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07/02/2023 | FRANCE | N°20/04360

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 février 2023, 20/04360


1ère Chambre





ARRÊT N°38/2023



N° RG 20/04360 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q5FZ













Mme [C] [T]

M. [Z] [R]

M. [E] [R]



C/



M. [W] [N]

M. [O] [N]

M. [G] [N]

M. [P] [N]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Présidente : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, entendue en son rapport,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COU...

1ère Chambre

ARRÊT N°38/2023

N° RG 20/04360 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q5FZ

Mme [C] [T]

M. [Z] [R]

M. [E] [R]

C/

M. [W] [N]

M. [O] [N]

M. [G] [N]

M. [P] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Présidente : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Novembre 2022 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Février 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 17 Janvier 2023 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [C] [T]

née le 25 Juin 1942 à [Localité 23]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

Représentée par Me Armelle PRIMA-DUGAST, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patrick-Alain LAYNAUD de la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO DINAN

Monsieur [Z] [R]

né le 02 Décembre 1976 à [Localité 24]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Armelle PRIMA-DUGAST, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Patrick-Alain LAYNAUD de la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO DINAN

Monsieur [E] [R]

né le 26 Mars 1981 à [Localité 24]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représenté par Me Armelle PRIMA-DUGAST, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Patrick-Alain LAYNAUD de la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO DINAN

INTIMÉS :

Monsieur [W] [N]

né le 29 Octobre 1942 à [Localité 15]

[Adresse 19]

[Adresse 19]

Représenté par Me Marc-Etienne VERDIER de la SCP VERDIER-MARTIN, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [O] [N]

né le 31 Octobre 1971 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Marc-Etienne VERDIER de la SCP VERDIER-MARTIN, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [G] [N]

né le 08 Novembre 1975 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Marc-Etienne VERDIER de la SCP VERDIER-MARTIN, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [P] [N]

né le 30 Juillet 1978 à [Localité 24]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Marc-Etienne VERDIER de la SCP VERDIER-MARTIN, avocat au barreau de RENNES

agissant tous en leur qualité d'ayants droit de Mme [V] [R] épouse [N]

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] [R] est décédé le 9 novembre 1982 en laissant pour lui succéder son épouse survivante Mme [A] [B] et ses deux enfants [D] [R] et [V] [R].

Mme [A] [B] est elle-même décédée le 22 septembre 2010.

Elle a laissé pour recueillir sa succession :

-sa fille [V] [R] épouse [N].

-son fils [D] [R], lui-même décédé le 14 octobre 2013, à la succession duquel viennent par représentation :

* son épouse Mme [C] [T] veuve [R],

* son fils [F] [R]. Ce dernier est décédé le 13 janvier 2016, en laissant pour lui succéder ses deux enfants : [Z] [R] et [E] [R].

La succession de [A] [B] veuve [R] se compose de plusieurs biens immobiliers (maisons et parcelles) ainsi que d'avoirs bancaires.

Les opérations de succession ont été confiées à Me [J], notaire à [Localité 8], qui a adressé aux héritiers plusieurs projets de liquidation dont un dernier en avril 2017 rendant compte des donations dont les enfants des défunts ont bénéficié :

- donation consentie à M. [D] [R] le 30 janvier 1972 d'un montant de 52 300 €,

- Donation consentie à Mme [V] [N] le 30 octobre 1972 d'un montant de 20 000 €,

- Donation consentie à M. [D] [R] le 30 septembre 1976 d'un montant de 50 000 €, 92 000 € et 80 000 €.

Après valorisation des biens immobiliers et réintégration des donations, l'aperçu liquidatif fait état d'un actif de succession à hauteur de 455 891,93 €.

La masse passive a été évaluée à hauteur de 122 887 € après intégration des créances de salaires différés suivantes :

- Pour M. [D] [R] : 1 an et 9 mois soit 23 684.00 €,

- Pour Mme [V] [R] : 7 ans et 4 mois soit 99 203.00 €,

La répartition des droits était donc proposée de la façon suivante :

- Aux consorts [R] une répartition à hauteur de 63 036.47 €

- A [V] [N] tenant compte des donations et de la créance de salaire différé la somme de 392 855.47 €.

Par courrier du 18 mai 2017, le conseil de Mme [N] a contesté ce projet en adressant au notaire différentes observations portant notamment sur la revalorisation de plusieurs biens immobiliers.

Les consorts [R] n'ont eux-mêmes pas approuvé ce projet.

Dès lors, après plusieurs tentatives infructueuses de négociation, Me [J] a établi le 4 juillet 2017 un procès-verbal de dires constatant l'échec de sa mission amiable, renvoyant les parties à saisir la juridiction compétente afin que soit ordonné le partage judiciaire.

Par acte d'huissier en date des 13 octobre, 6 novembre et 17 novembre 2017, Mme [V] [R] épouse [N] a saisi le tribunal de grande instance de Rennes afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [A] [B] veuve [R].

Par jugement du 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a :

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [D] [I] [K] [R] et de Mme [A] [U] [K] [M] [B] épouse [R] ainsi que de la communauté ayant existé entre eux ;

- Commis pour y procéder le président de la chambre des notaires d'[Localité 13], avec faculté de délégation et de remplacement à l'exception de maître [X] [J], notaire à [Localité 8] ;

- Commis le juge de la mise en état de la 2ème chambre du tribunal de grande instancede Rennes pour surveiller ces opérations ;

- Dit qu'en cas d'empêchement des juge et notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance rendue à la demande de la partie la plus diligente ;

- Constaté l'accord des parties sur la valorisation de la parcelle [Localité 20] [Cadastre 29] et [Cadastre 2] à [Localité 22] à 50.000 € ;

- Fixé la valeur du bien immobilier situé [Adresse 4] [Cadastre 32] à [Localité 22] à 200.000 € ;

- Fixé la valeur du bien immobilier situé [Localité 12] [Cadastre 33] à [Localité 22] à 20.000 € ;

- Constaté l'accord des parties sur la valorisation des parcelles situées à La Renoulais en [Localité 22] (ZO 20, 21,22) à 6.510 € ;

- Fixé la valeur des parcelles situées [Localité 21] [Cadastre 30] à [Localité 22] à 100.000 € ;

- Dit que la parcelle [Cadastre 35] [Localité 16] à [Localité 22] devra être réévaluée par le notaire commis ;

- Fixé le montant du rapport dû à la succession du fait de la donation consentie à Mme [V] [R] épouse [N] le 30 octobre 1972 à 20.000 € ;

- Fixé le montant du rapport dû à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 septembre 1976 à la somme de 222.000 € ;

- Fixé le montant du rapport dû à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 janvier 1972 portant sur le jardin situé [Localité 17], à [Localité 22], à la somme de 62.500 € ;

- Rejeté le surplus des demandes ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Ordonné l'emp1oi des dépens en frais privilégiés de partage.

Mme [V] [N] est décédée le 9 mars 2020 en laissant pour lui succéder :

- M. [W] [N], son époux

- M. [O] [N], M. [G] [N] et M. [P] [N], ses fils.

Ces derniers interviennent désormais à la procédure en leur qualité d'ayant-droits de leur mère décédée.

Suivant déclaration au greffe du 15 septembre 2020, Mme [C] [T], M. [Z] [R] et M. [E] [R] ont relevé appel du jugement en ce qu'il a :

*Fixé la valeur du bien immobilier situé [Adresse 4] [Cadastre 32] à [Localité 22] à 200.000 € ;

*Fixé la valeur des parcelles situées [Localité 21] [Cadastre 30] à [Localité 22] à 100.000 €;

*Fixé le montant du rapport dû à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 septembre 1976 à la somme de 222.000 € ;

*Fixé le montant du rapport dû à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 janvier 1972 portant sur le jardin situé [Localité 17] à [Localité 22] à la somme de 62.500 € ;

*Rejeté le surplus des demandes notamment celles portant sur le rapport à la succession des autres donations ayant bénéficié à Mme [V] [R] épouse [N] et la créance de salaires différés de cette dernière.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 11 juin 2021, auxquelle il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] (ci-après les consorts [R]) demandent à la cour de :

- Débouter les consorts [N] de tout droit sur la succession de M. [D] [R] fils et de Mme [A] [B],

A titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il a :

* Fixé la valeur du bien immobilier situé [Adresse 4] [Cadastre 32] à [Localité 22] à 200.000 €,

*Fixé la valeur des parcelles situées [Localité 21] [Cadastre 30] à [Localité 22] à 100.000 €,

*Fixé le montant du rapport à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 septembre 1976 à la somme de 222 000 €,

*Fixé le montant du rapport dû à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 janvier 1972 portant sur le jardin situé [Localité 17] à [Localité 22] à la somme de 62 500 €,

*Rejeté le surplus des demandes en particulier celles portant sur les autres donations dont Mme [V] [R] épouse [N] a bénéficié, formulées dans les conclusions récapitulatives n°2 des appelants devant le tribunal de grande instance en page 12, 13 et 14 et celles portant sur la créance de salaires différés de Mme [V] [R],

Statuant à nouveau ;

- Débouter les consorts [N] de leur demande de rapport à la succession de la donation du 30 Septembre 1976 au profit de M.[D] [R], portant sur le bien situé [Localité 17] à [Localité 22],

- Ordonner au notaire d'évaluer la valeur du terrain cadastré [Cadastre 34] [Localité 21],

- Débouter les consorts [N] de leur demande de rapport à la succession de la donation du 30 janvier 1972 au profit de M. [D] [R] portant sur le jardin situé [Localité 17] à [Localité 22],

- Ordonner le rapport à la succession des donations reçues par Mme [N] à hauteur de 66 972 €,

- Ordonner au notaire commis d'écarter toute créance de salaire différé sollicitée par les consorts [N],

- Condamner les consorts [N] à verser aux consorts [R] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts,

- Débouter les consorts [N] de leurs demandes reconventionnelles,

- Condamner les consorts [N] à verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 12 mars 2021, M. [W] [N], M. [O] [N], M. [G] [N] et M. [P] [N] (ci-après les consorts [N]) demandent à la cour de :

- De débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs prétentions,

- De confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qui concerne l'évaluation des immeubles devant être rapportés à la succession ainsi que l'ensemble des dispositions concernant le rapport à succession des donations,

- De condamner les consorts [R] à verser aux consorts [N] une indemnité de dommages et intérêts d'un montant de 15 000 €,

- De condamner les mêmes à verser une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- De dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur la créance de salaire différé de Mme [V] [R] épouse [N]

Dans le projet de partage amiable figure au passif de la succession une créance de salaires différés au bénéfice de Mme [V] [R] épouse [N] d'un montant de 99.203 €.

Comme en première instance, les consorts [R] demandent qu'il soit constaté que les créances de salaires différés sont prescrites en application des dispositions de l'article 2224 du Code civil et par conséquent qu'il soit ordonné au notaire d'écarter toute créance de salaires différés sollicitée par les consorts [N].

Le tribunal a toutefois considéré à juste titre qu'il n'y avait pas lieu de répondre à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par les consorts [R] dés lors qu'il n'était saisi d'aucune demande en fixation d' une créance de salaires différés par les consorts [N].

La cour constate qu'elle n'est pas davantage saisie d'une telle demande. Il sera rappelé que la fin de non-recevoir est définie par l'article 122 du code de procédure civile comme tout moyen tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande.

En l'absence de demande, l'examen de la fin de non-recevoir doit effectivement être considérée comme sans objet. La demande tendant à ordonner au notaire saisi du partage d'écarter toute créance de salaires différés sollicitée par les consorts [N] sera donc rejetée.

2°/ Sur la valorisation des biens immobiliers composant la succession

a. S'agissant de [18] sise [Adresse 4] [Cadastre 32] à [Localité 22]

Dans la proposition de partage d'avril 2017, le notaire avait valorisé cet actif composé d'une maison, de la parcelle [Cadastre 31] située en zone UE, d'un terrain avec le hangar situé en zone lAU outre un terrain situé en zone N, à la somme de 200.000 €. Le premier juge a retenu cette valorisation.

Mme [V] [R] veuve [N] faisait valoir que la valeur de la maison se situait entre 165.000 € /170.000 €, tandis que les consorts [R] demandaient une valorisation à hauteur de 230.000 € en se référant à une estimation datée du 22 octobre 2018 .

Il ressort de l'article 829 du code civil qu'en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date la plus proche possible du partage.

L'estimation la plus proche du partage dont la cour dispose est celle produite par les consorts [R] établie le 22 octobre 2018 par l'agence immobilière Lemoine Beunet.

Au regard de l'évolution du marché immobilier en Bretagne notamment depuis la crise sanitaire, il est peu probable que le bien ait perdu de sa valeur depuis l'estimation du notaire en 2017.

Au contraire, une valorisation à hauteur de 230.000 € est cohérente et sera donc retenue. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce sens.

b. S'agissant de l'estimation des parcelles situées [Localité 21] ([Cadastre 30]) à [Localité 22]

Le projet d'acte de partage avait retenu une valorisation à hauteur de 100.000 €, que le tribunal a validé en considérant que les consorts [R], qui contestaient ce chiffrage eu égard à la situation du terrain en zone urbaine commerciale, artisanale et industrielle et aux nombreux atouts de la parcelle, n'apportaient aucun élément au soutien de leurs allégations.

En appel, les consorts [R] font de nouveau valoir qu'«une estimation récente par une agence immobilière a permis d'établir que le terrain qui est constructible a une valeur estimée entre 100 000 et 120 000 € ».

Cependant, à l'instar du tribunal, la cour ne dispose d'aucune pièce relative à la situation et à la configuration de ce terrain (dont le projet de partage précise qu'il est situé pour partie en zone UE et pour partie en zone N au PLU de la commune). L'estimation dont les consorts [R] entendent se prévaloir n'est pas produite.

Les consorts [R] n'apportent donc aucun élément permettant de contester utilement la valeur de 100.000 € retenue par le tribunal, qu'il convient de confirmer sur ce point.

3°/ Sur les rapports de donations à la succession

Selon les termes de l'article 860 alinéas 1 et 2 du Code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état au moment de la donation, et si le bien donné a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation.

a. S'agissant de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 septembre 1976

Le projet de partage mentionne une donation rapportable à hauteur de 222.000 € décomposée comme suit :

- maison de [Localité 17] à [Localité 22] : vendue 68.602,06 € (450.000 Frs)

en 1996. Valeur retenue pour le rapport à succession en tenant compte des travaux réalisés par M. [D] [R] : 50.000 €.

- parcelle [Cadastre 27] : vendue 92.000 €

- parcelle [Cadastre 28] : en vente à 80.000 €.

En cause d'appel, les consorts [R] font désormais valoir qu'aucun rapport ne serait dû en ce que [D] [R] avait déjà rétabli l'égalité du partage en compensant la donation reçue au moyen d'un chèque d'un montant de 45.000 francs, devant être remis à sa soeur par l'intermédiaire du notaire en janvier 1984 puis d'un prêt ultérieur d'un montant de 4.000 francs dont il était convenu qu'il serait « à régler sur la succession ». Dans un courrier du 13 novembre 1984, [D] [R] évoquait également la vente de la propriété des Courbettières dont il entendait remettre sa part du prix à sa s'ur [V].

Les consorts [R] reprochent à [V] [R] épouse [N] d'avoir dissimulé 'cet accord verbal', ce qui serait selon eux constitutif d'un dol et d'un recel successoral.

Les consorts [N] réfutent fermement l'ensemble de cette argumentation.

De fait, ces éléments qui n'avaient pas été évoqués en première instance, reposent exclusivement sur les correspondances que [D] [R] aurait adressées au notaire et à sa s'ur. Il n'est justifié ni de l'envoi de ces courriers, ni d'aucun écrit en réponse de la part de l'Étude notariale ou de [V] [R] épouse [N]. Par ailleurs, l'encaissement du chèque de 45.000 francs, le déblocage du prêt évoqué, pas plus que de la remise de la moitié du prix de vente de la propriété des Courbettières ne ressortent d'aucune pièce.

Au total, les consorts [R] n'apportent aucune preuve de l'existence de l'« accord verbal » allégué.

Partant, aucun dol ni recel successoral ne pourraient être retenus, la cour n'étant en tout état de cause saisie d'aucune demande à ce titre dans le dispositif des conclusions.

A titre subsidiaire, les consorts [R] reprennent tout aussi vainement leur argumentation de première instance, aux termes de laquelle ils considéraient que le rapport à succession était largement surévalué au regard du très mauvais état dans lequel se trouvait le bien au moment de la donation.

Ils expliquent à nouveau que [D] [R] avait reçu la parcelle [Cadastre 26] non lotie et non viabilisée, qu'il avait par ailleurs effectué d'importants travaux dans la maison, laquelle était évaluée lors de la donation à 50.000 francs soit un équivalent de pouvoir d'achat de 31.594 € en 2017 en tenant compte de l'érosion monétaire, ce qui correspond à une valorisation pour un immeuble particulièrement dégradé.

Ils estiment qu'une valeur de 50.000 € pour la maison est donc excessive et ils réclament à nouveau que le rapport à la succession de l'ensemble de la donation (maison, parcelles [Cadastre 27] et [Cadastre 28]) soit fixé à 145.000€.

Or, compte tenu du montant total du rapport que les consorts [R] estiment devoir (à hauteur de 145.000 €) et dans la mesure où la valeur rapportable des terrains (92.000 € + 80.000 €) n'a jamais été contestée par ces derniers, il s'en déduit que d'après les appelants, la maison litigieuse ne pourrait valoir que 27.000 €, d'après son état au moment de la donation, ce qui s'avère particulièrement faible, ne serait-ce qu'au regard de la seule valeur du terrain.

Par ailleurs, les consorts [R] soutiennnent que l'état très dégradé de la maison lors de la donation se déduit de l'importance des travaux de rénovation réalisés postérieurement. Toutefois au soutien de cette argumentation, ils ne communiquent qu'un simple devis descriptif non signé établi par l'entreprise Lair, un plan d'aménagement intérieur et une demande de permis de construire pour des travaux de rénovation et d'extension de la maison.

L'ampleur des travaux effectivement réalisés ne ressort d'aucune des pièces produites.

Ainsi comme l'a pertinemment retenu le tribunal, les consorts [R] n'apportent aucun élément suffisant pour déterminer l'état du bien au jour de la donation et remettre en cause l'évaluation retenue par le notaire lequel avait précisé dans son projet de partage que la valorisation était faite en tenant compte des travaux réalisés.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a fixé le rapport à succession à hauteur de 222.000 €.

b. S'agissant de la donation consentie à M. [D] [R] le 30 janvier 1972 portant sur un jardin cadastré [Cadastre 9] à [Localité 17] à [Localité 22]

Le projet de partage avait évalué à 52.300 € le montant du rapport à succession, en précisant que lors de la donation, la parcelle avait été évaluée à 1.000 francs et qu'elle avait ensuite été réunie à la parcelle [Cadastre 11] (acquise le 7 décembre 1972 pour 700 francs) afin de former la parcelle [Cadastre 25] qui a été revendue au prix de 89.000 € le 24 mars 2012.

Devant le tribunal, Mme [V] [R] épouse [N] avait contesté ce montant en faisant valoir que la parcelle [Cadastre 25] (qui a réuni les parcelles [Cadastre 10] objet de la donation, et [Cadastre 11] acquise par M. [D] [R]) était désormais constructible, de sorte que sa valeur devait être majorée.

Les consorts [R] avaient admis une valeur majorée à hauteur de 62.500 €.

En cause d'appel, les consorts [R] considèrent comme précédemment que plus aucun rapport ne serait dû, en expliquant que cette parcelle faisait partie de l'accord verbal passé en 1984 entre [D] [R] et sa s'ur [V] [R] épouse [N].

Pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés, la cour considère que cette argumentation est totalement dénuée de fondement.

Le montant du rapport à la succession au titre de la donation consentie à M. [D] [R] en 1972 portant sur le jardin situé [Localité 17] à [Localité 22] sera par conséquent 'xé à 62.500 €. Le jugement sera confirmé de ce chef.

c. S'agissant des autres donations dont Mme [V] [R] épouse [N] aurait bénéficié

Aux termes de développements confus qui ne sont étayés par aucune pièce probante, les consorts [R] font vainement valoir que [V] [R] épouse [N] a bénéficié de divers avantages devant s'analyser comme des donations rapportables.

Il est tout d'abord fait état d'une occupation de logement à titre gratuit pendant plus de trente ans et d'un loyer pouvant être évalué à hauteur de 200 € par mois. La somme ayant bénéficié à Mme [N] au titre des loyers non payés est estimée à 72.000 €.

Cependant, la jouissance exclusive de ce bien pendant la période considérée et le montant du loyer allégué ne sont établis par aucun élément probant. La cour ne saurait notamment être convaincue du non paiement des loyers par l'attestation de M. [L] [R] qui indique contre l'évidence n'avoir aucun lien de famille avec les consorts [R], de sorte que son objectivité ne peut qu'être mise en doute.

Il est également fait état, sans aucune preuve, d'une donation déguisée en 1999, lors de la vente aux époux [N] de la maison du Haut Verrion appartenant aux parents [R], pour laquelle [A] [B] n'aurait reçu que la somme de 8 000 francs outre qu'elle aurait financé la réfection de la toiture au seul bénéfice de Mme [N].

Ces allégations ne sont pas sérieuses, à l'image de l'attestation de Mme [Y], censée faire la preuve des travaux financés par [A] [B] au profit de sa fille, aux termes de laquelle il est seulement indiqué « j'ai entendu dire par Mme [A] [R] qu'elle avait payé la réfection de la toiture de la ferme de Haut Verrion ».

Il est enfin fait état, à partir des notes manuscrites de [D] [R] et sans aucune autre pièce justificative de «dons exceptionnels au profit de Mme [V] [N] : une chambre à coucher, du mobilier, un véhicule 2CV Citroën, vache et un apport à la vente des Cormiers », outre du fait que «les parents [R] avaient continué à travailler sur l'exploitation agricole au profit de leur fille ». Le rapport de ces donations indirectes est sollicité à hauteur de 10.000 €.

A toutes fins, il est relevé que dans le dispositif des conclusions, le rapport est sollicité pour la somme totale de 66. 972 €, ce qui ne correspond pas aux motifs des conclusions où en page 10 et 11, le rapport étant sollicité pour 72.000 € et 10.000 €.

Au total, c'est à juste titre que le tribunal a débouté les consorts [R] de cette demande de rapport, non justifiée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

4°/ Sur les demandes de dommages et intérêts

a. S'agissant de la demande de dommages-et-intérêts des consorts [R]

Considérant que [V] [N] n'avait pas seulement cherché à obtenir le partage le plus favorable pour elle mais qu'elle avait aussi, en usant de mensonges, dissimulations et omissions, tenté de réduire à néant l'héritage de sa belle-famille, les consorts [R] réclament la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

Cependant, aucune faute n'étant établie et le préjudice allégué n'étant justifié par aucun élément, les consorts [R] ne pourront qu'être déboutés de cette demande.

b. S'agissant de la demande de dommages-et-intérêts des consorts [N]

Exposant que les consorts [R] ont fondé leur argumentaire sur des propos mensongers, injurieux et diffamants dans l'objectif de se soustraire à l'obligation de rapport, qu'ils ont toujours refusé le règlement amiable de la succession et de reconnaître les droits légitimes de [V] [R] épouse [N], les consorts [N] entendent former à titre reconventionnel une demande de dommages-et-intérêts à hauteur de 15.000 €.

Les consorts [R] ont soutenu à plusieurs reprises que [V] [R] aurait dissimulé un accord verbal pour tenter d'obtenir un partage en sa faveur, qu'elle se serait par conséquent rendue coupable de faits constitutifs de « dol » et de « recel » (page 6 et page 11 des conclusions) et qu'elle se serait à tout le moins livrée à des « mensonges, omissions et dissimulations » pour réduire à néant les droits successoraux des consorts [R] (page 13 des conclusions).

Il doit être considéré que ces allégations précises, réitérées et graves dont la réalité n'a cependant nullement été démontrée revêtent un caractère injurieux à l'égard de feue [V] [R] épouse [N].

Ces propos fautifs qui ont été développés en appel, alors que [V] [R] était décédée, ont porté atteinte à la mémoire de la défunte que ses héritiers ont été obligés de défendre, au delà des seuls aspects patrimoniaux du litige. Il en est résulté pour eux un préjudice moral certain, que la cour évalue à 3.000 €.

Par conséquent, Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] seront condamnés in solidum à payer aux consorts [N] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

5°/ Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Les consorts [R] qui succombent en cause d'appel seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles et condamnés in solidum à payer à M. [W] [N], M. [O] [N], M. [G] [N] et M. [P] [N] la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Rejette la demande tendant à ordonner au notaire saisi du partage d'écarter toute créance de salaires différés sollicitée par les consorts [N] ;

Confirme le jugement rendu le 28 février 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes sauf en ce qu'il a fixé la valeur du bien immobilier dit [18] sise [Adresse 4] [Cadastre 31] à [Localité 22] à la somme de 200.000 €,

Statuant à nouveau de ce chef :

Fixe la valeur du bien immobilier dit [18] sis au [Adresse 4] [Cadastre 31] à [Localité 22] à la somme de 230.000 € ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] de leur demande de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] à payer à M. [W] [N], M. [O] [N], M. [G] [N] et M. [P] [N] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Déboute Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [C] [T] épouse [R], M. [Z] [R] et M. [E] [R] à payer à M. [W] [N], M. [O] [N], M. [G] [N] et M. [P] [N] la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/04360
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;20.04360 ?
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