COUR D'APPEL DE RENNES
N° 22/443
N° N° RG 22/00739 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TMDR
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Liliane LE MERLUS, conseillère à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Elodie CLOATRE, greffière,
Statuant sur l'appel formé le 26 Décembre 2022 à 12 heures 27 par :
M. [T] [D] [Z]
né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 3] (TCHAD)
de nationalité Tchadienne
ayant pour avocat Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 24 Décembre 2022 à 13 heures 30 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, la demande formulée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [D] [Z] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 24 Décembre 2022 à 12 heures 05;
En présence de M. [R] muni d'un mandat aux fins de représenter le préfet d'Ille et Vilaine, dûment convoqué,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé (avis du 27/12/2022),
En présence de [T] [D] [Z], assisté de Me Nathalie DUPAS, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 28 Décembre 2022 à 09 H 15 l'appelant et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et le 28 Décembre 2022 à 12 heures 00, avons statué comme suit :
M. [T] [D] [Z] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 22 décembre 2022 par le préfet d'Ille et Vilaine.
En exécution d'une décision prise par le préfet le même jour, il a été placé en rétention administrative le même jour à compter de 12 heures 05.
Par requête du 23 décembre 2022, monsieur [Z] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'un recours à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative ;
Par requête du 23 décembre 2022, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de vingt-huit jours de la rétention administrative de l'étranger ;
Par ordonnance rendue le 24 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté le recours dirigé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, rejeté les exceptions de nullité soulevées, et prolongé la rétention de M. [Z] pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 24 décembre 2022 à 12 heures05, décision notifiée à l'intéressé le jour même à 13 heures 30 ;
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 décembre 2022 à 12 heures 27, M. [Z] a formé appel de cette ordonnance ;
L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, et par le biais de son conseil, les moyens suivants :
-l'irrégularité du contrôle d'identité dont il a fait l'objet, entachant d'irrégularité la procédure de rétention.
Il sollicite par ailleurs la condamnation de l'autorité requérante au versement de la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Le préfet d'Ille et Vilaine réplique que M. [Z] n'avait ni droit ni titre pour occuper les lieux et que le contrôle d'identité, destiné à prévenir une atteinte à l'ordre public était légal dans ce cadre quel que soit le comportement de l'intéressé qui en l'occurrence refusait de quitter les lieux. Il sollicite la confirmation de la décision entreprise.
Le Procureur Général, suivant avis écrit du 27 décembre 2022, sollicite l'infirmation de la décision entreprise.
Les mémoires et avis susvisés ont été mis à disposition des parties avant l'audience.
À l'audience, M. [Z] , par la voix de son conseil, maintient les termes de son mémoire d'appel.
Il soutient que, s'il avait refusé de quitter les lieux à la demande de la présidente du Crous, il a présenté aux policiers sa carte d'étudiant et qu'ils lui ont demandé de le suivre, sans qu'il lui soit demandé spécifiquement de quitter la résidence ni qu'il ait exprimé un refus de le faire.
SUR QUOI,
L'appel est recevable, pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits ;
- sur le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité
Il résulte du procès-verbal de compte rendu administratif après traitement de la procédure de police dressée par le commissariat de Rennes que l'unité de service général a été appelée, via le numéro d'urgence 17, par la directrice du Crous de Rennes pour un individu perturbateur au sein de la résidence étudiante située [Adresse 2], identifié ensuite en la personne de M. [Z] ; une telle situation est susceptible de créer un trouble à l'ordre public, en générant une situation de danger pour les personnes et les biens de cette résidence, pouvant justifier que le service de police intervenant prévienne une atteinte à l'ordre public créée par ce comportement, conformément à l'article 78-2 du code de procédure pénale, visé à la procédure, dont les dispositions prévoient que 'l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinea, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens'.
Il résulte du procès-verbal de saisine que sur ordre de l'OPJ de service les agents de police composant la patrouille se sont transportés sur les lieux ,qu'ils ont constaté la présence d'un individu assis au fond d'une pièce, désigné par la directrice comme refusant de quitter les lieux alors qu'il n'avait rien à y faire, n'étant pas répertorié, et que, prenant contact avec l'individu, ils lui ont expliqué la situation mais qu'il a refusé de quitter les lieux sans avoir eu une solution d'hébergement ; qu'ils ont alors effectué une palpation de sécurité qui a révélé que l'intéressé n'était porteur d'aucun objet dangereux pour lui-même ou pour autrui ; qu'au vu de 'ce qui précède', c'est à dire les éléments de fait exposés, ils ont décidé de procéder à un contrôle d'identité conformément aux dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale.
Le Procureur Général près la Cour observe toutefois que les motifs du contrôle d'identité exposés dans le procès-verbal de saisine du 21décembre 2022 sont trop vagues pour permettre de vérifier le respect des conditions imposées par l'article 78-2 du code de procédure pénale.
De fait, si l'analyse de la situation permet de présumer que le service de police est intervenu pour prévenir une atteinte à l'ordre public, force est de constater que le procès-verbal de saisine susvisé ne mentionne pas expressément dans lequel des cas visés par l'article 78-2 du code de procédure pénale le contrôle d'identité a été opéré ni ne caractérise spécifiquement, au vu du cas d'espèce, en quoi il existait un risque pour l'ordre public, notamment d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens, contestée par l'intéressé.
Force est de constater en conséquence que le contrôle d'identité ne présente effectivement pas les exigences légales nécessaires au contrôle du respect de sa régularité au regard des exigences de l'article 78-2 du CPP, et que cette irrégularité entâche la régularité de la procédure de rétention administrative.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et d'ordonner la libération de M. [T] [D] [Z].
- sur les frais irrépétibles :
Au regard de l'équité, et par application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu de condamner le préfet d'Ille et Vilaine au paiement de frais irrépétibles au conseil de M. [Z] .
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 24 décembre 2022 ayant ordonné la prolongation de la rétention de M. [T] [D] [Z] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours, à compter du 24 décembre 2022 à 12 heures05,
Statuant à nouveau,
Constatons la nullité du contrôle d'identité,
Ordonnons la remise en liberté de M. [T] [D] [Z],
Lui rappelons son obligation de quitter le territoire national sous peine de s'exposer aux sanctions prévues par les articles L824-3 et suivants du Ceseda,
Rejetons la demande formée par le conseil de l'étranger au titre des frais irrépétibles,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Fait à Rennes, le 28 Décembre 2022 à 12 heures 00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [D] [Z], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier