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27/01/2023 | FRANCE | N°19/07906

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 27 janvier 2023, 19/07906


2ème Chambre





ARRÊT N°41



N° RG 19/07906

N° Portalis DBVL-V-B7D-QJ3T













Mme [I] [S]



C/



M. [M] [C]

CRCAM 35



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE F

RANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,



GREFFIER :...

2ème Chambre

ARRÊT N°41

N° RG 19/07906

N° Portalis DBVL-V-B7D-QJ3T

Mme [I] [S]

C/

M. [M] [C]

CRCAM 35

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Octobre 2022

devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [I] [S]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7]

chez Madame [B] [Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Karine POSTOLLEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/014640 du 24/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉS :

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Karine HELOUVRY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000171 du 24/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 30 juin 2012, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (ci-après la Crédit agricole) d'Ille-et-Vilaine a consenti à M. [M] [C] et Mme [I] [S], épouse [C], un prêt personnel 'travaux' n°10000002291 d'un montant de 30 000 euros ,au taux débiteur annuel fixe de 3,45%, remboursable en 180 mensualités avec un différé de 36 mois.

Le 31 janvier 2016, ce prêt a fait l'objet d'un avenant sur le capital restant dû après l'échéance du 10 février 2016, d'un montant de 24 604,24 euros outre des frais de dossier, remboursable en 119 mensualités de 232,26 euros hors assurance et une dernière mensualité de 232,74 euros, au taux débiteur annuel fixe ramené à 2,05% l'an.

Suivant offre préalable acceptée le 27 juin 2014, le Crédit agricole a consenti à M. [M] [C] et Mme [I] [S] un prêt personnel 'permis à 1 euros par jour' n°10000142273 d'un montant de 1 200 euros remboursable en 40 mensualités de 30 euros hors assurance, au taux débiteur de 0%.

Aux termes d'un contrat en date du 13 mai 2014, Mme [I] [S] a ouvert un compte chèque n°46303305807 auprès du Crédit agricole, sans autorisation de découvert.

Les emprunteurs se sont montrés défaillants dans le remboursement des prêts à compter de décembre 2016. Le Crédit agricole les a, par courriers du 7 août 2017, vainement mis en demeure de régulariser la situation. Les comptes bancaires des époux [C] se sont également révélés débiteurs. Une nouvelle mise en demeure a été adressée par la banque aux époux [C], désormais séparés, par courriers recommandés avec avis de réception du 29 mai 2018.

Par actes des 18 et 30 juillet 2018, le Crédit agricole a fait assigner en paiement des sommes dues M. [M] [C] et Mme [I] [S] devant le tribunal d'instance de Saint-Malo.

Par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action en paiement de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine à l'encontre de M. [M] [C] et de Mme [I] [S] épouse [C],

- prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts contractuels de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine au titre du prêt personnel n°10000002291 consenti à M. [M] [C] et Mme [I] [S] épouse [C] selon offre préalable acceptée le 30 juin 2012, pour les intérêts contractuels à compter du 10 décembre 2016,

- condamné, en conséquence, M. [M] [C] et Mme [I] [S] épouse [C] à payer solidairement la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 23 466,16 euros, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 30 juillet 2018 en remboursement du crédit précité,

- condamné M. [M] [C] et Mme [I] [S] épouse [C] à payer solidairement à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 322,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018 sur la somme de 300 euros et à compter du présent jugement pour le surplus, en remboursement du crédit n°10000142273

- condamné Mme [I] [S] épouse [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 547,57 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre du solde débiteur du compte de dépôt à vue n°46303305807,

- condamné M. [M] [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 154,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre du solde débiteur du compte de dépôt à vue n°46303275681,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,

- rejeté le surplus des demandes principales et reconventionnelles des parties, y compris celle de dommages et intérêts, de report de paiement, et celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- mis les dépens à la charge in solidum de M. [M] [C] et Mme [I] [S] épouse [C],

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par acte du 9 décembre 2019, Mme [I] [S] a relevé appel de ce jugement et, au vu de ses dernières conclusions, notifiées le 23 août 2022, demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Malo le 15 octobre 2019,

Jugeant à nouveau,

Principalement,

- dire et juger nul et de nuls effets le contrat du 30 juin 2012 portant prêt n°291 à l'égard de Mme [S] puisque modifié par avenant non régularisé par cette dernière,

Subsidiairement,

- constater que le premier incident de paiement non régularisé du contrat du 30 juin 2012 date de mars 2016,

En conséquence,

- dire et juger forcloses les demandes formées par assignation de juillet 2018 à l'égard des prêts,

Plus subsidiairement,

- dire et juger que la Caisse de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine doit être déchue pour tous les prêts litigieux de tout droit aux intérêts conventionnels pour défaut de vérification de la solvabilité de l'emprunteur et de recherche au FICP,

- dire et juger injustifiées les déchéances du terme prononcées par la Caisse de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine dans tous les contrats en raison d'une absence d'information régulière de l'emprunteur défaillant,

En conséquence,

- dire et juger que les prêts continueront à s'exécuter,

- enjoindre à la Caisse de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine de produire un nouveau tableau d'amortissement pour chaque prêt mentionnant les sommes restant à rembourser en capital et intérêts (hors intérêts de retard bien évidemment dès lors que la déchéance du terme est illégale),

Encore plus subsidiairement,

- constater que le paiement notamment par Mme [S] de la somme de 128 634,54 euros auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine est intervenu le 31 juillet 2020,

En conséquence,

- dire que la demande en paiement formée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine est devenue sans objet et l'en débouter,

En tout état de cause,

- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel à payer à Mme [S] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la Caisse de crédit agricole mutuel de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de Mme [S],

- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel à payer à Me [V] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle,

- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 25 juillet 2022, M. [M] [C] forme appel incident et demande à la cour de :

À titre principal,

- réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Malo le 15 octobre 2019,

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts concernant le prêt à la consommation n°10000002291,

- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine à verser à M. [M] [C] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- constater que le paiement par M. [C] de la somme de 128 634,54 euros auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine est intervenu le 31 juillet 2020,

En conséquence,

- dire que la demande en paiement formée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine est devenue sans objet,

- débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine de toute demande en paiement formée à l'encontre de M. [C],

En tout état de cause,

- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine aux entiers dépens de l'instance.

Au vu de ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2022, le Crédit agricole demande à la cour de :

- débouter Mme [I] [S] de son appel et le dire mal-fondé ;

- débouter M. [M] [C] de son appel incident et le dire mal-fondé ;

- confirmer le jugement du tribunal d'instance de Saint-Malo du 15 octobre 2019 dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a prononcé une déchéance partielle du droit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine de son droit à percevoir les intérêts conventionnels et concernant les montants des sommes dues,

Ce faisant,

- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Mme [S],

- dire et juger que les demandes de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine sont recevables,

- condamner solidairement M. [C] et Mme [S] épouse [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 320,35 euros au titre du solde du prêt 291, suite au règlement intervenu de 26 292,60 euros, outre les intérêts postérieurs au 29 août 2022 au taux contractuel, et ce jusqu'à parfait paiement,

- condamner solidairement M. [C] et Mme [S] épouse [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 14,98 euros au titre du solde du prêt 273, suite au règlement intervenu de 324 euros, outre les intérêts postérieurs au 29 août 2022 au taux contractuel, et ce jusqu'à parfait paiement,

- condamner Mme [S] épouse [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 711,57 euros au titre du solde débiteur de son compte de dépôt à vue, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, et ce jusqu'à parfait paiement ;

- condamner M. [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 596,61 euros au titre du solde débiteur de son compte de dépôt à vue, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, et ce jusqu'à parfait paiement,

- dire que les intérêts échus depuis plus d'un an seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner solidairement M. [C] et Mme [S] épouse [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [C] et Mme [S] épouse [C] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 septembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la nullité du contrat de prêt 291:

Après avoir soutenu en première instance qu'elle n'avait jamais signé l'avenant réaménageant le prêt 291, le 31 janvier 2016, de sorte que ce prêt était nul à son égard, et alors que la banque a produit, en première instance, une copie de cet acte, Mme [S] persiste à dire, en appel, que le prêt consenti pour la somme de 30 000 euros est nul à son égard, l'avenant ne lui ayant jamais été communiqué. Elle ajoute que cet acte est intervenu dans le même temps que l'ordonnance de non conciliation, et alors que M. [C] s'était engagé à prendre à sa charge dans le cadre de la procédure de divorce, tous les prêts afférents à l'immeuble conjugal situé [Adresse 3], qu'elle ne l'a pas régularisé et qu'elle n'en a pas été destinataire.

M. [C] demande à la cour de débouter Mme [S] de cette demande, soulignant que l'avenant versé aux débats a bien été régularisé par celle-ci et n'est pas sujet à interprétation.

Cependant, comme le tribunal l'a relevé, l'avenant du 31 janvier 2016 qui a été communiqué à Mme [S] dans le cadre de la procédure de première instance le 28 mars 2019, comporte bien la signature de M. [C] et celle de Mme [S], épouse [C] à ce moment-là. C'est à juste titre que le tribunal, soulignant qu'en tout état de cause, l'absence de signature n'aurait pu qu'entraîner la nullité de l'avenant et non du contrat initial, a écarté ce moyen de nullité qui ne peut davantage prospérer en appel.

Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion des demandes en paiement :

La cour écartera les arguments développés par Mme [S] au soutien de ce moyen qui n'est pas repris par M. [C] qui s'en rapporte à justice sur ce point.

D'une part, il est établi que contrairement à ce qu'elle fait valoir pour soutenir la forclusion de la demande en paiement de la banque, Mme [S] a bien donné son accord au rééchelonnement du prêt. D'autre part, elle ne procède que par allégation, sans produire aucun élément, pour prétendre que la date du premier incident de paiement serait intervenue en mars 2016 au moment de la demande en divorce de M. [C] de sorte que la banque serait forclose en son action en paiement par assignation du 30 juillet 2018.

C'est par une juste analyse des relevés de comptes, de l'historique des règlements et de leur affectation que le tribunal a retenu comme premier incident de paiement non régularisé pour le prêt 291 la date du 10 décembre 2016 et pour le prêt 273 la date du 10 janvier 2017 et dès lors, considéré que le Crédit agricole était recevable en ses actions en paiement; Il sera rappelé au surplus, que la déchéance du terme, point de départ de la prescription de l'action en paiement sur le capital dû, a été prononcée le 26 août 2017de sorte que les assignations ayant été délivrées le 18 et le 30 juillet 2018, l'action de la banque pour le capital exigible est également recevable.

Sur le manquement au devoir d'alerte du prêteur :

Ce moyen n'est développé que par Mme [S], M. [C] constatant que le tribunal a relevé ce manquement de la banque tout en précisant qu'aucune sanction n'était prévu par les textes.

Mme [S] prétend quant à elle, que l'absence d'une information régulière de l'emprunteur défaillant ne permet pas au prêteur de prononcer l'exigibilité immédiate du prêt . Elle en conclut que la déchéance du terme a été prononcée illégalement par le Crédit agricole et que le prêt doit continuer à s'exécuter de sorte que la banque doit fournir un nouveau tableau d'amortissement mentionnant les sommes restant à rembourser en capital et intérêts.

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 311-22-2 devenu L. 312-36 du code de la consommation, ' dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d'informer celui-ci des risques qu'il encourt au titre des articles L. 321-24 et L. 321-25 du présent code ainsi que le cas échéant, au titre de l'article L. 141-3 du code des assurances.'

Mais si la banque ne justifie pas avoir alerté les emprunteurs des risques encourus, notamment de la possibilité d'exiger immédiatement le capital restant dû, dès la première défaillance dans le paiement des échéances du prêt, il est constant qu'elle a mis en demeure M. [C] et Mme [S], par courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 août 2017, de procéder, dans un délai de quinze jours, à une régularisation de leur situation sur la totalité des prêts consentis y compris les prêts litigieux, sous peine de déchéance du terme. En conséquence, la déchéance du terme prononcée par la banque par courrier du 26 août 2017 est intervenue plus de quinze jours après mise en demeure préalable. Elle est donc valable, nonobstant l'absence d'alerte sur la première défaillance, étant observé qu'aucune sanction n'est encourue par le prêteur de ce seul manquement.

Sur la vérification de la solvabilité des emprunteurs et la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ( FICP) :

Le tribunal a considéré que la banque avait insuffisamment apprécié la solvabilité des emprunteurs et ne justifiait pas avoir consulté préalablement le FICP . Il a sanctionné le Crédit agricole d'une déchéance partielle de son droit aux intérêts sur le prêt 291 à compter du 10 décembre 2016, le prêt 273 étant un prêt à taux zéro.

M. [C], mais également Mme [S] en appel, réclament la déchéance totale du prêteur de son droit aux intérêts pour le prêt 291 au motif que l'appréciation inexacte de la banque de leur situation de solvabilité a conduit à la souscription des contrats de prêts à la consommation alors qu'ils avaient déjà contracté auprès du Crédit agricole un prêt professionnel pour l'achat de leur fonds de commerce et deux prêts habitat pour un montant total de 152 600 euros.

Le Crédit agricole fait valoir en réponse qu'il résulte du dossier de financement et de la fiche de dialogue dressés préalablement à l'octroi des prêts litigieux, en juin 2012, que le taux d'endettement des époux [C] était de 38,62 % avec un revenu disponible de 1 553 euros par mois et un patrimoine valorisé à 151 000 euros et que ces documents laissent apparaître que les emprunteurs n'étaient pas inscrits au FICP.

L'article L. 311-9 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'instance, dispose qu''avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.' Il ajoute que le prêteur doit également consulter le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5.

Par application des dispositions de l'article L 311-48 dans sa rédaction applicable à la date du contrat, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La banque produit le dossier de financement sur les engagements professionnels en date du 1er juin 2012 et la fiche de dialogue établie préalablement au prêt travaux de 30 500 euros pour démontrer qu'elle a rempli ses obligations. Il en ressort que le Crédit agricole a collecté l'ensemble des éléments financiers concernant le couple, en énumérant les prêts contractés antérieurement et en prenant en compte leurs revenus mensuels mentionnés dans le dossier de financement. La banque a souligné que le premier bilan de l'activité de leur fonds de commerce de bar tabac presse était conforme au prévisionnel et que le prêt à la consommation sollicité devait servir à terminer les travaux des murs professionnels et privés de façon à permettre à M et Mme [C] d'y habiter et ainsi de faire une économie de loyer de 762 euros par mois.

Le Crédit agricole a également récapitulé les prêts immobiliers, professionnels et autres en cours avec leurs échéances de remboursement et leur terme. Il a procédé à une évaluation du patrimoine immobilier et de l'épargne du couple pour un montant de 151 000 euros. C'est donc à tort que le tribunal a considéré que la banque avait insuffisamment vérifié la solvabilité des emprunteurs avant de leur consentir les prêts litigieux.

En revanche, la banque ne justifie pas en appel, pas plus qu'elle ne l'a fait en première instance, de la consultation préalable du FICP. L'affirmation selon laquelle il ressort de la fiche de dialogue et du dossier de financement que les époux [C] n'étaient pas inscrits au FICP ne peut suffire à combler sa carence dans la preuve qui lui incombe du respect de cette obligation.

Les autres causes de déchéances invoquées sans succès par Mme [S] devant le tribunal n'étant pas reprises devant la cour, il s'ensuit que la déchéance de la banque de son droit aux intérêts n'est encourue qu'à raison du non respect de la consultation du FICP. Compte tenu du fait qu'elle a procédé à une vérification de la solvabilité de M et Mme [C] avant l'octroi du prêt 291, et qu'aucun incident n'avait émaillé le remboursement des prêts antérieurement consentis, le préjudice résultant de ce manquement apparaît faible. Le jugement sera cependant confirmé en ce qu'il a déchu la banque de son droit aux intérêts à compter du 10 décembre 2016 pour le prêt 291, le montant total des intérêts conventionnels concernés par la déchéance étant inférieur à 2 300 euros.

Sur l'obligation de mise en garde :

En appel, M. [C] rejoint Mme [S] dans son argumentation sur une faute du Crédit agricole à ne pas les avoir suffisamment mis en garde des risques d'endettement excessif à raison de l'octroi des prêts. Le tribunal qui n'était saisi de ce moyen que par Mme [S] a considéré que celle-ci, comptable de profession, était un emprunteur averti, capable d'apprécier les opérations de crédit en cause qui ne revêtaient aucune complexité et que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.

Le devoir de mise en garde n'est dû en effet par le banquier que s'il apparaît que le crédit sollicité est excessif et fait courir un risque d'endettement à l'emprunteur non averti .

En appel, Mme [S] conteste la qualité d'emprunteur averti. Elle fait valoir qu'elle n'était pas une spécialiste du milieu bancaire et le fait qu'elle ait une formation de comptable ne lui permettait pas nécessairement de mesurer les risques pris.

Il sera rappelé que l'emprunteur averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours qui lui ont été consentis. Comme le souligne le Crédit agricole, Mme [S] était responsable comptable au moment de l'achat le 5 avril 2011 du fonds de commerce et du bien immobilier d'habitation et de commerce . Elle était donc en mesure d'apprécier le contenu et la portée des prêts souscrits le 30 juin 2012 et ainsi de mesurer les risques qui pouvaient en découler. La banque n'était nullement tenue à une obligation de mise en garde à son égard.

Par contre, le Crédit agricole échoue à rapporter la preuve de la qualité d'emprunteur averti de M. [C] qui ne peut résulter de sa qualité de gérant du bar tabac presse, profession qu'il exerçait depuis un peu plus d'un an seulement. En conséquence, la banque se devait de le mettre en garde si l'opération faisait naître un risque d'endettement excessif .

Les époux [C] étaient mariés sous le régime de la communauté universelle à la suite d'un changement de régime matrimonial en 2004. L'ensemble des biens du couple doit donc être pris en compte pour apprécier le risque d'endettement né de l'octroi des prêts litigieux. Il résulte de la fiche de dialogue établie par la banque que M. [C] et Mme [S] disposaient d'un patrimoine composé d'un immeuble d'habitation et d'une épargne pour un montant total de 151 000 euros. Ils étaient propriétaires du fonds de commerce acquis pour la somme de 35 000 euros l'année précédente. En 2012, leurs revenus étaient indiqués pour la somme de 2 580 euros par mois. L'ensemble des prêts en cours au mois de juin 2012, souscrits par les époux [C] s'élevaient à la somme de 190 462 euros. Il s'avère donc que les prêts litigieux d'un montant total de 31 200 euros, s'ajoutant à l'ensemble des prêts en cours, faisaient effectivement naître un risque d'endettement excessif. Le Crédit agricole était donc tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de M. [C].

Cependant, le préjudice résultant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde consiste dans la perte de chance de ne pas contracter. Or, il sera rappelé que le prêt de 30 000 euros a été consenti pour terminer les travaux et permettre aux époux [C] d'habiter les lieux, et de faire ainsi une économie de loyer de 762 euros par mois. Compte tenu de ces éléments, la perte de chance de ne pas contracter, même correctement mis en garde sur les risques d'endettement, était minime de sorte que le préjudice ne peut être indemnisé à hauteur de la somme de 30 000 euros comme le réclame M. [C]. Il sera justement réparé par l'allocation de la somme de 2 000 euros et la banque condamnée au paiement de cette somme.

Sur les soldes débiteurs des comptes :

Après avoir retenu que l'action en paiement de la banque pour le solde des comptes bancaires était recevable , le tribunal a considéré que le solde du compte détenu par Mme [S] comme celui du compte détenu par M. [C] était resté débiteur pendant plus de trois mois de sorte que la banque devait en application des articles L. 312-92 à L312-94 du code de la consommation , faire une offre de crédit à chacun des titulaires du compte. En l'absence d'une telle offre, le premier juge a déchu totalement le Crédit agricole de son droit aux intérêts à compter du 13 mai 2017 pour Mme [S] et du 10 novembre 2016 pour M. [C]. Il a donc :

- condamné Mme [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 547,57 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre du solde débiteur du compte de dépôt à vue n°46303305807,

- condamné M. [M] [C] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 154,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre du solde débiteur du compte de dépôt à vue n°46303275681,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Ni Mme [S] appelante principale, ni M. [C] appelant incident ne remettent en cause en appel les dispositions du jugement sur les condamnations prononcées à leur encontre au titre des soldes débiteurs de leur compte bancaire ouvert dans les livres du Crédit agricole. Leurs demandes se cantonnent aux seuls prêts à la consommation.

Le Crédit agricole sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a été déchu partiellement de son droit aux intérêts conventionnels et concernant le montant des condamnations. S'il demande dans le dispositif des conclusions la condamnation de Mme [S] au paiement de la somme de 1 711,57 euros et celle de M. [C] au paiement de la somme de 3 596,61 euros outre les intérêts au taux légal à compter du jugement , il ne critique toutefois pas le jugement sur ce point dans ses écritures ni n'énonce de moyens au soutien de cette prétention alors que le premier juge n'a pas prononcé de condamnations à hauteur des montants qu'il réclamait. Il s'ensuit que la cour ne peut que confirmer le jugement sur les condamnations prononcées au titre du solde débiteur des comptes.

Sur les sommes dues à la banque au titre des prêts :

Il est constant que le bien immobilier appartenant à M. [C] et Mme [S] a été vendu le 29 juillet 2010 pour la somme de 210 000 euros. Sur cette somme, il est justifié du règlement par le notaire de la somme de 128 634,54 euros au Crédit agricole en remboursement des crédits hypothécaires.

M. [C] comme Mme [S] soutiennent qu'ils ne doivent plus aucune somme à la banque depuis ce versement.

Le Crédit agricole soutient qu'il lui reste dû la somme de 1 320, 35 euros au titre du prêt 291 et la somme de 14,98 euros au titre du prêt 273. Alors qu'il sollicite la confirmation du jugement du tribunal d'instance dans l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déchu partiellement de ses droits et concernant les montants, le Crédit agricole part, pour établir son décompte des sommes réclamées, des condamnations prononcées par le tribunal d'instance, soit la somme de 23 466,16 euros au titre du prêt 291, assortie des intérêts au taux légal non majoré à compter du 30 juillet 2018 et la somme de 322,18 euros au titre du prêt 273, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018 sur la somme de 300 euros et à compter du jugement sur le surplus.

Il verse un décompte arrêté au 29 août 2022 mentionnant que sur le prêt 291, il était dû au 7 août 2017 la somme de 23 466,16 euros et qu'au 14 septembre 2021, les intérêts sur cette somme s'élevaient à 1 975,63 euros. Il était donc dû au Crédit agricole la somme totale de 25 441,79 euros. Il indique avoir perçu la somme totale de 26 292,60 euros à la suite de procédures d'exécution au 14 septembre 2021. Il reporte le trop perçu sur un deuxième décompte constitué des intérêts normaux pour 345,31 euros, des intérêts de retard pour 148,64 euros et de l'indemnité forfaitaire pour 1 677,21 euros.

Or, le Crédit agricole n'explique pas comment, alors qu'il retient les condamnations prononcées par le tribunal et ne développe aucun argument sur l'indemnité de défaillance qui a été écartée par le premier juge, il aboutit aux montants des sommes réclamées. La cour confirmant la déchéance partielle du droit aux intérêts prononcée par le tribunal, il s'ensuit qu'aucune somme n'est due par M. [C] et Mme [S] au titre du prêt 291 après imputation des paiements qu'ils ont effectués. Il en est de même pour le prêt 273, le décompte produit mentionnant un paiement des emprunteurs supérieur à la somme due, telle qu'elle résulte du jugement déféré dont la banque a tenu compte pour ses décomptes. Le Crédit agricole sera donc débouté de ces demandes en appel au titre des prêts à la consommation consentis le 30 juin 2012 et le 27 juin 2014.

Sur les demandes accessoires :

Mme [S] qui succombe en son appel supportera la charge des dépens.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni qu'il soit alloué une somme au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle au conseil de Mme [S].

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Malo le 15 octobre 2019,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer à M. [M] [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde,

Constate que les prêts 291 et 273 ont été acquittés par les paiements effectués le 14 septembre 2021 par M. [M] [C] et Mme [I] [S],

Déboute en conséquence le Crédit agricole de ses demandes en appel au titre des soldes dus sur ces prêts,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamne Mme [I] [S] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07906
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.07906 ?
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