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23/11/2022 | FRANCE | N°20/03724

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 23 novembre 2022, 20/03724


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/03724 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q2ST













Société [4]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRAN

ÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/03724 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q2ST

Société [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et Monsieur Séraphin LARUELLE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Septembre 2022 devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 26 Juin 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du tribunal judiciaire de NANTES

Références : 19/5814

****

APPELANTE :

Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON substituée par Me Audrey MOYSAN, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Mme [G] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Les 8 mars 2016, M. [Y] [K], salarié en tant que maçon au sein de la société [4] (la société), a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un canal carpien de la main gauche.

Le 29 mars 2016, il a complété une seconde déclaration de maladie professionnelle, cette fois-ci au titre d'un syndrome du canal carpien droit.

Dans les deux cas, il a joint un certificat médical initial établi le 15 février 2016, faisant état d'un 'syndrome du canal carpien bilatéral - électromyogramme confirmant le diagnostic - intervention à prévoir' avec prescription de soins sans arrêt de travail jusqu'au 23 mars 2016.

Par lettres datées des 11 juillet et 1er septembre 2016 et après envoi de questionnaires et enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) a notifié à la société la prise en charge des maladies 'syndrome du canal carpien gauche' et 'syndrome du canal carpien droit' au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

Contestant l'opposabilité de ces décisions aux motifs qu'elles sont entachées d'irrégularités et que les conditions médico administratives du tableau 57 C ne sont pas réunies, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettres des 24 août 2016 et 29 septembre 2016.

Par deux décisions du 14 octobre 2016, la commission a rejeté les demandes de la société et lui a déclaré les décisions de prise en charge opposables.

Le 14 décembre 2016, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire-Atlantique.

Par jugement du 26 juin 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :

- débouté la société de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la même aux dépens.

Le 15 juillet 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 29 juin 2020.

Par ses écritures parvenues au greffe le 5 mai 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, elle demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

- dire et juger inopposables les décisions de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie bilatérale déclarée par M. [K] ;

En conséquence :

- dire et juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la prise en charge de la pathologie bilatérale n'est pas à sa charge et ne doit pas figurer sur son compte employeur ;

En toutes hypothèses :

- condamner la caisse à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux dépens d'instance.

Par ses écritures parvenues au greffe le 2 août 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des prétentions de la société, y compris celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société verse aux débats à l'audience une pièce n°50 constituée du bulletin de salaire de M. [K] pour le mois de février 2016.

Cette communication est incontestablement tardive étant rappelé que la société avait conclu et transmis ses pièces dès le mois de mai 2021 et avait disposé d'un temps suffisant pour réagir aux conclusions de la caisse du mois d'août 2021 avant l'audience.

Cette pièce n'ayant pas été communiquée en temps suffisamment utile pour permettre à l'intimée de présenter ses observations motivées sur l'un des points l'opposant à l'appelante, il y a lieu, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile de l'écarter des débats.

1- Sur la régularité de l'instruction menée par la caisse

1-1 - Sur les mesures prises par la caisse et le principe du contradictoire

L'article R.441-11 III du code de la sécurité sociale dispose que : 'En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.'

Ainsi, lorsque l'employeur assortit de réserves la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle qu'il adresse à l'organisme de sécurité sociale, ce dernier est tenu de procéder à une instruction avant de prendre sa décision. A défaut, la prise en charge sera déclarée inopposable à l'employeur.

Pour autant et en dehors de l'hypothèse du décès de la victime, la caisse reste libre de mener l'instruction comme elle l'entend.

En l'espèce, en l'état des réserves présentées par l'employeur, la caisse a fait le choix de procéder dans un premier temps à l'envoi de questionnaires aux parties avant de mettre en oeuvre une enquête administrative concernant les deux pathologies déclarées par le salarié, clôturée le 6 juin 2016.

S'agissant du canal carpien gauche, M. [K] a complété le questionnaire qui lui était destiné le 25 mars 2016 ; la société a pour sa part, le 7 avril 2016, adressé à la caisse un rapport reprenant ses observations en contestant le caractère professionnel de la pathologie et en joignant un descriptif du poste de travail du salarié.

S'agissant du canal carpien droit, M. [K] a complété le questionnaire le 14 avril 2016 ; la société a pour sa part, le 25 avril 2016, adressé là encore une lettre contestant le caractère professionnel de la pathologie et renvoyant au descriptif de poste précédemment envoyé.

Dans le cadre de l'enquête diligentée à la suite des informations ainsi recueillies, l'agent enquêteur a eu un entretien téléphonique avec Mme [P], dont la société indique qu'elle était gestionnaire au département ressources humaines.

Ce faisant, la caisse a loyalement respecté le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer.

C'est en l'état des informations recueillies au cours de cette instruction et des colloques médico-administratifs des 6 et 8 juin 2016 que la caisse, qui n'avait aucune obligation de se rendre sur place, s'est estimée suffisamment éclairée pour prendre les décisions de prise en charge.

C'est également en vain que la société reproche à la caisse d'avoir manqué au principe du contradictoire en s'abstenant de lui communiquer les pièces du dossier avant la clôture de l'instruction malgré ses demandes des 7 et 25 avril 2016.

Selon en effet l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

Il est en l'espèce établi que la caisse a :

- transmis à la société les 15 mars et 11 avril 2016 la copie des déclarations de maladie professionnelle et du certificat médical initial, reçus par l'employeur les 17 mars et 14 avril ;

- informé la société, le 6 juin 2016 pour le canal carpien gauche et le 27 juin 2016 pour le canal carpien droit (courriers reçus les 9 et 30 juin), de ce que l'instruction était toujours en cours et qu'un délai complémentaire était nécessaire dans chaque dossier ;

- adressé à la société une lettre de clôture dans chaque dossier, le 20 juin 2016 pour le canal carpien gauche et le 11 août 2016 pour le canal carpien droit (reçues les 22 juin et 22 août) en l'informant de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier, la décision devant intervenir le 11 juillet 2016 pour le canal carpien gauche et le 1er septembre 2016 pour le canal carpien droit ;

- fait droit à la demande de transmission de la société (formalisée le 25 avril puis le 22 août 2016) en lui adressant :

* dans le dossier du canal carpien gauche, comme celle-ci l'admet dans sa lettre du 6 juillet 2016 : le certificat médical initial, le rapport d'enquête, le questionnaire du salarié, le courrier de réserves de l'employeur du 7 avril 2016 avec le descriptif de poste et le colloque médico-administratif ;

* dans le dossier du canal carpien droit, comme celle-ci l'admet dans sa lettre du 24 août 2016 : le certificat médical initial, la déclaration de maladie professionnelle, le courrier de réserves de l'employeur du 25 avril 2016, le questionnaire du salarié et le colloque médico-administratif.

Dès lors que l'employeur a été informé des différentes étapes de la procédure d'instruction de chaque déclaration de maladie professionnelle, la caisse, qui a de plus accepté d'adresser ces pièces à la société alors qu'elle n'était pas tenue de faire cet envoi, a satisfait de manière loyale et suffisante à l'obligation d'information de celui-ci de sorte qu'elle n'a pas méconnu le principe du contradictoire. (2e Civ., 27 janvier 2022, pourvoi n° 20-14.546)

Les premiers juges ont à juste titre écarté ce moyen d'inopposabilité.

1-2- Sur la régularité des décisions de prise en charge

- Sur l'absence de qualité de l'auteur de la décision

La caisse reste taisante sur l'existence, au profit des signataires respectifs des lettres de notification des 11 juillet 2016 (Mme [T]) et 1er septembre 2016 (M. [D]), d'une délégation spécifique pour prendre la décision de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie.

Toutefois, comme le souligne la caisse, le défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire de sécurité sociale, signataire d'une décision sur le caractère professionnel d'une maladie, n'a pas pour effet de rendre la décision inopposable à l'employeur qui conserve la possibilité d'en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social. (notamment 2° Civ., 23 janvier 2014, n° 13-12.216 ; 2e Civ. 22 octobre 2020, n° 19-21.889).

Dans ces conditions, la société ne saurait utilement se prévaloir d'un défaut de pouvoir de l'agent, auteur de la décision de prise en charge, alors qu'elle a été en mesure d'en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations incombant à la caisse.

Enfin, à supposer même l'existence d'irrégularités, le principe d'indépendance des rapports des assurés sociaux avec leurs caisses de sécurité sociale et ceux de ces dernières avec les employeurs s'oppose à l'annulation, à la demande des employeurs, des décisions prises par les caisses en faveur des assurés, dès lors que ceux-ci tiennent des décisions des caisses, lorsqu'elles leurs sont favorables, un droit irrévocable auquel il ne saurait être porté atteinte par une décision d'annulation, par nature opposable à tous.

Par suite, le moyen tiré de l'absence de qualité de l'auteur de la décision contestée ne saurait prospérer, comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges.

- Sur la motivation des décisions de prise en charge

L'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, tel qu'issu du décret du 29 juillet 2009 seul applicable à l'espèce à l'exclusion des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 qui en son article 6 n'impose une motivation que pour les décisions individuelles de refus de prise en charge, dispose que 'la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mentions des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droits, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire'.

En l'espèce, la lettre du 11 juillet 2016 adressée à la société portant pour objet 'Notification de prise en charge d'une maladie professionnelle dans le cadre des tableaux', est ainsi libellée :

'1 63 12 (...)

Prénom, Nom : [Y] [K] (...)

Date M.P : 15 février 2016

N° du dossier : 160215448

Madame, Monsieur,

Le dossier de votre salarié(e) a été examiné dans le cadre du 2ème alinéa de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort que la maladie syndrome du canal carpien gauche inscrite dans le tableau N° 57: Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail est d'origine professionnelle.

Cette maladie est prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Si toutefois, vous estimez devoir contester cette décision, vous devez adresser votre réclamation motivée, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception, à la commission de recours amiable de notre organisme situé:

Secrétariat de la Commission de Recours Amiable

de la Caisse d'Assurance Maladie

[Localité 3]

dans les deux mois suivant la réception de cette lettre, en joignant tout élément que vous jugerez utile pour l'examen de votre recours.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Votre correspondant Risques Professionnels,

[X] [T]'

La lettre du 1er septembre 2016 adressée à la société portant pour objet 'Notification de prise en charge d'une maladie professionnelle dans le cadre des tableaux', est ainsi libellée :

'1 63 12 (...)

Prénom, Nom : [Y] [K] (...)

Date M.P : 15 février 2016

N° du dossier : 160215446

Madame, Monsieur,

Le dossier de votre salarié(e) a été examiné dans le cadre du 2ème alinéa de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort que la maladie syndrome du canal carpien droit inscrite dans le tableau N° 57: Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail est d'origine professionnelle.

Cette maladie est prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Si toutefois, vous estimez devoir contester cette décision, vous devez adresser votre réclamation motivée, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception, à la commission de recours amiable de notre organisme situé:

Secrétariat de la Commission de Recours Amiable

de la Caisse d'Assurance Maladie

[Localité 3]

dans les deux mois suivant la réception de cette lettre, en joignant tout élément que vous jugerez utile pour l'examen de votre recours.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Votre correspondant Risques Professionnels,

[F] [D]'

Chacune de ces décisions comporte les mentions relatives aux modalités et délais de recours, et indique le nom du salarié ainsi que son numéro de sécurité sociale. Il est également indiqué que l'affection, qui est précisée, est inscrite au tableau n° 57 et qu'elle est prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle.

Par les précisions que contient chacune de ces décisions de prise en charge et qui garantissent l'identification de la victime, de la pathologie et du fondement juridique retenu à travers l'indication du texte et du tableau de la maladie professionnelle applicables, la société, qui se contente d'arguer de l'absence d'explications en droit et en fait venant justifier la décision litigieuse, n'établit nullement le défaut ou l'insuffisance de motivation.

La décision de prise en charge est en conséquence suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale.

En tout état de cause, le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai.

Le moyen tiré de l'absence de motivation a été là encore à bon droit écarté par les premiers juges.

2- Sur les conditions du tableau n°57 C

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, n° 03-11.968)

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326).

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n°16-10.017) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Le caractère habituel des travaux visés dans un tableau n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité (2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.005) et le bénéfice de la présomption légale n'exige pas une exposition continue et permanente du salarié au risque pendant son activité professionnelle (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-12.060).

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d'origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail.

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, de rapporter la preuve que la maladie qu'elle a prise en charge est celle désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (2e Civ., 30 juin 2011, n° 10-20.144).

Une fois la présomption d'imputabilité établie, il appartient à l'employeur de démontrer que l'affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail ( 2e Civ, 13 mars 2014, pourvoi n° 13-13.663).

Il n'est pas discuté en l'espèce que les pathologies en litige déclarées par M. [K] et prises en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle, à savoir un canal carpien droit et gauche, figurent au tableau n°57 C des maladies professionnelles sous la dénomination 'syndrome du canal carpien'.

Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 30 jours et les travaux susceptibles de provoquer cette maladie visés sont ceux 'comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main', cette liste étant limitative.

La condition tenant au délai de prise en charge n'est pas discutée, seule l'étant celle des travaux exposant au risque.

Dans ses questionnaires relatifs au canal carpien gauche et droit, complétés le 25 mars 2016 (gauche) et le 15 avril 2016 (droit), M. [K], qui se déclare droitier :

- indique qu'il occupe le poste/métier de maçon ;

- répondant à la rubrique 'détaillez le plus précisément possible les travaux réalisés sur la journée de travail, la cadence, etc.', mentionne 'pose de pierre de taille - faire le mortier - ravitailler en pierre petite moyenne, grosse - les grosses casser à la masse - travailler les angles à la massette et à la chasse - couper au lapidaire ou tronçonneuse thermique' ;

- ajoute utiliser un marteau piqueur de 5 kg, un lapidaire de 3 kg, une tronçonneuse thermique de 7 kg, une masse de 3 kg, une massette de 1,5 kg, un seau béton de 20 à 25 kg, un sac de ciment de 35 kg et un parpaing semi plein de 20 kg ;

- attribue sa maladie professionnelle aux gestes répétitifs et pendant plusieurs heures accomplis avec une massette ou le marteau ou la truelle, ainsi qu'au fait de porter et de soulever ;

- considère au final qu'il accomplit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ainsi que des mouvements de préhension de la main et un appui carpien ou une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

Aux termes de son descriptif du poste de travail de M. [K] adressé à la caisse le 7 avril 2016, la société indique que le salarié est depuis son embauche affecté à des travaux de :

- 'maçonnerie' : 'traçage au sol, montage d'échafaudage, coffrage de linteaux et poteaux, coulage de béton, montage de parpaings',

- 'finitions' : 'préparation des supports (nettoyages...), application d'enduit de finition, réalisation de seuils et appuis'.

Elle termine en indiquant que le salarié 'n'effectue pas de mouvements répétés ou prolongés impliquant le poignet ou le talon de la main compte tenu du fait que son poste comporte des tâches multiples dont aucune ne dépasse 25% de son temps de travail journalier'.

La société reconnaît ainsi dans son rapport que M. [K] effectuait des travaux de maçonnerie et de finition, lesquels, au regard de leur description faite par le salarié et par la société pour ceux qu'elle admet, impliquent à tout le moins des mouvements répétés d'extension du poignet ou de préhension de la main ne serait-ce que pour saisir et manier le matériel et les produits mis à disposition dont l'employeur ne conteste pas l'utilisation par son salarié.

Il importe peu que les mouvements d'extension ou de préhension accomplis par M. [K] n'aient pas eu un caractère continu ou permanent, aucune durée minimale d'exposition au risque n'étant en effet exigée. Il suffit qu'ils aient été effectués de manière habituelle et répétée, ce qui était le cas au regard des conditions de travail du salarié occupant, aux dires-mêmes de l'employeur, un poste de maçon, fût-il chef d'équipe.

Enfin, il ne peut être tiré aucun argument utile, en terme d'exposition au risque, du certificat médical établi le 29 décembre 2015 par le médecin traitant de M. [K] indiquant que l'état de santé de ce dernier 'lui permet de reprendre son travail sans risque apparent ou décelable actuellement' ni de l'avis d'aptitude du médecin du travail émis le 27 janvier 2016 dans le cadre d'une visite de reprise dans les suites d'une maladie ou d'un accident qualifié précisément par le praticien de 'non professionnel'.

La condition tenant aux travaux étant ainsi remplie, force est de constater que la présomption précitée s'applique.

La société ne rapportant pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail qui ne peut au surplus se déduire du caractère bilatéral du syndrome, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la prise en charge des deux pathologies au titre de la législation professionnelle lui était opposable.

Le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé en toutes ses dispositions.

3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 2 000 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette des débats la pièce n°50 des productions de la société [4] ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la société [4] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [4] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/03724
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;20.03724 ?
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