9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/00437 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PPBZ
M. [N] [R]
C/
URSSAF BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et Monsieur Séraphin LARUELLE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Septembre 2022 devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 14 Décembre 2018
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES
Références : 21400866
****
APPELANT :
Monsieur [N] [R]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Jean-Marie ALEXANDRE, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE
[Localité 5]
[Localité 2]
représentée par Madame [H] [K], en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] a été affilié du 1er juillet 2011 au 19 février 2014 au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants au titre de son activité commerciale de gérant majoritaire de la société [4].
Le 6 septembre 2014, il a formé opposition à l'encontre d'une contrainte du 20 août 2014 décernée par le régime social des indépendants Pays de Loire, aux droits duquel vient l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) pour le recouvrement de la somme de 8 799 euros en cotisations, contributions et majorations de retard afférentes aux périodes du 1er trimestre 2012, de juillet 2013 à décembre 2013 et de février 2014, signifiée par acte d'huissier le 26 août 2014.
Par jugement du 14 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes a :
- validé la contrainte en date du 20 août 2014 signifiée le 26 août 2014 pour un montant de 8 799 euros ;
- condamné M. [R] au paiement de la somme de 8 799 euros sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement ;
- condamné M. [R] au paiement de la somme de 73,38 euros au titre des frais de signification de la contrainte ;
- rejeté les autres demandes de M. [R].
Par déclaration adressée le 19 janvier 2019, M. [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 21 décembre 2018.
Par ses écritures parvenues par le RPVA le 3 novembre 2020, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [R] demande à la cour de :
- le recevoir en son appel ;
- l'en dire bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- la condamner aux entiers dépens.
Par ses écritures parvenues au greffe le 15 février 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la contrainte du 20 août 2014 ;
- valider la contrainte émise le 20 août 2014 pour un montant ramené à 6 844 euros au titre des cotisations et majorations de retard afférentes au 1er trimestre 2012, aux mois de juillet à décembre 2013 ainsi qu'au mois de février 2014 ;
- condamner M. [R] à payer à l'URSSAF la somme de 6 844 euros dont 6 498 euros de cotisations et 346 euros de majorations de retard sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement ;
- condamner M. [R] à payer à l'URSSAF les frais de signification de la contrainte ;
- rejeter toute autre demande émanant de M. [R].
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'affiliation de M. [R] et le sort des cotisations sociales dues par le gérant d'une société faisant l'objet d'une procédure collective et d'une procédure de surendettement
M. [R] fait valoir qu'il a démissionné de la société en juillet 2013, qu'il a averti le RSI de son changement de situation et qu'au mois d'août de la même année, il était inscrit à Pôle emploi.
En réponse, l'URSSAF précise que la radiation administrative de M. [R] a été effective à compter du 19 février 2014, dans les suites de la liquidation judiciaire de la société.
En l'absence de justification de démarches accomplies par M. [R] aux fins de rendre sa démission opposable aux tiers ou d'une démission de ses fonctions de gérant actée par l'assemblée générale des actionnaires, il est resté valablement affilié au régime de la sécurité sociale des travailleurs indépendants jusqu'au 19 février 2014.
Les cotisations et contributions dues par les assurés auprès du RSI, auquel s'est substituée l'URSSAF, sont des dettes professionnelles ainsi que l'a précisé la Cour de cassation dans son avis du 8 juillet 2016.
Les dettes professionnelles s'entendent des dettes nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle. (2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.989).
Cependant, l'avis précité ne vise nullement l'hypothèse de la liquidation judiciaire d'une société et la prise en compte ou non au passif de cette société des cotisations sociales de son gérant.
Si les cotisations et contributions dont s'agit sont bien des dettes professionnelles, pour l'application du livre VII du code de la consommation, M. [R] qui a le statut de travailleur indépendant reste redevable à l'égard de l'organisme social des cotisations et contributions sociales annuelles, lesquelles sont dues à titre personnel par application de l'article R. 133-26 (devenu R. 133-26-2) du code de la sécurité sociale (2e Civ., 2 avril 2015, pourvoi n° 14-13.698), peu important les modalités selon lesquelles il exerce son activité (2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-17.699).
L'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société est en conséquence sans incidence sur l'obligation du travailleur indépendant au paiement de ses cotisations et sans emport sur l'action en recouvrement engagée à son encontre. (Soc., 19 juillet 2001, pourvoi n° 00-11.255 ; 2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-17.699 pour le gérant d'une EURL).
M. [R] n'allègue pas que l'une ou l'autre des procédures collectives ouvertes à l'encontre de sociétés dont il a été gérant lui aurait été personnellement étendue.
Est également sans emport l'ouverture d'une procédure de surendettement.
Selon l'article L. 711-1, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, les dettes professionnelles ne pouvaient ouvrir droit à ouverture d'une procédure de surendettement. (2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.989 précité).
Est donc inopérant le moyen tiré de la démission de ses fonctions de gérant.
Sur les sommes dues
La caisse fournit à ses écritures d'appel un décompte précis et cohérent des modalités de calcul, d'assiette, de bases et de taux mis en oeuvre dans le respect des règles applicables au regard des cotisations et contributions sociales objets de la contrainte en litige.
Il convient de retenir que les cotisations dues par M. [R] ont été calculées sur la base des revenus qu'il a déclarés (en dernier lieu en 2019).
Les cotisations appelées en 2012 comprennent :
- les cotisations provisionnelles pour un montant de 5 551 euros ;
- la régularisation des cotisations 2011 [calculée par différence entre les cotisations provisionnelles appelées en 2011 (1 851 euros) et le montant des cotisations définitives (4 920 euros) calculé une fois le revenu 2011 connu)]. Elle s'élève à 3 069 euros.
L'URSSAF est donc bien fondée à appeler et recouvrer en 2012 un total de 8 620 euros (ainsi que mentionné dans le relevé de situation du 12 janvier 2021 adressé au cotisant, pièce 15 des productions de l'intimée).
Il est retenu que M. [R] ne doit plus rien au titre des cotisations provisionnelles appelées en 2012 ni au titre de la période dénommée « régularisation 2012 » (qui correspond au solde des cotisations définitives de 2011 appelé en 2012).
Les cotisations appelées en 2013 sont calculées directement sur leur montant définitif. Elles s'élèvent à la somme de 7 619 euros. S'y ajoutent la régularisation des cotisations 2012 [calculée par différence entre les cotisations provisionnelles appelées en 2012 (5 551 euros) et le montant des cotisations définitives (9 064 euros) calculé une fois le revenu 2012 connu)]. Elle s'élève à 3 513 euros.
L'URSSAF est donc bien fondée à appeler et recouvrer pour 2013 un total de 11 132 euros (ainsi que mentionné dans le relevé de situation du 12 janvier 2021 précité).
L'URSSAF est encore bien fondée à appeler et recouvrer pour les 50 jours d'affiliation de 2014 des cotisations proratisées s'élevant à 212 euros.
La contrainte objet du présent litige fait référence à quatre mises en demeure que les éléments versés aux débats permettent de valider comme suit :
Mise en demeure du 8 novembre 2013
Total
cotisations
majorations
a
1er T 2012
0,00
0,00
b
juillet 2013
1 205,00
1 144,00
61,00
c
août 2013
602,00
572,00
30,00
sous total a + b + c
1 716,00
91,00
dont à déduire une somme de 5 euros portée au crédit du mois de juillet
Mise en demeure du 8 novembre 2013
Total
cotisations
majorations
d
sept 2013
602,00
572,00
30,00
e
octobre 2013
597,00
567,00
30,00
sous total d + e
1.139,00
60,00
Mise en demeure du 10 février 2014
Total
cotisations
majorations
f
nov 2013
1.853,00
1.759,00
94,00
g
déc 2013
1.848,00
1.754,00
94,00
sous total f + g :
3.513,00
188,00
Mise en demeure du 17 avril 2014
Total
cotisations
majorations
h
février 2014
142,00
135,00
7,00
6.503,00
346,00
Total général
6.849,00
qu'il convient de ramener à la somme de 6 844 euros pour tenir compte du versement sus mentionné de 5 euros.
La cour n'est pas saisie de la seconde contrainte du 11 avril 2018 décernée pour avoir paiement de la somme de 8 460 euros (8 027 euros en cotisations et 433 euros en majorations de retard) et invoquée par M. [R] pour s'opposer à sa condamnation à paiement et la limiter subsidiairement à 2 054 euros.
Toutefois, il convient de répondre que l'URSSAF ne procède pas au recouvrement des mêmes périodes par les deux contraintes et que la dette de l'appelant ne peut être limitée comme il le demande.
Compte tenu des cotisations dues, déduction faite des paiements déjà imputés (relevé de situation précité), des sommes que M. [R] est condamné à payer par la validation de la contrainte en litige, il reste débiteur des cotisations et majorations de retard suivantes au titre de la contrainte du 11 avril 2008 (mises en demeure non versées aux débats)
Total
cotisations
majorations
a
régul 13
1.973,00
1.872,00
101,00
b
Régul 14
81,00
77,00
4,00
sous total a + b
1.949,00
105,00
Total général
2.054,00
ce qui est conforme aux explications de l'URSSAF qui indique que bien que M. [R] soit forclos à contester cette seconde contrainte, elle en a ramené le montant à la somme de 2 054 euros.
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a validé la contrainte du 20 août 2014 mais infirmé relativement aux montants.
Il sera également confirmé s'agissant des frais de signification de la contrainte.
Sur les dépens
L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de M. [R] qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du 14 décembre 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine en ce qu'il valide la contrainte en date du 20 août 2014 signifiée le 26 août 2014 outre majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement et condamne M. [R] au paiement de la somme de 73,38 euros au titre des frais de signification de la contrainte ;
L'infirme relativement aux montants ;
Statuant à nouveau :
Dit que la contrainte est validée pour un montant ramené à 6 844 euros ;
Condamne M. [R] à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne la somme de 6 844 euros, dont 6 498 euros de cotisations et 346 euros de majorations de retard ;
Y ajoutant :
Dit que la condamnation à paiement se substitue à l'exécution de la contrainte ;
Condamne M. [R] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT