La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°19/02135

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 27 octobre 2022, 19/02135


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°443/2022



N° RG 19/02135 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PU3G













M. [K] [Y]



C/



Association EXTRA BALLE

























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022





COMPOSITION D

E LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'aud...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°443/2022

N° RG 19/02135 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PU3G

M. [K] [Y]

C/

Association EXTRA BALLE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Septembre 2022

En présence de Madame MEUNIER, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [K] [Y]

né le 20 Août 1971 à TOULOUSE (31)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Kellig LE ROUX de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Association EXTRA BALLE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Henri GRAIC de la SELARL GRAIC - QUINTARD-PLAYE - JUILLAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Association Extra Balle régie par la loi de 1901 a pour objet l'assistance aux mineurs en difficultés et est conventionnée par la direction de la solidarité départementale des Côtes d'Armor et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. L'Association organisait des séjours de rupture au Burkina Faso.

M. [K] [Y] a été engagé par l'Association Extra Balle selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 15 décembre 2014 avec une date d'effet au 05 janvier 2015. Il exerçait les fonctions d'éducateur spécialisé et occupait le poste de coordinateur Afrique chargé de l'encadrement et du suivi éducatif des jeunes confiés à l'Association sur le territoire du Burkina Faso.

En outre, M. [Y] était chargé d'assurer la coordination de l'équipe de Burkinabé et l'organisation administrative et financière du fonctionnement général de l'équipe.

Les relations entre les parties étaient régies par le code du travail.

M. [Y] a débuté ses fonctions à [Localité 4] et bénéficiait d'une rémunération brute mensuelle de 4209,57 euros, comprenant un salaire de base pour 151,67 heures, une indemnité de sujétion, une prime de détachement ainsi qu'une assurance complémentaire santé prise en charge par l'employeur.

En septembre 2015, un coup d'état militaire a lieu au Burkina Faso.

Le 15 octobre 2015, la ville de [Localité 4] étant placée en zone dangereuse, l'activité de l'Association Extra Balle a été délocalisée au Bénin, puis réinstallée à Koudougou à compter du 6 janvier 2016, après les élections présidentielles.

Le 14 janvier 2016, des attentats ont eu lieu sur le territoire du Burkina Faso.

Par courrier en date du 17 janvier 2016, le Conseil Général des Côtes d'Armor, considérant que la situation politique au Burkina Faso ne permettait pas de garantir la sécurité des jeunes, a enjoint à l'Association Extra Balle de mettre fin à l'organisation des séjours au Burkina Faso et de réorienter les futurs séjours vers Madagascar.

Le 23 janvier 2016, l'Association a organisé le départ des mineurs, M. [Y] est resté sur place pour liquider les activités au Burkina Faso et est arrivé en France le 02 mars 2016.

Par courrier en date du 1er avril 2016, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 15 avril suivant.

Par courrier recommandé en date du 26 avril 2016, il s'est vu notifier son licenciement pour cas de force majeure.

 

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Guingamp le 10 septembre 2017 et a formé à l'audience les demandes suivantes :

- Dire et juger que l'Association Extra Balle a procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il convient de rejeter la force majeure.

- Dommages et intérêts pour préjudice moral, financier, familial 25 257,42 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 25 257,42 euros

- Heures supplémentaires 15 258,50 euros

- Dommages et intérêts pour non application des dispositions concernant le contingent annuel des heures supplémentaires 4 209,57euros

- Remboursement à Pôle Emploi au titre de l'article L1235-4 du Code du Travail six mois d'indemnité

- Article 700 du Code de procédure Civile 1 500,00 euros

- Exécution provisoire

- Dépens

L'Association Extra Balle a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Débouter Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- Subsidiairement, dans l'hypothèse ou le conseil décidait d'allouer une indemnité forfaitaire à Monsieur [Y] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de réduire les prétentions.

- Débouter Monsieur [Y] de sa demande au titre du dépassement du contingent

En tout état de cause, dire ce que de droit s'agissant de l'article 700 et de l'application de l'article L 1235-4 du code du travail.

- Débouter Monsieur [Y] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du dépassement du contingent

- Débouter de ses demandes de dommages et intérêts, faute d'en justifier

- Fixer le montant de cette indemnité à 2 mois de rémunération brute, conformément au référentiel indicatif résultant de la loi du 6 août 2015

- Fixer à 2041.26 euros la rémunération mensuelle de référence.

- Dire ce que de droit s'agissant de l'article 700 et de l'application de l'article L 1235-4 du code du travail.

Par jugement en date du 05 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Guingamp a :

- Dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [K] [Y] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné l'Association Extra-Balle à payer à Monsieur [Y] la somme de 1483.00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouté Monsieur [K] [Y] de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour préjudice moral, financier, familia1, aux heures supplémentaires et aux dommages et intérêts pour non application du contingent annuel des heures supplémentaires;

- Débouté Monsieur [K] [Y] de sa demande de remboursement à Pole Emploi

- Condamné l'Association Extra-Balle à payer à Monsieur [K] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure Civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné l'Association Extra Balle au entiers dépens.

***

M. [Y] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 29 mars 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 20 décembre 2019, M. [Y] demande à la cour d'appel de Rennes de :

- Confirmer le Jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de GUINGAMP le 5 mars 2019 en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement prononcé à son encontre est un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamné l'Association Extra Balle à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement

- Condamné l'Association Extra Balle aux entiers dépens.

- Réformer le Jugement rendu par conseil de prud'hommes de GUINGAMP le 5 mars 2019 pour le surplus,

En conséquence, statuant à nouveau

- Condamner 1'Association Extra Balle à lui payer les sommes suivantes:

- 25 257,42 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 25 257,42 euros net a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral financier et familial subi,

-15 258,50 euros Brut à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de juin 2015 à mai 2016,

-1.525,85 euros Brut au titre des congés payés y afférents,

- 4209,57 euros net à titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et non-respect de l'obligation de sécurité de résultat.

- Dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter du Jugement à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,

- Débouter L'Association Extra Balle de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner L'Association Extra Balle à payer à Monsieur [K] [Y] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 09 avril 2021, L'Association Extra Balle demande à la cour de :

- Recevoir l'Association Extra Balle en son appel incident titre

principal :

- Réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [K] [Y] sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Extra Balle à lui payer les sommes de 1.463 euros et 1.000 euros, outre les dépens

- Débouter Monsieur [K] [Y], de toutes ses demandes fins et conclusions.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- Débouter Monsieur [K] [Y] de ses demandes de dommages-intérêts,

- Le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du dépassement du contingent.

Plus subsidiairement:

Dans l'hypothèse ou la cour décidait d'allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- Fixer le montant de cette indemnité à 2 mois de rémunération brute, conformément au référentiel indicatif résultant de la loi du 06 août 2015;

- Fixer à 2.041,26 euros la rémunération mensuelle de référence.

En tout état de cause :

- Dire ce que de droit s'agissant de l'article 700 et de l'application de l'article L 1235-4 du code du travail.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 14 décembre 2021 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 31 janvier 2022.

Par arrêt en date du 10 mars 2022, la cour d'appel de Rennes, après avoir recueilli l'accord des parties, a ordonné une médiation et ordonné la réouverture des débats avec renvoi de l'affaire à l'audience du 12 septembre 2022. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives au temps de travail

M. [Y] fait valoir que le conseil de prud'hommes lui avait demandé de produire une note en délibéré reprenant le détail des heures sollicitées sous un format exploitable, ce qu'il a fait en adressant un fichier sous format PDF, qui ne semble toutefois pas être parvenu aux premiers juges puisque ceux-ci l'ont débouté purement et simplement de sa demande ; qu'au regard de ces éléments, produits en cause d'appel, il est bien fondé à demander l'infirmation de la décision rendue par la juidiction prudhomale sur ce point. Il ajoute, pour répondre à l'association intimée qui soutient qu'il a récupéré les heures supplémentaires, que l'employeur ne pouvait légalement substituer le paiement des heures supplémentaires à l'indemnité compensatrice de préavis qui lui était due.

L'association Extra Balle réplique que les documents produits par le salarié, établis pour les besoins de la cause, n'ont aucun caractère authentique et qu'aucune heure n'est vérifiable dans le cas d'espèce ; que, ne contestant pas qu'il a pu, compte tenu de la situation exceptionnelle, accomplir un nombre d'heures supplémentaires non négligeable au moment de l'installation au Bénin, elle n'a pas discuté le fait que M. [Y] ait réalisé des heures supplémentaires mais les lui a payées, en parfait accord avec lui, en maintenant sa rémunération en mars et avril 2016, y compris la prime de détachement alors qu'il séjournait en France.

***

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [Y] produit à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires : des mails adressés régulièrement à l'employeur comportant la mention d'envoi en pièce jointe de son planning, prévisionnel puis actualisé, des documents informatiques indiquant, jour par jour, les horaires et le nombre d'heures qu'il affirme avoir réalisés, et un calcul récapitulatif de ses demandes.

Il produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur.

L'association Extra Balle produit : les bulletins de salaire de mars 2016, avril 2016 et mai 2016 de M. [Y], mais ne produit pas les plannings qui lui étaient adressés par mail par le salarié pendant l'exécution du contrat de travail.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la Cour est en mesure de fixer les heures supplémentaires effectuées par M. [Y] à 280,47 heures, représentant un montant total de 4512,76 euros bruts, outre 451,27 euros bruts de congés payés afférents, que l'employeur sera en conséquence condamné à lui payer, en infirmation du jugement.

***

En application de l'article L 3121-30 du code du travail, les heures effectuées au delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Le contingent annuel applicable est le contingent légal de 220 heures.

En application de l'article L 3121-38 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos est égale à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus.

Au cas d'espèce, seule l'année 2015 permet de relever un dépassement du contingent annuel ayant généré une contrepartie obligatoire en repos. Le repos dû à ce titre n'ayant pas été pris, l'employeur doit indemniser le salarié, à hauteur de 389,93 euros. L'association Extra Balle sera par conséquent condamnée à payer à M. [Y] cette somme, en infirmation du jugement.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Vous avez été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 décembre 2014, pour exercer à partir du 5 janvier 2015, les fonctions de 'coordinateur Afrique' afin d'assumer l'encadrement et le suivi éducatif des jeunes confiés à notre Association, pour des séjours en famille d'accueiI sur le territoire du Burkina Faso.

Dans ce cadre, votre fonction consistait également d'assurer la coordination de l'équipe burkinabé ainsi que l'organisation administrative et financière de l'ensemble de l'équipe.

Les personnes confiées à notre Association sont de jeunes gens pour lesquels nous sommes chargés d'organiser des séjours de rupture sous le contrôle et à la demande, notamment, des services du conseil Départemental des Cotes d'Armor.

0r, courant janvier 2016, les services du Conseil Départemental des Cotes d'Armor nous ont enjoint d'interrompre les séjours de l'ensemble des jeunes confiés à notre Association sur le territoire burkinabé, ceci compte tenu du contexte de troubles publics existant ti ce moment au Burkina Faso, ainsi que dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, ce depuis le début de l'année 2016, du fait, notamment de la survenance d'attentats dans ce pays.

Cette situation politique représente pour nous un événement extérieur; imprévisible et irrésistible, constituant un événement de force majeure rendant impossible le maintien de votre emploi, alors même que nous ne disposons pas de solution d'emploi alternative susceptible de vous être offerte, que ce soit au Burkina Faso (où votre sécurité ne serait plus assurée), ou dans tout autre pays.

Cette situation de force majeure nous contraint de procéder à votre licenciement.

Nonobstant les dispositions de l'article L 1234-12 du code du travail relatives au licenciement pour force majeure, notre Conseil d'Administration, estimant que la situation à l'origine de votre licenciement ne vous est en rien imputable, a décidé de vous faire bénéficier d'un préavis d'unrappelé que les sommes allouées porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientationpour les sommes à caractère salarial, à compter de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire mois, ainsi que de l'indemnité de licenciement, prévue par la Loi .

De ce fait votre contrat dc travail se terminera au terme d'un délai d'un mois suivant la présentation de la lettre de licenciement. »

Pour juger le licenciement de M. [Y] sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a considéré qu'au moment de sa convocation le 15 avril 2016 à l'entretien préalable l'association ne pouvait plus s'appuyer sur la force majeure car le salarié était sur le territoire français depuis un mois alors que l'évènement déclencheur de la fin de l'activité (le 15 janvier 2016 précise-t-il) avait eu lieu 3 mois auparavant. Il a relevé également que le salarié avait perçu une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement qui ne sont pas dues dans le cadre d'une rupture fondée sur un cas de force majeure.

L'association Extra Balle fait valoir que, contrairement à ce qu'affirme M. [Y], l'existence d'un risque n'enlève pas nécessairement son caractère imprévisible à un évènement et qu'en l'espèce l'instabilité politique de l'Etat du Burkina Faso n'enlève pas son imprévisibilité à la série d'attentats djihadistes qui a eu lieu sur son territoire en janvier 2016 ; que ces attentats, imprévisibles, ont créé une situation dangereuse qui a conduit le conseil général des côtes d'Armor, autorité de tutelle de l'association, à lui enjoindre d'interrompre sans délai les séjours au Burkina ; que dès lors, il s'est bien agi pour elle d'une situation extérieure aux parties, imprévisible, irrésistible, présentant un caractère insurmontable ; que, contrairement à ce qu'a jugé le conseil, la force majeure n'exige pas que la rupture du contrat soit prononcée immédiatement ; que, si la poursuite de l'activité, même dans un autre site, ne permet effectivement pas à l'employeur d'invoquer la force majeure, en l'occurrence la fermeture de l'antenne du Burkina a fait disparaître le poste de coordinateur Afrique ; que, n'ayant aucun statut juridique à Madagascar, elle a informé M. [Y] qu'elle était contrainte de travailler avec une association locale reconnue et que le salarié n'a plus eu aucune activité jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 29 mai 2016.

Elle rappelle que, si l'association comptait effectivement plus de 11 salariés, M. [Y] avait moins de 2 ans d'ancienneté au moment de la rupture.

M. [Y] réplique que la force majeure ne peut être retenue si la relation contractuelle a été maintenue au-delà de l'évènement invoqué et il fait valoir qu'il est resté sur place, en sa qualité de coordinateur Afrique, jusqu'au 2 mars 2016, soit pendant une période d'un mois et demi, postérieurement à la décision de l'association de mettre fin au séjour de rupture au Burkina Faso ; que le projet s'est poursuivi à Madagascar avec la même équipe excepté lui, seul salarié français de l'association à avoir été licencié pour cas de force majeure;

que dès lors rien ne justifiait qu'il soit mis fin à sa mission, qui a été confiée à plusieurs salariés de l'association ; qu'il ne lui a pas non plus été proposé de poste en France ; qu'au surplus l'association ne peut légitimement se prévaloir d'un évènement imprévisible, car c'est en toute connaissance de cause de l'instabilité politique du pays, sans informer son organisme de tutelle de cette situation et en faisant fi des risques pour les personnels et les mineurs qui lui étaient confiés, qu'elle a décidé de maintenir son projet au Burkina, avant de quitter précipitamment le pays en janvier 2016.

Sur l'appréciation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il soutient que le premier juge, qui ne lui a alloué que 1483 euros de ce chef, alors que son salaire mensuel moyen était de 4209,57 euros, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et l'a débouté en outre à tort de sa demande spécifique de réparation des préjudices moral, familial et financier subis du fait de la rupture injustifiée.

***

La force majeure permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture du contrat de travail s'entend de la survenance d'un évènement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Il ressort de la pièce 46 produite aux débats par M. [Y] (rapport rédigé le 20 août 2016 par Mme [C] [T], éducatrice 'pour la coordination Madagascar') :

-que l'activité de l'association Extra Balle (séjours de rupture) s'est poursuivie à Madagascar, pays dans lequel les mineurs confiés à l'association ont été accueillis après la liquidation de l'organisation qui avait été mise en place au Burkina Faso,

-qu'il y avait besoin d'une coordination de l'activité à Madagascar au sein de l'association, nonobstant l'intervention de personnel de l'association locale Koly ressortant de la pièce 13 de l'intimée, et que cette tâche a été confiée, dans l'immédiat, aux éducateurs français salariés de l'association transférés sur place,

-que la création de l'association Extra Balle Madagascar était en attente du visa du président.

Cette pièce établit que, contrairement à ce que soutient l'association intimée, si certes les attentats sur le territoire du Burkina Faso et l'ordre donné par l'organisme de tutelle de quitter immédiatement ce pays ont présenté pour elle un caractère d'extériorité et d'irrésistibilité, son activité de mise en place de séjours de rupture hors de l'Europe a été immédiatement relocalisée à Madagascar dans des conditions qui ne rendaient pas impossibles la poursuite du contrat de travail de M. [Y].

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le cas de force majeure n'était pas établi et que le licenciement du salarié était par suite dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté , à la charge de l'employeur, une indemnité correspondant au préjudice subi.

A la date du licenciement, M. [Y] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4209,57 euros par mois et était âgé de 44 ans. Il a perçu des indemnités de chômage, a effectué une formation complémentaire et passé un master en aménagement des organisations sanitaires et sociales, a travaillé dans le cadre de contrats d'interim ou à durée déterminée jusqu'en aout 2019. Son dernier contrat à durée déterminée, du 11 juin au 30 août 2019 porte sur un poste de chef de service éducatif au centre les Cigales. Il ne justifie pas de sa situation postérieurement à ce contrat.

Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 8500 euros l'indemnisation due au salarié au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d'infirmation du jugement sur le quantum.

Aux termes de l'article L1235-5 du code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise les dispositions de l'article L1235-4 du même code relatives au remboursement des indemnités Pôle emploi. Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chomâge versées à M. [Y].

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont vocation à réparer, au vu des éléments produits pour en justifier, l'intégralité du préjudice causé par la rupture injustifiée.

M. [Y] soutient avoir subi un préjudice distinct du fait :

-que son épouse a fait une fausse couche au 5 ème mois de grossesse à cause du stress lié au déménagement précipité, mais il ne rapporte pas la preuve du lien de causalité certain entre les deux évènements ;

- qu'il a dû, dans un premier temps, être hébergé par sa famille car le logement dont il était propriétaire était loué et qu'il n'a de plus pas pu racheter son crédit immobilier en cours, subissant de ce fait une perte, mais il ne produit aucune pièce à l'appui de ces affirmations et n'établit pas la preuve d'un préjudice ;

-qu'en tardant à prendre la décision de délocaliser le projet, l'employeur ne lui a pas permis de réintégrer ses fonctions au sein de l'association les Cigales, qui l'employait précédemment, à l'issue du congé sabbatique de 11 mois qu'il avait sollicité courant du 1 er janvier 2015 au 30 novembre 2015, mais il n'établit pas de faute de l'association Extra Balle à l'origine du préjudice invoqué dès lors qu'aucun cas de force majeure obligeant l'employeur à prendre une telle décision de délocalisation n'était caractérisé avant les attentats de janvier 2016.

Le jugement entrepris ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice moral, familial et financier.

***

Il sera rappelé que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les sommes à caractère salarial, à compter de la décision les ordonnant pour les sommes à caractère indemnitaire.

***

Il est inéquitable de laisser à M. [Y] ses frais irrépétibles d'appel, qui seront mis à la charge de l'association intimée à hauteur de 2000 euros, en sus de la somme allouée sur le même fondement par le premier juge. L'association Extra Balle, qui succombe, doit être déboutée de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [K] [Y] sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a débouté M. [K] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, financier et familial ainsi qu'en ses dispositons relatives à l'inapplicabilité de l'article L 1235-4 du code du travail, aux frais irrépétibles et aux dépens,

L'infirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne l'association Extra Balle à payer à M. [K] [Y] les sommes de:

-4512,76 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 451,27 euros bruts de congés payés afférents,

-389,93 euros nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

-8500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rappelle que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les sommes à caractère salarial, à compter de la décision les ordonnant pour les sommes à caractère indemnitaire,

Déboute M. [K] [Y] du surplus de ses demandes et l'association Extra Balle de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne l'association Extra Balle aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/02135
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.02135 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award