1ère Chambre
ARRÊT N°328/2022
N° RG 20/05293 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RBAV
Mme [E] [B] [A] [Y] [W] veuve [S]
M. [Z] [R] [H] [I] [S]
Mme [M] [C] [X] [U] [G] [S]
Mme [C] [S]
M. [I] [S]
C/
Me [V] [F]
S.C.P. JEAN MENANTEAU, SAMUEL BREVET, NOTAIRES ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre entendu en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [E] [B] [A] [Y] [W] veuve [S]
née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 11] (44)
[Localité 13]
[Localité 13]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Michel ROUMIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Z] [R] [H] [I] [S]
né le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 15] (YOUGOSLAVIE)
[Localité 13]
[Localité 13]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Michel ROUMIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [M] [C] [X] [U] [G] [S]
née le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 15] (YOUGOSLAVIE)
[Localité 13]
[Localité 13]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Michel ROUMIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Maître [V] [F], notaire
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
La SELARL Jean MENANTEAU, Samuel BREVET, Virginie PEDRON, OFFICE NOTARIAL DU VIGNOBLE aux droits de la S.C.P. MENANTEAU, BREVET, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Madame [C] [S]
née le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 14] (SERBIE)
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Agnès PEETERS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 16] (CROATIE)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Agnès PEETERS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
2
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [D] [S] détenait 558 actions des 1'000 actions composant le capital social de la société Saint Nicolas Distribution (ci-après
la société SND) tandis que Mme [E] [W], son épouse, en détenait 426, l'ensemble représentant 98,4'% du capital de la société. M. [S] en était le président directeur général et son épouse, la directrice générale.
Afin de bénéficier de l'exonération des droits de mutation des parts sociales par décès, à concurrence de la moitié de leur valeur, prévue par les
dispositions de l'article 789 A du Code général des impôts alors en vigueur, dites pacte Dutreil (succession), les associés, dont les époux [S], se sont collectivement engagés, par un acte reçu le 12 mai 2001 en la forme authentique par Me [L] [K], notaire à [Localité 12], à conserver ces titres pendant un délai minimum de deux ans. L'acte rappelait notamment en son article 3, qu'en cas de décès de l'un de ses signataires, chacun de ses héritiers ou légataires devrait, pour bénéficier des dispositions légales, prendre l'engagement, lors de la déclaration de succession pour lui-même, de conserver les titres transmis par le défunt, pendant une durée de six années à compter de la date d'expiration du premier délai de deux ans, et qu'en cas de manquement, l'héritier ou légataire serait tenu d'acquitter des compléments de droit et majorations dont le détail était mentionné à l'acte.
Par testament authentique du 14 juin 2001 également reçu par Me [K], M. [D] [S] a légué à son épouse l'usufruit temporaire de 474 de ses actions pendant une période de six ans courant à compter de son décès, ses cinq enfants en devenant les nus-propriétaires.
[D] [S] est décédé le [Date décès 4] 2001, laissant à sa succession son épouse, Mme'[E] [S], et leurs cinq enfants, [C], [I], [T], [M] et [Z].
Après le décès de son mari, Mme [S] a été nommée présidente directrice générale de la société et a acquis, en 2002, 84 des actions dépendant de la succession de celui-ci.
Le 31 mars 2006, Mme [S] a, d'une part, pris sa retraite, devenant à cette date présidente du conseil de surveillance de la société et, d'autre part, cédé les titres (322) dont elle était propriétaire en propre ainsi que ceux qu'elle détenait dans la société Cigano elle-même associée au sein de la société Saint Nicolas Distribution.
Suivant acte authentique reçu les 30 et 31 mars 2006 par Me [K] en présence de Mme'[S] qui l'a signé, les cinq enfants ont procédé au partage de la nue-propriété indivise des 474 actions (558 ' 84) de la société St Nicolas Distribution dépendant de la succession de leur père, à raison de 95 actions chacun pour [C], [I], [M] et [Z], et de 94 actions, moyennant une soulte, pour [T].
Le même jour et suivant un second acte reçu par le même notaire, Mme [S] et ses cinq enfants, [C], [I], [T], [M] et [Z], ont souscrit un engagement collectif de conservation des titres leur appartenant en usufruit et nue-propriété pendant une durée de six années au moins à compter de la date de l'acte, en vue de bénéficier de l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour les trois quarts de leur valeur, prévue par l'article 885 I bis du Code général des impôts, alors applicable. Cet acte (pacte Dutreil ISF) précisait que les parties reconnaissaient avoir été informées par le rédacteur que le non respect de leur engagement (caractère collectif et seuil minimal de participation : 34%) entraînerait en principe la remise en cause de l'exonération partielle à l'égard de tous les signataires, lesquels devraient alors acquitter tous les compléments d'ISF dont ils auraient été dispensés ainsi que l'intérêt de retard, outre l'impossibilité pour l'avenir de prétendre au bénéfice de l'exonération.
Enfin et suivant cinq actes sous seing privé du 31 mars 2006, auxquels Mme [S] est intervenue les approuvant et les signant, à l'exception de celui concernant [Z], la société Sobradis a promis d'acquérir les actions détenues par chacun des enfants lesquels ont accepté la promesse. Il était stipulé que le bénéficiaire pourrait en demander la réalisation entre le 1er septembre 2009 et le 31 janvier 2014.
L'usufruit de Mme [S] sur les 474 actions léguées par son époux a pris fin le 23 août 2007.
Selon trois actes reçus en la forme authentique par Me [V] [F], notaire associé à [Localité 12], les 10 décembre 2009, 2 décembre 2010 et 26 septembre 2011, Mme'[T] [S], Mme [C] [S] et M. [I] [S] ont cédé à la société Sobradis leurs actions pour les prix respectifs de 1'336'889,62 euros, 1'351'111,85 euros et 1'351'111,85 euros, de sorte qu'à cette date, les consorts [S] ne détenaient plus que 190 des 474 titres, objet du pacte. Ceux-ci ont finalement été cédés en 2014.
--------------------
Le 6 juillet 2012, l'administration fiscale, constatant que Mme veuve [S] avait omis, dans sa déclaration au titre de l'impôt sur la fortune de l'année 2007, la valeur des 474 actions qu'elle détenait toujours en usufruit au 1er janvier 2007, lui a adressé une proposition de rectification réintégrant la valeur de ces parts pour un montant de 6'741'337 euros, écartant l'exonération de 75'% résultant du dispositif Dutreil. L'imposition supplémentaire a été mise en recouvrement le 24'juin 2013 pour la somme de 177 381 euros comprenant des droits (107'896 euros), des intérêts (26'327 euros) et des majorations pour manquement délibéré calculés au taux de 40'% (43'158 euros).
L'administration a retenu que :
- Mme [S] avait omis de déclarer les 474 actions dont elle était usufruitière au 1er janvier 2007, qui n'ouvraient pourtant droit à exonération qu'à hauteur de 75'% de leur valeur vénale en application de l'engagement collectif de conservation, à condition que celui-ci soit respecté,
- cet engagement avait été rompu dès lors que trois de ses signataires avaient cédé leurs titres en 2009, 2010 et 2011, soit avant l'expiration du délai de six années,
- que la condition d'exercice par l'un des signataires d'une des fonctions éligibles visées au 1er de l'article 885 O bis du code général des impôts n'avait pas été remplie pendant toute la durée de l'engagement.
Par acte du 29 août 2013, Mme [S] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Rennes qui l'a, par jugement du 6 mars 2017, déboutée de sa demande et a confirmé la décision du 15 juillet 2013 rejetant sa réclamation, sauf toutefois en ce qui concerne la majoration de 40 %, en retenant qu'en l'absence de mauvaise foi, celle-ci n'était pas due.
Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 13 novembre 2018 lequel est devenu définitif après rejet, le 7 juillet 2020, du pourvoi que Mme [S] avait formé.
Par ailleurs, l'administration fiscale a réclamé':
- le 4 juin 2012, à Mme [M] [S], après qu'elle eût, suite à une demande de déclaration du service, déposé ses déclarations d'ISF pour les années 2008 à 2011 et réglé la somme globale en principale de 20'456 euros, une somme de 4'369 euros en majoration pour payement tardif (2'046 euros) et intérêts de retard (2'323 euros),
- le 27 juillet 2012, à M. [Z] [S] le paiement de droits, intérêts et majoration pour un montant total de 28'138 euros au titre de l'impôt sur la fortune pour les années 2008 à 2012, aux motifs qu'il avait manqué à ses obligations déclaratives pour les dites années.
Mme [M] [S] a, en outre, réglé au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et pour les années 2012 à 2014 les sommes de 5'430, 4'948 et 4'561 euros.
M. [Z] [S] a réglé au titre de cet impôt et pour les années 2013 et 2014 les sommes de 4'379 et de 4'166 euros.
------------------
Par acte d'huissier en date du 11 mars 2013, Mme [E] [S], M. [Z] [S] et Mme [M] [S] (ci-après les consorts [S]) ont fait assigner Me [F], notaire associé, et la SCP Menanteau - [F] devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins qu'ils soient condamnés à les indemniser de leurs préjudices, notamment le montant des redressements et pénalités, causés selon eux par la faute du notaire.
Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal a débouté les consorts [S] de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés aux dépens et à payer à Me [F] et la SCP Menanteau - Treillard de Quinemont, ensemble, une somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 3 août 2015, les consorts [S] ont interjeté appel de ce jugement.
La cour a sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure opposant Mme [S] à l'administration fiscale par arrêts des 6 décembre 2016 et 12 novembre 2019. Après le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2020 (cf. supra), l'affaire a repris son cours.
Au vu des écritures des parties, la cour a rendu le 26 avril 2022 un arrêt avant dire droit (auquel il expressément renvoyé) invitant les parties à s'expliquer sur la perte de chance éventuellement subie par les appelants à raison du manquement au devoir de conseil et d'information reproché au notaire et lié à l'évolution de la législation applicable en matière de pacte Dutreil (article 15 de la loi de finances 2007-1822 du 24'décembre 2007 rectifié par l'article 41 de la loi de finances rectificative 2007-1824 du 25'décembre 2007), et renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 28 juin 2022 à 14 heures.
-------------------------
Par conclusions du 24 juin 2022, Mme [E] [S], M. [Z] [S] et Mme [M] [S] demandent à la cour de :
- les dire recevables et bien fondées en leur appel et y faisant droit,
- dire, pour les motifs exposés qu'il était du devoir des notaires ayant instrumenté au nom de la SCP [K] ' Beaulande devenue SCP Menanteau [F] d'informer Mme [S] et ses enfants de l'impossibilité de respecter un engagement de conservation de titres pendant six ans à compter du 31 mars 2007 du fait du terme de l'usufruit au 22 août 2007 et faire signer tout acte par toutes les parties avant son enregistrement, en particulier le pacte Dutreil,
- constater que les intéressés ont été privés de l'exonération des ¿ de la valeur des 474 titres de la SND pour l'assiette de l'ISF du fait de l'absence d'efficience de l'acte des 30 et 31 mars 2006, l'engagement de conservation des titres durant six années ne pouvant être respecté par Mme [S] car son usufruit sur les titres SND objet de cet engagement venait à terme le 22 août 2007 et alors que son engagement était indispensable pour réunir le minimum de 34'% des titres de la SND exigé par l'article 885 O bis du CGI,
- constater que le notaire n'a pas fait signer par Mme [S] l'acte authentique des 30 et 31'mars 2006 dont elle était partie et que cet acte manque d'effectivité du fait de ce manquement,
- dire que ces fautes des notaires sont à l'origine de l'imposition d'[M] et [Z] [S] à l'ISF pour les années 2008 à 2014 et à l'origine des rappels d'ISF mis à la charge de Mme'[S] pour 2007,
- dire que les appelants ont subi en conséquence un préjudice matériel à raison de ces impositions et des honoraires engagés pour leur défense fiscale,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes du 18 juin 2015,
- condamner solidairement Me [F] et la société Menanteau ' [F] à rembourser aux consorts [S] les honoraires qu'ils leurs ont facturés, et régler à :
* Mme [E] [S] la somme de 102'068 euros au titre des dommages et intérêts matériels correspondants au montant du rappel d'impôt sur la fortune 2007 mis à sa charge,
* M. [Z] [S] la somme de 36'683 euros à titre de dommages et intérêts correspondants à l'impôt sur la fortune qu'il a été conduit à régler du fait de la non applicabilité du pacte Dutreil,
* Mme [M] [S] la somme de 39'764 euros à titre de dommages et intérêts matériels correspondants à l'impôt sur la fortune qu'elle a été conduite à régler du fait de la non applicabilité du pacte Dutreil,
* Mme [E] [S] à titre de dommages et intérêts correspondants aux frais qu'elle dû exposer pour assurer sa défense face à l'administration fiscale suite aux rappels d'impôt sur la fortune la somme de 16'853 euros et pour les intérêts de la somme immobilisée pour le paiement des rappels, la somme de 2'000 euros,
* M. [Z] [S] à titre de dommages et intérêts pour les frais qu'il a dû exposer pour assurer sa défense face à l'administration fiscale suite aux rappels d'impôt sur la fortune et pour les intérêts de la somme immobilisée pour régler les impositions, la somme de 3'500 euros,
- condamner Me [F] et la société Menanteau ' [F] aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Ares, représentée par Me Aurélie Grenard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner Me [F] et la société Menanteau ' [F] au versement d'une somme de 10'000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de leurs demandes, les consorts [S] reprochent à Me [K] et à Me'[F], qui étaient les notaires de la famille, un manquement à leur obligation de conseil et d'information ainsi que la non effectivité de l'acte des 30 et 31 mars 2006 (pacte Dutreil) et son absence d'effet puisque Mme [S] ne pouvait respecter la durée de détention requise (6 ans), un défaut d'information sur les conséquences d'une cession des titres dans le délai de six ans, un défaut d'information sur l'évolution législative ainsi que l'absence de signature de Mme [S] après son engagement.
Ils font valoir que Mme [S] ne pouvait respecter son engagement puisque son usufruit prenait fin un peu plus d'un an plus tard le 22 août 2007, ce que le juge de l'impôt a retenu, écartant la consultation du centre notarial d'assistance fiscale sur laquelle les notaires se sont fondés. Ils ajoutent qu'ils n'ont pas été informés des conséquences d'une cession et estiment que les notaires auraient dû prévoir dans l'acte un dispositif d'information et de dédommagement dans le cas où l'un des cocontractants souhaiterait céder ses titres. Ils font également valoir que les notaires ne les ont pas informés des conséquences de la loi n°2007-1822 du 24 décembre 2007 réduisant l'engagement collectif de six à deux ans, laquelle aurait pu s'appliquer dans leur cas sous réserve d'établir un avenant en ce sens.
Ils relèvent que Mme [E] [S] n'a pas signé l'acte des 30 et 31 mars 2006 compromettant ainsi l'effectivité du «'pacte Dutreil'» ce qui caractérise une faute particulièrement lourde et n'a pas été informée de la nécessité d'exercer au sein de la société une fonction dirigeante.
Ils relèvent que Me [F] ne les a pas informés lors de la cession des titres des conséquences à leur égard.
Ils soutiennent que ces fautes sont la cause du préjudice fiscal qu'ils ont subi, les rappels étant justifiés par l'impossibilité de respecter la durée de six ans de l'engagement de conservation et le non respect de la durée de l'engagement et que mieux conseillés ils auraient pu bénéficier par d'autres moyens de l'exonération des ¿ de la valeur des titres (nouveau démembrement du droit de propriété, renonciation à l'usufruit, engagement souscrit par les enfants seuls, adoption du régime de l'article 885 I quater).
Enfin et quant au montant du préjudice, ils font valoir que l'imposition complémentaire du fait de la rupture du «'pacte Dutreil'» équivaut à une somme de 177'381 euros. Ils ajoutent que cette somme s'élève pour M. [Z] [S] à la somme de 36'683 euros et pour Mme [M] [S] à la somme de 39'764 euros selon les avis d'imposition sur la fortune. Enfin, ils précisent que les frais engagés pour leur défense fiscale s'élèvent à une somme de 16'853 euros.
En réponse à l'arrêt avant dire droit, les consorts [S] rappellent que leur argumentation principale est fondée sur l'impossibilité pour Mme [E] [S] de tenir l'engagement de six ans contracté au-delà de seize mois. Ils ajoutent que l'argumentation tirée de la possibilité de réduire à deux ans l'engagement contracté n'est que subsidiaire.
Mme [S] estime sa perte de chance au titre de son argumentation principale à 99 % et au titre de son argumentation subsidiaire à hauteur de 80 %.
Par conclusions du 9 juin 2022, Me [F] et la société Menanteau ' Brevet ' Pedron (devenue Selarl Office Notarial du Vignoble) demandent à la cour de :
- débouter les consorts [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum les consorts [S] à leur verser une indemnité de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [F] et la société Menanteau ' Brevet ' Pedron font tout d'abord valoir que l'extinction de l'usufruit de Mme [E] [S] au [Date décès 4] 2007 ' qui n'a jamais été invoquée ni a fortiori retenue par le fisc ' n'était pas de nature à remettre en cause le protocole Dutreil puisque à l'expiration de l'usufruit, les enfants récupéraient la pleine propriété sur ces titres et n'est pas à l'origine du rappel d'impôts.
Ils précisent également que l'absence de signature de Mme [E] [S], dû à une simple méprise, n'a eu aucune conséquence car l'administration fiscale ne l'a pas relevée. Ils observent que d'ailleurs, Mme [S] n'en a jamais fait état lors de la procédure l'opposant au fisc.
Ils estiment qu'ils n'avaient pas à inclure une clause interdisant la cession des titres ou la subordonnant à différentes conditions car cela aurait été contraire à leur devoir d'impartialité. Ils ajoutent qu'une information a été donnée ainsi qu'il ressort de la mention portée qui se suffit à elle même. Ils relèvent que l'absence de clause pénale n'empêchait nullement les appelants de poursuivre les cédants.
Ils ajoutent que la loi du 24 décembre 2007 invoquée par Mme [E] [S] est postérieure à la cessation de son usufruit temporaire et qu'elle ne pouvait donc en bénéficier.
Ils font valoir que Mme [E] [S] était au courant de la condition selon laquelle un des associés ou actionnaires parties à l'engagement devait exercer une fonction de direction dans la société pendant la durée de cet engagement puisqu'elle était présente lors de la signature du pacte même si par erreur, elle ne l'a pas signé. Ils observent que cette information figure dans la promesse de cession du même jour qu'elle a signée, le cessionnaire s'étant engagé à conserver en qualité de président du conseil de surveillance l'un des signataires du pacte pendant la durée de celui-ci.
Ils rappellent qu'étant tenus au secret professionnel, ils ne pouvaient révéler aux appelants la cession de leurs parts par [T], [C] et [I] [S], cession dont Mme [S] avait, au demeurant, connaissance ainsi qu'il résulte de la procédure fiscale. Ils soutiennent n'avoir à cet égard commis aucune faute puisque ces titres n'étaient pas incessibles et qu'il avait été convenu lors de la signature du premier pacte Dutreil (dont l'objet était une exonération des droits de succession) qu'ils ne pourraient être cédé avant le 1er septembre 2009, aucune disposition analogue n'ayant été stipulée lors de la signature du second pacte.
En tout état de cause, ils contestent tout lien de causalité entre les fautes prétendus et le préjudice observant que s'il était impossible à Mme [S] de signer le pacte compte tenu de l'échéance de son usufruit, elle devenait ipso facto redevable de l'impôt dont le montant ne constitue pas un préjudice réparable.
Ils rappellent qu'en droit, le redressement résulte avant tout d'une omission déclarative imputable à Mme [S] qui a omis de déclarer ses parts (pour le quart de leur valeur) au titre de l'ISF 2007, manquement de nature à remettre en cause le pacte et, en second lieu, du non respect des engagements souscrits (fonction de direction qui n'a pas été exercée en permanence pendant la durée convenue, conservation des titres).
Sur le préjudice, ils soutiennent qu'il convient de déduire de l'hypothétique préjudice de Mme [E] [S] l'impôt qu'elle aurait payé même si le «'pacte Dutreil'» avait pu s'appliquer. Ils ajoutent que la majoration de 40% opérée par l'administration fiscale découle de la non déclaration de ses actions, ce qui relève donc de sa seule responsabilité. Son préjudice s'élèverait alors au maximum, selon eux, à 102'068 euros. Ils contestent le préjudice dont fait état M. [Z] [S] qui, à tort, a déclaré ses titres sans prétendre à l'exonération de 75 % à laquelle il avait droit.
Ils s'opposent enfin au payement des frais de contentieux fiscal lequel était manifestement voué à l'échec.
En réponse à l'arrêt avant dire droit du 26 avril 2022, Me [F] et la Selarl Office Notarial du Vignoble font valoir que Mme [E] [S] ne pouvait se prévaloir des dispositions issues de la loi du 24 décembre 2007 modifiant l'article 885 1 bis du code général des impôts puisqu'elle avait perdu ses droits le 22 août 2007.
Ils ajoutent que si le notaire avait proposé à [Z] et [M] [S] la signature d'un avenant, leur situation n'aurait pas été modifiée, puisqu'ayant conservé leurs titres pendant six ans, c'est uniquement parce qu'ils ne se sont pas prévalu de l'exonération partielle lors du dépôt, le 10'avril 2012, de leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2008 à 2011 pour l'un et à 2012 pour l'autre, qu'ils n'en n'ont pas bénéficié, ce au regard de la modification législative introduite en 2007.
SUR CE :
Les notaires sont tenus à l'égard des parties d'un devoir de conseil et doivent assurer l'efficacité des actes auxquels il prêtent leurs concours. Leur responsabilité peut être recherchée suivant les principes du droit commun, à raison des fautes qu'ils ont commises.
En l'espèce, les consorts [S] considèrent les redressements fiscaux que l'administration leur a notifiés (et les frais qu'ils ont exposés pour les contester) ont pour cause les fautes qu'ils reprochent à leurs notaires.
Sur la signature de l'acte contenant engagement collectif de conservation de titres par les consorts [S] :
L'engagement contenu dans l'acte reçu les 30 et 31 mars 2006 par Me [L] [K] a été souscrit collectivement par Mme [S], usufruitière des 474 titres de la société Saint Nicolas Distribution, et ses cinq enfants, [C], [I], [T], [Z] et [M], nus-propriétaires des mêmes titres. Or, il est constant que cet acte n'a été signé que par les cinq enfants.
La faute du notaire qui ne s'est pas assuré que l'acte était effectivement signé par toutes les parties à l'engagement est incontestable. Cependant, cette faute n'a eu aucune conséquence fiscale puisque l'administration, qui ne l'a pas relevée, ne s'en est jamais prévalu pour contester à Mme'[S] l'exonération partielle d'impôt de solidarité sur la fortune dont elle sollicitait le bénéfice, le refus opposé par l'administration étant exclusivement fondé sur une toute autre cause (rupture de l'engagement pris par trois des propriétaires de titres faisant tomber la quote part détenue sous la barre de 34 % fixée par la loi, absence d'exercice des fonctions de direction pendant toute la durée de l'engagement).
Il s'ensuit que l'action en réparation du préjudice ne peut être fondée sur cette faute.
Sur l'impossibilité pour Mme [S] de conserver les titres dont elle avait l'usufruit pendant six ans :
L'usufruit temporaire consenti par [D] [S] à son épouse a pris fin le [Date décès 4] 2007, c'est à dire bien avant le 31 mars 2012, terme de l'engagement collectif souscrit, en application de l'article 885 I bis du code général des impôts (dans sa rédaction alors applicable), dans l'acte reçu par Me [K].
Cette circonstance ne constituait cependant nullement un obstacle à la signature dudit engagement par l'usufruitière dès lors que, comme en l'espèce, les nus-propriétaires, eux mêmes signataires, étaient tenus par l'engagement collectif et ont récupéré au terme de l'usufruit la pleine propriété des titres, étant ici rappelé l'engagement souscrit ne fait nullement obstacle à ce que les associés puissent effectuer entre eux et sans conséquence fiscale des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement (article 885 I bis b al 2 : «'ces pourcentages (en l'occurrence 34 %) doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieure à six ans. Les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement'»), la finalité étant que collectivement ils conservent pendant la durée fixée telle fraction du capital de la société.
Contrairement à ce que soutient Mme [S], ni la cour d'appel dans son arrêt du 13'novembre 2018 rendu dans le cadre du contentieux fiscal, ni la Cour de cassation dans son arrêt du 7 juillet 2020, statuant sur le septième moyen, n'ont affirmé le contraire, l'intéressée opérant une confusion avec l'argumentation qu'elle soutenait fondée sur la réduction de six à deux ans de la durée de conservation des titres opérée par la loi du 24 décembre 2007, réduction dont elle ne pouvait bénéficier dès lors qu'à la date d'entrée en application de ce texte (rétroactive au 26'septembre 2007 cf. infra), elle n'était plus usufruitière des titres.
Ainsi, c'est sans commettre de faute que Me [K] a pu inclure Mme [S] au nombre des parties à l'engagement collectif.
Au demeurant, il convient (une nouvelle fois) de rappeler que l'administration ne s'est nullement fondée dans sa proposition de rectification du 6 juillet 2012 (pièce n° 11 des appelants) sur le perte de qualité d'usufruitière de Mme [S], mais :
- d'une part, sur le fait qu'elle avait omis de porter dans sa déclaration 2007 d'impôt de solidarité sur la fortune la valeur des titres de la société Saint Nicolas Distribution dont elle avait l'usufruit et qu'elle devait déclarer à hauteur de 25 % compte tenu du pacte,
- d'autre part, sur la rupture du pacte en raison de la cession de leurs titres par trois des signataires en 2009, 2010 et 2011 ainsi que sur l'absence d'exercice d'une fonction éligible par l'un des signataires entre les 24 octobre 2007 et 26 novembre 2010 et depuis le 24 mars 2011.
S'agissant des dispositions de l'article 885 I bis du code général des impôts, les juridictions qui ont eu à en connaître ont confirmé cette analyse (tribunal de grande instance de Rennes pages 6 et 7, cour d'appel de Rennes page 7).
Il s'ensuit que s'agissant de ce moyen ni la faute ni le lien de causalité ne sont établis et que l'action ne peut donc prospérer sur ce fondement.
Sur le manquement au devoir d'information et de conseil lors de la signature de l'acte des 30 et 31'mars 2006 :
L'engagement de conservation de titres fondé sur l'article 885 I bis du code général des impôts des 30 et 31 mars 2006 précise en son article 1er l'objet de l'acte (exonération partielle de l'impôt sur la fortune) et les conditions (conservation des titres pendant six ans à compter de la signature de l'acte) et contient la mise en garde suivante : «'les parties soussignées reconnaissent avoir été informées par le rédacteur des présentes que le non respect dudit engagement (caractère collectif et seuil minimal de participation : 34 %) entraîne en principe la remise en cause de l'exonération partielle à l'égard de tous les signataires. Lesquels signataires doivent alors acquitter tous les compléments d'ISF dont ils ont été dispensés ainsi que l'intérêt de retard outre l'impossibilité pour l'avenir de prétendre au bénéfice de l'exonération'».
Dans l'article 2, le notaire a rappelé que l'engagement porte sur 42,12 % des droits de vote et financiers au sein de la société Saint Nicolas Distribution et que «'les parties reconnaissent avoir été informées que l'engagement doit porter sur au moins 34 % des droits financiers et de vote attachés aux titres susvisés lorsqu'ils ne sont pas cotés, que le seuil de 34 % devra être respecté pendant toute la durée de l'engagement collectif...'».
Il a, en outre, rappelé à l'article 4 : «'Présence d'un dirigeant : l'un des associés ou actionnaires partie aux présentes, devra exercer effectivement dans la société dont les titres font l'objet des présentes, et ce, pendant la durée de l'engagement, une fonction de direction au sein de la société. Il n'est pas exigé que la direction de la société soit exercée par la même personne pendant toute la durée'».
L'acte rappelle ainsi clairement les engagements souscrits par les intéressés et la sanction prévue.
Les consorts [S] font cependant grief au notaire de ne pas avoir inséré une disposition contraignante pour limiter toute velléité de cession des titres avant le terme de la période de six ans et, le cas échéant, la sanctionner.
Cependant, il n'appartient pas au notaire d'insérer d'office ce type de clause sans avoir obtenu l'accord des parties. Or, il convient de rappeler que le même jour :
- Mme [S] a cédé les titres (635) qu'elle détenait personnellement directement (322) ou indirectement (313 ' par le truchement de la société Cigano) dans la société SND, ce en exécution du protocole d'accord conclu avec les époux [N] ' [O] le 6 février 2006,
- les cinq nus-propriétaires ont conclu chacun avec le concours de Mme [S] (sa signature ne figurant toutefois pas sur l'acte établi au nom de [Z] [S], sans doute en raison d'une omission puisqu'elle est mentionnée comme partie intervenante à l'acte) une promesse sous seing privé avec la société Sobradis (représentée par M. [N]) aux termes de laquelle cette dernière s'est engagée, à l'égard de chacun d'entre eux, à acquérir à leur demande et à compter du 1er septembre 2009 (c'est à dire après le terme du délai permettant la remise en cause de l'exonération des droits de succession ' premier pacte Dutreil ' mais bien avant le terme du délai de six ans du second pacte Dutreil emportant exonération partielle de l'ISF) et jusqu'au 31 janvier 2014, leurs titres dans la société SND.
Mme [S] et ses enfants ayant ainsi expressément envisagé que ces derniers puissent demander (nonobstant les conséquences fiscales portées à leur connaissance) la réalisation de la promesse d'achat de leurs titres à compter du mois de septembre 2009, il n'était évidemment ni cohérent ni donc envisageable d'insérer dans le pacte une clause sanctionnant la cession de leurs titres avant son terme, soit le 31 mars 2012, et en l'état d'une contradiction manifeste avec les promesses d'achat auxquelles toutes les parties ont globalement concouru (dont Mme [S]), il n'est nullement établi que l'insertion d'une telle clause aurait été acceptée.
Aucune faute ne peut être reprochée au notaire de ce chef.
Sur le devoir d'information du notaire portant sur les modifications législatives intervenues en décembre 2007 :
Il n'est pas contesté que Me [K] (office notarial de [Localité 12]) auquel a succédé Me'[F], était le notaire de la famille [S] ainsi qu'il résulte des nombreux actes qu'il a reçus.
Or, il convient de rappeler que les dispositions de l'article 885 I bis du code général des impôts (pacte Dutreil ISF) ont été modifiées par l'article 15 de la loi de finances 2007-1822 du 24'décembre 2007 lui même rectifié par l'article 41 de la loi de finances rectificative 2007-1824 du 25'décembre 2007 en ce sens que la durée minimale de l'engagement collectif prévu par ce texte a été notamment ramenée de six à deux ans.
À défaut de disposition spéciale, cette modification n'avait évidemment pas vocation à s'appliquer aux engagements en cours mais ne concernait que ceux signés à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, soit à compter du 26 septembre 2007 (suivant l'article 15 § IV de la loi de finances du 24'décembre 2007).
Cependant les parties avaient la faculté de dénoncer le pacte en cours et d'en signer un nouveau soumis aux nouvelles dispositions (sans que l'engagement ainsi souscrit puisse être inférieur à deux ans) ce que la doctrine administrative a admis (cf. bulletin officiel des impôts).
Il s'ensuit qu'en 2008, les enfants [S] (qui avaient alors la pleine propriété des 474 titres litigieux représentant 42,12 % du capital de la société SND) auraient pu, s'ils avaient été informés par leur notaire de cette modification législative, dénoncer le pacte en cours et souscrire un nouveau pacte réduisant ainsi la durée de leur engagement dont le terme aurait alors pu survenir courant 2010 (deux ans après la signature du nouveau pacte) au lieu du 31 mars 2012 (date d'échéance du pacte initial).
Cette information était d'autant plus importante que Me [F] savait que les enfants [S] n'avaient pas vocation à conserver leurs titres puisque le 31 mars 2006, jour de la signature du pacte Dutreil (ISF), ils avaient parallèlement consenti à la société Sobradis, par ailleurs acquéreur des 635 titres détenus directement ou indirectement par leur mère, une promesse de vente dont la réalisation était prévue entre le 1er septembre 2009 et le 31 janvier 2014.
En ne portant pas à la connaissance des enfants [S] cette information, le notaire a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Pour autant, cette faute n'est pas à l'origine du préjudice allégué par Mme [M] et M. [Z] [S]. En effet, comme le font observer les intimés, ces derniers, mis en demeure par le fisc de souscrire des déclarations d'ISF pour les années 2007 à 2014 et de payer les contributions correspondantes, n'ont pas sollicité le bénéfice du pacte Dutreil conclu le 31 mars 2006 alors même que les conditions pour ce faire était réunies dès lors que':
- l'article 885 I bis dans sa rédaction issue des textes précités («...'g. En cas de non-respect de la condition prévue au a par l'un des signataires, l'exonération n'est pas remise en cause à l'égard des autres signataires, dès lors qu'ils conservent entre eux leurs titres jusqu'au terme initialement prévu et que la condition prévue au b demeure respectée. Au-delà du délai minimum prévu au b, en cas de non-respect des conditions prévues aux a et b, l'exonération partielle n'est pas remise en cause pour les signataires qui respectent la condition prévue au c'») tel qu'interprété par l'administration fiscale, le leur permettait s'ils conservaient leur titre pendant la durée de l'engagement (ce qui a été leur cas) quand bien même la condition relative à la portion du capital objet de l'engagement de conservation (34 % au moins) ne serait plus respectée en raison de la cession par d'autres associés de leurs titres après un délai de deux ans (ce qui a été le cas puisque les différentes cessions sont intervenues en décembre 2009, décembre 2010 et septembre 2011),
- l'un des signataires du pacte a bien exercé l'une des fonctions prévues par l'article 885 O bis au cours de la période considérée, ce qui a été le cas puisqu'[E] [S] a été présidente du conseil de surveillance de la société du 31 mars 2006 au 24 octobre 2007, date à laquelle [C] [S] lui a succédé dans ces fonctions jusqu'au 24 novembre 2010, date à laquelle le conseil de surveillance a désigné M. [I] [S] pour une période expirant le 28 février 2011 (pièces n° 23 à 25 des appelants).
Dès lors, leurs demandes ne peuvent non plus prospérer sur ce fondement et c'est, à bon droit, que le tribunal a débouté [M] et [Z] [S] de celles-ci.
S'agissant du préjudice allégué par Mme [E] [S] qui a sollicité lors de la procédure de rectification diligentée par le fisc le bénéfice du pacte Dutreil, il convient de rappeler que l'administration le lui a refusé':
- d'une part, en raison des cessions de titres intervenues avant le terme de l'engagement, cessions qui ont eu pour effet de faire passer la proportion du capital détenu collectivement par les souscripteurs sous la barre des 34 %,
- et, d'autre part, du fait de l'absence d'exercice de l'une des fonctions prévues à l'article 885 O bis du code général des impôts jusqu'au terme de l'engagement (28 février 2012).
Si le notaire avait informé les enfants [S] de la faculté ouverte par la loi du 24'décembre 2007 précitée et si ces derniers avaient accepté de dénoncer le pacte en cours pour en conclure un nouveau d'une durée de deux ans (ce qui est possible puisque leur engagement s'en serait alors trouvé allégé), Mme [S] auraient pu utilement invoquer lors de la procédure de rectification diligentée en 2012 le bénéfice des dispositions Dutreil et obtenir une exonération partielle,
- dans la mesure où sa fille [T] aurait accepté de différer de quelques mois la cession de ses 94 titres (du mois de décembre 2009 à la mi 2010) afin de ne pas passer sous le seuil des 34 % (33,65 %),
- étant observé que' la condition tirée de l'exercice de l'une des fonctions visée à l'article 885 O bis a été satisfaite jusqu'à la fin de l'année 2010 ainsi qu'il a été précisé ci-dessus.
Il est ainsi établi que par son défaut d'information et son manquement au devoir de conseil à l'égard des enfants [S] (et plus largement de la famille [S]), le notaire a fait perdre à Mme [E] [S] une chance sérieuse de pouvoir bénéficier d'un avantage fiscal (exonération partielle de l'ISF). Cependant cette chance ne peut être estimée au-delà de 25 %. En effet, pour qu'elle puisse en bénéficier, il aurait fallu que les cinq enfants s'accordent pour prendre une décision en application d'une modification législative récente et donc nécessairement assortie d'un aléa, face à une incertitude possible de la doctrine fiscale, et que [T] [S] accepte de différer de quelques mois la cession de ses titres.
Mme [E] [S] fait état d'un préjudice non contesté dans son calcul de 102'068 euros correspondant à 75 % de la rectification ISF en principal (82'048 euros) et des intérêts de retard (20'020 euros), étant rappelé que les majorations ont fait l'objet d'une annulation prononcée par le tribunal dans son jugement du 6 mars 2017.
Me Treillard de Quinemont et la société Office Notarial du Vignoble seront, en conséquence, condamnés solidairement à verser à Mme [E] [S] la somme de 25'517 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Les autres demandes de Mme [S] seront rejetées, étant observé que les frais de défense fiscale résultent avant tout de la faute commise par cette dernière qui a omis d'inclure dans sa déclaration d'ISF de l'année 2007 la valeur, même partiellement exonérée, des 474 titres de la société SND dont elle avait encore l'usufruit au 1er janvier.
Par ailleurs, la demande qu'elle formule au titre des intérêts est injustifiée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
Me Treillard de Quinemont et la société Office Notarial du Vignoble supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
Ils devront, en outre, verser à Mme [E] [S] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, [M] et [Z] [S] étant déboutés de toute demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS':
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement':
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 18 juin 2015 en ce qu'il a débouté Mme [M] [S] et M. [Z] [S] de leurs demande à l'encontre de Me'[F] et la société Menanteau ' Brevet ' Pedron (devenue Office Notarial du Vignoble), notaires associés.
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau':
Condamne solidairement Me [V][F] et la société Office Notarial du Vignoble à verser à Mme [E] [S] la somme de 25'517 euros à titre de dommages et intérêts.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne Me [V] [F] et la société Office Notarial du Vignoble aux dépens de première instance et d'appel.
Autorise la Selarl Ares, prise en la personne de Me Grenard, à recouvrer directement contre eux ceux des dépens d'appel dont elle aurait pu faire l'avance sans avoir reçu provision.
Condamne Me [V] [F] et la société Office Notarial du Vignoble à verser à Mme [E] [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute Mme [M] [S] et M. [Z] [S] de leurs demandes fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT