droit ou ordonner une reprise de l'instance.
Les consorts [Y] indiquent que "compte tenu de ces éléments, [ils] entendent se désister de leurs prétentions incidentes afin de pouvoir les réitérer devant la cour".
En droit, l'article 789 du code de procédure civile, applicable au conseiller de la mise en état, dispose que "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état."
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 73 du même code dispose que "constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Les exceptions doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir".
L'interruption de l'instance et sa reprise sont des exceptions de procédure tandis que l'irrecevabilité de l'intervention volontaire peut relever de l'exception de procédure ou de la fin de non-recevoir selon le motif invoqué.
Enfin, l'intervention volontaire en cause d'appel des ayants droit d'une partie décédée après la décision de première instance n'a pas, par définition, été tranchée en première instance et elle n'est pas en elle-même susceptible d'entraîner une réformation du jugement.
En l'espèce, les consorts [Y] interviennent volontairement à la présente instance en lieu et place de leur père décédé le 25 novembre 2020, soit postérieurement au jugement de première instance du 2 juillet 2019, et dont ils ont accepté la succession à concurrence de l'actif net.
L'examen de la recevabilité de cette intervention volontaire en cause d'appel n'implique pas que soit tranchée au préalable une question de fond.
Le conseiller de la mise en état est compétent pour en connaître.
Par ailleurs, les demandes d'interruption pour cause de décès et de reprise d'instance sont des exceptions de procédure dont l'examen relève également de la compétence du conseiller de la mise en état.
Sous le bénéfice de ces observations, le moyen tiré de l'incompétence du conseiller de la mise en état sera rejeté de même que la demande de désistement motivée par ce moyen inopérant.
Il convient d'enjoindre les parties à conclure sur la recevabilité de cette intervention volontaire ainsi que sur l'interruption de l'instance et sa reprise telles qu'elles sont sollicitées par les consorts [Y].
Sur les autres demandes
Les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens de l'incident seront réservées.
PAR CES MOTIFS
Le conseiller de la mise en état,
Rejette le moyen tiré de l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de la recevabilité de l'intervention volontaire des consorts [Y], de l'interruption et de la reprise d'instance,
Rejette la demande de désistement fondé sur le moyen tiré de l'incompétence matérielle du conseiller de la mise en état,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du conseiller de la mise en état du :
LUNDI 14 NOVEMBRE 2022 à 14 heures,
Enjoint les parties de conclure d'ici cette date notamment sur la recevabilité de l'intervention volontaire des consorts [Y], sur l'interruption de l'instance et sur la reprise d'instance,
Réserve le surplus des demandes.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT,