9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/00382
- N° Portalis DBVL-V-B7D-PO36
Société [4]
C/
URSSAF BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Novembre 2022 devant Madame Elisabeth SERRIN et Madame Véronique PUJES, magistrats chargés de l'instruction de l'affaire, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 10 Décembre 2018
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan
Références : 21700509
****
APPELANTE :
Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Emeric BERNERY, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE
TSA 40015
[Localité 3]
représentée par Mme [G] [I] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
A la suite d'un contrôle relatif à la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) a notifié à la société [4] (la société) une lettre d'observations du 6 juin 2016 portant sur trois chefs de redressement pour un montant de 446 166 euros, dont 416 301 euros de rappel de cotisations et 29 865 euros de majoration de redressement complémentaire.
Par lettre du 5 juillet 2016, la société a fait valoir ses observations sur le chef de redressement n°1 relatif au constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié de M. [D] [T].
En réponse, par lettre du 28 juillet 2016, l'inspecteur a maintenu le redressement critiqué.
L'URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 9 septembre 2016 pour avoir paiement des cotisations et de la majoration de redressement complémentaire notifiées dans la lettre d'observations, ainsi que des majorations de retard y afférentes, pour un montant total de 509 103 euros.
Contestant tant la régularité de la mise en demeure que le bien-fondé et le montant des chefs de redressement relatifs au constat de travail dissimulé d'une part et les annulations des exonérations dites Fillon et Loi TEPA d'autre part, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre du 4 octobre 2016.
Par décision du 27 avril 2017, la commission a confirmé la régularité de la mise en demeure ainsi que le bien-fondé et le montant des chefs de redressement. Les pièces au dossier ne permettent pas de savoir à quelle date cette décision a été notifiée.
Le 27 juillet 2017, après rejet explicite de sa réclamation, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan qui, par jugement du 10 décembre 2018, a :
- déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;
- rejeté toutes les demandes de la société ;
- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 27 avril 2017 ;
- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 509 103 euros ;
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 17 janvier 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 20 décembre 2018.
L'appelante a régulièrement fait parvenir ses écritures par le RPVA le 15 janvier 2021.
Le 13 mai 2022, les parties ont été convoquées à l'audience du 23 novembre 2022.
L'URSSAF a fait parvenir ses premières écritures le 9 novembre 2022.
Par courrier électronique du 17 novembre 2022, le magistrat chargé de l'instruction des affaires a communiqué aux parties les extraits du BODACC portant :
- publication du jugement du 5 octobre 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société et désignant d'une part M° [K] pour assister le débiteur, d'autre part M° [S] en qualité de mandataire judiciaire,
- publication du jugement du 7 mars 2018 arrêtant le plan de redressement pour une durée de 10 ans et nommant M° [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
L'URSSAF a déposé de nouvelles conclusions le 22 novembre 2022 tendant à la fixation de sa créance à la somme de 45 418 euros au lieu de 296 743 euros.
A l'audience du 23 novembre 2022, le conseil de l'appelante a sollicité un renvoi pour pouvoir répondre aux conclusions de l'intimée.
Les parties ont été interrogées sur le point de savoir si l'URSSAF avait déclaré sa créance et ont été invitées à s'expliquer sur l'interruption de l'instance par l'effet de l'ouverture de la procédure collective.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le fait générateur de la créance dont l'URSSAF entend se prévaloir à l'encontre de la société est antérieure au jugement du 5 octobre 2016 d'ouverture de la procédure collective.
Lorsque la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 27 juillet 2017 d'une opposition à la mise en demeure, elle faisait déjà l'objet de la procédure collective et un administrateur avait été désigné pour l'assister.
Aucune des mentions du jugement entrepris ne permet de retenir que les premiers juges ont été informés de l'ouverture de cette procédure collective. Les organes de la procédure n'apparaissent pas avoir été appelés à l'instance et c'est dans ces circonstances que, sur la demande reconventionnelle de l'organisme, la société a été condamnée à payer les causes du redressement.
La société fait à ce jour l'objet d'un plan d'apurement du passif et un commissaire à l'exécution du plan a été désigné.
L'article L. 622-21 du code de commerce pose le principe de l'interruption ou de l'interdiction de toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective.
Ces dispositions ne sont pas applicables à l'action engagée contre l'URSSAF par la société qui conteste la régularité et le bien-fondé du redressement qui lui a été notifié.
Se pose en revanche la question du sort de la créance de l'URSSAF en ce qu'elle ne peut tendre qu'à la fixation de sa créance, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à la contestation de l'appelante, quand bien même l'organisme a-t'il réduit ses prétentions.
Encore faut-il vérifier que cette fixation est possible.
Il est justifié dans ces conditions de décerner injonction à l'URSSAF de verser aux débats la justification de la déclaration de sa créance, la décision prise par le juge commissaire à la suite de cette déclaration, de préciser si une contrainte a été émise et signifiée, si l'organisme a demandé son admission à titre définitif et quelle décision le juge commissaire a prise sur cette demande.
En outre, un renseignement officiel sera pris auprès du commissaire à l'exécution du plan en l'invitant à préciser si la créance de l'URSSAF a été portée sur l'état des créances déclarées, dans l'affirmative pour quel montant et à quel titre (provisionnel ou définitif), si le juge commissaire a pris une décision de sursis à statuer au regard de l'instance en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, et enfin, si dans le cadre de l'exécution du plan, des dividendes sont versés à l'URSSAF.
Comme l'a jugé la Cour de cassation, il résulte des articles L. 622-24, alinéa 4, du code de commerce et L. 244-9 du code de la sécurité sociale que les créances des organismes de sécurité sociale, qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire, constitué par une contrainte, au moment de leur déclaration, ne peuvent être admises qu'à titre provisionnel pour leur montant déclaré, à charge pour l'organisme créancier d'établir définitivement sa créance, à peine de forclusion, dans le délai fixé par le tribunal, en application de l'article L. 624-1 du code de commerce, pour l'établissement de la liste des créances déclarées (Com., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-12.255).
Dans l'immédiat, il sera sursis à statuer et la radiation de l'affaire sera ordonnée.
L'affaire sera rétablie au rang des affaires en cours, sous réserve de sa péremption, à la demande de la partie la plus diligente, demande qui devra être accompagnée de ses conclusions et de son bordereau de communication de pièces.
Il appartiendra aux parties de conclure, même à titre subsidiaire, sur les conséquences qu'il convient de tirer de l'accomplissement des diligences définies à l'article L. 622-24 précité, ou de l'absence de ces diligences.
Rien n'interdit à l'appelante de satisfaire elle-même aux demandes de la cour en tant que les renseignements demandés sont en sa possession.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Sursoit à statuer ;
Décerne injonction à l'URSSAF de verser aux débats la justification de la déclaration de sa créance, la décision prise par le juge commissaire à la suite de cette déclaration, de préciser si une contrainte a été émise et signifiée, si elle a demandé son admission à titre définitif et à justifier de la décision prise par le juge commissaire sur cette demande ;
Ordonne un renseignement officiel ;
Invite M° [X] [S] [Adresse 1] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société [4] à préciser (avec les références du présent arrêt)
- si la créance de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne a été portée sur l'état des créances déclarées,
- dans l'affirmative pour quel montant et à quel titre (provisionnel ou définitif)
- si le juge commissaire a pris une décision de sursis à statuer au regard de l'instance en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale,
- si dans le cadre de l'exécution du plan, des dividendes sont versés à l'URSSAF ;
Ordonne la radiation de l'affaire ;
Dit que l'affaire sera rétablie au rang des affaires en cours, sous réserve de sa péremption, à la demande de la partie la plus diligente, demande qui devra être accompagnée de ses conclusions et de son bordereau de communication de pièces ;
Dit qu'il appartiendra aux parties de conclure, même à titre subsidiaire, sur les conséquences qu'il convient de tirer de l'accomplissement des diligences définies à l'article L. 622-24 précité, ou de l'absence de ces diligences ;
Dit que le présent arrêt sera notifié à M° [S] par les soins du greffe.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT