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01/12/2022 | FRANCE | N°19/03650

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 01 décembre 2022, 19/03650


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°525/2022



N° RG 19/03650 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P2G4













M. [A] [R]



C/



SARL GARAGE [X]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS

DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°525/2022

N° RG 19/03650 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P2G4

M. [A] [R]

C/

SARL GARAGE [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Octobre 2022

En présence de Madame Florence RICHEFOU, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [A] [R]

né le 08 Octobre 1962 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Marie MLEKUZ de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SARL GARAGE [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Dominique MORIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Garage [X] exploite deux Garages, l'un à [Localité 4] et l'autre à [Localité 5].

M. [A] [R] a été embauché par la SARL Garage [X] selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 28 juin 1999. Il exerçait les fonctions de mécanicien automobile, puis d'expert automobile à compter du 1er juin 2003 et en dernier lieu les fonctions de peintre petite carrosserie mécanicien à compter du 1er mars 2009, il exerçait ses fonctions à [Localité 5], puis à [Localité 4] à compter de 2007.

Le 25 mars 2017, M. [R] s'est vu notifier un avertissement, l'employeur lui reprochant des 'dérapages verbaux' vis-à-vis de ses collègues, un 'comportement quasi-irrespectueux, inconvenant et provocateur' ainsi qu'une agressivité verbale et une attitude négative envers ses supérieurs hiérarchiques.

À compter du 1er avril 2017, le salarié était placé en arrêt maladie.

Par courrier en date du 10 avril 2017, M. [R] a contesté les faits reprochés dans le cadre de l'avertissement.

Par courrier en date du 16 juin suivant, la société Garage [X] a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 26 juin 2017.

Par courrier recommandé en date du 30 juin 2017, M. [R] s'est vu notifier un licenciement pour faute grave aux motifs d'avoir regardé sous la jupe d'une collègue au moyen d'un miroir sur ses chaussures, d'avoir eu un comportement agressif, irrespectueux et inapproprié à l'égard de ses collègues et des dirigeants et d'avoir tenu des propos offensants ou humiliants à l'égard de ses collègues.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 19 septembre 2017 afin de voir :

- Condamner la SARL Garage [X] au paiement des sommes et indemnités suivantes :

- 4 536,74 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 453,67 euros brut à titre de congés payés sur préavis,

- 10 585,72 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

- 25 104 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société aux entiers dépens.

La SARL Garage [X] a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Dire et juger que le licenciement pour faute grave est justifié

- Condamner M. [R] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage en date du 07 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Débouté Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné Monsieur [R] aux entiers dépens.

***

M. [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 04 juin 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 septembre 2022, M. [R] demande à la cour de :

- Infirmer le Jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rennes le 7 mai 2019,

- Dire et juger que le licenciement notifié par courrier du 30 juin 2017 est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- En conséquence, condamner la Société Garage [X] à lui payer les sommes suivantes :

- 4 536,74 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 453,67 euros brut à titre de congés payés sur préavis,

- 10 585,72 euros net à titre d'indemnité de licenciement

- 25 104 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dire que les sommes allouées porteront intérêt de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire, - Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année à laquelle les intérêts au taux légal sont dus,

- Rejeter l'ensemble des moyens, fins et conclusions de la Société Garage [X],

- Condamner la Société Garage [X] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA 12 septembre 2022, la SARL Garage [X] demande à la cour de:

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [R] est justifié.

- Débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- Le condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens éventuels.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 27 septembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 17 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :

-1) avoir regardé sous la jupe d'une de ses collègues au moyen de rétroviseurs dont il avait muni ses chaussures, 'comportement dégradant et humiliant de voyeurisme portant atteinte à la dignité' de la collègue de travail qui 'pourrait recevoir la qualification de harcèlement sexuel',

-2)avoir tenu de façon répétitive et permanente des propos graveleux en présence notamment du personnel féminin,

3)avoir cherché à en découdre physiquement avec certains collègues de travail, en en venant rmême aux mains avec l'un d'eux en le prenant par le col,

4)avoir affublé ostensiblement ses collègues de sobriquets offensants ou humiliants, ce de façon systématique et dans des proportions plus graves que celle celles appréhendées lors de l'avertissement, sobriquets tels que 'corps creux', 'le nain' , 'payé trop cher',

5) avoir déclaré à propos du gérant 'je vais me le faire',

6)avoir adopté une posture de défi en refusant de retourner la note de service avisant de la mise en place d'un système de video surveillance alors que ce dernier n'est pourtant pas susceptible d'être utilisé pour contrôler son activité,

7)avoir, de façon acerbe, sommé la secrétaire de rechercher et imprimer des informations issues d'internet relatives à la video surveillance en entreprise,

8)ne pas se conformer aux obligations de pointage lors de l'entrée et sortie dans l'entreprise avec toutes les conséquences qui en découlent,

9)avoir persisté, malgré les observations déjà faites à ce sujet, à refuser d'affecter les temps de travail au dos des ordres de réparations, ce qui est problématique en cas de litige sur le contrôle du temps facturée et pour l'analyse comptable de l'activité,

10)ne pas assurer la gestion des stocks de peinture ce qui constitue une négligence fautive,

11)avoir effectué la vente de son véhicule Peugeot 106 dans les locaux de l'entreprise, sur le temps de travail et sans autorisation, en profitant de l'absence du gérant,

12)avoir accompli des travaux de peinture sur la voiture d'un collègue sans autorisation, en utilisant le matériel et les produits de l'entreprise.

M. [R] critique les premiers juges en ce qu'ils ont commis selon lui une erreur de droit et de fait dans l'appréciation des faits de l'espèce qui leur étaient soumis, d'autant que paradoxalement ils ont admis que certains de ceux-ci ont été autorisés par une tolérance de l'employeur.

Il leur reproche de :

-n'avoir pas apprécié avec prudence les affirmations de Mme [U] alors qu'elle se contredit ou est contredite par des pièces du dossier, ni les autres attestations produites par l'employeur, rédigées en termes dépourvus de mesure,

-avoir opéré une lecture partiale des attestations versées aux débats, retenant celles de salariés placés dans un lien de dépendance économique avec l'employeur,

-retenu des propos ne le concernant pas mais attribués à son collègue M. [T] licencié en même temps que lui pour les mêmes motifs (avoir dit à un collègue, M. [K], 'c'est ta femme cà, si tu veux je m'en occupe si elle n'est pas satisfaite')

-n'avoir pas retenu les nombreuses attestations que lui-même produit, émanant d'une part d'anciens salariés connaissant parfaitement le mode de fonctionnement du garage et de ses dirigeants, d'autre part de salariés toujours en poste lorsqu'ils ont attesté,

-n'avoir pas tenu compte de la différence de position entre lui, qui ne dispose contrairement à l'employeur d'aucun lien d'intérêt ni moyen de pression vis-à-vis des salariés qui ont eu le courage de témoigner en sa faveur, et son employeur qui occupe une place non négligeable dans les instances de la profession et au sein du réseau Peugeot,

-n'avoir pas tenu compte que les faits se sont déroulés au sein du garage où la parole entre collègues, envers les représentants de l'employeur ou l'employeur lui-même est particulièrement familière et vive sans que cela n'ait généré la moindre objection de l'employeur durant de très nombreuses années, l'employeur ne pouvant donc lui reprocher le 'contexte masculin'que les premiers juges ont retenu à sa charge,

-avoir retenu une consommation d'alccol relatée dnns des attestations versées par l'employeur alors qu'il ne s'agit pas d'un fait visé dans la lettre de licenciement,

-avoir retenu, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, un fait (le premier grief visé dans la lettre) unique, imprécis et que lui-même dément, et l'avoir mis en perspective avec'une attitude de toute puissance et d'insoumission, de propos dégradants à l'égard du personnel', 'de défiance de tout contrôle', faits tout aussi imprécis, et ' d'accès de colère', fait non visé dans la lettre de licenciement.

Il soutient que les premier, troisième, sixième, huitième et onzième griefs visés dans la lettre sont prescrits, qu'ils sont en tout état de cause infondés, tout comme l'ensemble des autres griefs, qu'il conteste, ajoutant que certains griefs, comme le défaut de pointage, le défaut de mention des heures réalisées sur les ordres de réparation, n'ont pas été abordés lors de l'entretien préalable ou ont déjà été sanctionnés par l'avertissement.

La société intimée expose qu'au cours de l'année 2017 notamment, elle a dû déplorer le comportement conspirateur, néfaste et pernicieux d'un petit groupe de salariés perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en effet, elle avait embauché M. [D], qui a occupé à partir du 1er septembre 2015 le poste de chef d'atelier mais qui, en cette qualité, n'a hélas pas joué son rôle de coordinateur entre la direction et le personnel de production placé sous son autorité mais, tout au contraire, a instigué un esprit de cabale et contestation devenant systématique, avec principalement l'écoute et le soutien de M. [R] et M. [T] ; que, par sa personnalité et ses fonctions, ce chef d'atelier a déstabilisé bon nombre de personnes durant son court passage dans l'entreprise ; que M. [D] a démissionné le 3 février 2017; que dans ce contexte de départ du chef de l'atelier de [Localité 5], M. [X] a été conduit à donner des directives, notamment à remettre en cause l'autorisation qu'il avait donnée à titre expérimental en octobre 2015 au salarié, en raison de l'activité de loisir de celui-ci (pêche et concours de pêche) de s'absenter les lundis ou vendredis, à condition que le travail soit bien fait, s'attirant un comportement furieux et provocateur de M. [R] notamment, lequel, ainsi que son collègue M. [T], confortés dans une posture de défiance et de revendication par leur supérieur hiérarchique direct, avaient peu à peu pris le parti de refuser progressivement de se conformer aux règles du travail instituées par l'employeur, de ne pas respecter certains de leurs collègues et la direction, voire même de provoquer cette dernière, et, s'agissant de M. [R], de profiter de la souplesse avantageuse concédée par l'employeur pour ne pas effectuer 37 heures hebdomadaires et prendre le lundi, et parfois le vendredi, comme si cela constituait un dû ; que la collusion entre ce petit groupe de personnes, dont M. [R] produit les attestations, a duré au-delà de leur période d'emploi au garage [X].

Ele fait valoir que certains des griefs constituent, en soi, non seulement des motifs réels et sérieux de licenciement mais encore rendaient impossible le maintien du salarié à son poste, leur conjugaison constituant de toute évidence une faute grave ; que le juge départiteur a principalement retenu comme consitutif d'une faute d'une particulière gravité le comportement du salarié à l'égard de Mme [U], ne commettant sur ce point aucune erreur d'appréciation ou de droit comme le fait conclure M. [R], mais qu'il n'en demeure pas moins que cette faute n'était pas isolée et que les autres griefs méritent également d'être retenus, les moyens issus de leur caractère prétendument toléré, prescrit ou déjà sanctionné par l'employeur n'étant pas pertinents ; que, si M. [R] s'étonne du crédit limité que le conseil de prud'hommes a accordé aux témoignages qu'il produisait en première instance, la raison est à chercher notamment dans la collusion, dans leurs écrits, des anciens salariés du garage [X] qui sont tous les préposés ou employeurs les uns des autres et ont conservé des liens étroits, ou dans la production d'écrits de deux jeunes apprentis dont ils ont exploité la crédulité et qui ont accepté de signer des attestations dactylographiées que ceux-ci ne peuvent, au vu de la manière dont elles sont rédigées et qui ne leur correspond pas, en aucun cas avoir rédigées eux-mêmes ; que l'ensemble de ces attestations visent, pour les discréditer, à salir M. et Mme [X], Mme [U] et les salariés qui ont produit des attestations au soutien des faits visés dans la lettre de licenciement mais ont sucité l'indignation des salariés en poste ; que M. [R] et son collègue licencié comme lui ont même tenté d'instrumentaliser contre l'employeur le suicide d'un salarié survenu le 26 mai 2017. Elle précise que les faits reprochés au salarié se sont produits en l'absence de M. [X], que c'est alors que l'absence de M.[R] et M. [T] se prolongeait que M. [X] a pris connaissance des faits dans toute leur ampleur, au fur et à mesure que les langues des collègues se déliaient sur leurs récriminations à l'égard de ces derniers, et qu'il a même encore appris des comportements répréhensibles à la lecture des attestations obtenues dans le cadre de la présente instance, dont il n'a donc pas pu faire état à l'appui du licenciement, notament les consommations d'alcool dans l'atelier.

***

Contrairement à ce que soutient M. [R], le premier juge n'a aucunement retenu les consommations d'alcool sur le lieu de travail évoquées dans certaines attestations versées aux débats, mais qui ne sont pas visées dans la lettre de licenciement et par conséquent pas dans le débat.

De même, il ressort de la motivation du jugement entrepris que le conseil de prud'hommes a examiné les attestations produites par les deux parties et, s'il a retenu les attestations de Mme [U] et de Mme [W] critiquées par M. [R], c'est en prenant soin, particulièrement dans l'examen de celle de cette dernière, du fait de ses liens familiaux avec les dirigeants du garage, de vérifier qu'elles étaient corroborées, retenant notamment que la réalité de propos très portés sur le sexe prêtés habituellement à M. [R] par les deux femmes ainsi que par d'autres salariés était confirmée par certaines des attestations versées aux débats par M. [R] lui-même, la reconnaissance par M. [T] établissant la matérialité du fait évoqué par l'employeur au titre du premier grief;

il a donc formé sa conviction, ce qui est son office, sur la crédibilité des différentes attestations qui lui étaient soumises, et de la position exprimée par M. [R], lequel affime qu'il n'était pas présent lors de cet épisode, à partir de l'ensemble des éléments versés aux débats.

La société [X] établit, sans être spécifiquement contestée sur ce point par M. [R], que M. [D] a embauché l'appelant, ainsi que les deux ex apprentis du garage [X] M. [P] et [E], dans l'entreprise (un garage) qu'il avait créée, et que M. [T], qui a ouvert un garage au Rheu, a embauché de son côté M. [G] ; que Mmes [O], [N], [C], dont il produit également les attestations, sont les compagnes ou ex compagnes respectivement de lui-même, de M. [T] et de M. [D].

Les critiques qu'il formule à l'encontre des attestations de l'employeur au motif des liens personnel, de subordination ou d'intérêts entretenus avec l'employeur par leurs auteurs peuvent donc s'appliquer également à celles que lui produit.

Toutefois, si Mme [U] a fait état de pressions de M. [G] et de M. [S] pour qu'elle revienne sur ses déclarations, les allégations de M. [P] selon lesquelles il aurait subi des pressions au garage [X] de la part de l'employeur pour revenir sur les siennes sont démenties par les explications et pièces 101 à 104, 116, 132 à 134 versées aux débats par l'intimé ; l'argument, surprenant, selon lequel M. [X] pourrait user de sa position, du reste non précisée, au sein 'des instances de la profession et dans le réseau Peugeot' pour exercer des pressions sur ses salariés, ne repose sur aucun fondement, M. [R] n'indiquant pas en quoi de tels éléments pourraient avoir un quelconque rapport avec le débat instauré sur les faits qui lui sont reprochés.

Le premier juge a retenu avec raison, au soutien de la crédibilité de Mme [U], le caractère mesuré, sans exagération, et contextualisé des propos contenus dans son attestation et, si M. [R] souligne que des attestations versées par la partie adverse sont, de son point de vue, dépourvues de mesure, il s'agit d'attestations suscitées en retour par celles que lui-même produit, notamment en cause d'appel, qui conduisent ces attestants à décrire, notamment, M. [R] et son collègue M. [T] comme des 'collègues toxiques' et à dénoncer leurs productions aux débats comme étant 'calomnieuses'.

Comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, si Mme [U] a été imprécise en ce qui concerne la date des faits lors de l'enquête diligentée par la CPAM, elle a pu reconstituer cette date et affirmer qu'ils s'étaient déroulés précisément le 17 janvier 2017, date à laquelle M. [R] était bien présent à l'atelier. Il n'est pas nécessaire que la date soit précisée dans la lettre de licenciement, il suffit qu'elle puisse être vérifiée.

Ce qui est relevé de contradictoire par M. [R] dans les déclarations de Mme [U] à propos des vestiaires s'explique par le fait qu'elles consituent des réponses à des allégations adverses successives, étant précisé que les 'vestiaires'dont il est question se situent dans la salle de pause, et ce qui est relevé d'inexact sur la cause de son licenciement énoncée lors de la plainte déposée au commissariat pour calomnie est explicable par l'ignorance du contenu exact de la lettre de licenciement notifiée dont elle n'a pas vocation à avoir une connaissance directe, mais est sans incidence, ni sur la saisine du service d'enquête, ni sur la discussion des griefs énoncés dans la lettre.

Par contre, certaines allégations dont se prévaut M. [R] sont contredites par des éléments objectifs, ainsi celles de M. [D] contredites matériellement par des constatations d'huissier, notamment sur ce que pouvait voir, ou non, de la scène des miroirs sur les chaussures, depuis son bureau vitré, Mme [W], secrétaire, et celles de l'appelant lui-même sur le nombre de personnes ce jour-là, confrontée à la pièce 96 adeverse (capture d'écran des absences).

Mme [U] a précisé ne s'être confiée à Mme [W] que plusieurs mois après les faits et à l'employeur, en la personne de M. [X], seulement en juin 2017, une semaine avant son départ en vacances, sur les conseils de son conjoint. Mme [W] a indiqué avoir reçu les confidences de sa collègue en mai 2017. Le sentiment d'humiliation ressenti par Mme [U], qui transparait dans son attestation, notamment lorsqu'elle explique qu'elle s'est accroupie pour échapper à cette intrusion dans son intimité, est en cohérence avec une dénonciation tardive du fait par celle qui en a été victime, et de discrétion de celle qui a reçu sa confidence, même si elle est la soeur du dirigeant mais, employée en qualité de secrétaire, n'a aucune fonction hiérarchique. L'employeur rapporte la preuve qu'il n'a eu connaisance du fait qu'en juin 2017, l'appelant n'établit pas le contraire. Le fait n'est donc pas prescrit.

Il est établi que M. [R] n'a pas signé ni retourné l'accusé de réception de la note de service relative à l'installation d'un système de video surveillance et ne peut prétendre que cela ne lui a pas été demandé puisqu'il est établi que par exemple M. [E] l'a signé. Pourtant, il ne s'agit pas d'une demande d'accord, mais de simple accusé de l'information, le refus de signer est donc un acte d'insubordination et, persistant entre l'avertissement et la date d'engagement de la procédure de licenciement, présente un caractère continu de sorte qu'il n'est pas prescrit. Il confirme le contexte comportemental décrit par l'employeur. Ce sixième grief, visé dans la lette, est établi.

Il est également établi par de nombreuses attestations concordantes (pièces 11 à 18 de l'intimé notamment) que M. [R] utilisait de manière habituelle des surnoms désobligeants et même humiliants à l'égard de certains de ses collègues, de sorte que le quatrième grief visé dans la lettre est également établi.

L'attitude de toute puissance et d'insoumission, de propos dégradants à l'égard d'autres membres du personnel et de défiance à l'égard de tout contrôle, décrite par les premiers juges, s'appuient donc sur des faits précis.

Dans ce contexte relationnel, il est exclu que l'épisode du miroir sur les chaussures ait été une simple blague de potache et les surnoms donnés aux collègues de l'humour sans malveillance.

Le comportement dégradé décrit, tel qu'il a pu être dénoncé à la faveur de l'absence prolongée de M. [R] et de son collègue, imposait une réaction de l'employeur, sous peine pour celui-ci d'engager son obligation de sécurité.

Les faits ci dessus retenus comme établis ne permettaient pas le maintien de M. [R] dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement qui lui a été notifié repose sur une faute grave et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimée ses frais irrépétibles d'appel, qui seront mis à la charge de M. [R] à hauteur de 1000 euros.

M. [R], qui succombe, doit être débouté de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel, et condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. [A] [R] à payer à la Sarl Garage [X] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute M. [A] [R] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M.[A] [R] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/03650
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.03650 ?
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